Candidature de Gilets Jaunes aux élections TPE : la Cour de cassation renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire

04/09/2024

Dans une série d’arrêts du 12 juillet 2024, la Cour de cassation s’est prononcée sur les pourvois de syndicats candidats aux élections TPE formés à la suite des jugements du 24 mai ayant déclaré leur candidature irrecevable. Le jugement du tribunal judiciaire de Paris est notamment cassé pour défaut de base légale : les juges auraient dû rechercher si le syndicat de Gilets Jaunes agit avec des motivations syndicales de défense des salariés et non pas uniquement pour des raisons politiques.

Alors que les élections dans les très petites entreprises (TPE) de moins de onze salariés se tiendront du 25 novembre au 9 décembre, la bataille judiciaire sur les candidatures syndicales se poursuit. Le 24 mai dernier, le tribunal judiciaire de Paris avait déclaré irrecevables les candidatures de neuf organisations à la demande des confédérations FO, CGT mais également, concernant l’Union Syndicale des Gilets Jaunes, la CFE-CGC, la CFTC et l’Unsa.

Dans un nouvel arrêt du 12 juillet (n°24-60.173), la Cour de cassation casse pour défaut de base légale le jugement de première instance ayant déclaré irrecevable la candidature de l’Union des syndicats de Gilets Jaunes (USGJ). Principal motif : le tribunal judiciaire aurait dû rechercher si l’USGJ poursuivait un but de défense syndicale des intérêts de salariés, y compris au travers de ses motivations politiques opposées à la vaccination contre le Covid-19.

Le juge doit vérifier si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite

Principal élément des débats, une publication de l’USGJ dénonçant la suspension de soignants et de pompiers ayant refusé le vaccin contre le Covid-19. Pour l’organisation de Gilets Jaunes, en affirmant que cette dénonciation n’est liée à aucune revendication concernant ces salariés sans examiner ladite publication, le juge de première instance a violé l’article 455 du code de procédure civile car il n’est pas suffisamment motivé. L’USJG prétend aussi avoir régulièrement désigné des responsables de sections syndicales, présenté des candidats aux élections professionnelles et avoir fait campagne dans les branches de l’hôtellerie, des transports, des services et de l’industrie sur les conditions de travail et les salaires.

Devant le tribunal judiciaire, les confédérations avaient fait valoir que ce sujet sanitaire se trouve très éloigné de la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des salariés, mettant ainsi en perspective le caractère politique de l’organisation de Gilets Jaunes. La défense des intérêts des salariés est en effet prescrite par l’article L.2131-1 du code du travail : “Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts”.

Tel n’est pourtant pas l’avis de la Cour de la cassation : elle rappelle qu'”en cas de contestation de la licéité de l’objet d’un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite”. Les juges auraient dû rechercher si la publication dénonçant la suspension du contrat de travail des professionnels de santé et des pompiers ayant refusé de se faire vacciner, n’était pas en lien avec les relations de travail et par conséquent avec la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des membres de l’USGJ. Par ailleurs, le tribunal aurait dû examiner les autres actions dont se prévalait l’USGJ : la désignation de responsables de sections, les campagnes électorales dans les branches, l’organisation de manifestations pour la défense collective des salariés.

Selon Zoran Ilic, avocat des confédérations dans ce dossier, ces dernières conservent toutes leurs chances de voir la candidature de l’USGJ refusée par les juges du tribunal judiciaire : “Eu égard aux enjeux de droit syndical, la Cour veut s’assurer que toutes les vérifications ont bien été faites par le tribunal. Les juges ont bien entendu mené des contrôles mais la Cour demande qu’ils soient approfondis et détaillés, notamment afin d’éviter d’être accusés de faire de l’antisyndicalisme”. Zoran Ilic ne manquera pas de défendre une nouvelle fois ses arguments, notamment le fait que les activités politiques de l’USGJ représentent la quasi-totalité de ses actions, au détriment d’activités syndicales dérisoires. Rappelons que la qualification de syndicat permet également de bénéficier de financements publics.

La question de l’adhésion de travailleurs indépendants

Prétendant pratiquer “un syndicalisme organisé de manière horizontale”, l’USGJ dénonce l’argument retenu à son encontre selon lequel elle ne peut constituer une organisation syndicale car elle accepte l’adhésion de travailleurs indépendants assimilables à des employeurs. La Cour de cassation donne de nouveau tort au tribunal judiciaire, cette fois ci pour violation de la loi, au visa des articles L. 2133-1L. 2133-2L. 2133-3 et L. 2122-10-6 du code du travail. Selon la Cour, ces articles prévoient que “les unions de syndicats qui respectent les dispositions des articles L. 2131-1L. 2131-3 à L. 2131-5L. 2141-1 et L. 2141-2 du même code jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels (…) Peuvent ainsi être candidates audit scrutin les organisations syndicales professionnelles, ainsi que les unions et confédérations syndicales, remplissant certaines conditions”.

Rappelant ensuite que “l’interprétation des statuts d’une organisation syndicale ne relève pas de l’appréciation souveraine des juges du fond”, elle retient que selon ses statuts, l’USGJ est une union nationale de syndicats qui représente sur le territoire français l’ensemble des travailleurs des secteurs privé, public et indépendants, actifs, non actifs et anciens actifs. Ces syndicats “pouvant choisir entre l’adhésion à l’USGJ et la conclusion avec celle-ci d’une convention de partenariat, ce dont il ne résulte pas que l’adhésion à l’USGJ est ouverte aux employeurs, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés”.

Le dépôt des statuts en mairie

Dernier argument présenté par l’organisation de Gilets Jaunes, le fait que le tribunal judiciaire n’ait pas examiné les statuts des syndicats qu’elle considère comme lui étant affiliés ni les pièces attestant du dépôt des statuts en mairie. Ces affiliations lui permettaient de faire valoir sa qualité d’union de syndicats. De nouveau, la Cour de cassation retient ces arguments et juge qu’en statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, les statuts des syndicats GJ commerce, restauration, hôtellerie et services, GJ culture et communication, GJ des transports et GJ de la métallurgie, des mines et de l’énergie, ainsi que les récépissés du dépôt en mairie de ces statuts, qui étaient produits par l’USGJ, le tribunal judiciaire n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé”, à savoir l’article 455 du code de procédure civile et son exigence de motivation des décisions de justice.

Le tribunal judiciaire “autrement composé” c’est-à-dire devant des magistrats différents de ceux ayant siégé en première instance. L’article L.431-4 du code de l’organisation judiciaire prévoit en effet qu’après une cassation, la cour peut renvoyer l’affaire soit devant “une autre juridiction de même nature que celle dont émane l’arrêt ou le jugement cassé” soit “devant la même juridiction composée d’autres magistratsdevrait se prononcer début octobre. Si les confédérations n’obtiennent pas satisfaction, elles pourront à leur tour former un pourvoi en cassation. En attendant, les étapes du scrutin TPE se poursuivent, les syndicats devant déposer au ministère du travail leur propagande en vue des élections. Celle de l’USGJ n’a pas manqué de faire réagir les organisations syndicales concurrentes et pour cause : les affiches mettent en scène leur rivalité en représentant l’USGJ par un chat noir attaqué par un chien (désignant les autres syndicats). Les représentants des confédérations ont exprimé leur désaccord devant la commission nationale des opérations de vote. L’USGJ raconte cette réunion sur son site internet. Nous attendons la réponse de la Direction générale du travail sur la validation ou non de cette campagne. Nous avons également contacté l’USGJ sans succès puisque le numéro de téléphone ne semble plus attribué.

La Cour de cassation rejette les pourvois des organisations corse et bretonne
La Cour s’est également prononcée sur les pourvois des autres organisations prétendant à la qualification de syndicats afin de candidater aux élections TPE. ▶ La Cour de cassation rejette des pourvois du syndicat des travailleurs corses (arrêt n°24-16.082) et de l’union interprofessionnelle bretonne (n°24-16.083). Elle donne donc raison à Force Ouvrière : ces organisations ne démontrant pas l’existence d’au moins 2 syndicats, les juges du fond ont eu raison d’annuler leur candidature au scrutin TPE.

▶ Sur le pourvoi de la fédération SUD-Commerce contre l’Union syndicale Solidaires, la Cour retient que la candidature de l’Union prime sur celle de la fédération (arrêt n° 24-60.167).
▶ Concernant le Syndicat commerce indépendant démocratique, la Cour casse également le jugement du TJ Paris et considère que sa candidature aux élections TPE est recevable (n°24-60.173). Elle rappelle que l’interprétation des statuts d’une organisation syndicale ne relève pas de l’appréciation souveraine des juges du fond. “Il ne ressort pas des statuts de ce syndicat qu’il entend représenter tous les salariés et toutes les activités”. L’objet du syndicat est jugé conforme à l’article L. 2131-2 du code du travail.
▶ Enfin, dans l’arrêt n° 24-16.057, la Cour considère que la condition de transparence financière de la Guilde des auteurs réalisateurs de reportages et de documentaires est remplie. Elle peut donc candidater aux élections TPE : “Si un tiers intéressé peut se prévaloir des statuts d’un syndicat pour établir le défaut de pouvoir d’un organe à en approuver les comptes annuels, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l’irrégularité du vote approuvant lesdits comptes pour remettre en cause le respect de la condition de transparence financière”.  

Marie-Aude Grimont

L’intersyndicale fera sa rentrée le 9 septembre

04/09/2024

L’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) a rendez-vous lundi 9 septembre pour une visioconférence de rentrée, a indiqué François Hommeril hier matin sur Sud Radio. Selon le président de la CFE-CGC, “On va faire le point de la rentrée, chacun va apporter son sentiment sur les voies et les moyens par lesquels on peut agir ou intervenir dans le débat. Cette rentrée n’est pas tout à fait ordinaire, il y a beaucoup de sujets et d’échéances. Il est normal et sain qu’entre responsables syndicaux on en discute”. Les numéros un évoqueront sans doute la mobilisation engagée par la CGT le 1er octobre, la nomination du Premier(e) ministre ou l’absence de nomination, le sort des réformes de l’assurance chômage et des retraites en fonction du prochain gouvernement ou encore la question de la hausse des salaires.

Source : actuel CSE

Absence de gouvernement de plein exercice : les dossiers sociaux sont au point mort selon les syndicats

05/09/2024

En temps “normal”, les confédérations sont reçues régulièrement par les ministres pour échanger sur les sujets sociaux, à Matignon ou au ministère du Travail. Depuis la dissolution et l’installation d’un gouvernement Attal démissionnaire, ces rendez-vous ont cessé. De ce fait, les avancées sociales sont pour l’instant à l’arrêt. Certains représentants des principales confédérations doivent cependant être reçus à l’Elysée dans les jours qui viennent.

Les réunions multilatérales ou bilatérales dans les ministères suivies des traditionnelles questions de la presse sont loin. Et les journalistes ne sont pas les seuls à les regretter. Depuis la dissolution et la fixation d’un gouvernement démissionnaire, les discussions syndicales peine à avancer. Le travail parlementaire et les politiques industrielles sont suspendus. Les confédérations commencent à se plaindre de l’immobilisme social qui en résulte comme le montrent cette semaine les interviews des numéros un Marylise Léon (CFDT), Frédéric Souillot (FO) et François Hommeril (CFE-CGC).

Marylise Léon : “Tout est en stand-by”

Reçue sur la chaine TV France Info mercredi 4 septembre, Marylise Léon s’est inquiétée de l’absence de nomination de Premier ministre : “Les problématiques des travailleurs, c’est pas 2027, c’est septembre 2024. Il est urgent d’avoir un Premier ministre et de mener les réformes pour répondre aux attentes sociales. (…) Tout est en ‘stand-by’, les affaires courantes c’est extrêmement léger. Nous n’avons pas de relations avec le gouvernement”. La secrétaire générale de la CFDT est également revenue sur les engagements des précédents gouvernements, notamment les projets issus de la conférence sociale menée par Élisabeth Borne en octobre 2023 : “On avait eu des engagements sur l’égalité hommes femmes, la question se pose toujours. Ils ne sont pas en capacité de répondre à nos attentes aujourd’hui donc il est urgent d’avoir un nouveau Premier ministre”.

Sur le choix de ce dernier, la secrétaire générale de la CFDT a affirmé : “Le casting ce n’est pas mon sujet. Ma préférence personnelle n’intéresse personne”. Elle est également revenue sur les retraites, soutient qu’il demeure nécessaire d’abroger l’âge légal de départ à 64 ans fixé dans la réforme 2023 d’Emmanuel Macron et de revenir sur la réforme de l’assurance chômage.

Frédéric Souillot a rendez-vous à l’Elysée vendredi soir

Rappelons cependant que Frédéric Souillot sera reçu vendredi soir à l’Elysée, une invitation reçue il y a déjà trois semaines, a-t-il indiqué sur les ondes de France Bleu lundi 2 septembre. Quant à savoir si la nomination du Premier ministre aura lieu avant ou après cette entretien, Frédéric Souillot répond “je n’en sais rien mais je vois le déroulement des choses, je pense que ce sera concomitant”. En attendant, le secrétaire général de FO qualifie les consultations “d’entretiens d’embauche” et pourrait dire au Président que “2027 c’est loin, il faut peut-être penser à partir”. Au cours de ce rendez-vous informel avec les conseillers sociaux de l’Elysée seront évoquées les questions d’actualité et de réformes.

Sur l’absence de gouvernement, il rapporte la parole de militants rencontrés ces dernières semaines lors de ses déplacements à Marseille, Noirmoutier ou encore Périgueux : “Les salariés du privé reconnaissent au moins un avantage à la pénurie de gouvernement : l’absence de nouvelle réforme qui vienne réduire de nouveau la protection sociale collective. Les fonctionnaires déplorent quant à eux le défaut d’interlocuteur ministériel pour évoquer par exemple la hausse du point d’indice. En attendant, Emmanuel Macron pourrait traîner jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques mais le patronat va s’inquiéter de la fin de ses exonérations de cotisations si aucun projet de loi de finances n’est débattu à l’Assemblée”. 

François Hommeril espère un Premier ministre avec des marges de manœuvre

Le président de la CFE-CGC était quant à lui reçu sur BFM Business. Il estime que “Thierry Beaudet (président du CESE) valait assez largement les autres” mais se “désole que cette séquence commence à tirer en longueur et c’est très pénalisant car pour nous c’est très concret la rentrée sociale. On commence des interactions avec le gouvernement, on fait travailler les équipes sur les dossiers. Et aujourd’hui, on n’avance nulle part, on est quand même un peu bloqués et c’est un problème. Un pays sans gouvernement n’est pas en capacité d’affronter les problématiques particulières qui se posent dans tout un tas de thématiques, de territoires et d’activités. Il ne faut pas que ça dure encore trop longtemps”.

S’il ne regrette pas le temps de la précédente majorité et sera reçu à l’Elysée à son tour la semaine prochaine, il note avoir perdu notamment les séances de travail avec Roland Lescure, ministre démissionnaire chargé de l’industrie. Il ajoute que “le profil idéal de Premier ministre, c’est quelqu’un avec qui on a de vraies marges de manœuvre pour travailler. Si le Président de la République cherche un ‘super directeur de cabinet’, on va forcément se planter. S’il cherche un collaborateur, nous, ça ne nous intéresse pas. Je veux pouvoir discuter avec quelqu’un pour engager mon organisation, avoir un interlocuteur en face qui décide, je ne suis pas un pantin non plus !”. 

François Hommeril a par ailleurs côtoyé Jean-Dominique Senard au sein de l’entreprise Pechiney. Dans l’hypothèse où ce dernier serait nommé ministre du Travail ou Premier ministre, le président de la CFE-CGC juge que “la même question se posera : quel secteur d’intervention, quel programme, quels sujets sur lesquels il aura un vrai pouvoir de décision pour travailler en interaction avec nous”.

Quoiqu’il en soit, hier soir encore, la nomination du Premier ministre semblait imminente et les espoirs furent de nouveau déçus. Les syndicats ont sans doute le temps de peaufiner leurs revendications.

Marie-Aude Grimont

Coût du travail, emploi des seniors : l’U2P invite les partenaires sociaux à relancer de nouvelles négociations interprofessionnelles

06/09/2024

L’Union des entreprises de proximité (U2P) souhaite renouer le dialogue social avec les partenaires sociaux. Avec au menu, deux thèmes de négociation : l’emploi des seniors et l’allègement du coût du travail. Objectif ? “Trouver des voies de compromis pour répondre aux préoccupations économiques et sociales”.

Après les négociations finalisées, en avril, sur les reconversions professionnelles et la création d’un compte épargne-temps universel (cetu), l’U2P entend poursuivre la dynamique du dialogue social interprofessionnel. L’Union des entreprises de proximité (U2P) a pris, une nouvelle fois, l’initiative sans attendre la CPME et le Medef, pour proposer aux organisations patronales et syndicales de se rencontrer afin de dresser le bilan de l’agenda social autonome, voire de le faire évoluer. Le président de l’U2P, Michel Picon, a ainsi écrit, le 2 septembre, aux leaders syndicaux et patronaux pour les inviter à renouer le dialogue.

“La période n’a jamais eu autant besoin de dialogue social. Nous devons trouver des voies de compromis pour répondre aux préoccupations économiques et sociales”, a-t-il déclaré, hier, lors d’une conférence de presse. Avec l’objectif d’avoir une “réflexion partagée et dépolitisée”.

“Jamais les partenaires sociaux n’ont eu autant d’importance et nous devons être au rendez-vous car la classe politique est empêtrée dans d’autres circonvolutions”, a-t-il ajouté avant de connaître le nom du Premier ministre, annoncé quelques heures plus tard.

Les organisations syndicales partantes

Les organisations syndicales ont accueilli favorablement cette invitation. Le camp patronal a, lui, été plus réticent, la CPME et le Medef préférant, selon Michel Picon, organiser, une rencontre en amont, avant de se réunir avec leurs homologues syndicaux. Mais Patrick Martin, le président du Medef, ne devrait pas s’y soustraire : il avait lui-même annoncé, lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF), à l’hippodrome Paris-Longchamp, les 26 et 27 août, son intention de relancer la négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors.

Il faut dire que depuis la négociation sur le pacte de la vie au travail, les relations ne sont pas au beau fixe. L’U2P avait créé la surprise, en se détachant du Medef et de la CPME opposés à la création du compte épargne-temps universel (Cetu). Pour Jean-Christophe Repon, vice-président de l’Union des entreprises de proximité, en revanche, le Cetu favorise “l’attractivité des PME”, tout en facilitant la “gestion des fins de carrière”. 

Fins de carrière, pénibilité, carrières longues

Pour cette rentrée, deux sujets de la plus haute importance sont à mettre au menu de l’agenda social, selon l’U2P. Primo, il s’agit de la négociation sur l’emploi des seniors qui avait échoué au printemps dernier.

Les organisations syndicales n’avaient pas été convaincues par la version finale du projet d’accord transmis par le Medef, dénonçant l’absence de droits nouveaux pour les salariés et d’innovations sociales dans les politiques RH des entreprises. Or, pour l’U2P, la réforme des retraites, qu’elle défend bec et ongles, doit s’accompagner de nouvelles mesures pour le maintien dans l’emploi de seniors. “Nous sommes persuadés qu’il faut travailler davantage mais il faut que nos entreprises aient la capacité de garder les salariés jusqu’à 64 ans”, soutient Michel Picon, précisant que les plans de départs massifs de salariés âgés de 57 ne sont pas à l’œuvre dans les TPE/PME. 

Parmi les axes de discussion, le vieillissement de la population active, la pénibilité, les fonds de péréquation en matière d’inaptitude ou encore les carrières longues.

Alléger le coût du travail

Secundo, l’U2P, inquiet d’une possible recrudescence de mouvements sociaux face au pouvoir d’achat, souhaite discuter de l’allègement du coût du travail afin de “sortir du travail qui ne paie plus” (1), en référence au livre d’Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de l’ex-ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et ex-responsable du pôle social du Medef.

Pour ce faire, le syndicat patronal compte s’appuyer sur les travaux des économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer qui ont remis, en avril dernier, leur rapport d’étape sur l’articulation entre salaires, coût du travail et prime d’activité. Car pour Michel Picon, le système doit être revu. “Nous sommes dans un système où la protection sociale – à laquelle nous sommes tous attachés – pèse trop sur le travail”. “Une augmentation coûte trop cher à l’employeur et rapporte trop peu à l’employé”, argue-t-il en indiquant “qu’il faut parfois dépenser 600 euros pour augmenter le revenu disponible de 200 euros”. 

Pour l’heure, aucune date n’a encore été arrêtée entre les partenaires sociaux. Un nouveau dossier à suivre en perspective pour le ou la future locataire de la rue de Grenelle. 

 Anne Bariet

Nomination de Michel Barnier : les réactions syndicales et patronales

06/09/2024

La CFDT a “pris acte” de la nomination de Michel Barnier hier dans la soirée. Sans critiquer le bord politique du nouveau Premier ministre, elle se dit “prête à s’engager avec exigence pour contribuer à apporter des réponses pertinentes aux attentes des salariés et des agents de la fonction publique en termes de conditions de travail, de pouvoir d’achat, de reconnaissance et de dignité”. Marylise Léon se rendra sans doute aux prochaines invitations gouvernementales mais dans un esprit de “combativité”. Car pour la CFDT, le pays demeure dans une “crise démocratique” qui “conduira, malgré cette nomination, à une forme de blocage politique plus ou moins sévère”. Il reviendra donc selon elle aux partenaires sociaux de “bâtir des compromis alliant progrès social, transformation écologique et solidité économique”.

Sophie Binet s’est exprimée auprès de l’Agence France Presse en dénonçant “un mépris des électeurs”, ajoutant que les prises de position du nouveau Premier ministre “nous inquiètent fortement”, notamment sur les retraites (Michel Barnier a défendu la retraite à 65 ans) ou les salaires.

Force Ouvrière tenait justement hier une commission exécutive. Cette dernière relève que “les électeurs ont très nettement indiqué leur rejet des politiques menées par le gouvernement sortant : modération salariale, réformes des retraites et de l’assurance chômage, retour de l’austérité budgétaire, abandon des services publics, mépris de la démocratie sociale”. La commission “juge inconcevable que les leçons [du] scrutin n’aient pas été tirées”. Dans ce contexte, le secrétaire général de FO Frédéric Souillot ira porter ses revendications devant Michel Barnier et son futur ministre du Travail. Son communiqué indique : “Sans attendre, les négociations doivent reprendre avec l’ensemble des interlocuteurs sociaux avec un agenda social ambitieux”. Toujours est-il que FO n’appelle ni à la manifestation des Insoumis le 7 septembre ni à la mobilisation organisée par la CGT le 1er octobre. 

François Hommeril (CFE-CGC) attend de “juger sur pièces” et Cyril Chabanier (CFTC) reconnaît que Michel Barnier “semble être dans le dialogue et le compromis”.

Laurent Escure, Président de l’Unsa a réagi en ces termes sur le réseau social X : “L’Unsa rappelle les attentes profondes du pays : fin de la retraite à 64 ans, urgence salariale et investissement public plus fort pour le social et l’écologie. Tout ce qui serait dans une forme de continuité, tolérée par le RN ne fera qu’accroître la crise”.

Chez Solidaires, on considère que “le Président de la République tente de poursuivre à tout prix l’orientation libérale des précédents gouvernements sans tenir compte du désaveu massif de sa politique”. Le syndicat craint une aggravation de la précarité et des inégalités ainsi qu’un renforcement de l’extrême droite. Solidaires souhaite donc “installer un rapport de force” et ” appelle à se réunir sur les lieux de travail pour organiser la mobilisation”.

Côté patronal, la CPME a rapidement affiché sa “satisfaction” et “et se réjouit de voir cette fonction confiée à un homme de grande expérience”. Appelant aux “indispensables réformes”, elle rappelle sa volonté de voir “réduire les dépenses publiques” sans “alourdissement du coût du travail” et met la pression contre toute hausse de salaires et du Smic qui “risquerait de venir accroître les difficultés et alimenter l’augmentation actuelle des défaillances”. Elle pousse également pour ses vœux de simplification administrative reprises par un rapport parlementaire (lire notre article) où figurait notamment des modifications de seuils des CSE.

Patrick Martin, président du Medef, s’est contenté de s’exprimer sur X, non sans montrer une certaine proximité avec le nouveau Premier ministre : “Cher Michel Barnier, face aux si nombreux défis que la France doit relever, le Medef⁩ sait pouvoir compter sur vos expérience (dont internationale),capacité à dégager des compromis exigeants et connaissance de notre pays. Nous serons constructifs.”

Source : actuel CSE