La Cour des comptes préconise une auto-déclaration pour les arrêts de travail de courte durée
15/05/2024
Dans un rapport publié lundi 13 mai sur “l’organisation territoriale des soins de premier secours”, la Cour des comptes préconise de faire évoluer les règles relatives aux arrêts de travail de courte durée.
S’appuyant sur l’exemple de la Grande-Bretagne et du Québec, les juges de la rue Cambon suggèrent de recourir à “l’auto-déclaration” par les salariées des arrêts de travail de courte durée.
Ainsi, pour faire face aux tensions en matière d’offre de soins, les certificats d’arrêts de travail de très courte durée ne sont plus justifiés par les médecins dans ces deux pays mais par une simple déclaration du patient. “Un tel système pourrait permettre de libérer des milliers de consultations qui pourraient être redirigées vers un véritable rôle de soin »”, estime la Cour des comptes.
Toutefois, nuance la Cour, “la suppression des certificats médicaux, pour ces arrêts de travail de très courte durée, suppose que d’autres mécanismes de régulation soient adoptés dans les entreprises ou leurs branches, voire au niveau national, avec par exemple l’établissement d’une durée de carence d’ordre public qui généraliserait une période minimale d’un ou deux jours réputés non indemnisables. Plus généralement, des dispositifs internalisés, au niveau des entreprises ou des branches, seraient appelés à prendre le relais”.
Source : actuel CSE
La semaine en quatre jours séduit mais suscite des craintes liées à l’intensification du travail
16/05/2024
Une étude réalisée par le Crédoc pour la Fondation The Adecco Group sur la semaine en quatre jours révèle une adhésion de principe des salariés à ce nouveau rythme de travail mais ce modèle suppose qu’il soit “soutenable” pour les salariés, notamment pour certaines catégories à l’instar des familles monoparentales.
Alors que la semaine “de quatre jours” ou “en quatre jours” agite les débats politiques, la fonction publique et le monde de l’entreprise, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a mené une enquête pour la Fondation The Adecco Group sur le sujet. Pour ce faire, une enquête statistique a été conduite auprès de la population active et une enquête qualitative auprès de DRH et dirigeants d’entreprise expérimentant des changements de rythme.
Premier constat du Crédoc : “Si la semaine en quatre jours occupe une place importante dans le débat public actuel, le dispositif est encore marginal”. Environ 10 000 salariés l’expérimentaient début 2023, selon les chiffres du ministère du travail.
Deuxième constat : si la formule est séduisante sur le papier, elle est susceptible de se heurter à de nombreux inconvénients pour les salariés.
Une formule séduisante mais qui présente des risques
Sans conteste, l’évolution vers de nouveaux rythmes de travail est perçue “comme une opportunité de mieux articuler les temps de vie, en particulier pour disposer de plus de temps personnel ou familial (51 %) et aller vers un meilleur équilibre de vie (43 %)”.
Parmi les populations qui y sont particulièrement sensibles : les familles monoparentales (65 %), les femmes (54 %), les personnes entre 25 et 39 ans (55 %) et les habitants des grandes agglomérations (55 %). C’est aussi le cas de certaines catégories professionnelles : professions intermédiaires (58%) et employés (56 %).
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023 Champ : ensemble des actifs).
Toutefois, il convient de distinguer la mise en place au sein de l’entreprise de la semaine de quatre jours (avec réduction du temps de travail et – potentiellement – une baisse de rémunération) ou de la semaine en quatre jours (sans réduction du temps de travail). “La formule consistant à réduire le nombre de jours travaillés à quatre jours par semaine sans réduire le temps de travail séduit un actif sur deux”, note le Crédoc.
Ainsi, les foyers monoparentaux intéressés par des rythmes de travail plus souples, ne voient pas forcément d’un bon oeil la semaine en quatre jours. “L’allongement des journées de travail n’est pas toujours compatible avec la garde d’enfants, et cet écueil est plus souvent cité par les familles monoparentales (29 % d’entre elles, contre 22 % des couples avec enfants). Conséquence probable, les personnes élevant seules des enfants sont a priori un peu moins séduites par la semaine en quatre jours : 46 % seraient plus satisfaites (contre 49 % en moyenne) et 7 % estiment qu’elles devraient renoncer à leur emploi (4 % en moyenne)”, indique le Crédoc.
Une même appréhension est ressentie par les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladie chronique, redoutant notamment les effets sur la santé de l’intensification des journées de travail : “24 % anticipent que cela aurait pour inconvénient de dégrader leur santé physique et mentale, contre 14 % en moyenne et 36 % redoutent des journées trop fatigantes (33 % en moyenne)”, souligne l’enquête.
De manière générale, un tiers des actifs redoutent la fatigue liée à l’allongement des journées de travail.
(Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, octobre 2023. Champ : ensemble des actifs occupés ou en recherche d’emploi).
Les DRH ont bien conscience des risques liés à la santé au travail qui “peut être à l’origine d’une diminution de l’adhésion des salariés à la démarche, voire d’une demande de retour à la semaine de cinq jours”.
Des leviers de recrutement et de fidélisation pour les entreprises
Il n’en reste pas moins que les entreprises trouvent certains avantages à mettre en place la semaine en quatre jours. Elles y voient “un levier d’attractivité, permettant de capter des candidatures et de fidéliser les salariés en poste”, mais également “un outil au service d’une plus grande égalité permettant aux femmes à temps partiel de (re)trouver une rémunération à la hauteur d’un temps plein tout en continuant à bénéficier d’une journée libérée”.
Par ailleurs, s’il est encore trop tôt pour tirer des leçons d’un tel changement de rythme de travail, une des entreprises interrogées, qui dispose d’un peu plus de recul, estime que “le passage à la semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail (de 35h à 32h) est à l’origine de la baisse du turn-over au sein des équipes (actuellement de 4 %, quand les entreprises concurrentes se situent autour de 15 %), mais aussi de la baisse de l’absentéisme et des accidents du travail dans l’entreprise .
Des aspects financiers à double tranchant
La semaine en quatre jours peut également présenter des avantages pécuniaires non négligeables pour les salariés. “Pour les parents d’enfants en âge scolaire ou préscolaire, les conséquences sont diverses selon les situations. Selon les dirigeants ou DRH interrogés, les salariés ayant des enfants non scolarisés peuvent faire part d’économies parfois possibles d’un jour de garde hebdomadaire”. Sans compter les économies de carburant pour les salariés motorisés.
Toutefois, le risque financier existe aussi. “Les salariés ayant des enfants scolarisés peuvent au contraire regretter des frais supplémentaires de garde, en lien avec l’extension journalière des heures de travail”. Par ailleurs, certains DRH ou dirigeants interrogés évoquent également “la surprise des salariés qui découvrent que la semaine en quatre jours implique qu’ils bénéficient de moins de tickets restaurant”.
Un casse-tête managérial
Le risque pour les managers est la complexification de leurs tâches, notamment la gestion des plannings de salariés au contact d’usagers, d’administrés ou de la clientèle. “Les jours libérés s’ajoutent au télétravail lorsqu’il est maintenu, aux congés et aux autres absences. Une organisation plus stricte des journées de travail peut aussi être demandée aux salariés passant à la semaine en quatre jours. Ainsi, selon l’activité et l’organisation du travail, la compression de la semaine génère donc une plus grande charge mentale et plus de stress pour les managers. Pour les assister, certaines organisations ont mis en place des outils visant à faciliter la gestion des plannings”, indique le Crédoc.
Des questions d’équité entre salariés se posent également “entre les salariés d’une même entreprise qui « peuvent tenter l’aventure » et ceux que l’entreprise écarte du dispositif”.
Florence Mehrez
Accidents du travail graves et mortels : le ministère du travail annonce onze nouvelles mesures
16/05/2024
Ces nouvelles actions « approfondissent les travaux déjà engagés, et répondent à des enjeux qui méritent une action renforcée », indique Catherine Vautrin dans l’édito actualisé du PATGM.
Nouveau partenariat avec Prism’emploi pour l’intérim, guides pour accompagner les familles endeuillées, interventions de l’inspection du travail dans les lycées professionnels : le ministère du travail a ajouté le mois dernier onze nouvelles mesures au plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM).
Le 7 mai, le ministère du travail a annoncé sur son site avoir présenté le 29 avril aux membres du Conseil national d’orientation des conditions de travail (CNOCT) onze nouvelles mesures intégrées dans le plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM) lancé en 2022, un plan mis à jour en avril 2024.
Parmi ces mesures figurent :
- la volonté de “développer les interventions du système d’inspection du travail sur la santé et sécurité au travail auprès des jeunes en formation professionnelle”.
De premières interventions seraient expérimentées dans des régions pilotes dans le cadre d’un partenariat renforcé entre la direction générale du travail (DGT) et la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) pour l’année scolaire 2024-2025 ;
- l’objectif de “mieux informer et outiller le réseau académique professionnel et les personnels en établissement sur les enjeux de la santé et sécurité au travail des jeunes en formation professionnelle”.
Une séquence de promotion de la santé et sécurité au travail sera introduite dans le cadre de la semaine de formation sur la réforme des lycées professionnels, prévue ce mois-ci, à destination des inspecteurs et formateurs académiques).
- l’ambition de “renforcer la mobilisation de la branche de l’intérim en faveur de la santé et de la sécurité des travailleurs intérimaires”.
La signature d’une convention DGT- DSS – Cnam – Prism’emploi visant à renforcer les actions de prévention de la branche auprès des travailleurs intérimaires est prévue au 2ème ou 3ème trimestre 2024).
- L’idée de “mieux mobiliser les services de prévention et de santé au travail (SPST) et les services de santé au travail agricoles (SSTA) dans l’accompagnement des entreprises pour la réalisation et l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)”.
Il s’agit d’actions de sensibilisation menées par les SPST et SSTA dans le cadre des campagnes de renouvellement de l’adhésion des entreprises, actions de communication, renforcement du dialogue social et mobilisation du système d’inspection du travail. Le ministère justifie cette dernière mesure par le “manque d’effectivité de l’obligation récente de transmission du DUERP aux SPST et SSTA, première étape de l’accompagnement [des services]”(page 60), en précisant que “seules 5 % des entreprises adhérentes leur ont transmis leur document unique courant 2023”. La plan actualisé prévoit un livrable sur la part des entreprises ayant transmis un DUERP aux SPSTI et SSTA au cours des 12 derniers mois.
Guides pour les victimes d’AT et leurs familles
Le ministère entend également :
- “déterminer des indicateurs communs sur la sinistralité du travail pour mieux communiquer sur les chiffres des accidents du travail graves et mortels”.
La Dares (direction des statistiques et études du ministère du travail) produira une synthèse annuelle de la sinistralité au travail réunissant les données de la Cnam et de la CCMSA et une infographie grand public.
- “mieux outiller le système d’inspection du travail en matière d’information des victimes d’accidents du travail graves et mortels et de leur famille” ;
- ” mieux informer sur les démarches à entreprendre en cas d’accident du travail, notamment mortel, et sur les dispositifs d’accompagnement des victimes, de leur famille et du collectif de travail ” (des guides nationaux et régionaux pour les victimes d’accident du travail et leurs familles sont à paraître cette année).
“Alors que les accidents du travail graves et mortels ont des conséquences tragiques sur les travailleurs et leurs familles, j’ai souhaité que soit renforcé l’accompagnement des victimes d’accidents du travail, de leurs proches et des collectifs de travail, précise la ministre du travail, Catherine Vautrin, dans son édito mis à jour. À cette fin, une meilleure information sur les démarches à entreprendre en cas d’accident du travail, notamment mortel, et des dispositifs d’accompagnement sera mise en place. L’inspection de travail sera par ailleurs mieux outillée en la matière”.
Vers une évolution des normes de conception des EPI pour les épisodes de canicule
Plusieurs mesures portent enfin sur les risques liés aux vagues de chaleur (renforcer la prévention, poursuivre l’accompagnement des entreprises, approfondir la connaissances des conséquences et des malaises). Le ministère avait annoncé début avril réfléchir à une modification du code du travail.
Plus concrètement, une évolution des normes de conception des équipements de protection individuelle (EPI) serait à l’étude pour mieux intégrer la prévention des risques liés aux vagues de chaleur, de nouveaux livrables sur le sujet vont être diffusés dans les secteurs les plus à risque et une étude visant à analyser la répartition géographique et temporelle des cas d’accidents du travail des régimes général et agricole, en lien avec les températures, sera conduite par Santé Publique France (publication prévue pour le 3ème trimestre 2025).
Notons que le ministère reste pour l’heure muet quant à la demande fin avril de mise en œuvre « en urgence » de la convention d’objectifs et de gestion (COG) pour 2023-2027 de l’intersyndicale pour débloquer des financements pour la prévention, l’INRS (institut national de recherche sur la sécurité) et les Carsat (caisses d’assurance santé retraite).
Matthieu Barry