La CGT lance une journée d’action le 12 décembre pour appuyer sa demande d’un plan d’urgence pour l’industrie

28/11/2024

Lors d’une conférence de presse hier à Montreuil, la CGT a annoncé plusieurs journées de grève, dont une, le 12 décembre, est destinée à appuyer sa revendication d’un plan d’urgence en faveur de l’industrie. “La CGT appelle les salariés à se mettre en grève et à occuper leurs usines pour empêcher les licenciements”, a lancé hier Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT.

Le syndicat, qui dénombre 300 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) et estime entre 128 000 et 200 000 le nombre d’emplois menacés par les restructurations et PSE dans l’industrie depuis septembre (voir sa “liste noire” en pièce jointe), demande notamment au gouvernement :

  • Un moratoire sur les licenciements et un renforcement des dispositifs garantissant la recherche effective d’un repreneur ;
  • Un plan national de maintien et de relocalisation des outils et emplois industriels ;
  • De donner la possibilité aux travailleurs d’intervenir sur les orientations stratégiques des entreprises ; 
  • De mettre en place une Sécurité Sociale professionnelle et environnementale ; 
  • De renforcer les normes sociales et environnementales et protéger notre industrie, etc.

Sophie Binet a par ailleurs rappelé les autres appels à la grève de la CGT : “Le mois de décembre s’annonce rouge, et ce n’est pas le rouge du père Noël. Le 3 décembre, c’est la journée d’action des retraités contre la baisse des pensions ; le 5 décembre, c’est la journée de grève et de mobilisation des fonctionnaires ; le 10 décembre, les dockers viennent de décider de se mobiliser pour leurs plans de départs anticipés à la retraite ; le 11 décembre, c’est les cheminots qui enchaînent”.

► Pour voir la carte des PSE recensés par la CGT 

Source : actuel CSE

“Prendre vraiment en compte la question du travail bouscule 130 ans de syndicalisme”

29/11/2024

La vague de restructurations et des PSE risque de mettre au second plan la question du travail, qui commençait à peine à émerger dans le débat public, regrette Alain Alphon-Layre, ancien membre de la direction confédérale de la CGT qui participait le 26 novembre à un débat autour de son livre d’entretiens avec des travailleurs. Mais pourquoi est-il si difficile de faire émerger le travail comme un enjeu syndical et politique ? Compte-rendu.

Il y a plusieurs années, on a connu Alain Alphon-Layre comme négociateur CGT dans les discussions nationales interprofessionnelles sur la qualité de vie au travail et le dialogue social, et l’on se souvient notamment de son accent chantant durant la nuit passée autour du babyfoot du Medef dans l’attente de la conclusion de la négociation autour d’une instance unique de représentation du personnel (*).

S’il suit toujours attentivement les questions liées à l’hôpital et à la santé, lui qui a été infirmier psychiatrique à Alès (Gard), le Nîmois Alain Alphon-Layre est désormais retraité, et rangé des camions syndicaux, si l’on peut parler ainsi. Mais le thème du travail, et de l’association des salariés à l’organisation et à la définition de leurs propres tâches, thème qu’il a contribué à faire émerger au sein de la CGT, le passionne toujours, au point qu’il a accepté d’en débattre, à l’invitation de l’UOGC à Paris, le mardi 26 novembre (**).

Un master d’ergologie à 42 ans

Cet intérêt pour la question du travail, Alain Alphon-Layre l’a approfondi à 42 ans en décrochant le master ergologie d’Yves Schwartz à Aix-en-Provence, via une validation des acquis de l’expérience. Il l’a encore prolongé l’an dernier en publiant un livre préfacé, s’il vous plait, par Bernard Thibault et postfacé, s’il vous plait bis, par le juriste Alain Supiot (***). 

Ce livre consiste en une série d’entretiens avec des travailleurs souvent non syndiqués, et aux profils très divers,  (monteuse, agent d’entretien, infirmière, policier, conseillère financière, ingénieur, livreur à vélo, professeur, etc.). À ces salariés, Alain Alphon-Layre a posé ces deux questions faussement simples mais essentielles : Comment travaillez-vous aujourd’hui ? Comment aimeriez-vous travailler ?

 Avant je travaillais, maintenant je compte

De tous ces entretiens, le syndicaliste retient “l’engagement des salariés à bien faire leur travail” ainsi que le souci “de sortir de cette culture du chiffre, de cette gouvernance par les nombres dont parle Alain Supiot”. C’est par exemple ce policier qui lui lance : “Avant je travaillais, maintenant je compte”.

C’est encore cette caissière d’un hypermarché qui, interrogée sur les améliorations possibles de son travail très chronométré, répond simplement qu’elle aimerait quand même bien avoir le temps “de renseigner une personne âgée”. On ne saurait mieux dire le besoin, sinon de ralentir un rythme professionnel devenu parfois frénétique, du moins la nécessité d’une réappropriation par le travailleur du pilotage de son propre rythme de travail.

Une infirmière passe un tiers de son temps sur son ordinateur 

Ce sont ces incessantes demandes de reporting, de la part de la hiérarchie comme des clients, et cette obsession bureaucratique qui ensevelit sous des contraintes formelles les tâches pourtant primordiales : “Aujourd’hui, une infirmière doit tout noter, ce qu’elle donne comme médicaments, ce qu’elle donne à manger, etc. Elle passe un tiers de son temps devant son ordinateur”. 

Avec ce dernier exemple, on comprend d’ailleurs pourquoi les discussions au travail n’associent que rarement les salariés à l’organisation et à la définition du travail : “Permettre aux salariés de parler de la qualité du travail, ce serait aussi leur permettre de poser d’autres questions, comme de s’interroger sur les causes de ce temps passé devant l’ordinateur, et donc sur la logique même de la tarification à l’acte qui organise le travail de l’hôpital depuis 2005”.

“Comment comprendre qu’un salarié n’ait pas son mot à dire sur l’organisation du travail ?”

L’ancien infirmier relie tous ces vécus montrant un travail maltraité à l’évaluation du coût économique du mauvais travail.

Il cite de multiples incidents, comme les problèmes de pollution chez WW, les soucis d’Airbag de Citroën, la sous-traitance chez AZF, etc. “Lorsque Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a mis en place le Comité d’orientation des conditions de travail, le COCT, il avait estimé à 4 points de PIB (produit intérieur brut) le coût du mal travail. Je m’étonne que ce coût économique ne soit pas plus souvent mis en avant, y compris par les organisations syndicales”, souligne l’ancien négociateur CGT. 

Comment savoir pour qui voter quand on passe toute la journée à obéir à une machine ? 

Alain Alphon-Layre appelle de ses vœux une réappropriation syndicale du travail, la revendication d’une certaine démocratie sociale dans l’entreprise lui paraissant incontournable, surtout au vu de la crise démocratique que nous traversons.

“Ne pas lier la question de la démocratie dans la cité à la démocratie dans l’entreprise m’étonne, avoue-t-il. Nous passons tous quand même 8 heures par jour au travail. Si on n’a pas son mot à dire dans l’entreprise, cela ne peut pas ne pas avoir d’incidences sur le reste. Le chercheur Thomas Coutrot a d’ailleurs montré un possible lien entre le fait d’avoir très peu d’autonomie au travail et de s’abstenir aux élections politiques”.

Un lien auquel le syndicalisme donne foi par cette anecdote : “Le fils d’un ami travaille dans un entrepôt logistique, et il passe toute la journée à obéir à une commande vocale robotisée lui demandant d’aller à tel emplacement pour prendre tel objet, lui devant se contenter de dire “ok”. Et bien, ce jeune homme a demandé à son père ce qu’il fallait voter aux législatives, car il n’en avait pas la moindre idée”.

On pourrait lui rétorquer que le thème du travail fait l’objet d’un indéniable… travail syndical, notamment de la part de la CGT et de la CFDT qui a produit une grande enquête sur le sujet dès 2016. Et que ce sujet, longtemps confondu avec celui de l’emploi, a commencé timidement à émerger sur le plan politique, avec notamment les assises du travail, la nouvelle ministre ayant fait aussi un pas en ce moment pour engager de nouvelles discussions sur les retraites et sur la santé au travail l’an prochain.  

“Le monde salariale et le syndicalisme se sont construits sur l’acceptation de la subordination au travail”

Un renouveau politique ? Alain Alphon-Layre est sceptique. “Seuls deux politiques ont souhaité échanger avec moi après la parution de mon livre, François Ruffin et Pierre Dharéville”, observe-t-il, comme désabusé. Il ajoute que le regain des restructurations et des plans sociaux risque de signer le retour en force du thème de l’emploi.

Surtout, le syndicaliste juge que les racines de la non prise en compte de la question du travail sont plus profondes.

D’une part, observe-t-il, à l’exception d’épisodes comme Mai 68 où la contestation sociale visait le pouvoir même de l’employeur et de l’encadrement, le droit du travail, et avec lui le monde salarial et le syndicalisme, s’est construit autour de l’acceptation de l’idée de subordination : “Le contenu et le sens du travail ne sont pas dans le droit du travail puisque cela est du ressort de l’employeur et que le syndicalisme s’en est accommodé longtemps en privilégiant la question salariale. Il faudrait donc réfléchir à un droit du travail qui intègre le contenu du travail. Mais ça bouscule 130 ans de conception du syndicalisme”. 

Quand nous disions aux salariés qu’il leur fallait inventer leur syndicalisme à partir d’une feuille blanche, on nous traitait de tous les noms ! 

Certes, des syndicats ont commencé à vouloir bouger sur ce terrain. “Avec Jean-François Naton, nous avons essayé de mettre au cœur des revendications de la CGT cette question du travail, et nous avons réussi à le faire dans le document d’orientation du congrès CGT de Toulouse en 2013 : il est écrit qu’il faut partir du travail réel dans les luttes revendicatives. Mais il ne suffit pas, dans le syndicalisme comme ailleurs, que cela soit écrit pour que cela soit mis en œuvre. Quand nous disions qu’il appartenait aux salariés d’écrire leur syndicalisme à partir d’une feuille blanche, on s’est fait traiter de tous les noms”, raconte-t-il.

Une expérience en Bretagne

L’idée que les collectifs de salariés puissent se saisir de la façon d’organiser au mieux le travail ne relève-t-il pas d’un monde idéal, d’une forme d’utopie autogestionnaire ? Non, car à ses yeux, continuer à ignorer cette question va conduire les salariés, comme on le voit avec la semaine de 35 heures en 4 jours, à vouloir s’absenter un jour de plus du bureau ou de l’atelier, quitte à subir une intensification du travail qui avait déjà gagné plusieurs crans avec le passage aux 35 heures.

Il juge que cette question doit être mené de front avec les enjeux environnementaux, qu’il s’agit d’un angle d’attaque un peu inédit sur le plan historique, capable de faire converger les salariés vers un syndicalisme renouvelé. 

Et l’ancien négociateur d’assurer que des expériences terrain sont possibles sur le contenu même du travail. Il fait ainsi référence à une expérience personnelle d’il y a dix ans :”J’avais été invité à présenter mes idées sur le sujet par le syndicat CGT d’une entreprise de 350 personnes en Bretagne, où la CGT faisait quand même 90% des voix. J’y avais passé une matinée sans être sûr d’avoir convaincu. Mais l’équipe syndicale m’a rappelé 6 mois après. Ils avaient réussi leur employeur à libérer l’espace d’une matinée tous les salariés pour qu’on organise ces discussions ! Cela s’est fait dans un hangar, avec 350 chaises. Un délégué a pris l’initiative d’organiser trois groupes en mélangeant métiers et statuts. Tout le monde a découvert le métier de l’autre. Et après le déjeuner, il a fallu expliquer au patron les suggestions d’améliorations du travail qu’on avait pu imaginer. Aujourd’hui je crois que ça continue…” En effet, un élu du personnel de cette entreprise nous a confirmé que ces réunions associant l’ensemble du personnel avaient toujours lieu, mais cela fera l’objet d’un prochain article…

(*) L’échec de ces discussions visant à regrouper le CE, DP et CHSCT a eu lieu en 2015.

(*) Dirigée par l’ingénieur Jean Besançon, féru d’éducation populaire, l’UODC se présente comme “l’université ouverte permettant d’agir sur les coopération au travail”. Persuadée qu’il est possible de “penser ensemble qualité du travail, développement et santé des personnes et performance”, cette entreprise organise une dizaine de débats par an (formation, transition, management, stratégie RH, etc.) avec des chefs d’entreprises, des syndicalistes, des experts, débats qui donnent lieu à des vidéos proposées sur son site.  

(***) “Et si on écoutait les experts du travail ? Ceux qui le font”, par Alain Alphon-Layre, L’Harmattan, 134 pages, 16€, voir ici

Extraits des témoignages du livre
 Comment travaillez-vous ?Comment aimeriez-vous travailler ?
Elsa,  chargée de production de spectacle   “J’effectue beaucoup de télétravail (..) Dans une période de préparation de festival, je ne fais pas 5 jours de travail mais 7 jours de travail par semaine et je ne compte pas mes heures”.“Je souhaiterais d’abord être moins isolée, plus en contact avec les groupes et moins en télétravail (..) J’aimerais bien déterminer moi-même un cadre de fonctionnement mais je dépends d’un conseil d’administration (..)”
Jean-Pierre, magistrat“J’assure deux audiences correctionnelles collégiales par semaine (..) sauf si les dossiers examinés sont importants et lourds, auquel cas l’audience peut durer 2 à 3 jours. Je préside le tribunal correctionnel à raison de deux audiences par semaine (..) Hier, j’ai fini à 21h45, et pourtant j’avais renvoyé 3 dossiers en début d’audience”.“L’enjeu, c’est de revenir aux causes de cette situation plutôt que répéter que la justice ne fait pas son travail. Toutes les questions de prévention et d’alternative reposent sur la protection judiciaire de la jeunesse qui, elle aussi, n’a pas les moyens de suivre les personnes”.
Aurore, agent d’entretien“J’ai 5 chantiers (..) Je dois faire le nettoyage des halls d’entrée, d’escaliers, de parkings et d’extérieurs et dans certains je dois sortir les poubelles. Il y a un bâtiment qui est mon cauchemar : neuf, très mal conçu, avec des sols blanc cassé donc très salissants (..) Je fais 31h30 par semaine”. “J’aimerais que les architectes consultent les agents d’entretien avant d’élaborer leurs plans. Il y aurait moins de choses difficiles voire impossibles à faire (..) Ce qui me manque aussi, c’est de ne pas voir mes collègues de travail (..) Il faudrait que nous soyons sûrs d’avoir 35 heures et ne pas stresser sur une paie qui peut être amputée”.
Kevin,  cadre“Mon travail consiste à mettre en place l’architecture d’information qui permet à nos algorithmes de transformer la voix en texte puis en intention (..) J’ai fait le choix d’être en télétravail à temps plein”.“Le télétravail, c’est bien, ça laisse plus de liberté et d’autonomie, mais le lien social, le travail d’équipe en souffre. Chaque fois que je vais à Paris, en parlant boulot, nous communiquons sur des petites astuces, et ça, ça n’est pas possible en visioconférence. J’aimerais avoir plus de temps pour la formation”.
Alexandra, infirmière“Mon travail consiste à assister le chirurgien dans son intervention (..) Ca peut aller de 6 endoscopies dans une journée à une seule opération qui peut durer 10 heures (..) Après les interventions, je vais m’assurer que tout le matériel sera remplacé pour celles d’urgence ou du lendemain”.“J’aimerais déjà arriver le matin dans ma salle d’intervention en me disant que c’est prêt (..) Je serais plus détendue, donc je pourrais prendre le temps de parler avec le patient, le rassurer, aujourd’hui je n’ai pas ce temps. Entre deux interventions aussi j’aimerais avoir plus de temps alors qu’actuellement j’ai un quart d’heure pour vérifier que j’ai tout le matériel”.
Nina, conseillère financière dans la banque“Chaque conseiller a un portefeuille de 1 600 à 1 800 clients à gérer, nous travaillons en binôme, ce qui signifie que je gère le portefeuille de mon binôme quand il est absent (..) A la fin de la semaine, j’ai un entretien avec le manager qui pourra me signifier les opportunités de vente que j’aurais pu proposer à mes clients. Toutes les semaines, il faut faire ce reporting”.“C’est simple : d’abord, avoir de l’autonomie. Je n’en peux plus des remarques du style : “tu dois faire ceci, tu dois faire cela”. Qu’on me laisse gérer, je n’ai besoin de personne pour savoir ce que j’ai à faire (..) Pour moi, le management par la peur, c’est contre-productif. J’aimerais qu’il y ait plus de confiance, d’écoute et d’empathie de la part des managers directs et indirects (..) Je souhaiterais aussi plus de collaboration entre nous, plus d’entraides que d’injonctions”. 

Bernard Domergue

Scrutin TPE : la dualité de candidatures d’une union et d’un syndicat interdépendants est frauduleuse

29/11/2024

La candidature d’un syndicat non indépendant d’une union également candidate au scrutin TPE contrevient au principe d’indépendance et à la règle d’unicité syndicale. Dans ce contexte, seule la candidature de l’union peut être validée, décide la Cour de cassation à l’occasion d’un contentieux sur les élections des très petites entreprises.

Le scrutin mesurant l’audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés (TPE) a lieu tous les 4 ans, et il donne lieu, c’est désormais presque habituel, à son lot de contentieux. Voyons en quoi consiste cette nouvelle décision de la Cour de cassation, en date du 21 novembre. 

Une contestation du droit à candidater

Pour l’édition 2024 organisée du 25 novembre au 9 décembre 2024 (lire notre article), la liste des organisations syndicales habilitées à déposer leurs candidatures, a été arrêtée par une décision du Directeur général du travail (DGT) du 13 mars 2024. Parmi ces organisations figurait le Syndicat commerce indépendant démocratique (Scid), retenu au niveau national et professionnel.

Plusieurs syndicats (CGT-FO, CGT, CFE-CGC, Unsa et CFDT) ont contesté cette décision et demandé l’annulation de la candidature du Scid en invoquant le non-respect du critère de transparence financière et un défaut d’indépendance vis-à-vis de l’Union syndicale des Gilets jaunes (USGJ), également candidate.

Les étapes de la procédure

Par un premier jugement du 24 mai 2024, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré le Scid irrecevable à se porter candidat, considérant qu’il ne satisfaisait pas aux critères de l’article L 2122-10-6 du Code du travail, notamment en matière de transparence financière et d’indépendance.

Selon ce texte, pour candidater au scrutin TPE, un syndicat doit notamment :

  • exister légalement depuis au moins 2 ans ;
  • respecter les valeurs républicaines ;
  • remplir le critère de transparence financière ;
  • être indépendant.

Ces critères étant cumulatifs, la défaillance de l’un d’eux entraîne l’irrecevabilité de la candidature.

Cette décision a été cassée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 juillet 2024 (Cass. soc. 12-7-2024 n° 24-60.174), au motif que le principe de spécialité était respecté dès lors que le Scid ne revendiquait pas représenter tous les secteurs d’activité. L’affaire a été renvoyée devant le même tribunal judiciaire autrement composé.

Par un second jugement du 14 octobre 2024, le tribunal judiciaire a de nouveau invalidé la candidature du Scid au motif :

  • d’un manque de transparence financière, en l’absence de données comptables claires à la date de sa signature ; 
  • d’une interdépendance matérielle et financière avec l’USGJ, caractérisant une fraude au principe d’indépendance et d’unicité syndicale.

Dans son arrêt du 21 novembre 2024, la Haute Juridiction rejette le pourvoi formé par le Scid . Elle valide le raisonnement des juges du fond, concluant que malgré l’absence d’affiliation officielle entre le Scid et l’USGJ, elles ne disposent pas d’une indépendance l’une à l’égard de l’autre. Dès lors, en déposant sa candidature au scrutin TPE tandis que l’USGJ y figurait déjà dans la liste nationale et interprofessionnelle, et ce pour disposer d’une audience majorée, le Scid a agi en fraude du principe d’indépendance exigé par l’article L 2122-10-6 du Code du travail et de la règle d’unicité syndicale découlant de l’article R 2122-35 du même Code.

► À noter : dans l’arrêt du 21 novembre 2024, la Cour a retenu la violation du critère d’indépendance, sans examiner directement celui de la transparence financière.

Faute d’indépendance, une seule candidature peut être validée…

Le principe d’unicité syndicale interdit à une union syndicale et à un syndicat affilié ou à des syndicats affiliés à une même organisation de présenter des candidatures concurrentes (Cass. soc. 24-1-2018 n° 16-22.168 ) ou de cumuler des prérogatives au sein d’une même entreprise.

Ainsi, la chambre sociale a jugé, concernant d’ailleurs déjà l’USGJ et le Scid, qu’une union de syndicats et un syndicat affilié ne peuvent désigner ensemble dans la même entreprise un nombre de délégués et représentants syndicaux supérieur à celui fixé par la loi (Cass. soc. 6-7-2022 n° 21-16.835 F-D).

S’agissant du scrutin TPE, ce principe est codifié à l’article R 2122-35 du Code du travail, qui précise que les syndicats affiliés à une même organisation syndicale au niveau interprofessionnel doivent se déclarer candidats sous le seul nom de cette organisation.

Mais au cas présent, le Scid n’était pas officiellement affilié à l’USGJ. Pouvait-il en exciper pour justifier sa candidature isolée  et concurrente à celle de l’union ?

La chambre sociale répond par la négative en approuvant les juges du fond d’avoir souverainement considéré que malgré l’absence d’affiliation officielle entre les deux organisations syndicales, celles-ci ne disposaient pas d’une indépendance l’une à l’égard de l’autre.

…dès lors qu’il existe une « affiliation factuelle » sinon officielle

Le critère d’indépendance visé à l’article L 2122-10-6 recouvre différentes acceptions.

L’indépendance est celle du syndicat à l’égard des employeurs (Cass. soc. 27-10-1982 n° 82-60.174 P Cass. soc. 27-1-2021 n° 18-10.672 ; Cass. soc. 26-2- 2020  n° 19-19.397), mais également à l’égard des pouvoirs publics ou des partis politiques (Cass. ch. mixte. 10-4-1998 n° 97-17.870 P).

Elle s’entend également d’une indépendance financière. Même s’il a été jugé que le fait pour un syndicat de disposer de l’appui financier de la confédération à laquelle il est affilié ne lui fait pas perdre son indépendance financière (Cass. soc. 26-2-2020 n° 19-19.397).

Enfin, lorsqu’un syndicat revendique l’exercice d’un droit (par exemple, la désignation d’un représentant), le critère d’indépendance doit également être apprécié à l’égard des autres syndicats se présentant sous une affiliation différente (Cass. soc. 6-7-2022 n° 21-16.835).

C’est à celui qui conteste le respect, par une organisation syndicale, du critère d’indépendance d’apporter la preuve du bien-fondé de sa contestation (Cass soc. 22-7-1981 n° 81-60.695 P ; Cass. soc. 10-5- 2012 n° 11-17.574 F-D).

Pour considérer que le Scid était, malgré l’absence d’affiliation officielle, dépendant vis-à-vis de l’USGJ, les juges du fond se sont appuyés sur un faisceau d’indices.

Ils ont d’abord relevé l’existence d’une communauté d’intérêts et de direction : participation croisée des dirigeants dans les instances des deux organisations, partage de mandats syndicaux.

Plus précisément, les juges ont retenu que :

  • les dirigeants ou anciens dirigeants du Scid avaient participé à la création de l’USGJ et y avaient disposé de fonctions de direction ;
  • la secrétaire générale de l’USGJ avait également assuré l’exécution d’un mandat de défenseur syndical du syndicat Scid et participé à l’assemblée générale d’approbation des comptes de ce syndicat. Le secrétaire général du syndicat Scid avait signé au nom de l’USGJ plusieurs déclarations de manifestations sans qu’il ne soit pourtant justifié d’aucune procuration faite à son profit. Aussi, selon les juges, « même s’ils ne permettent pas de caractériser la participation habituelle de ces secrétaires généraux à des actes de direction ou de gestion au sein des deux organisations syndicales, ces éléments démontrent la persistance d’une communauté d’intérêts et de proximité personnelle entre les représentants légaux des deux structures » ;
  • et que, malgré la proclamation d’indépendance mentionnée dans leurs statuts, les dirigeants du syndicat Scid, bien qu’ayant démissionné de l’instance dirigeante de l’USGJ, conservent une proximité quotidienne et une communauté d’intérêts avec la direction de l’USGJ.

Les juges du fond ont ensuite constaté une interdépendance matérielle entre les deux organisations syndicales notamment à travers la mise à disposition gratuite de locaux du Scid au profit de l’USGJ et de ses syndicats affiliés, et une utilisation commune de ressources.

Plus précisément, les juges du fond ont relevé que :

  • la plupart des syndicats affiliés à l’USGJ avaient leur siège social fixé au siège social du syndicat Scid, ainsi que cela résultait de leurs statuts, que l’USGJ elle-même y établissait ses propres activités, puisqu’elle déclarait sur son compte Facebook son adresse non pas à son siège social, mais à celui du syndicat  Scid qu’outre le fait qu’elle y recevait ses correspondances, elle y organisait ses propres permanences aux mêmes horaires que celles du Scid ;  
  • qu’il s’agissait de mises à disposition gratuites de locaux offertes à l’USGJ et à ses syndicats affiliés pour leur fonctionnement quotidien constituant un élément essentiel et indispensable au fonctionnement de l’USGJ et de la plupart de ses syndicats affiliés.

Le tribunal en a conclu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que malgré l’absence d’affiliation officielle entre les deux organisations syndicales, elles ne disposaient pas d’une indépendance l’une à l’égard de l’autre.

Dès lors, leurs candidatures concurrentes, en vue de disposer d’une audience majorée, constituait une fraude au principe d’indépendance et d’unicité syndicale.

Comment résoudre ce conflit de candidatures entre une union et un syndicat affilié (sinon officiellement au moins factuellement), laquelle prime sur l’autre ? La Haute Juridiction a déjà eu l’occasion de trancher ce point de droit dans un arrêt récent dont elle réaffirme la solution ici.

La candidature de l’union prime

En principe, les conflits entre syndicats (ou entre une union et un syndicat) se résolvent par application de leurs dispositions statutaires. A défaut, la Cour de cassation applique une règle chronologique (par exemple lorsque des listes syndicales concurrentes sont déposées, seule celle déposée en premier  doit être retenue : Cass. soc. 24-1-2018 n° 16-22.168).

Mais eu égard à la spécificité du scrutin dans les TPE, la Cour de cassation a retenu une autre règle pour résoudre les éventuels conflits entre organisations syndicales dans un arrêt du 12 juillet 2024 :

Seule la candidature de l’union syndicale nationale interprofessionnelle doit être validée, quand bien même elle serait postérieure à la candidature d’une organisation syndicale affiliée dont les statuts ne lui donnent pas vocation à être présente au niveau interprofessionnel, et nonobstant toute stipulation statutaire contraire. Ainsi, la candidature de l’union nationale interprofessionnelle prime sur celle de l’organisation syndicale affiliée (Cass.  soc. 12-7-2024 n° 24-60.167).

Cette solution a été réaffirmé dans la présente affaire.

La Cour de cassation confirme l’irrecevabilité de la candidature du Scid, actant que sa dépendance vis-à-vis de l’USGJ constitue une fraude au principe d’indépendance et d’unicité syndicale. En conséquence, seule la candidature de l’USGJ est retenue pour le scrutin TPE 2024.

La décision de la Cour de cassation

Ayant constaté que, malgré l’absence d’affiliation officielle entre les deux organisations syndicales, elles ne disposent pas d’une indépendance l’une à l’égard de l’autre, le tribunal en a déduit, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’en déposant sa candidature dans la liste nationale et professionnelle du scrutin de mesure d’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés, tandis que l’USGJ y figure déjà dans la liste nationale et interprofessionnelle, et ce pour disposer d’une audience majorée, le Scid agit en fraude du principe d’indépendance exigé par l’article L 2122-10-6 du Code du travail et de la règle d’unicité syndicale découlant de l’article R 2122-35 du même Code.

S’agissant du scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de 11 salariés, seule la candidature de l’organisation syndicale nationale interprofessionnelle doit être validée, quand bien même elle serait postérieure à la candidature d’une organisation syndicale affiliée dont les statuts ne lui donnent pas vocation à être présente au niveau interprofessionnel, et nonobstant toute stipulation statutaire contraire.

Audrey Gauvin-Fournis