Transitions professionnelles : les syndicats fustigent un texte “figé”

16/06/2025

De gauche à droite, en haut, Michel Beaugas (FO), Sandrine Mourey (CGT); en bas Yvan Ricordeau (CFDT), Jean-François Foucard (CFE-CGC) et Aline Mougenot (CFTC)

Les partenaires sociaux tentent, lors d’une ultime séance ce lundi 16 juin, de sceller un compromis sur les reconversions professionnelles. Mais les organisations syndicales dénoncent un avant-projet d’accord qui ne reprend “aucune de leurs propositions”. En cas d’échec des négociations, ce sera aux députés de trancher.

Les négociations sur les transitions professionnelles s’achèvent dans un climat de forte tension. Réunis jeudi 12 juin pour l’avant-dernière séance, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à débloquer les points de crispation qui cristallisent depuis plusieurs semaines les oppositions entre organisations syndicales et patronales. Pire : la nouvelle version du texte, transmise quelques jours avant la rencontre, a suscité une vive “incompréhension” côté syndical.

“C’est à prendre ou à laisser. On ne retrouve pas une ligne de notre contribution”, a déploré Michel Beaugas, chef de file pour Force ouvrière, à l’issue du rendez-vous. “Le texte est figé, il ne reprend aucune proposition des organisations syndicales”, a renchéri Sandrine Mourey (CGT) tandis qu’Yvan Ricordeau (CFDT) soulignait que “l’on a autant de questions qui se posent que de clarifications qui se sont opérées”.

Or, “le but du jeu était de sécuriser les parcours de salariés, de rendre visibles les financements pour les entreprises pour faciliter les transitions professionnelles”, rappelle Jean-François Foucard (CFE-CGC). A tel point que les syndicats mettent en doute la réelle volonté du camp patronal de parvenir à un compromis.

Des garanties insuffisantes pour les salariés

Au cœur des critiques syndicales, la “période de reconversion” à l’initiative de l’entreprise, qui fusionne les dispositifs “transitions collectives” et Pro A.

Les organisations syndicales pointent notamment le manque de garanties accordées aux salariés en cas de mobilité externe. Selon l’avant-projet, le contrat de travail est suspendu pendant la formation et un nouveau contrat signé avec l’entreprise d’accueil. Mais que se passe-t-il si la période d’essai échoue et que le poste d’origine est déjà pourvu ? Et quid s’il ne trouve pas de point chute ? Le texte fait l’impasse sur ces questions.

Le camp patronal a toutefois fait un geste en direction des syndicats qui redoutaient de voir les entreprises utiliser ce dispositif pour éviter la négociation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). La nouvelle mouture précise que les entreprises de plus de 300 salariés devront négocier un accord pour définir les modalités de mise en œuvre de cette période de reconversion.

Autre pomme de discorde : le projet de transition professionnelle (PTP). Lorsqu’un salarié entame un PTP malgré le report ou le refus de l’employeur “pour des raisons liées à l’organisation de l’activité de l’entreprise”, le contrat de travail est considéré “comme rompu d’un commun accord à l’issue de la formation”, ouvrant droit à l’allocation de retour à l’emploi.

Le financement du PTP pose également problème. Lorsque la formation dépasse 850 heures, le texte prévoit un cofinancement obligatoire d’autres acteurs (Etat, régions, opérateurs de compétences). Une mission jugée quasi impossible par les syndicats.

Le CPF transformé en “compte patronal de formation” ?

L’évolution du compte personnel de formation (CPF) cristallise également les tensions. Le dispositif pourrait être mobilisé pour les mobilités internes, externes, le conseil en évolution professionnelle ou encore la validation des acquis de l’expérience. Un changement de logique complet, selon Sandrine Mourey, qui n’hésite pas à rebaptiser le CPF “compte patronal de formation”. Les syndicats réclament la signature d’accords de branche ou d’entreprise pour sécuriser ce co-investissement, plutôt qu’une approche de gré à gré.

Enfin, le changement de statut des associations Transitions Pro (ATpro) inquiète. Renommées “maisons de transitions et des reconversions”, elles perdraient “leur personnalité morale”, ce qui réduirait fortement le périmètre de leurs prérogatives.

Une méthode décriée

Au-delà des divergences de fond, les partenaires sociaux pointent un problème de méthode. Ils dénoncent le retard pris pour cette négociation : si les ministres Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet ont transmis la lettre d’orientation le 10 avril, les pourparlers n’ont commencé que le 20 mai. “Il faut pouvoir élaborer un plan d’ensemble et mettre de côté les points divergents, quitte à se fixer de nouveaux rendez-vous”, souligne Sandrine Mourey.

De son côté, la CFE-CGC plaide pour revenir à la lettre d’orientation du gouvernement stricto sensu, sans ajouter de nouvelles thématiques.

“Clairement, la CFDT ne jouera pas la dernière ligne droite version sprint en oubliant les points fondamentaux qui sont les nôtres”, avertit Yvan Ricordeau, dénonçant une négociation menée “dans la séance conclusive”.

Des tractations devaient se poursuivre tout le week-end pour tenter de modifier le texte. FO tentera de peser jusqu’au bout. “L’objectif est, dans les trois heures qui nous restent lundi, d’essayer d’aboutir”, espère également Yvan Ricordeau, tout en évoquant la possibilité d’une séance supplémentaire. Même si “la CFDT ne dira jamais qu’il y a une ambition dingue sur l’enjeu des reconversions, vu la contrainte budgétaire qui existe au niveau de l’Etat. Si on arrive, à travers cette négociation-là, à faire en sorte que les budgets reconversion soient maintenus voire un tout petit peu améliorés, ce sera une satisfaction. Mais ce ne sera sûrement pas la démonstration d‘une énorme ambition”.

L’Assemblée nationale en dernier recours

En cas d’échec, la balle sera dans le camp de l’Assemblée nationale, qui doit examiner le projet de loi sur les seniors, à partir du 23 juin en commission des affaires sociales. Si le Sénat a supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les transitions professionnelles, l’Assemblée nationale pourrait la rétablir sous l’impulsion du gouvernement.

Pour la CFDT, cette négociation révèle toutefois une “dissonance politique complète” : “On a un gouvernement qui nous dit que maintenant il faut regarder la question des reconversions comme prioritaire alors que ce sont les précédents gouvernements qui ont quand même restreint ce droit”, constate Yvan Ricordeau.

► La partie patronale ne s’est pas exprimée à l’issue de cette séance.

Anne Bariet

Transitions professionnelles : les négociations dans l’impasse, une ultime séance le 25 juin

17/06/2025

De gauche à droite, Sandrine Mourey (CGT), Jean-François Foucard (CFE-CGC), Yvan Ricordeau (CFDT), Maxime Dumont (CFTC) et Michel Beaugas (FO)

Les partenaires sociaux n’ont pas réussi à conclure, hier, un accord sur les reconversions professionnelles. Les organisations syndicales dénoncent une méthode défaillante. Le vrai enjeu de la dernière séance sera de sécuriser la rupture du contrat de travail pour les salariés qui partent en reconversion.

Beaucoup de questions, encore peu de réponses : réunis, hier, au siège du Medef, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à sceller un compromis sur les transitions professionnelles. Une ultime séance a été programmée le 25 juin pour tenter d’aboutir à un accord.

Le calendrier se complique. Le camp patronal doit transmettre une nouvelle version du texte lundi 23 juin, soit deux jours avant cette dernière réunion. Un timing problématique puisque l’accord devait s’insérer dans le projet de loi sur l’emploi des seniors et le dialogue social, dont l’examen est prévu le 23 juin en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, après son adoption le 4 juin par le Sénat.

Des syndicats exaspérés

“On peut se poser la question de savoir si le patronat veut un accord ou pas. Ou en tout cas s’il y a accord, s’il veut qu’il soit retranscrit dans la loi dès maintenant”, s’est interrogé Michel Beaugas, négociateur de Force ouvrière. La troisième version du projet d’accord, découverte lundi matin “sur table”, n’a guère convaincu les organisations syndicales.

Le texte présenté n’était “pas opérationnel”, selon Jean-François Foucard (CFE-CGC), qui dénonce une “vision très restreinte des reconversions”. Les syndicats ont pointé des “cafouillages”, des “incohérences” et des “trous juridiques”.

Yvan Ricordeau (CFDT) estime de son côté “qu’il n’est pas admissible d’avoir un texte qui ne soit pas finalisé” pour une séance conclusive. Il considère qu’il s’agit “d’une des négociations les plus négatives” qu’il ait jamais connues, dénonçant la conduite patronale.

Les points de blocage persistent

Plusieurs sujets demeurent tendus. À commencer par la “période de reconversion” à l’initiative de l’entreprise, qui fusionne les dispositifs “transitions collectives” et Pro A. Les organisations syndicales pointent toujours le manque de garanties accordées aux salariés en cas de mobilité externe.

Seules concessions : la nouvelle mouture précise que les entreprises de plus de 300 salariés devront négocier un accord relatif à la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ou portant sur la rupture conventionnelle collective, pour fixer les modalités d’organisation de ces périodes de reconversion. Par exemple, l’organisation de ces périodes, le niveau de rémunération ou encore les conditions éventuelles de co-financement du parcours par le CPF du salarié.

Le texte remplace également le contrat de professionnalisation expérimental par le contrat de professionnalisation classique, à condition que l’État modifie le cadre juridique pour élargir l’accès de ce dispositif aux salariés. Mais des “flous” demeurent, notamment sur le niveau de rémunération.

Le CPF au cœur des tensions

Autre pomme de discorde : le compte personnel de formation (CPF), qui pourra être mobilisé pour les mobilités internes, externes, le conseil en évolution professionnelle ou la validation des acquis de l’expérience. Les syndicats réclament la signature d’accords de branche ou d’entreprise pour sécuriser ce co-investissement, plutôt qu’une approche de gré à gré. “L’accord ne serait là que pour cadrer, explique Maxime Dumont (CFTC). Il donne la méthode, il ne s’impose pas à la personne”. In fine, la décision reviendrait au salarié. 

Le dernier texte ne prévoit qu’un seul garde-fou pour les périodes de reconversion : la mobilisation du dispositif à hauteur de 50 % des coûts pédagogiques en cas de mobilité interne, sous réserve d’un accord, mais en totalité en cas de mobilité externe.

Sandrine Mourey (CGT) dénonce par ailleurs “une absence totale de reconnaissance en cas de formation co-construite”, l’employeur n’ayant pas l’obligation de reconnaître les qualifications acquises.

Les syndicats s’inquiètent, en outre, de la disparition du congé de mobilité, annoncée par le patronat en fin de séance, sans évaluer l’impact d’une telle suppression.

Quelques avancées marginales

Malgré les blocages, quelques concessions ont été accordées. Le texte patronal augmente le plafonnement de la prise en charge par les associations Transitions Pro des parcours de formation dans le cadre du projet de transition professionnelle (PTP), qui passe de 850 à 900 heures.

Lorsqu’un salarié entame un PTP malgré le report ou le refus de l’employeur “pour des raisons liées à l’organisation de l’activité de l’entreprise”, le contrat de travail sera considéré “comme rompu d’un commun accord à l’issue de la formation”, ouvrant droit à l’allocation chômage. Mais c’est désormais à l’employeur d’informer le salarié (et non l’inverse comme prévu initialement), trois mois afin la fin de celle-ci, de s’assurer de la volonté du salarié de réintégrer l’entreprise ou de présenter sa démission. Le salarié dispose d’un délai de deux mois, avant la fin de sa formation, pour faire connaître ses choix. A défaut, le contrat de travail est rompu. Cette rupture est assimilée à une démission.

Les associations Transitions Pro récupèrent leur “personnalité morale”, un changement de statut qui avait été décrié par les syndicats.

Un équilibre “défavorable aux salariés”

“En l’état, l’équilibre du texte n’est pas en faveur du salarié”, résume Sandrine Mourey. “L’entreprise prend encore plus la main sur le CPF et le Projet de transition professionnelle, ce qui ne va pas inciter un salarié à s’engager dans des formations longues et qualifiantes au regard du financement”.

“Le vrai enjeu de cette dernière séance sera la sécurisation de la rupture du contrat de travail pour les salariés qui partent en reconversion” synthétise Michel Beaugas, évoquant “beaucoup d’écueils” sur ce point crucial.

Restera au gouvernement la possibilité d’introduire des amendements lors du débat en séance publique du projet de loi seniors ou de rétablir l’habilitation à légiférer par ordonnance, supprimée par le Sénat. L’issue de ces négociations laborieuses se jouera donc le 25 juin.

Anne Bariet

Les branches professionnelles du privé en chiffres

17/06/2025

L’outil de datavisualisation interactive développé par la Dares et publié le 12 juin permet de dresser un panorama détaillé des conventions collectives de branche dans le secteur privé, hors agriculture et fonction publique. Au total, 19,1 millions de salariés sont couverts par une convention collective.

Les bureaux d’études techniques arrivent en tête avec 1,4 million de salariés couverts, devant les transports routiers (861 000) et l’hôtellerie-restauration (811 700). En nombre d’entreprises, c’est le bâtiment ouvrier de moins de dix salariés qui domine (140 030 entreprises).

Les disparités salariales entre secteurs restent importantes : 3 790 euros nets mensuels en moyenne dans les bureaux d’études techniques contre 2 090 euros dans l’hôtellerie-restauration. La répartition par genre varie également fortement selon les branches, du sanitaire et social (76 % de femmes) au BTP (14 % seulement).

Une mine d’information !

Source : actuel CSE

Le baromètre des branches de mai 2025

20/06/2025

Quelles ont été, en mai 2025, les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.

Grâce à la veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous consacré aux branches professionnelles. Pas question d’être exhaustif sur ce sujet mais de vous signaler quelques tendances dans l’activité conventionnelle. Nous nous appuyons ainsi sur des accords récents et les arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche.

Ce baromètre nous semble d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre. La Conférence sociale d’octobre 2023 a d’ailleurs relancé ce chantier.

► CCN : convention collective nationale

► IDCC : identifiant des conventions collectives (numéro de 1 à 4 chiffres sous lequel une convention collective est enregistrée).

(1) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051673156

(2) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051670219

(3) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051673186

(4) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051673215

Marie-Aude Grimont avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives