Modification du lieu de travail : la difficile définition du critère du “secteur géographique”
12/02/2024
En principe, et sauf si le contrat de travail stipule que le salarié exercera dans un lieu précis, le transfert du lieu de travail dans un même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur. Soit, mais qu’est-ce qu’un “même secteur géographique” ? Nouvelle illustration dans un arrêt du 24 janvier.
Face à un changement de lieu de travail et en l’absence de mobilité prévue par une clause du contrat de travail ou par accord collectif (ainsi que de stipulation d’un lieu exclusif de travail dans le contrat), la jurisprudence a développé le critère du “secteur géographique” pour déterminer l’existence ou non d’une modification du contrat de travail.
L’idée est simple : c’est uniquement lorsque le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent du précédent que le changement constitue une modification du contrat de travail, qui nécessite donc l’accord du salarié. Charge aux juges de définir les contours de cette notion de secteur géographique (même bassin d’emploi, distance, temps de trajet, moyens de transports, etc.).
Mais à idée simple, appréciation complexe comme l’illustre un nouvel arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation. Une salariée avait été informée que son lieu de travail devait être transféré à quelques kilomètres. A la suite de son refus d’intégrer ce nouveau lieu, elle a été licenciée pour faute grave… licenciement considéré comme abusif par les cours d’appel et de cassation qui estiment que les deux lieux ne faisaient pas partie du même secteur géographique, en s’appuyant notamment sur la question des moyens de transport.
A l’employeur de démontrer la facilité d’accès aux transports en commun entre les deux lieux…
Pour contester le jugement d’appel, l’employeur se prévalait du fait que 35 km seulement séparaient l’ancien et le nouveau lieux de travail, lieux qui appartenaient par ailleurs au même département et dépendaient de la même chambre de commerce et d’industrie. Il en déduisait que le changement de lieu de travail s’opérait dans le même bassin d’emploi et le même secteur géographique et n’était qu’un changement des conditions de travail.
Mais la chambre sociale n’adhère pas à ce point de vue et reprend à son compte les arguments de la cour d’appel : le nouveau lieu de travail n’est pas situé dans le même bassin d’emploi et “l’employeur ne produit aucune pièce permettant de démontrer que les transports en commun sont facilement accessibles entre les deux communes aux horaires de travail de la salariée”. De ce fait, au vu de la distance séparant les deux sites et des moyens de transport les desservant, ils ne faisaient pas partie du même secteur géographique et l’employeur avait commis une faute contractuelle en imposant un nouveau lieu d’affectation à la salariée.
► Le critère de la distance semble ici moins prégnant pour la Cour que celui de la facilité des transports en commun. En effet, elle avait déjà pu considérer que le changement de localisation du lieu de travail entre deux sites situés à 56 km de distance ne constitue pas en soi un changement de secteur géographique (arrêt du 17 novembre 2010), alors même qu’en l’espèce cette distance était moindre.
… l’usage du véhicule personnel générant “des contraintes supplémentaires qui modifient les termes du contrat”
Un point interroge dans l’arrêt. L’employeur démontrait que le trajet entre les deux sites en voiture était de seulement 36 minutes via des grands axes routiers et autoroutiers, ce qui pouvait être vu comme le signe d’une facilité d’accès et donc comme caractérisant un même secteur géographique.
Mais pour rejeter son pourvoi, la chambre sociale retient à ce sujet qu’”il est manifeste que le covoiturage est difficile à mettre en place”, et que “l’usage du véhicule personnel en matière de fatigue et de frais financiers génère, en raison des horaires et de la distance, des contraintes supplémentaires qui modifient les termes du contrat”.
Cela signifierait-il que, au sein des critères de temps de trajet et de facilité de transport utilisés par les juges pour reconnaitre ou non l’existence d’un même secteur géographique l’importance du transport collectif prime sur celle du transport individuel ? A voir si cette position se confirme à l’avenir.
Attention à la façon de mentionner le lieu de travail dans le contrat !
Enfin, des moyens de l’employeur ressortait une autre problématique : qu’est-ce qu’une clause claire et précise permettant d’affirmer que le salarié exécutera son travail exclusivement dans un lieu défini ? En effet, dans le contrat de la salariée était inscrit le fait que, compte tenu de la structure de l’entreprise, son lieu de travail pourrait être modifié temporairement ou définitivement dans le bassin d’emploi. Sans plus de précision sur ledit bassin d’emploi et ce qu’il englobait. La cour d’appel a déduit de cette clause qu’il était expressément énoncé par le contrat que la salariée ne pourrait être affectée en dehors du bassin d’emploi, qu’elle a pris soin d’elle-même définir.
Attention donc à la formulation donnée pour déterminer le lieu de travail puisqu’elle s’est finalement en l’espèce retournée contre l’employeur.
Elise Drutinus
L’UFC Que Choisir alerte sur les collectes massives de données
12/02/2024
Stratagèmes, manipulations et manque de transparence : voilà ce que reproche l’UFC-Que choisir aux entreprises qui collectent de plus en plus de données personnelles. Une alerte intéressante, alors que vient de se produire un vol massif de données via les complémentaires santé.
Le chiffre paraît incroyable : 4 000 ! C’est le nombre de partages à des tiers des données d’un internaute, dès lors que celui-ci consulte une dizaine de sites par an parmi les plus fréquentés en France, selon l’étude publiée par l’UFC-Que Choisir en janvier 2024.
Ce “pistage sophistiqué et omniprésent” permettrait de créer “un profil publicitaire précis de chaque consommateur”, précise l’UFC. De plus, “malgré l’opposition de 84 % des consommateurs au pistage et à la monétisation de leurs comportements en ligne, les entreprises utilisent des pratiques commerciales trompeuses pour obtenir leur consentement”, souligne l’association.
Des consommateurs “submergés” dans l’information
Premier constat : les consommateurs ne seraient pas traités de manière équitable dans l’environnement numérique. Selon l’UFC, les entreprises les submergent dans l’information si bien qu’il est “impossible de s’éclairer sur les conséquences” de leur consentement à l’utilisation de leurs données.
A titre d’illustration, il faudrait en moyenne 34 minutes pour lire les conditions d’utilisation d’un site web. Pour Meta par exemple, cela prendrait 2 heures et 45 minutes. Pire, une étude publiée en 2008 par l’association estimait déjà à l’époque que la lecture des politiques de protection des données personnelles de tous les sites consultés en un an prendrait 244 heures (soit 35 jours de travail). L’UFC fustige également la formulation “vague” de certains passages sur les données personnelles.
Enfin, l’association dénonce la pratique des “dark patterns”, des interfaces conçues, selon elle, pour “manipuler le libre choix des consommateurs” utilisées par exemple par Leboncoin.
Un droit d’accès compliqué
Deuxième alerte : l’exercice difficile de son droit d’accès par la personne concernée. Pour son étude, l’UFC a utilisé la liste de 1 040 tiers collectant des données personnelles sur un échantillon de 10 sites web.
Résultat ? 54 % ne fournissent aucun moyen de contact ou ignorent les demandes d’effacement des données qui leur sont adressées.
Plus précisément, ont été identifiés :
- un accès excessivement compliqué (39 %);
- une absence de réponse (35 %) ;
- l’absence d’adresse mail (11 %)
- une adresse mail non fonctionnelle (8 %).
Publicité ciblée
Troisième alarme : le flot de données personnelles que recueillent les entreprises pour leur propre intérêt. L’étude démontre en effet que, outre les sources traditionnelles de données (historiques d’achats, abonnements médiatiques, etc.), s’ajoutent une multitude de nouvelles sources « prêtes à être exploitées » (création de compte en ligne, pistage des activités, interactions sociales sur les réseaux sociaux, etc.).
Les métadonnées sont un outil précieux pour les entreprises car, reliées à d’autres données, elles pourraient permettre d’en savoir plus sur la personne concernée et de constituer ainsi un “profil type” avec des habitudes de consommation, un réseau, etc.
Ces données sont ensuite utilisées à des fins de publicité ciblée ou encore de profilage, ce qui est susceptible de nuire aux consommateurs. En effet, ces pratiques “permettent aux entreprises de comprendre le comportement des consommateurs et de les manipuler en les poussant à utiliser certains services, à regarder certains contenus, à acheter certains produits ou à prendre certaines décisions de vote”, dénonce l’UFC.
Le risque de fuites massives de données
Dernier point : le risque de fuites massives de données. Selon l’UFC, elles sont “très fréquentes et ne concernent pas uniquement les petites entreprises”. En France, “4 731 violations de données à caractère personnel ont été signalées à la Commission nationale informatique et libertés (Cnli) en 2022, deux fois plus qu’en 2019”. Ainsi, “les données d’environ 5 millions de français ont été impactées en 2022”, souligne l’association.
Face à ces constats, l’UFC-Que Choisir exige des entreprises “une véritable transparence sur l’utilisation” qui est faite des données collectées et de “garantir aux consommateurs un accès et un contrôle sur les données personnelles qu’ils ont transmises à des tiers”.
Enfin, l’association met à disposition des consommateurs un outil permettant de découvrir les données recueillies par certaines plateformes en lignes.
Vol de données personnelles dans les mutuelles, attention ! |
La Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a annoncé le 7 février l’ouverture d’une enquête après le vol massif de données personnelles concernant 33 millions d’assurés sociaux. Ce sont les deux entreprises affectées par ce piratage qui ont alerté la Cnil : Viamedi et Almerys, deux opérateurs qui gèrent le tiers payant de nombreuses complémentaires santé. Selon le communiqué publié par la Cnil, les données concernées par ce vol sont, pour les assurés et leur famille : l’état civil ; la date de naissance ; le numéro de sécurité sociale ; le nom de l’assureur santé ; les garanties du contrat souscrit. Les données telles que les informations bancaires, les données médicales, les remboursements santé, les coordonnées postales, les numéros de téléphone ou encore les courriels ne seraient pas concernées par la violation, précise la Cnil. Chaque complémentaire santé doit informer les personnes concernées par ce vol massif. Que faire si vous êtes concerné ? Réponse de la Cnil : “être prudent sur les sollicitations que vous pourrez recevoir, en particulier s’ils concernent des remboursements de frais de santé ; vérifier périodiquement les activités et mouvements sur vos différents comptes”. |
Joséphine Bonnardot
Robert Badinter : un bilan unanimement salué à la justice, une incursion controversée dans le droit du travail
12/02/2024
Ministre de la justice de 1981 à 1986, président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, sénateur de 1995 à 2011, Robert Badinter est mort à 95 ans, dans la nuit du 8 au 9 février. Le président de la République a décidé de rendre un hommage national, mercredi 14 février place Vendôme à Paris, à celui qui apparaît, au vu des très nombreuses réactions et marques de sympathie suscitées par sa disparition, comme une incarnation de la Justice, et presque comme un père spirituel pour de très nombreux avocats.
C’est lui qui, après l’arrivée au pouvoir d’une majorité de gauche dirigée par François Mitterrand en 1981, a mené à bien l’abolition de la peine de mort, un combat qu’il avait personnifié dans les années 70 en défendant de façon éloquente, souvent contre une opinion hostile, cette réforme, et en se portant avocat de plusieurs personnes menacées de la peine capitale.
Mais le bilan de Robert Badinter à la justice ne s’arrête pas là. Il a aussi supprimé les juridictions d’exception tels les tribunaux militaires ainsi qu’une loi datant de Vichy qui réprimait l’homosexualité. Il a créé les travaux d’intérêt général pour les délits mineurs. Attaché à améliorer le sort des détenus (suppression des quartiers de haute sécurité, création des parloirs libres), iI a également permis à tout citoyen de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Le juriste soucieux des droits de l’homme et des enfants, l’avocat du monde des affaires et le pénaliste ne laisseront pas, en revanche, un grand héritage en matière de droit du travail. Son incursion sur ce terrain s’est matérialisée par un livre écrit avec Antoine Lyon-Caen et surtout par un rapport remis début 2016 à Myriam El Khomri, la ministre du travail de Manuel Valls, Premier ministre de François Hollande. Robert Badinter avait alors tenté de résumer, “à droit constant”, le droit du travail en définissant 61 principes essentiels, prélude à une refonte et à une certaine simplification du code du travail. Ce travail avait été plutôt fraîchement accueilli par les spécialistes, certains dénonçant déjà le mythe dangereux d’une simplification, et par le monde syndical, d’autant que – mais c’est une autre histoire – le pouvoir exécutif et le législateur allaient ensuite ouvrir la voie à la remise en cause de la hiérarchie des normes, via la loi travail de 2016 et les ordonnances de 2017.
Source : actuel CSE
Congés payés et maladie : AvoSial se félicite de la décision du Conseil constitutionnel
12/02/2024
Dans un communiqué publié vendredi 9 février, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social, AvoSial, se félicite, à l’inverse de la CGT, de la décision rendue le 8 février par le Conseil constitutionnel. “Cette décision est bien entendu satisfaisante et conforme à la position d’AvoSial”.
Toutefois, le syndicat rappelle que cette décision pourrait “ne pas changer la problématique de fond résultant des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023”.
AvoSial tient à souligner que “la décision du Conseil constitutionnel confirme que, sans le “verrou interprétatif” du droit européen, la loi française pourrait conserver sa particularité”. “La décision du Conseil constitutionnel permet fort heureusement, et contrairement à ce que les commentaires de la Cour de cassation laissaient craindre, de ne pas « surtransposer » le droit européen, en excluant de la nouvelle règle la cinquième semaine de congés payés et les congés conventionnels”, poursuit AvoSial.
AvoSial soutient les mesures suivantes :
- limiter le report sur une période à 15 mois, avec effet rétroactif, le tout en conformité avec le droit de l’Union Européenne ;
- limiter le droit à l’acquisition des congés payés à quatre semaines, pour le passé comme pour l’avenir, en application des dispositions de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013.
Source : actuel CSE
Voici la lettre d’informations du cabinet LBBa pour le mois de janvier 2024
CONTRAT DE TRAVAIL – EXÉCUTION
Inaptitude, recours de l’employeur, paiement du salaire : le recours formé par l’employeur contre l’avis d’inaptitude ne suspend pas le délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement du salaire au salarié déclaré inapte qui n’est ni reclassé, ni licencié (cass, soc., 10 janvier 2024, n° 21-20.229 ; cass, soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.464).
Arrêt de travail, visite de reprise : le salarié, qui, à l’issue d’un arrêt de travail, se tient à la disposition de son employeur pour passer la visite médicale de reprise a droit au paiement de sa rémunération (cass, soc., 24 janvier 2024, n° 22-18.437).
JRTT, mention du bulletin de paie, preuve de l’employeur : la mention sur les bulletins de paie des jours pris au titre de la réduction du temps de travail n’a qu’une valeur informative. C’est à l’employeur qui se prétend libéré de son obligation d’accorder des jours de RTT de prouver qu’il a bien octroyé ces jours au salarié (cass, soc., 10 janvier 2024, n° 22-17.917).
Clause de non-concurrence, violation, contrepartie financière : la violation, même temporaire de la clause de non concurrence, ne permet plus au salarié de prétendre au bénéficie de la contrepartie financière de cette clause (cass, soc., 24 janvier 2024, n° 22-20.926).
Repos, préjudice nécessaire : le non-respect par l’employeur des temps de repos entre deux périodes de travail, cause, à lui seul, un préjudice pour le salarié (cass, soc., 7 février 2024, n° 21-22.809).
Mobilité, secteur géographique : ne constitue pas une faute grave le refus, par un salarié, d’intégrer un nouveau lieu de travail situé à 35 kms du site actuel, dans un autre bassin d’emploi, sans être facilement accessible par les transports en commun aux horaires de travail du salarié, l’utilisation du véhicule personnel générant des contraintes supplémentaires en termes de fatigue et de frais financiers (cass, soc., 24 janvier 2024, n° 22-19.752).
Convention de forfait, contrôle de la charge de travail : L’employeur doit contrôler que la charge de travail du salarié en forfait jour est raisonnable. Tel n’est pas le cas lorsque le salarié a dépassé son forfait de plus de 20 jours pendant deux années consécutives, et qu’il a été ponctuellement privé de son entier repos quotidien (cass, soc., 10 janvier 2024, n°22-13.200).
Non-respect du droit à congé, prise de congé non autorisée : le salarié qui n’a pas pu prendre ses congés en raison du non-respect de la législation par l’employeur ne peut, en aucun cas, prendre ses congés sans les poser au préalable (cass, soc., 13 décembre 2023, n° 22-17.890).
Temps de travail, charge de la preuve : en matière de seuil et plafond prévus le droit de l’Union européenne, le temps de pause, la durée quotidienne de travail effectif, la durée maximale hebdomadaire ainsi que le repos quotidien, la charge de la preuve incombe au seul l’employeur (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-20.193).
Preuve illicite, enregistrement des représentants du personnel : la production d’une preuve illicite ou déloyale n’est pas d’office écartée des débats, et peut être admise à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Tel n’est pas le cas de la production, par le salarié, d’un enregistrement clandestin des membres du CHSCT dans la mesure ou le rapport d’enquête établi par les élus auquel a été associé le médecin du travail et l’inspecteur du travail laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-17.474).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Motif conventionnel, licenciement sans cause réelle et sérieuse : un accord ou une convention collective peut limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu’ils déterminent, et qui ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail. Le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle, alors que la convention collective ne prévoit que le licenciement disciplinaire, économique ou pour inaptitude, est sans cause réelle et sérieuse (cass, soc., 10 janvier 2024, n° 22-19.857).
Lettre de licenciement, pluralité de motifs : la lettre de licenciement peut comporter deux motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié s’ils procèdent de faits distincts (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-19.733).
Licenciement, état de santé du salarié : l’employeur qui licencie pour motif disciplinaire un salarié qui lui a envoyé une lettre l’informant d’une tumeur cérébrale susceptible d’altérer son comportement, doit prouver que sa décision de le licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-13.144).
Indemnité conventionnelle de licenciement, primes et gratification : à défaut de dispositions conventionnelles explicites, les primes et gratifications versées au cours du mois de référence et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne sont incluses dans l’assiette de l’indemnité de licenciement que pour la part venant en rémunération de ce mois (cass, soc., 10 janvier 2024, n°22-19.165)
Démission requalifiée en prise d’acte, manquements de l’employeur, PSE: compte tenu des manquements de l’employeur dans l’élaboration du PSE, caractérisés par le refus de prendre en compte les alertes de l’administration, et les refus systématiques des demandes de suspension de contrats de salariés volontaires, les contraignant soit à refuser l’embauche proposée par un autre employeur en attendant l’adoption définitive du PSE, soit à démissionner, les démissions motivées par la réorganisation en cours ne traduisent pas une volonté claire et non équivoque. Elles doivent donc être requalifiées en prise d’acte, aux torts de l’employeur (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-22.561 ; cass, soc, du 17 janvier 2024, n° 22-22.564).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE, PSE
PSE, actions de formation, régime social : dans le cadre d’un PSE, les sommes versées à un organisme en vue d’actions de formation et d’accompagnement ayant pour objectif de favoriser le reclassement et le retour à l’emploi sont exonérées de CSG et CDRS (Cass, civ 2ème, 11 janvier 2024, n°20-23.379).
Licenciement économique, perte de compétitivité : l’employeur peut mettre en œuvre les réorganisations qu’il estime utiles à l’augmentation de la productivité et à l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Seule la démonstration que cette compétitivité est en péril et doit être sauvegardée lui permet de justifier des licenciements économiques sur ce fondement, le seul constat que la société intervienne dans un secteur fortement concurrentiel ne suffit pas à caractériser une menace sur sa compétitivité (CA, Aix-en-Provence, 1 décembre 2023, n° 19/13824)
TRANSFERT D’ENTREPRISE
Perte de marché, entité économique autonome, reprise des contrats de travail : la perte d’un marché de prestation de services n’entraîne pas, à elle seule, le transfert automatique des contrats de travail par le nouvel exploitant, il en va autrement lorsque l’exécution de ce marché s’accompagne du transfert d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l’identité est maintenue. Tel est le cas d’une activité de restauration qui relève d’un ensemble organisé de personnes spécialisées et affectées uniquement à cette activité et qui dispose de moyen techniques spécifiques mis à la disposition par le client (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-20.435).
Perte de marché, entité économique et autonome, non reprise du personnel encadrant : le fait pour le repreneur d’un marché de ne pas reprendre le personnel encadrant, ne suffit pas, à lui seul, à exclure l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome dès lors qu’il y a eu transfert d’éléments corporels et incorporels significatifs (cass, soc., 31 janvier 2024, n° 21-25.273).
SALARIÉS PROTÉGÉS
Représentant de la section syndicale, désignation, membre du comité directeur : les salariés assimilés au chef d’entreprise, soit parce qu’ils bénéficient d’une délégation écrite particulière d’autorité, soit par parce qu’ils représentent l’employeur auprès des institutions représentatives du personnel, ne peuvent exercer un mandat de représentation du personnel. Dès lors qu’il ne dispose pas d’une délégation écrite particulière d’autorité, un membre du comité de direction (CODIR) peut valablement être désigné en qualité de représentant de la section syndicale (cass, soc., 20 décembre 2023, n° 22-21.983).
Représentant de la section syndicale, prise d’acte, licenciement nul : le salarié qui, à la date de la prise d’acte, est représentant de section syndicale bénéficie du statut protecteur de sorte que la prise d’acte justifiée s’analyse comme un licenciement nul alors même que la modification du contrat de travail, à l’origine de la prise d’acte a été mise en œuvre avant sa désignation en qualité de RSS (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-16.095).
Compétence du juge judiciaire, exécution du contrat de travail avant licenciement : le juge judiciaire n’est pas compétent pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement d’un salarié protégé, il reste en revanche compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment l’existence d’une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 22-20.778).
IRP, FONCTIONNEMENT, PÉRIMÈTRE
Procédure de consultation, commission constituée par l’employeur : à l’occasion d’une procédure de consultation du CSE sur un projet de cession, l’employeur peut mettre en place unilatéralement une « commission d’approfondissement » chargée d’approfondir les questions liées à la cession, à condition que cette commission ne porte pas atteinte aux prérogatives du CSE (cass, soc., 6 décembre 2023, n° 22-16.814).
Mandat extérieur à l’entreprise, temps de travail effectif (non) : le temps passé à l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise pendant le temps de travail s’impute sur le temps de travail habituel du salarié. Le temps passé à la formation d’un conseiller prud’homme, le temps passé par un administrateur d’organisme de sécurité sociale, le temps passé par les membres salariés des commissions de contrôle des services de santé au travail n’est pas assimilé à du temps de travail effectif lorsqu’il est supérieur à l’horaire habituel de travail du salarié concerné. Le temps passé au sein d’une instance paritaire de Pôle Emploi supérieur n’est pas assimilé à du temps de travail effectif, ce mandat étant gratuit (Cass.Soc. 31 janvier 2023, n°22-10.176)
ÉLECTIONS
Élection, liste incomplète, parité homme-femme : il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la jurisprudence selon laquelle lorsqu’au moins deux sièges sont à pourvoir au sein d’un collège électoral, les organisations syndicales ne peuvent pas présenter une liste incomplète aux élections professionnelles, et doivent présenter au moins un homme et une femme. Cette exigence est proportionnée à l’objectif de parité recherché par la loi et ne méconnaît ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs (cass, soc., 17 janvier 2024, n° 23-40.014).
INTÉRESSEMENT, PARTICIPATION
Partage de la valeur, réserve spéciale de participation : l’article L. 3326-1 du Code du travail tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation qui fait obstacle à toute remise en cause des montants figurant sur l’attestation certifié par le commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, alors même que la réserve spéciale de participation des salariés est calculée sur la base de ces montants, est jugé conforme à la Constitution (Conseil Constitutionnelle, QPC du 24 janvier 2024, n° 2023-1077).
PROCÉDURE
Exception d’illégalité, validité d’un accord collectif : à l’occasion d’un litige individuel, le salarié peut, par voie d’exception d’illégalité et sans condition de délai, invoquer le non-respect des conditions légales de validité d’un accord collectif, notamment celles relatives à la qualité des signataires des accords d’entreprise. En revanche, il ne peut invoquer les conditions de négociation dudit accord (cass, soc., 31 janvier 2024, n° 22-11.770
Société d’avocats aux Barreaux de Paris et de Rennes
APLD : les grandes entreprises ont privilégié l’accord d’entreprise
13/02/2024
Dans une étude publiée le 8 février, la Dares s’est penchée sur la manière dont les entreprises se sont emparées de l’activité partielle de longue durée (APLD).
L’étude constate que “le déploiement du recours à l’APLD en 2020 et 2021 est très lié à la signature d’accords par les branches professionnelles”, citant notamment celui de la métallurgie qui couvre 1,5 million de salariés, celui des bureaux d’études techniques et sociétés de conseils d’octobre qui couvre plus d’un million de salariés et celui des transports routiers de décembre qui s’applique à 800 000 salariés.
Les grandes entreprises de plus de 500 salariés ont privilégié l’accord d’entreprise, note la Dares. “Même lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche, 84 % de leurs salariés placés en APLD le sont via un accord d’entreprise”.
Le nombre d’accords signés est bien sûr tributaire de la crise sanitaire. “Le dispositif d’APLD connaît une montée en charge progressive jusqu’en avril 2021: 271000 salariés en sont alors bénéficiaires, un niveau inégalé sur la période août 2020-décembre 2021. Durant les mois suivants de 2021, ce nombre tend globalement à diminuer, tandis que l’activité partielle de droit commun chute, sous l’effet de l’allègement des restrictions sanitaires”.
Source : actuel CSE
Les 8 syndicats de salariés réclament l’égalité professionnelle hommes femmes
14/02/2024
Les huit syndicats de salariés (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU) ont diffusé mardi 13 février un communiqué de presse commun réclamant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En vue de la journée internationale des femmes du 8 mars 2024, ils alertent sur leur situation économique et sociale. Elles continuent en effet de percevoir “des salaires inférieurs de 24 % à ceux des hommes”. Ils déplorent donc que la loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 relative à l’égalité de rémunération entre femmes et hommes ne soit toujours pas respectée. “Malgré la grande cause nationale du quinquennat (…) nos organisations constatent l’absence d’avancées concrètes que ce soit en matière de rémunération, d’articulation des temps de vie ou de violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail”.
En effet, selon le communiqué, “les femmes occupent 80 % des postes à temps partiel et 95 % des congés parentaux”, “leur pension [de retraite] est inférieure de 40 % à celle des hommes”, “30 % des salariés ont été harcelées ou agressées sexuellement dans le monde du travail”. Bien qu’Élisabeth Borne ait proposé une refonte de l’index d’égalité lors de la conférence sociale du 16 octobre 2023, cette proposition est depuis restée lettre morte entre les mains du nouveau gouvernement. S’ils saluent l’allongement du congé paternité à 25 jours depuis le 1er juillet 2021, ils constant qu’ils n’ont pas été informés des contours du nouveau congé de naissance de 6 mois annoncé par Emmanuel Macron. Alors que ce dernier souhaite “réarmer” la natalité en France, ils rappellent qu’il manque “au minimum 200 000 modes de garde” des jeunes enfants…
Source : actuel CSE
Proposition de loi “grand âge et autonomie” : FO dénonce l’allègement des mesures dans les Ehpad
14/02/2024
Initialement baptisé “proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir en France”, et déposé par Aurore Bergé et les députés Renaissance en décembre 2022, le texte prévoyait par exemple d’imposer aux Ehpad privés lucratifs de consacrer 10 % de leurs bénéfices à l’amélioration de l’hébergement des résidents. Cette mesure a été exfiltrée lors de l’examen au Sénat, de même que l’obligation de communiquer le ratio du nombre d’encadrants par rapport au nombre de résidents à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Force Ouvrière regrette que “les bonnes intentions qui ont suivi l’annonce des scandales [Orpéa] ne se soient pas concrétisées et que la logique économique reprenne le dessus”. La confédération réclame au contraire “une grande loi sur l’autonomie qui soit à la hauteur des enjeux démocratiques” et “garantisse des projets de vie au personnes en perte d’autonomie”. Elle revendique également “l’application du Plan Solidarité Grand Age prévoyant un ratio d’un salarié par résident”. La proposition de loi est désormais soumise à la Commission mixte paritaire.
Source : actuel CSE
Plan d’épargne retraite : 9,8 millions de titulaires
14/02/2024
Quatre ans après le déploiement du nouveau plan d’épargne retraite, instauré par la loi Pacte, le 1er octobre 2019, les résultats sont positifs, selon les chiffres livrés, hier, par le ministère des finances : 9,8 millions de PER ont été ouverts entre 2019 et 2023 pour des encours qui atteignent 95 milliards d’euros.
Dans le détail, les PER individuels, avec 55,2 milliards d’euros d’encours et plus de 3,4 millions de titulaires, pèsent lourd. Mais cette dynamique concerne également les PER d’entreprise, collectifs (21,8 milliards d’euros d’encours) et obligatoires (18,4 milliards d’euros d’encours). “C’est également une réussite pour nos entreprises qui ont besoin d’investisseurs de long terme pour les accompagner dans les grandes transitions”, s’est félicité Bruno Le Maire.
L’objectif initial était de créer un nouveau plan d’épargne retraite (PER) “plus attractif pour les épargnants et mieux adapté aux besoins de financement des entreprises”.
Il s’agit d’un outil d’épargne par capitalisation proposé par les organismes financiers ou les entreprises pour préparer sa retraite et alimenté par des versements volontaires, déductibles (sous condition) des revenus imposables de l’année.
Source : actuel CSE
Prise effective des RTT : la charge de la preuve pèse sur l’employeur
15/02/2024
La mention de la prise de jours de RTT dans le bulletin de salaire n’a qu’une valeur informative. En cas de contestation du salarié, c ‘est à l’employeur de prouver la prise effective des jours RTT.
Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration du principe selon lequel c’est toujours à l’employeur d’apporter la preuve de la prise effective par le salarié de ses jours de RTT et écarte le bulletin de paie comme moyen de preuve.
► A titre de rappel, les jours de repos concernés par le litige, appelés “jours de réduction du temps de travail” (jours de RTT ou JRTT) sont instaurés par un dispositif d’aménagement du temps de travail prévu par l’article L.3121-44 du code du travail. L’attribution de jours ou de demi-journées de repos sur l’année vise à compenser les heures travaillées au-delà de la durée hebdomadaire légale ou conventionnelle (si celle-ci est inférieure).
Le salarié débouté en appel
En l’espèce, un salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander un rappel de salaire lié à 76,89 jours de réduction du temps de travail (RTT) qu’il prétendait lui être dus mais qui n’auraient été ni pris, ni indemnisés.
Il a été débouté par la cour d’appel qui a relevé les éléments suivants : le bulletin de paye de juillet 2016 mentionnait un nombre de RTT de 76,89 jours, ce solde a été ramené à zéro sur le bulletin de paye d’août 2016 et la mention “pris” apparaissait sur le bulletin de paye de juillet 2017.
La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement des juges du fond en posant le principe que “la mention sur les bulletins de paye des jours RTT n’a qu’une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l’employeur”.
L’employeur doit apporter la preuve de la prise des RTT
Elle écarte la valeur probante du bulletin de paye sur la prise effective des jours RTT en s’appuyant sur les règles de preuve issues du code civil et du code du travail :
- celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation (article 1353 du code civil).
Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation applique cette règle à la contestation sur la prise des jours RTT pour en déduire que c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le salarié en a bien bénéficié (arrêt du 27 octobre 2009 ; arrêt du 9 juin 2010).
- l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye par le salarié ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat (article L.3243-3 du code du travail).
Appliquée à l’espèce, cette règle se traduit par le fait qu’en application de l’article L.3243-3 du code du travail, les jours de RTT, qui correspondent à une compensation d’heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail et qui sont ainsi assimilés à des salaires ou des accessoires de salaire, ne peuvent être considérés comme ayant fait l’objet d’une renonciation de la part du salarié du simple fait que celui-ci n’a pas protesté ou émis de réserve à la réception de ses bulletins de salaire.
► La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la valeur probante du bulletin de paie lorsqu’un salarié réclame le paiement de son salaire : l’employeur qui prétend avoir fait le nécessaire doit prouver qu’il a bien payé les sommes en cause, même s’il a délivré le bulletin de paye correspondant (arrêt du 27 novembre 2014 ; arrêt du 25 juin 2015 ; arrêt du 2 mars 2017 ; arrêt du 21 avril 2022 ; arrêt du 29 mars 2023 ; arrêt du 19 avril 2023). A défaut de preuve par l’employeur du paiement du salaire, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié en se fondant sur une prétendue présomption de paiement liée à l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye (arrêt du 2 février 1999 ; arrêt du 22 septembre 2010 ; arrêt du 10 avril 2013).
L’employeur devra ainsi se montrer particulièrement vigilant non seulement sur les moyens qu’il peut mettre en œuvre pour permettre au salarié de prendre ses jours de RTT de manière effective mais aussi sur les moyens de contrôle à mettre en place pour prouver la prise effective de ces jours de repos.
► Concrètement, cette preuve pourra être facilitée par le recours à un calendrier, intégré ou non dans un logiciel de gestion du temps de travail, dans lequel seront mentionnés les jours de RTT que le salarié souhaite prendre et qui lui ont été accordés et qu’il a pris.
Carole Chriqui et Nathalie Lebreton
Des contrats aidés en nette baisse
15/02/2024
Selon une étude de la Dares du 13 février, les entrées en contrat aidé diminuent de 31 % en 2022 (127 500 entrées au total). Ce recul succède à une forte hausse entre 2020 et 2021 (+126 %) ; ces dispositifs étant “l’un des leviers mobilisés pour atténuer l’impact de la crise sanitaire sur le marché du travail”. Dans le secteur marchand, la part de ces contrats appelés également contrats uniques d’insertion – contrats initiatives emploi (CUI-CIE) atteint toutefois 40 % en 2022, contre 43 % en 2021 bien loin des 5 % enregistrés entre 2018 et 2020.
Les jeunes de moins de 26 ans sont ici les principaux bénéficiaires. De même, les hommes sont plus représentés dans le secteur marchand (57 % des entrées). 57 % des bénéficiaires ont au moins un bac.
Côté secteur, ce sont dans l’hébergement, la restauration et le commerce qu’ils sont les plus nombreux.
A noter également : dans le secteur marchand, ces contrats prennent davantage la forme de CDI que dans le non-marchand et sont plus souvent à temps complet.
Source : actuel CSE
L’égalité femmes-hommes au travail encore loin d’être une réalité
16/02/2024
“Quand on regarde les milieux de travail aujourd’hui, même si l’égalité fait partie de nos devises et qu’il y a des politiques ambitieuses, on s’aperçoit que les choses évoluent très très très lentement”, résume Florence Chappert, responsable de la mission Egalité intégrée à l’Anact lors d’un webinaire qui s’est tenu jeudi.
Vendredi dernier, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) fêtait ses 50 ans. A cette occasion, l’association s’est penchée sur une problématique qui a fait l’objet de nombreuses évolutions sur la période, tant sociétales qu’en termes de politiques publiques : les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Des évolutions oui, mais pour quels résultats ? Marie Ségur, directrice d’études à Futuribles, a retracé l’histoire de la question du genre et de ses luttes militantes, avec pour conclusion le fait que nous sommes actuellement dans une “période de recomposition” marquée par la révélation à grande échelle des violences faites aux femmes dans les espaces privés comme professionnels. En parallèle, la part des femmes au travail s’accroît toujours plus et a considérablement transformé le profil des entreprises, les amenant à une prise de conscience des inégalités. Sauf que cela ne semble toujours pas suffire, ce qui interroge sur l’avenir.
Des écarts de taux d’activité et de salaires toujours significativement en défaveur des femmes
Florence Chappert, responsable de la mission Égalité intégrée à l’Anact, dresse un état des lieux assez inquiétant. Le taux d’activité des femmes demeure nettement inférieur à celui des hommes. “- 6,2 points, c’est énorme”. Mais plus grave selon elle, cet écart persiste quelle que soit la tranche d’âge, atteignant même – 8,4 points chez les 25-49 ans, signe que les statistiques ne s’améliorent pas avec les générations. Pourquoi ? “Un des éléments majeurs est l’engagement dans la maternité” puisqu’avoir des enfants est encore et toujours un frein à l’activité des femmes. En effet, plus de 40 % de celles qui ont trois enfants dont au moins un de moins de trois ans sont inactives, peu importe qu’elles soient ou non en couple.
Le progrès n’est pas plus notable côté écart de salaires : il ne s’est réduit que de 2 % en 20 ans. En équivalent temps plein et à poste et profil égaux, les femmes gagnent toujours plus de 16 % de moins que les hommes. En salaire réel, si l’on prend en compte les heures supplémentaires et le temps partiel donc, ce douloureux score monte même à – 22,3 %… Et sans surprise, parmi les bas salaires on retrouve 70 à 80 % femmes, alors que les rémunérations élevées concernent surtout des hommes.
Des risques professionnels propres aux femmes invisibilisés
Mais ce que souligne aussi Florence Chappert, c’est que qu’il y a encore très peu de mixité dans les métiers. 20 % seulement sont mixtes (c’est-à-dire que le sexe minoritaire représente au moins 40 % de la profession), soit une progression quasi nulle en 20 ans. La part des femmes dans certains métiers très masculinisés (conducteur d’engins, secteur du numérique, etc.) a même régressé. Un problème d’autant plus important que l’on constate que les métiers quasi exclusivement féminins sont de plus en plus exposés à la pénibilité. Un exemple frappant : dans les métiers de service tels que aide à domicile ou ménagère (95,2 % de femmes), on recense pas moins de sept des huit facteurs d’exposition aux risques professionnels, contre quatre dans les métiers masculinisés ouvriers. “On voit en conséquence des états de santé de plus en plus dégradés pour les femmes, avec un absentéisme de 30 % à 40 % supérieur à celui des hommes du fait des contraintes de travail auxquelles elles sont exposées”. Et là où les accidents de travail diminuent pour les hommes, ils augmentent pour les femmes (+ 42 % en 18 ans), elles ont deux fois plus de risque de troubles musculo-squelettiques, etc. Bref, pour la spécialiste, les contraintes de travail ne sont pas assez adaptées aux contraintes physiques des femmes et leurs risques professionnels sont invisibilisés, du fait notamment du peu de prévention qui existe dans les métiers féminisés.
Finalement, ce n’est que récemment que les risques spécifiques aux femmes ont été traités (endométriose, cancer du sein, ménopause, règles, etc.).
Un avenir qui ne semble pas forcément prometteur
Ce sombre paysage va-t-il s’éclaircir ? Pas sûr pour Marie Ségur. La diffusion des luttes, les médias ou encore les réseaux sociaux influencent beaucoup la société et changent vite les perceptions et comportements. Mais en même temps, on observe une radicalisation des opinions et l’émergence de bulles “masculinistes”. Surtout, elle craint que la période de dégradation de notre environnement que nous vivons (changement climatique, précarisation, etc.) ne fasse disparaitre ou passer au second plan les revendications de genre.
De même, comment bâtir des règles de travail qui équilibrent l’individualité et l’exigence de cohésion sociale ? Comment trancher entre égalité ou équité ? Florence Chappert parle de “casse-tête chinois pour les RH”. Elle appelle au passage à se poser la question de l’équilibre femmes-hommes sur tous les sujets liés à l’entrepris. Par exemple, sur la semaine quatre jours, elle évoque un cas où l’on s’est finalement rendu compte que cette possibilité, censée dégager du temps pour tous, ne s’adressait en fait qu’à des hommes car les femmes occupaient des postes de support nécessitant leur présence tous les jours.
Repenser le travail et prendre en compte le genre pour transformer plus en profondeur les organisations semble donc urgent…
Elise Drutinus
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : congés, formation, handicap, nominations
16/02/2024
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, du vendredi 9 février au jeudi 15 février inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.
Congés
- Un arrêté du 12 février 2024 fixe le montant des frais de gestion versé aux organismes nationaux servant des indemnités ou allocations au titre du congé maternité, paternité et d’adoption
Formation
- Un arrêté du 6 février 2024 révise le titre professionnel de métallier
- Un arrêté du 6 février 2024 révise le titre professionnel de ferronnier
- Un arrêté du 6 février 2024 révise le titre professionnel de conducteur de travaux aménagement finitions
- Un arrêté du 6 février 2024 révise le titre professionnel de chef de chantier gros œuvre
- Un arrêté du 6 février 2024 révise le titre professionnel d’agent de reconditionnement numérique
Handicap
- Un décret du 10 février 2024 précise les modalités relatives à la mise en œuvre de l’accompagnement des transitions professionnelles entreprises adaptées et aux entreprises adaptées de travail temporaire
- Un décret du 10 février 2024 précise les modalités relatives aux aides applicables aux entreprises adaptées et aux entreprises adaptées de travail temporaire et portant diverses dispositions relatives aux entreprises adaptées
Nominations
- Un arrêté du 8 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre du travail, de la santé et des solidarités (Guillaume Papin est nommé conseiller presse)
Source : actuel CSE
Contrat d’engagement jeune : des points d’amélioration pour les jeunes en rupture
16/02/2024
Dans une quinzaine de jours, le contrat d’engagement jeune (CEJ) soufflera sa seconde bougie. Le dispositif rencontre un certain succès avec un demi-million de signataires (chiffres de décembre 2023), mais il n’en reste pas moins perfectible. C’est, en tout cas, le point de vue du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ).
Après un premier rapport de décembre 2022, qui avait énoncé 60 recommandations (dont certaines ont été suivies d’effet), le Conseil propose de nouveau une évaluation du CEJ, dans un rapport adopté le 6 février 2024.
La plus importante des propositions concerne les 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires prévues depuis le lancement (mesure qui à l’avenir s’appliquera aussi aux bénéficiaires du RSA). Le COJ demande de la souplesse de mise en œuvre, avec un “cadre horaire personnalisé et en adéquation avec les réalités des besoins du jeune”. L’application de cette disposition suppose en outre de “développer des partenariats avec des acteurs spécialisés” pour répondre aux spécificités de certains publics, notamment les jeunes en situation de handicap.
Pour les jeunes dits “en rupture”, le COJ considère que le plan d’action qui leur est proposé ne devrait pas comporter de durée minimale d’activité, et que ce public devrait pouvoir bénéficier de places d’hébergement sans condition de ressources.
De façon plus générale, le Conseil recommande le versement d’une aide à la mobilité et le relèvement de l’allocation CEJ à 50 % du revenu médian.
Source : actuel CSE