Le management causant une situation de souffrance au travail est nécessairement fautif

27/05/2025

La Cour de cassation rappelle que le salarié dont les méthodes de management causent une situation de souffrance au travail commet une faute grave. Les éventuels manquements de l’employeur, tenu à une obligation de sécurité, ne peuvent pas atténuer la faute du salarié.

En l’espèce, un responsable d’édition ayant plus de deux ans d’ancienneté se voit notifier un avertissement en raison de son management inadapté à l’égard de ses subordonnés. Il lui est reproché son comportement excessivement autoritaire, dénué ou manquant d’empathie, rigide et rugueux qui dévalorise et exerce une pression importante sur certains salariés dont il n’est pas satisfait, voire les casse psychologiquement. Son comportement ayant persisté, le salarié est licencié neuf mois plus tard pour faute grave.

Il conteste son licenciement en justice et demande qu’il soit jugé sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel donne gain de cause au salarié

Dans un premier temps, le salarié obtient gain de cause devant la cour d’appel. Celle-ci juge que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse :

  • bien que les faits reprochés soient établis (par des attestations de salariés, témoignages concordants et constatations médicales faisant état d’une souffrance au travail pour près de la moitié des salariés de l’établissement) et constitutifs d’une faute, de sorte que l’avertissement est justifié et proportionné, et que ce comportement litigieux ait perduré malgré l’avertissement ;
  • dès lors que l’employeur n’a pas mené d’enquête interne sérieuse, ni entendu les chefs de services, ni organisé d’audit social, ni fait appel à des intervenants extérieurs ou mis en place une médiation et n’a pas aidé, assisté ou contrôlé le salarié dans l’exercice des fonctions managériales à la suite de l’avertissement.

L’employeur conteste la décision des juges du fond. Selon lui, le harcèlement moral du salarié envers ses subordonnés constitue une faute grave. En effet, son comportement a entraîné une dégradation importante de l’état de santé des salariés, et a persisté malgré l’avertissement et ses sommations de cesser immédiatement ces agissements et de traiter ses subordonnés avec humanité et respect.

La Cour de cassation estime que le salarié a commis une faute grave

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa notamment de :

  • l’article L.1152-1 du code du travail prohibant les agissements répétés de harcèlement moral ;
  • l’article L.4122-1 du code de travail selon lequel, conformément aux instructions données par l’employeur, il incombe au salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. Il en résulte que les salariés sont tenus à une obligation de vigilance en matière de santé et de sécurité : à défaut, ils peuvent faire l’objet d’une sanction.

S’appuyant sur le pouvoir souverain de la cour d’appel, la Cour de cassation relève que, même après l’avertissement, les méthodes de management du salarié ont continué à causer une situation de souffrance au travail, dénoncée notamment par certains salariés et le médecin du travail. Elle en déduit que ce comportement est de nature à caractériser une faute grave et ce, peu importe l’attitude de l’employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Autrement dit, et contrairement à la position des juges du fond, les éventuels manquements de l’employeur en matière de protection de la santé physique et mentale des travailleurs ne permettent pas au salarié d’échapper à la qualification de faute grave.

► Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge que certaines méthodes de management constituent une faute grave, peu importe l’ancienneté importante du salarié ou l’absence de reproches. Tel est le cas lorsqu’un directeur d’établissement ayant 26 ans d’ancienneté a des méthodes de management humiliantes qui caractérisent un harcèlement moral (arrêt du 10 mai 2012) ou d’un directeur général d’une association en fonction depuis cinq ans qui a un management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés (arrêt du 8 février 2023 ; dans le même sens : arrêt du 14 février 2024). Il en va de même d’une assistante marketing ayant 22 ans d’ancienneté et aucun passé disciplinaire dont le comportement est inadapté et harcelant envers ses collègues (arrêt du 14 février 2024). Ici, la Cour de cassation n’approuvant pas la décision des juges du fond aurait pu se contenter de casser l’arrêt d’appel et de laisser ainsi le soin à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le sort du licenciement. Mais malgré le contrôle léger qu’elle exerce en principe sur la faute grave, elle décide de qualifier le management inadapté du salarié de faute grave et confirme ainsi la validité du licenciement prononcé à son égard.

La rédaction sociale

Arrêt maladie : fin de la tolérance d’indemnisation des jours non prescrits en cas de prolongation

27/05/2025

Certaines caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) détaillent les modalités d’application de la réforme appliquée depuis le 1er septembre 2024 au sujet de la prolongation des arrêts maladie. Explications. 

Depuis le 1er septembre 2024, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a modifié sa doctrine concernant la gestion des jours d’arrêts non prescrits, soit en général les samedi et dimanche, si une prolongation d’arrêt de travail ne suit pas immédiatement un arrêt précédent. Dorénavant, toute période sans prescription médicale entre deux arrêts de travail n’est plus indemnisée, quelle que soit sa durée, et même si elle fait ensuite l’objet d’une prolongation.

Rappel des règles antérieures

Rappelons qu’avant le 1er septembre 2024, la prescription de l’arrêt de travail en prolongation était bien prise en compte même si elle ne couvrait pas les 2 jours du week-end et le lundi. Ces journées étaient indemnisables. Si une prolongation ne suivait pas immédiatement un arrêt précédent, l’absence de prolongation était comblée si la période non couverte comptait :

• 1 jour (férié ou non férié) ;

• 2 jours (week-end) ;

• 2 jours (1 jour de week-end + 1 jour férié ou non) ;

• 2 jours (1 jour férié + 1 jour non férié) ;

• 3 jours (2 jours de week-end + 1 jour férié ou non).

Ce changement de doctrine est précisé sur le site internet de la CNAM, à la fin de la fiche «Indemnités journalières maladie : conditions d’obtention, calcul et modalités de versement», mise à jour en dernier lieu le 25 mars 2025, sans plus de détails. Certaines CPAM ont néanmoins apporté des précisions que vous trouverez ci-après.

Interruption inférieure ou égale à 2 jours calendaires

Dès lors que l’interruption est inférieure ou égale à 2 jours calendaires, les règles applicables pour la période de prolongation sont :

• si la prescription de la prolongation de l’arrêt de travail est cochée initiale :

     – pas d’indemnité journalière ni d’indemnité complémentaire en l’absence d’arrêt de travail couvrant la période entre les deux arrêts ;
     – application d’un nouveau délai de carence de 3 jours ;
     – une nouvelle attestation de salaire doit être réalisée.

Exemple :

Un salarié est absent du lundi 30 juin au vendredi 4 juillet 2025, puis du lundi 7 juillet au vendredi 11 juillet.

Sur les deux arrêts de travail, le médecin a coché arrêt initial.

Pour le premier arrêt, le salarié perçoit des IJ, après l’application du délai de carence du 30 juin au 2 juillet, pour les 3 et 4 juillet.

Faute de prescription, aucune IJ n’est versée pour les 5 et 6 juillet.

Pour le deuxième arrêt de travail, un nouveau délai de carence s’applique du 7 au 9 juillet et le salarié perçoit des IJ pour les 10 et 11 juillet.

• si la prescription de la prolongation de l’arrêt par le médecin est cochée prolongation :

     – pas d’indemnité journalière ni d’indemnité complémentaire en l’absence d’arrêt de travail couvrant la période entre les deux arrêts ;
     – pas de nouveau délai de carence de 3 jours ;
     – il n’est pas nécessaire de fournir une nouvelle attestation de salaire.

Exemple :

Un salarié est absent aux mêmes dates que dans l’exemple précédent, soit du lundi 30 juin au vendredi 4 juillet 2025, puis du lundi 7 juillet au vendredi 11 juillet.

Sur le deuxième arrêt de travail, le médecin a coché prolongation.

Pour le premier arrêt, le salarié perçoit des IJ, après l’application du délai de carence du 30 juin au 2 juillet, pour les 3 et 4 juillet.

Faute de prescription, aucune IJ n’est versée pour les 5 et 6 juillet.

Pour le deuxième arrêt de travail, il n’y a pas de nouveau délai de carence et le salarié perçoit des IJ du 7 au 11 juillet.

Interruption supérieure ou égale à 3 jours calendaires

Dès lors que l’interruption entre l’arrêt de travail initial et la prolongation de l’arrêt est supérieure ou égale à 3 jours calendaires, ce sont les règles classiques d’indemnisation des arrêts maladie qui s’appliquent pour la période de prolongation quelle que soit la prescription cochée par le médecin (initiale ou prolongation) :

• pas d’indemnité journalière ni d’indemnité complémentaire en l’absence d’arrêt de travail couvrant la période entre les deux arrêts ;
• application d’un nouveau délai de carence de 3 jours ;
• une nouvelle attestation de salaire doit être réalisée.

Exemple :

Un salarié est absent du lundi 30 juin au vendredi 4 juillet 2025, puis du mardi 8 juillet au vendredi 11 juillet.

Pour le premier arrêt, le salarié perçoit des IJ, après l’application du délai de carence du 30 juin au 2 juillet, pour les 3 et 4 juillet.

Faute de prescription, aucune IJ n’est versée du 5 au 7 juillet.

Pour le deuxième arrêt de travail, un nouveau délai de carence s’applique du 8 au 10 juillet et le salarié perçoit des IJ uniquement pour le 11 juillet.

Quelles conséquences en DSN ?

Jusqu’à présent, en cas de prolongation d’arrêt, en DSN (déclaration sociale nominative) l ne fallait jamais envoyer de nouveau signalement de nature ” arrêt de travail “. Il suffisait en effet déclarer la nouvelle date de fin de l’arrêt en DSN mensuelle, au niveau de la rubrique ” Date de fin prévisionnelle – S21.G00.60.003 ” pour l’individu considéré (net entreprises, fiche no 1983). Cela doit désormais, nous semble-t-il, être réservé au cas où l’arrêt de travail est bien coché “prolongation” et où les deux arrêts ne sont pas interrompus par une période supérieure à 2 jours. “

La rédaction sociale