En l’absence de contestation de la désignation d’un représentant syndical en surnombre, le salarié reste protégé

26/05/2025

Lorsqu’un salarié était présent à une réunion du CSE en qualité de représentant désigné par un syndicat en surnombre, et en l’absence de toute contestation de l’employeur, le salarié est protégé.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical est d’office le représentant syndical au CSE (art. L. 2143-22 du code du travail). Qu’en est-il lorsque l’employeur laisse un autre représentant syndical assister à une réunion du CSE ? Ce salarié est-il protégé ? C’est à cette question que répond l’arrêt du 6 mai 2025.

Représentant syndical en surnombre assistant à une réunion du CSE

Dans cette entreprise de moins de 300 salariés, tous les élus du CSE sont issus de la CFDT. Quelques mois après l’élection du comité (novembre 2019), un salarié assiste à une réunion du CSE en date du 4 juin 2020 : il est mentionné sur le PV du CSE comme “désigné par le syndicat” et en surnombre.

Le nouveau directeur, arrivé juin 2020, met fin de manière unilatérale à la désignation du représentant syndical en surnombre et le salarié concerné n’est plus convoqué au CSE.

En novembre 2020, ce salarié est convoqué à un entretien préalable au licenciement, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave. A la suite de quoi le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître son statut protecteur, et que son licenciement sans autorisation est donc nul.

Pour le conseil de prud’hommes comme la cour d’appel, le salarié n’a jamais été protégé car il n’a jamais eu la qualité de représentant syndical. En effet, expliquent les juges du fond, le syndicat n’apporte pas la preuve d’une désignation en bonne et due forme conformément à l’article D. 2143-4 du code du travail (lettre avec accusé de réception ou lettre remise contre récépissé), peu importe l’existence ou non d’une tolérance tacite sur la désignation potentielle antérieure d’un représentant syndical en surnombre, l’employeur étant en droit de revenir de manière unilatérale à l’application des dispositions légales. Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord.

Connaissance de la désignation sans contestation

La Haute cour explique que le salarié étant présent à la réunion du CSE du 4 juin 2020 en qualité de représentant “désigné par le syndicat” en surnombre, sa désignation est purgée de tout vice à l’expiration du délai de contestation. En d’autres termes, l’employeur n’ayant pas contesté cette désignation en surnombre dans les 15 jours suivant la date à laquelle il en a eu connaissance (la réunion du CSE à laquelle le salarié a assisté), le statut protecteur s’applique.

La Cour fait application de sa jurisprudence et de celle du Conseil d’État (CE, 26 nov. 1990,n° 99113 ; Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-42.269), au représentant syndical désigné en surnombre.

Dénonciation de la tolérance relative au nombre de représentants syndicaux au CSE

Pour écarter le bénéfice du statut protecteur revendiqué, les juges du fond soulèvent donc qu’il n’existe pas d’accord collectif modifiant les dispositions légales de sorte que l’entreprise ne compte qu’un seul délégué syndical désigné par le seul syndicat présent. Pour eux, la tolérance tacite de la désignation d’un représentant syndical en surnombre importe peu, et l’entreprise peut revenir dessus de manière unilatérale, le seul délégué syndical dans l’entreprise étant d’office le représentant syndical au CSE.

Mais, à nouveau, la Cour de cassation s’inscrit en faux. Elle rappelle sa jurisprudence constante en la matière : si le nombre de représentants syndicaux au CSE tel qu’il est fixé par la loi peut être augmenté par accord collectif, ni un usage de l’entreprise ni un engagement unilatéral de l’employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes. Il s’ensuit que l’employeur qui décide unilatéralement d’une telle augmentation peut unilatéralement décider de revenir à l’application des textes légaux qui n’ont cessé d’être applicables, sous réserve de ne pas méconnaître le principe d’égalité entre tous les syndicats concernés et, pour répondre à l’exigence de loyauté qui s’impose en la matière, de les en informer préalablement (par exemple, Cass. soc., 25 janv. 2012, n°11-14.151 ; Cass. soc., 15 janv. 2013, n° 12-11.751).

La Haute cour en déduit que les juges du fond devaient rechercher si l’employeur, préalablement à sa décision unilatérale du 20 août 2020 révoquant la possibilité pour un syndicat de désigner un représentant syndical surnuméraire au CSE, avait informé les syndicats représentatifs concernés, n’y eut-il qu’une seule organisation syndicale représentative dans l’entreprise.

► Remarque : attention, il nous semble que même si l’employeur a valablement révoqué la tolérance (ce dont la cour de renvoi devra s’assurer), il aurait de toute façon dû demander l’autorisation de licencier le salarié désigné RS en surnombre, son mandat non contesté ayant été purgé de tout vice. L’employeur a en effet eu une connaissance certaine de cette désignation au plus tard lors de la réunion du 4 juin à laquelle il a assisté, et la convocation à l’entretien préalable est datée du mois de novembre. Rappelons en effet qu’il est de jurisprudence constante que, pour s’appliquer, le statut protecteur doit être acquis à la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement (CE, 23 nov. 2016, n° 392059 ; Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 19-10.928). 

Séverine Baudouin