Droit prioritaire de désignation d’un délégué syndical : les conditions de renonciation sont clarifiées
27/01/2025
Un salarié ne peut pas, par avance, renoncer au droit d’être désigné délégué syndical. Il tient ce droit des dispositions d’ordre public du code du travail lorsqu’il a obtenu un score d’au moins 10 %, dans son collège, au premier tour des dernières élections du CSE.
Le délégué syndical (DS) doit être choisi parmi les candidats ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique (CSE). En cas de renonciation écrite des élus ayant obtenu ce seuil ou en l’absence de candidats remplissant ces critères, une organisation syndicale peut désigner un délégué parmi d’autres candidats, ses adhérents ou d’anciens élus.
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer que la renonciation écrite de l’élu ou du candidat doit intervenir avant la désignation (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-24.678). Elle pose aujourd’hui, dans un arrêt du 22 janvier 2025, une nouvelle borne temporelle à cette renonciation en précisant que l’élu ou le candidat ne peut y renoncer avant le premier tour des élections professionnelles.
Au moins 10 % : un droit de désignation prioritaire en tant que délégué syndical
Le délégué syndical doit être choisi parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés dans son collège au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L. 2143-3, al. 1er).
Ainsi, en vertu de ce texte, pour être désigné délégué syndical (DS), le salarié doit obligatoirement se porter candidat au premier tour des élections au CSE : un candidat du second tour ne peut pas devenir délégué syndical, même s’il s’est présenté sur une liste syndicale.
Mais il peut, au choix, se présenter comme titulaire ou suppléant à l’élection du CSE. Et il n’a pas besoin d’être élu : il lui faut seulement recueillir un minimum d’audience électorale personnelle, soit 10 % des suffrages exprimés.
Un accord collectif ne peut pas modifier la donne
Cette règle d’ordre public est toutefois assortie d’une règle supplétive, prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2143-3 du code du travail.
En cas de renonciation écrite des candidats/élus, le syndicat peut désigner un DS parmi les autres candidats ou ses adhérents
Une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique, dans trois cas de figure (C. trav., art. L. 2143-3, al. 2) :
- si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles n’a recueilli au moins 10 % des suffrages à titre personnel dans leur collège ;
- s’il ne reste dans l’entreprise ou l’établissement plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces mêmes conditions ;
- si l’ensemble des élus ayant obtenu 10 % des suffrages renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical.
Dans cette affaire, l’ensemble des 28 candidats d’un syndicat, susceptibles d’être désignés en priorité délégués syndicaux, renoncent par écrit à leur droit de priorité avant le premier tour des élections professionnelles. Après les élections, le syndicat désigne deux salariés adhérents comme délégués syndicaux dans un établissement, comme l’y autorise l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 du code du travail.
Mais l’employeur conteste cette désignation en justice. Les juges du fond annulent ces désignations, relevant que les renonciations des candidats n’étaient pas valables car faites avant le premier tour des élections, soit avant que le droit de priorité soit né.
Arguant que les juges du fond ont, par leur décision, ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, syndicat et salariés se pourvoient en cassation. La Cour de cassation avait donc à se prononcer sur la validité de cette renonciation quand le droit de priorité à être désigné DS n’est pas encore acquis.
La lecture de la Cour de cassation
La chambre sociale donne raison aux juges du fond : “Un salarié ne peut, par avance, renoncer au droit d’être désigné délégué syndical qu’il tient des dispositions d’ordre public de l’article L. 2143-3 du code du travail lorsqu’il a obtenu un score électoral d’au moins 10 %”.
Si l’ensemble des candidats avait confirmé leur renonciation après le premier tour des élections au CSE, il en aurait été tout autrement. Cette absence de confirmation après le premier tour des élections avait d’ailleurs été relevée par les juges du fond.
► Remarque : à notre avis, cette confirmation doit également être faite par écrit.
Ainsi, pour être valable, la renonciation au droit prioritaire de désignation en tant que délégué syndical doit être faite, par écrit, après le premier tour des élections professionnelles et avant la désignation du délégué.
Géraldine Anstett
PLF 2025 : Amir Reza-Tofighi, le nouveau président de le CPME, appelle à un “budget d’urgence”
27/01/2025
Nouvellement élu à la tête de la CPME, Amir Reza-Tofighi, a posé la semaine dernière, à l’occasion d’un point presse, les premiers jalons de sa politique pour représenter la voix des employeurs des TPE/PME. Parmi ses points de vigilance figure la préparation du budget 2025. Il refuse toute augmentation du coût du travail, au moment où l’économie “est en train de reculer” mais se dit prêt à plus long terme à revoir le système des allègements de charge, sur la base du rapport des économistes Antoine Bozio et d’Etienne Wasmer.
Par ailleurs, il compte bien peser dans les négociations sur les retraites, “sans ligne rouge” mais sans aller non plus vers “des solutions qui vont coûter de l’argent”. Ce fervent défenseur du paritarisme estime que, si les partenaires sociaux “trouvent un accord, celui-ci fera consensus au sein des politiques”.
S’agissant de l’agenda social autonome, il souhaiterait discuter de la législation du travail, avec parmi ses ambitions, celles de voir le code du travail ne faire “qu’une page” pour laisser toute latitude aux employeurs et salariés pour traiter des relations individuelles et collectives du travail.
Enfin, Amir Reza-Tofighi va constituer sa nouvelle équipe de gouvernance “d’ici à trois mois”.
Source : actuel CSE
Devoir de vigilance : FO juge le revirement français “inacceptable”
27/01/2025
La demande, adressée par la France à la Commission européenne, visant à reporter la directive de l’Union européenne sur le devoir de vigilance, dans le cadre de l’agenda européen de simplification réglementaire et administrative, inquiète Force ouvrière.
Cette directive, soutenue par la Confédération européenne des syndicats (CES), “vise à imposer aux multinationales européennes le respect des droits sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leur chaine de valeur”, rappelle FO, qui regrette que la note de la France “légitime les attaques qui se sont multipliées ces derniers mois de la part de plusieurs organisations d’employeurs, au niveau français et européen, en faveur de la simplification et de la déréglementation”.
FO juge ce revirement français “inacceptable” au regard du besoin “d’encadrer les multinationales, et leur activité le long des chaînes de valeurs, à tous les niveaux, y compris dans les négociations en cours sur un traité contraignant des Nations-Unies sur les multinationales et les droits de l’Homme”.
Il n’est pas excessif de parler de revirement dans la mesure où la France soutenait jusqu’à présent l’évolution de ce droit, et que notre pays en 2017 une loi obligeant les grandes sociétés à publier un plan de vigilance sur les risques sociaux et environnementaux de leurs activités.
Source : actuel CSE
Action syndicale : la Cour de cassation réaffirme la distinction entre intérêt collectif et intérêt individuel
29/01/2025
Un arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2025 réaffirme le droit d’un syndicat à obtenir des dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif, sans pouvoir demander la régularisation des situations individuelles des salariés, y compris dans le cadre d’une grève visant à assurer le respect de leurs droits essentiels.
Les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (C. trav., art. L. 2132-3). La notion d’intérêt collectif n’étant pas facile à appréhender, la Cour de cassation a dû préciser, en 2023 et 2024, la ligne de partage entre intérêt collectif de la profession et intérêts individuels (Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 22-14.807 ; Cass. soc., 6 nov. 2024, n° 22-17.106 ; Cass. soc., 6 nov. 2024, n° 22-21.966).
Ainsi, un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d’égalité de traitement et demander, outre l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.
En revanche, il ne peut prétendre obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation personnelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts, et ce au grand regret de certains avocats qui défendent les organisations syndicales et les représentants du personnel.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation rappelle cette ligne de partage, dans une affaire relative à l’exercice du droit de grève.
Au départ, une grève ayant pour cause la défense d’un droit essentiel des salariés
En principe, la suspension du contrat de travail pour faits de grève emporte celle de l’obligation pour l’employeur de payer les salaires.
Toutefois, ce principe de suppression du salaire des grévistes peut être écarté :
- par accord de fin de conflit ;
- en cas de manquement grave et délibéré par l’employeur à ses obligations.
En effet, à défaut d’accord de fin de conflit prévoyant le paiement des heures de grève, ce n’est que dans le cas où les salariés se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu’ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d’un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations que celui-ci peut être condamné à payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires.
► Remarque : notons que le paiement des heures de grève s’impose même lorsqu’un protocole d’accord de fin de conflit exclut une telle indemnisation, dès lors que la grève tend à assurer le respect d’un droit essentiel (Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-44.776).
Défaut d’informations sur les dangers qui pèsent sur une succursale
Dans cette affaire, dans le cadre d’un projet de restructuration, une société portugaise implantée en France sous la forme d’une succursale refuse de fournir aux représentants du personnel les informations nécessaires sur les dangers qui pèsent sur cette succursale. Ce manquement patronal génère “un stress et une angoisse intense des salariés” les contraignant à faire grève sur une longue durée (du 17 avril au 30 juin 2018).
À l’issue de cette grève, salariés grévistes et syndicats réclament à l’employeur le règlement des salaires afférents aux jours de grève. Ce dernier s’y refuse. Le syndicat l’assigne alors en justice aux fins d’obtenir le versement du salaire dont les salariés grévistes ont été privés ainsi qu’une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.
Les juges d’appel ne font droit à aucune demande du syndicat qui se pourvoit en cassation.
Le syndicat ne peut pas réclamer en justice le versement aux grévistes d’une indemnité
En premier lieu, le syndicat reproche aux juges du fond de ne pas faire droit à sa demande de versement de l’indemnité compensatrice de la perte des salaires et de primes de garde et de scolarité. Pour le syndicat, cette demande ne visait pas à la reconstitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés. Elle ne portait donc pas sur la défense d’un intérêt individuel.
La Cour de cassation balaie cet argument. Un syndicat ne peut prétendre du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation personnelle des salariés. Une telle action relève de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Peu importe, à cet égard, que les salariés ne soient pas nommément désignés.
Ainsi, la Cour rappelle que l’action syndicale est irrecevable dès lors qu’elle tend à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, même non précisément identifiés. Une telle demande nécessite, en effet, un calcul précis, salarié par salarié. De telles opérations relèvent de l’appréciation de la situation individuelle et de la revendication de droits liés à la personne de chacun des salariés concernés, demandes qu’il leur appartient le cas échéant de former en justice.
Le syndicat peut obtenir des dommages-intérêts pour réparer le préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession
La seconde demande syndicale visait la réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession par le versement de dommages-intérêts. Le syndicat considérait, en effet, qu’un litige est de nature à affecter l’intérêt collectif de la profession dès lors qu’il concerne l’exercice du droit de grève.
Les juges du fond ne font pas droit à cette demande, arguant que cette action tend à réparer un préjudice individuel des salariés grévistes qui trouve sa source dans le comportement fautif de l’employeur contraignant le syndicat à appeler à la grève. Elle ne tend pas à réparer le préjudice résultant d’une atteinte au droit de grève.
Cette fois-ci, la Cour de cassation donne tort aux juges d’appel.
Pour la Cour, l’action syndicale “engagée afin de faire juger que les salariés se trouvaient dans une situation contraignante telle qu’ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d’un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations, constitue une action engagée dans l’intérêt collectif de la profession”. À ce titre, le syndicat est en droit d’obtenir des dommages-intérêts.
Géraldine Anstett
Hausse du chômage : les mesures demandées par les syndicats
29/01/2025
La hausse du chômage du dernier trimestre et de l’année 2024 (+3,7% en moyenne et même 7 % pour les moins de 25 ans) fait réagir les organisations syndicales.
► La CFDT demande de “donner toute leur place aux représentants du personnel” car “c’est le dialogue social dans les branches et les entreprises qui permettra d’anticiper et de mieux accompagner : maintien en emploi (des seniors en particulier), formation, reconversion…” Le syndicat, qui réclame des “mesures qui ont fait leur preuve comme l’activité partielle de longue durée conditionnée à un accord d’entreprise et à des engagements de maintien des emplois”, suggère au ministère du travail d’organiser rapidement “une large concertation sur l’emploi mais aussi spécifiquement sur les reconversion”.
► La CGT s’inquiète du développement du chômage et de la précarité en France : “Seulement 40,6 % des inscrits à France travail sont indemnisés”. Le syndicat met ces mauvais chiffres au débit du bilan d’Emmanuel Macron et demande “l’annulation de la loi dite plein emploi, de la mise en place de France travail et des sanctions qui l’accompagnent”.
► FO s’alarme également des dernières tendances : “Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A augmente de 4% soit + 113 800 pour le dernier trimestre 2024 et +3,7% sur un an. L’année 2024 s’achève avec un nombre d’inscrits en catégories B et C en 2024 à 2 288 000. Ces catégories recensent les demandeurs d’emplois qui exercent une activité réduite en complément de leur allocation chômage. Ce chiffre stable sur l’année confirme ainsi le développement et l’enracinement de l’emploi précaire (..) Malgré l’objectif de retour au plein emploi et la mise en place de France travail, FO ne peut que constater que la précarité de l’emploi ne faiblit pas et que le chômage remonte fortement”.
Source : actuel CSE