Au lieu du suivi individuel renforcé, une “attestation d’absence de contre-indications” suffira pour certains travailleurs

29/04/2025

À compter du 1er octobre 2025, les travailleurs affectés à un poste “pouvant nécessiter une autorisation de conduite ou une habilitation électrique” ne feront plus partie de ceux bénéficiant d’un suivi individuel renforcé par le service de santé au travail. Une nouvelle attestation devra être délivrée par les médecins du travail, qui revient à décider d’une aptitude médicale à une fonction, ce qui est “tout à fait contraire à nos pratiques”, s’inquiète la syndicaliste et médecin du travail Anne-Michèle Chartier.

Le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 fait sortir du suivi individuel renforcé (SIR) les salariés qui travaillent sur un poste nécessitant une autorisation de conduite (selon l’art. R. 4323-56 du code du travail) ou une habilitation électrique (art. R. 4544-10 du code du travail). “Il s’agit de deux catégories de visites présentant un intérêt médical jugé limité par les professionnels de santé”, nous répondait en mars le ministère du travail, interrogé sur ce décret, alors en préparation. À la place du SIR, le service de prévention et de santé au travail (SPST) devra, pour certains postes, délivrer au travailleur une “attestation” justifiant l’absence de contre-indications médicales.  

Dans l’exposé des motifs du texte publié, le gouvernement explique que cette modification “vise à optimiser les ressources médicales et à les redéployer sur le suivi des salariés affectés à des postes présentant un risque particulier, ainsi que sur les actions de prévention primaire vers lesquelles les missions des SPST ont été orientées par la réforme [de 2021]”.

Historique 

Le suivi individuel renforcé (SIR) a été introduit par la réforme de la santé au travail de 2016, qui a supprimé l’avis d’aptitude généralisé et créé la VIP (visite d’information et de prévention), et un de ses principaux décrets d’application, celui du 27 décembre 2016.  

Il avait alors été prévu que le SIR – qui inclut un examen médical d’aptitude à l’embauche, et une visite médicale au maximum tous les 4 ans avec une visite intermédiaire au bout de 2 ans, qui peut être faite par l’infirmière en santé au travail – concerne les travailleurs sur des postes à risque. C’est le cas pour ceux exposant à l’amiante, au plomb, à des agents CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) ou des agents biologiques, au risque hyperbare, ou encore au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages. Pour ces travailleurs-là, rien ne change. Idem pour les jeunes de moins de 18 ans affectés à des “travaux interdits susceptibles de dérogations”, qui doivent être vus tous les ans par le médecin.  

Essentiellement afin de maintenir pour eux un examen médical d’aptitude, la réforme avait intégré au SIR les travailleurs titulaires d’une autorisation de conduite (un Caces, généralement) pour des équipements de travail mobiles ou servant au levage de charges – grue de chargement, chariot gerbeur, plates-formes élévatrices mobiles de personnes (Pemp), etc. – ainsi que les travailleurs effectuant des travaux sous tension, et donc titulaires d’une habilitation électrique. Ce sont ces deux catégories qui n’en bénéficieront plus.  

Pour qui ?  

Le décret paru au Journal officiel du 19 avril a introduit une nouvelle “attestation” – dont le modèle devra être défini par un arrêté. Pour qu’une autorisation de conduite soit valide, il faudra, à compter du 1er octobre 2025, qu’elle soit couplée à une “attestation” délivrée par le médecin du travail “à l’issue d’un examen médical qu’il réalise”, indiquant que le travailleur “ne présente pas de contre-indications médicales à la conduite du ou des équipements dont la conduite est autorisée”.  

Pour les travailleurs qui doivent avoir une habilitation électrique, le décret ne prévoit cette attestation “d’absence de contre-indications médicales” que pour les travaux sous tension (art. R. 4544-11) et pour les “opérations au voisinage de pièces nues sous tension”. Ce qui représente la très grande majorité des accidents du travail d’origine électriques : ils sont essentiellement dus à un contact direct avec une pièce conductrice sous tension.  

Attestation valable 5 ans 

Tant pour compléter son autorisation de conduite que son habilitation électrique, le travailleur présentera l’attestation, valable 5 ans, à son employeur, “qui en conserve une copie pendant toute sa durée de validité”. Le médecin du travail verse une copie de l’attestation au DMST (dossier médical en santé au travail). S’il refuse de la délivrer, l’employeur ou le salarié peuvent se tourner vers le CPH (conseil des prud’hommes) pour contester.  

À titre transitoire, pour les travailleurs qui auront besoin de la nouvelle attestation, il est prévu que les avis d’aptitude délivrés au titre du SIR tiennent lieu, pendant 5 ans à compter de leur délivrance, de l’attestation.

Une “aptitude à une fonction” ? 

“Pour ces travailleurs, nous délivrons actuellement un avis d’aptitude au poste de travail, alors que là, il s’agirait de décréter une aptitude à une fonction. C’est tout à fait contraire à nos pratiques”, s’inquiète Anne-Michèle Chartier, médecin du travail et déléguée nationale CFE-CGC en charte de la santé au travail.  

Elle s’interroge : “Concrètement, comment fait-on par exemple, si l’on voit dans quelques mois un cariste qui a fait récemment un infarctus, et à qui on avait délivré une aptitude au poste de travail, laquelle aptitude devient avec le nouveau décret, l’équivalent de l’attestation, valable 5 ans, sans possibilité de la retirer entre temps ?”.  

Une réflexion serait en cours pour un éventuel recours contre ce décret.  

Élodie Touret

Le “passeport prévention” est lancé

29/04/2025

À l’occasion de la journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, le gouvernement a lancé hier le “passeport prévention”, un dispositif prévu par la loi du 2 août 2021 sur la santé au travail ayant transposé l’accord des partenaires sociaux sur le sujet du 9 décembre 2020 (voir l’art. L.4141-5 du code du travail).

Géré par la Caisse des dépôts, cet outil a vocation à regrouper, sur la plateforme “Mon compte formation”, toutes les données concernant les formations et les qualifications en santé et sécurité au travail d’un travailleur ou d’un demandeur d’emploi. Il s’agit de “favoriser l’employabilité des travailleurs grâce à la possibilité de partager à un employeur ou à un recruteur les formations suivies précédemment”.

Selon le ministère du travail, ce passeport va permettre :

  • aux organismes de formation de saisir les formations qu’ils ont dispensées dans le domaine de la santé et la sécurité au travail notamment pour le compte d’un employeur ;
  • aux employeurs de déclarer et centraliser toutes formations en santé et sécurité au travail dispensées à leurs salariés améliorant ainsi leur suivi (formation arrivant à expiration, formation à renouveler, etc.) ;
  • aux travailleurs ou demandeurs d’emploi de déclarer, s’ils le souhaitent, les formations santé et sécurité au travail suivies à leur initiative et de partager avec les employeurs ou les recruteurs leur parcours de formation, valorisant ainsi leurs compétences et favorisant leur employabilité.

Dès aujourd’hui, les organismes de formation peuvent accéder à leur espace de déclaration mais ils n’auront l’obligation de déclarer les formations qu’ils dispensent en matière de santé et sécurité au travail qu’à partir du 1er septembre 2025.

Les employeurs seront ensuite amenés à remplir ces informations au premier trimestre 2026, puis les travailleurs et demandeurs d’emploi au quatrième trimestre 2026.

► Voir le site d’information passeport-prevention et le site prevention.moncompteformation

Source : actuel CSE

Santé au travail : le passeport de prévention entre dans sa phase opérationnelle

30/04/2025

Prévu par la loi santé au travail du 2 août 2021, le passeport prévention, géré par la Caisse des dépôts et consignations, se met progressivement en place. Les organismes de formation peuvent désormais déclarer leurs programmes en matière de santé et sécurité au travail. Puis ce sera au tour des employeurs, des salariés et des demandeurs d’emploi d’ici à fin 2026.

Le passeport de prévention, dispositif prévu par la loi santé au travail du 2 août 2021, franchit une étape décisive. Géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), cet outil numérique vient d’entrer dans sa première phase de déploiement : les organismes de formation peuvent désormais accéder à leur espace dédié pour y déclarer les formations qu’ils dispensent en matière de santé et sécurité au travail.

Pierre Ramain, le Directeur général du travail, a confirmé cette avancée lors du colloque organisé au ministère du travail et de la santé à l’occasion de la journée mondiale de la sécurité et de la santé, lundi 28 avril. Pour faciliter cette transition, le ministère a développé un simulateur permettant aux organismes d’identifier les formations concernées, complété par une série de webinaires d’information.

Un calendrier précis jusqu’en 2026

Cette déclaration deviendra obligatoire à partir du 1er septembre prochain. Le service sera ensuite progressivement étendu aux autres acteurs concernés : les employeurs au cours du premier semestre 2026, puis les salariés et demandeurs d’emploi au quatrième trimestre de la même année, conformément au calendrier annoncé en février par la CDC.

Les employeurs devront alors “déclarer et centraliser toutes les formations en santé et sécurité au travail dispensées à leurs salariés”, ce qui permettra d’améliorer “leur suivi (formation arrivant à expiration, formation à renouveler…)”. Quant aux salariés et demandeurs d’emploi, ils pourront également y inscrire, s’ils le souhaitent, “les formations santé et sécurité au travail suivies à leur initiative”.

À terme, le service s’enrichira de nouvelles fonctionnalités, notamment la possibilité d’importer des fichiers pour faciliter les déclarations de données massives, ou la mise à disposition de tableaux de bord pour accompagner l’employeur dans la gestion des formations.

Un outil né d’un accord national interprofessionnel

Issu de la transposition de l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 dans la loi du 2 août 2021, le passeport de prévention vise à améliorer la prévention des risques en santé et sécurité au travail. “Il s’organise autour de trois grands principes : la traçabilité, l’employabilité et la transférabilité”, a rappelé Pierre Ramain.

Concrètement, ce passeport numérique répertorie les différentes qualifications des salariés acquises lors de formations concernant la santé et la sécurité au travail. Il recense les attestations de formation, les certificats et les diplômes qui certifient que le salarié a effectivement acquis les compétences mentionnées, avec pour objectif d’éviter les formations “redondantes” et les “doublons”.

L’inscription des acquis peut être effectuée par le salarié lui-même, par son employeur ou par les organismes de formation, à l’issue de chaque formation de prévention. Document individuel, le passeport pourra être consulté par l’employeur avec l’accord du salarié, qui pourra également le valoriser auprès d’autres recruteurs.

Un déploiement à grande échelle

Le dispositif concerne tous les employeurs comptant au moins un salarié, “soit un potentiel de trois millions d’employeurs, en comptant la fonction publique”, précise Marianne Kermoual-Berthome, directrice des politiques sociales de la CDC, qui souligne que “la prévention est l’affaire de tous”. Le passeport vise également tous les salariés, quels que soit leur profession et leur secteur d’activité, privé comme public. Côté organismes de formation, plusieurs dizaines de millions de prestataires devraient y être associés.

Une conception collaborative

La CDC, en tant qu’opérateur, a eu pour mission de “concrétiser l’ambition du législateur et celle des partenaires sociaux, à travers un service en ligne simple d’usage, unique, facilitant les échanges entre tous les protagonistes sur la formation en matière de santé et sécurité au travail”, explique Marianne Kermoual-Berthome.

Les partenaires sociaux, réunis au sein du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST), ont suivi pas à pas l’élaboration de cet outil. Dix-huit séances de travail ont été nécessaires pour le formaliser, complétées par onze réunions d’un groupe de travail dédié. La Caisse des dépôts a ensuite organisé des focus groupes en 2023 auprès des organismes de formation et des employeurs, puis mis en place des ateliers pour tester l’usage des différents parcours.

Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du travail, s’est félicitée du lancement de ce passeport de formation, soulignant que “l’implication des organismes de formations et naturellement des partenaires sociaux, au niveau national comme des entreprises, sera essentielle”.

L’enjeu est d’importance : en 2023, 589 541 accidents du travail ont été déplorés dont 810 mortels et 50 637 maladies professionnelles ont été reconnues par la Caisse nationale d’assurance maladie, selon le ministère du travail.

Anne Bariet