Pacte de la vie au travail : le Medef et la CPME opposés à la création d’un compte épargne-temps universel

26/02/2024

Les partenaires sociaux ont abordé, pour la première fois, vendredi 23 février la question du compte épargne-temps universel (Cetu), dans le cadre de la négociation sur le “Pacte de la vie au travail”. Mais le sujet a semé la zizanie : le Medef et la CPME y sont opposés alors que la CFDT et la CFTC y sont très attachées.

C’est “non”. Hubert Mongon, le chef de file de la négociation sur le “Pacte de la vie au travail” a opposé, vendredi, un refus catégorique à la création d’un compte épargne-temps universel (Cetu), en dépit de l’inscription de ce sujet dans le document d’orientation envoyé aux partenaires sociaux le 21 novembre et du souhait de Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale, le 30 janvier, de voir les partenaires sociaux débattre de ce sujet.

Le projet de création d’un Cetu “n’a clairement pas sa place” dans les discussions sur la vie au travail focalisées sur l’emploi des seniors et les parcours professionnels, a estimé Hubert Mongon (Medef). Il s’inscrit “dans une logique différente qui a trait à des enjeux d’environnement de travail, de qualité de vie au travail, d’organisation du temps de travail et des temps de repos”.

D’autant que ce projet “n’apparaît pas comme une priorité à l’heure où la France s’interroge sur son taux de croissance, son taux d’emploi”. De plus, “on s’est très rapidement aperçu que la somme des complexités et des difficultés de mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif est impressionnante”.

Même écho du côté de la CPME. “C’est irrévocable, nous n’en voulons pas”, a renchéri Eric Chevée, le vice-président de la confédération des petites et moyennes entreprises qui craint que le Cetu “percute toute l’organisation du travail”, en raison d’absences répétées des salariés.

Pas question donc pour les deux organisations de l’inscrire dans le futur projet d’accord qui devrait être dévoilé dans ses grandes lignes le 7 mars.

“Le Cetu pourrait être la seule innovation réelle de cette négociation”

Reste que le Cetu pourrait constituer un casus belli avec la CFDT et la CFTC, toutes deux très favorables au projet. “Le compte épargne-temps universel pourrait être la seule innovation réelle de cette négociation”, a martelé Isabelle Mercier, secrétaire nationale CFDT. ” Il y a 25 ans [depuis les 35 heures] qu’il n’y a pas d’avancées sociales nouvelles. Ce serait le seul droit nouveau qui pourrait ressortir de cette négociation”, a déclaré, de son côté, Anne Chatain, négociatrice pour la CFTC.

Un abondement” de cinq jours” de la part de l’employeur

Dans l’idée de la CFDT qui porte ce sujet depuis plusieurs années, le Cetu doit être accessible à tous, quel que soit son statut, transférable d’un emploi à un autre car attaché à l’individu et opposable à l’employeur. Sa gestion serait externalisée et confiée à un organisme paritaire interprofessionnel.

Il pourrait être alimenté par trois canaux : le salarié, via ces droits en temps ou sous forme monétaire ; l’employeur à raison de cinq jours par an ou par le biais d’un abondement dédié aux métiers les plus pénibles. S’y ajouterait un étage “solidaire”, prévoyant la possibilité de verser des jours de congé sur le Cetu d’un collègue voire un abondement potentiel des pouvoirs publics, en contrepartie d’une mission citoyenne effectuée par le salarié.

“On pourrait imaginer des accords d’entreprise pour encadrer le dispositif, par exemple, pour les abondements supplémentaires, les délais de prévenance ou encore des critères en matière de saisonnalité”, détaille Isabelle Mercier. Par exemple, une petite entreprise dans la restauration pourrait mettre en place un critère d’utilisation du Cetu pour éviter qu’il soit mobilisé lors de la haute saison.

Une idée également partagée par la CFTC qui voit aussi à travers cet outil un moyen de renforcer l’attractivité de certains métiers à durée limitée (pour lesquels un salarié ne peut pas réaliser une carrière complète), à l’instar de ceux du médico-social.

Un dispositif ciblé sur les fins de carrière

Entre ces deux positions, FO et la CFE-CGC sont plus mesurées. La centrale de l’avenue du Maine redoute que le dispositif constitue un frein à l’embauche ou à la mobilité des seniors qui mécaniquement disposeront d’un compte bien doté, contrairement à leurs cadets. C’est pourquoi FO, par la voix de Patricia Drevon, secrétaire confédérale, demande que le Cetu soit prioritairement ciblé sur les fins de carrière, voire en direction des métiers en tension ou pénibles. “Nous ne sommes pas forcément favorables à une utilisation pour un aménagement en cours de carrière mais ce n’est pas non plus une ligne rouge”.

Jean-François Foucard, le négociateur de la CFE-CGC, propose, lui, une alternative “moins ambitieuse” : un compte épargne-temps universel mais non portable d’une entreprise à l’autre. L’objectif serait de transférer les droits acquis sur des outils d’épargne salariale (type un PER obligatoire ou Pero, ex article 83) en vue de constituer une épargne retraite.

La CGT ne s’est pas exprimée à l’issue de cette réunion.

La prochaine séance de négociation, fixée le 1er mars, balaiera l’ensemble des thématiques avant la présentation, le 7 mars, des têtes de chapitres d’un potentiel accord. Sans référence au Cetu donc. Quitte à ce que le débat ne revienne à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la future loi sur la réforme du marché du travail.

Anne Bariet