Médecine du travail : les changements depuis le 1er janvier 2024

15/01/2024

Cotisation SPSTI en cas de salariés multi-employeurs, dossier médical de santé au travail, agrément des SPST pour le suivi médical des salariés exposés aux rayonnements ionisants, intervention du médecin de ville auprès des SPSTI ont fait l’objet de changements applicables depuis le 1er janvier 2024

Répartition de la cotisation due aux SPSTI en cas de salariés multi-employeurs

Le décret du 30 juin 2023 a précisé les modalités du suivi médical des salariés ayant plusieurs employeurs pour un emploi identique ainsi que les modalités de répartition de la cotisation annuelle due au SPSTI entre les différents employeurs. Si les modalités concernant le suivi se sont appliquées le lendemain de la publication du décret, celles concernant la cotisation ne sont applicables que depuis le 1er janvier 2024.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, le SPSTI de l’employeur principal doit recouvrir sa cotisation annuelle auprès de chaque employeur en la répartissant entre eux à parts égales (article D.4624-65 du code du travail).

Rappelons que la loi santé au travail du 2 août 2021 a modifié les règles de tarification des SPSTI. Les dépenses des SPSTI prévues à l’article L.4622-9-1 du code du travail (l’ensemble socle), financées par une cotisation annuelle, sont réparties entre les employeurs proportionnellement au nombre des salariés, sans référence à leur durée du travail (article L.4622-6 du code du travail). 

Pour cela, le SPSTI doit se fonder sur le nombre de travailleurs ayant plusieurs employeurs et occupant des emplois identiques au 31 janvier de l’année en cours. Il peut demander aux entreprises adhérentes de lui transmettre, avant le 28 février de chaque année, la liste des travailleurs exécutant simultanément au moins deux contrats de travail au 31 janvier de l’année en cours (article D.4624-65 al. 1, 2 et 3 nouveaux du code du travail).

Pour les travailleurs ayant plusieurs employeurs qui arrivent dans l’entreprise au-delà de la date du 31 janvier, le SPSTI ne peut pas procéder au recouvrement d’une cotisation complémentaire (article D.4624-65 al. 4 nouveau du code du travail).

Agrément complémentaire des SPSTI pour les suivis renforcés

La loi Santé au travail du 2 août 2021 a renforcé la protection des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants en renforçant notamment les compétences des professionnels de santé au travail assurant le suivi individuel renforcé de ces travailleurs.

Le décret du 21 juin 2023 a précisé les modalités de cette protection qui se sont appliquées au lendemain de la publication de ce texte, hormis deux mesures qui ne sont applicables que depuis le 1er janvier 2024 : 

  • le SPSTI qui assure ce suivi renforcé pour les salariés exposés aux rayonnements ionisants doit obtenir un agrément complémentaire. Le SPSTI qui n’a pas cet agrément le 1er janvier 2026 ne pourra plus assurer ce suivi ;
  • une obligation de formation spécifique doit être suivie par les professionnels de santé de ces SPSTI. Si cette formation n’est pas effectuée avant le 1er janvier 2026, ces professionnels de santé ne pourront plus assurer ce suivi.

Collaboration du SPSTI avec la médecine de ville

Dans les zones caractérisées par un nombre insuffisant de médecins du travail, le service de prévention et de santé au travail peut collaborer avec un médecin de ville pour assurer le suivi médical des travailleurs. Cette mesure est issue de la loi Santé au travail du 2 août 2021.

Les conditions de cette collaboration ont été précisées par le décret du 27 décembre 2023 mais un arrêté reste nécessaire pour sa mise en œuvre effective : voir article publié le 9 janvier.

Le dossier médical de santé au travail intégré dans le dossier médical partagé

Depuis le 1er janvier 2024, certains éléments du dossier médical en santé au travail (DMST) peuvent alimenter le dossier médical partagé (DMP) (article L4624-8 du code du travail). C ‘est une mesure introduite par la loi du 2 août 2021 Santé au travail et précisée par le décret du 15 novembre 2022. 

Plus précisément, le médecin du travail chargé du suivi individuel de l’état de santé d’une personne peut accéder au DMP du salarié et l’alimenter, sous réserve de son consentement et de son information préalable quant aux possibilités de restreindre l’accès au contenu de son dossier (articles L.4624-8, R.4624-45-3 à R.4624-9 du code du travail).

Nathalie Lebreton

Le fonctionnement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

17/01/2024

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) offre des ressources financières aux branches professionnelles et aux employeurs pour mettre en œuvre des mesures de prévention des risques liés à l’usure professionnelle. Quel est son fonctionnement ? Qui peut en bénéficier ?

Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) a été créé par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. L’objectif est de prévenir et d’anticiper l’usure professionnelle plutôt qu’agir en réparation. Ce fonds est placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP) et il est doté d’un milliard d’euros sur cinq ans.

Concrètement, il sera utilisé pour financer des actions de prévention, de sensibilisation, de formation, ou de reconversion au bénéfice des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

Les bénéficiaires du fonds

Le FIPU peut bénéficier aux entreprises pour le financement soit d’aides directes (sous la forme de subventions prévention) dans le cadre de démarches de prévention et de sensibilisation, soit d’actions de sensibilisation et de prévention de la désinsertion professionnelle telles que des aménagements de postes.

Concernant la reconversion professionnelle, le FIPU versera une dotation dédiée au financement de projets de transition professionnelle (PTP) aux salariés concernés par un des risques ergonomiques. Le salarié doit avoir une ancienneté de deux ans sur un poste concerné par la pénibilité (CDI), ou avoir cumulé deux ans d’activité sur un poste concerné sur cinq ans (CDD). Des modalités particulières de calcul de l’ancienneté sont prévues pour les intermittents et les contrats de travail temporaire. Le projet de reconversion doit viser un métier non exposé aux facteurs de risques et sa pertinence est évaluée. Le projet doit aussi faire l’objet d’un cofinancement de l’employeur, par exemple par le biais de son OPCO (opérateur de compétences). D’autres conditions de mise en œuvre du PTP s’appliquent comme la possibilité ou non de prendre un congé. Les coûts pédagogiques, la rémunération (jusqu’à deux SMIC) et des frais annexes sont pris en charge.

Enfin, le FIPU s’adresse aussi aux organismes professionnels de prévention (OPP) qui ont conclu une convention avec la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (ex. : objectifs de baisse de la sinistralité, actions de sensibilisation et de prévention). Aujourd’hui, le seul qui existe est l’OPPBTP. Pour rappel, la création d’un OPP (article L. 4643-1 du code du travail) nécessite un décret en Conseil d’État définissant ses missions, ses modalités de fonctionnement et d’organisation, et les modalités de participation des employeurs à son financement. 

Dans ce cadre, avec les OPP, le FIPU permet de financer des actions de prévention des risques ergonomiques. Il ne peut dépasser 5% du budget global de l’organisme, sauf pour les organismes créés après le 1er septembre 2023 pour qui le financement du FIPU peut atteindre 30% du budget annuel de l’organisme pendant deux ans. Les dotations attribuées par le fonds pourront servir à financer des frais de personnel s’ils sont exclusivement dédiés aux actions de sensibilisation et de prévention prises en charge par le fonds. 

Les branches professionnelles sont sollicitées

Après avis du CNPST (Comité National de Prévention et de Santé au Travail, instance paritaire de concertation et d’orientation de la politique publique de santé au travail), la CAT-MP fixe des orientations qui se fondent sur une cartographie des métiers et activités exposés et s’appuient sur les listes établies par les branches professionnelles. 

Le décret du 10 août 2023 a précisé l’articulation entre le travail des branches (qui négocient des accords) et celui de la CAT-MP (article R. 221-9-2 du CSS). Ainsi, la CAT-MP doit intégrer les accords de branche à la cartographie, qu’elle complète en l’absence de liste ou en cas d’incohérence, à partir des données de sinistralité disponibles, avec l’appui le cas échéant d’un comité d’experts, composé de personnalités qualifiées (PU-PH, ergonomes, IPRP) et de représentants d’organismes de prévention (INRS et ANACT).

L’élaboration des listes par les branches doit faciliter une prise en compte des métiers au plus près des réalités de chaque secteur. La liste a vocation à être mise à jour, pour tenir compte de l’évolution des métiers et des avancées technologiques.

Il n’existe pas de cadrage de la négociation hormis le principe de l’utilisation d’une nomenclature commune (code PCS-ESE) : les métiers doivent être identifiés par la branche selon la nomenclature de l’Insee PCS-ESE, librement accessible (nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles des emplois salariés des employeurs privés et publics). Cette nomenclature de référence n’empêche pas les accords de branche de lister également des tâches et/ou des activités de manière plus précise (situations de travail). L’accord de branche doit contenir :

  • la liste de métiers ou d’activités exposés à des facteurs de risques ergonomiques respectant la nomenclature PCS-ESE ;
  • les mesures de prévention des risques.

Les métiers/activités exposés sont définis : 

  • par le dialogue social, en se fondant sur la connaissance des métiers et de la réalité des conditions et situations de travail ;
  • en réutilisant des travaux existants (ex. :  référentiels pénibilité de branche homologués) ;
  • en utilisant des données des enquêtes de la DARES relatives à l’exposition aux risques dits ergonomiques ou d’autres données de sinistralité de branche à demander à la DGT (cf. le questions-réponses sur le site du ministère) 

Orientations 2023 – 2024

Le FIPU est doté de 30M€ en 2023 et de 200M€ en 2024.

La CATMP a adopté les orientations 2023 – 2024 le 30 octobre 2023 après consultation du CNPST.  Jusqu’au 30 mai 2024, il y a une possibilité de modifier les orientations pour l’année 2024 afin de tenir compte des accords de branche conclus fin 2023/début 2024. Les listes élaborées par les branches seront intégrées en continu aux travaux de la CAT-MP. Ainsi, les accords conclus après le 30 mai 2024 seront intégrés à la cartographie et aux orientations adoptées en septembre 2024, pour l’année 2025.

Pour 2023 – 2024, l’allocation des crédits est priorisée ainsi : 

  1. les aides financières aux entreprises ;
  2. le financement des projets de transition professionnelle par France Compétences ;
  3. la participation financière aux budgets des organismes de prévention des branches professionnelles.

La CAT/MP établit l’allocation de ces crédits en fonction de la taille des entreprises, soit : 

  • 70 % de l’enveloppe pour les entreprises de moins de 49 salariés ; 
  • 20 % de l’enveloppe pour les entreprises de 50 à 199 salariés ;
  • 10 % de l’enveloppe pour les entreprises de plus de 200 salariés.

Clémence Andrieu

Nouveau site de l’OPPBTP : “Maîtres d’ouvrage, bâtissez en prévention”

18/01/2024

Les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre occupent une fonction centrale pour la prévention des risques professionnels sur les chantiers et cela dès la phase de conception du projet. Les maîtres d’ouvrage dans le BTP peuvent être des acteurs publics (Etat, collectivités territoriales, établissements publics de santé, entités de droit public, etc.) mais également privés (entreprises, promoteurs, particuliers, etc.). Leur niveau de connaissance sur les mesures de prévention est donc disparate.
 
Afin de l’uniformiser et de l’améliorer, l’OPPBTP (l’office de prévention des risques dans la branche du BTP) propose un site internet dédié « moa-batissez-en-prevention.fr ». Il regroupe des conseils pour les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre afin de comprendre et de savoir agir en prévention :

  • élaborer une politique prévention : rôle du maître d’ouvrage, systèmes de management de la santé sécurité au travail (SST), référentiels ;
  • connaître ses obligations en SST : principes généraux de prévention, document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
  • s’entourer des acteurs de la prévention : coordonnateurs sécurité et protection de la santé (SPS), maître d’œuvre ;
  • prévoir les démarches préalables au chantier et identifier les risques : déclaration préalable, déclaration de travaux, diagnostics divers (amiante, plomb, silice, etc.) ;
  • anticiper les choix techniques pour maîtriser certains risques : dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO), lean construction, BIM (building information modeling – modélisation des informations de la construction).

Le site « Maître d’ouvrage, bâtissez en prévention » met à disposition des outils et solutions pour agir en prévention avec, par exemple, des guides de prévention, des outils pratiques, des formations, e-learning, webinaires, des articles et des questions/réponses, des retours d’expérience ainsi que des références juridiques.
 
Cette plateforme sera régulièrement enrichie par de nouveaux contenus de l’OPPBTP mais aussi de partenaires tels que la Cnam et l’INRS.

Source : actuel CSE