Que signifie être représentant du personnel aujourd’hui ?

22/09/2025

Que signifie pour vous être représentant du personnel aujourd’hui ? C’est la question que nous avons posée aux nombreux élus CSE et représentants syndicaux croisés dans la manifestation parisienne du 18 septembre. Leurs réponses illustrent la difficulté de leurs missions face à des directions souvent jugées “intransigeantes”.

Le jeudi 18 septembre, de nombreux salariés ont défilé à Paris à l’appel de l’intersyndicale. Une sorte d’avertissement au gouvernement. En substance, le message adressé au nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu était le suivant : ne reprenez pas dans le prochain budget les projets annoncés par François Bayrou : jours de carence supplémentaires pour les arrêts de travail, franchises médicales, gel des prestations sociales, suppression de jours fériés, monétisation de la 5e semaine de congés, etc.

Il s’agissait aussi de réclamer l’abandon de la réforme des retraites et du passage à 64 ans qui ne passe toujours pas auprès des salariés. Un message qui a viré à l’ultimatum vendredi, le Premier ministre étant invité à répondre à ces demandes avant le 24 septembre (voir notre brève dans cette même édition).

Cette manifestation était pour nous l’occasion toute trouvée de rencontrer des représentants du personnel venus de secteurs très différents. Nous leur avons demandé comment ils vivaient aujourd’hui leur mandat, d’élu CSE ou de délégué syndical, dans leur entreprise, quels liens ils faisaient entre les revendications nationales et leur situation et sur quels critères ils jugeraient réussie l’action nationale intersyndicale.

Le sens de leur action

Pour de nombreux représentants du personnel, leur mandat, c’est d’abord accompagner les salariés, comme nous le dit Sabine Mazoyer, représentante de section syndicale (RSS) FO chez Exxon Mobil Chemical à Nanterre, également conseillère prud’homale : “Représentante du personnel au quotidien, c’est accompagner les salariés. Nous avons eu la malchance d’avoir une série de PSE. C’est indispensable d’être à leurs côtés, de faire en sorte qu’il y ait le moins de casse possible. Représenter les autres, c’est beaucoup de tracas mais aussi une source de satisfaction quand on peut sauver des emplois et reclasser des gens. Là, on a l’impression d’être utile”. 

C’est encore plus vrai, nous dit Alexandre Picaud, élu CFTC du CSE de EY (Ernst & Young), quand le personnel est jeune : “Dans mon entreprise, il y a beaucoup de jeunes donc sans expérience professionnelle. Ils sont désemparés quand ils sont convoqués pour un entretien préalable. Notre boulot, c’est de les accompagner dans ces moments difficiles”. 

Nous sommes la première barrière pour éviter que la direction ne fasse que ce qu’elle veut 

Les accompagner et les défendre, souligne Laurence Merlet, représentante syndicale CFDT chez Sanofi R & D : “Être représentant du personnel aujourd’hui, pour moi c’est d’abord aider le salarié, le défendre et c’est aussi le représenter face à la direction. Nous sommes la première barrière pour éviter que la direction fasse ce qu’elle veut quand elle le veut !”

Et s’il y a bien sûr la question, pour un secrétaire de CSE comme Stéphane Ballot (CFTC) à Fiducial, de coordonner les demandes des autres élus afin de construire les ordres des jours des réunions en étant l’interlocuteur de la direction, pour d’autres le souci de l’emploi arrive en premier.

 Mon premier souci, c’est de préserver l’emploi

C’est le cas de Virginie Merveaux Pin, secrétaire de la section syndicale UNSA Air Frances des PNC (personnels navigants) : “Pour moi, c’est d’abord de chercher à préserver l’emploi. Nous sommes dans un contexte où les CDI ne sont plus monnaie courante dans notre entreprise comme c’était le cas avant. Nous cherchons donc à diminuer la précarité des emplois au maximum. Ensuite, être représentant du personnel, c’est chercher à préserver les droits des salariés. En étant à la fois au CSE et déléguée syndicale, j’ai plus de poids pour faire écouter ce que me remontent les salariés, nos adhérents du syndicat mais aussi tous les autres”.

Des mandats plus difficiles à mener à bien

Ce qui ressort également de nos entretiens jeudi avec de multiples salariés, c’est la difficulté de la tâche à mener, un point qui fait l’unanimité. 

Frédéric Boloré, DSC CFDT à l’UES Cap Gemini et RS sur un des CSE, estime le mandat de délégué syndical beaucoup plus difficile à remplir aujourd’hui. “Depuis les ordonnances Macron, j’observe une baisse de recherche de la qualité du dialogue social de la part de mon entreprise. Les informations qui nous sont communiquées sont très cadrées. Chez nous, la progression des droits sociaux est de plus en plus compliquée”, témoigne-t-il.

Le climat politique incite nos directions à se montrer intransigeantes 

Le délégué fait aussi un rapprochement intéressant entre la situation politique au niveau national et la situation des élus et délégués dans l’entreprise : “Tous les problèmes de dialogue qu’on peut voir au niveau national entre le gouvernement et les organisations syndicales, et je pense notamment à la réforme des retraites et à l’usage du 49.3, je crois que cela a incité les directions des entreprises à être plus intransigeantes et à limiter le dialogue. Dans le même temps, les moyens des OS et des élus ont diminué et nous avons perdu la proximité avec les salariés que nous avions avec les CHSCT”.

Ce point-là fait l’unanimité, même de la part des plus mesurés, comme Virginie Merveaux Pin : “Les mandats sont-ils plus difficiles ? Si on se donne les moyens, on peut y arriver mais c’est vrai que les lois de Monsieur Macron ne nous ont pas facilité les choses ! “

Jérôme Bisetta, élu CSE CFDT chez Sanofi, vit difficilement son mandat : “Avec les ordonnances Macron, nous sommes beaucoup moins nombreux pour faire le boulot. Alors qu’aujourd’hui, nous devons “gérer” un plan de 330 suppressions d’emplois dans un domaine de recherche où il y aurait pourtant du travail à faire pour trouver de nouveaux médicaments”.

C’est difficile, tout est centralisé 

Le constat est également sombre pour Corinne Ferreira, de la fédération CGT des banques et assurances, élue au CSE de Direct Assurances (groupe Axa) et délégués syndicale : “La difficulté que nous rencontrons au CSE a été provoquée par les réformes Macron. Elles ont réduit à peau de chagrin la capacité des élus à pouvoir intervenir. Tout est centralisé sur un minimum de salariés élus  si bien que nous ne pouvons pas exercer nos missions convenablement. Les questions de santé au travail sont éludées. Avant, nous avions 120 représentants du personnel, et nous ne sommes qu’une trentaine aujourd’hui. Comment faire pour couvrir 20 000 salariés ?”

Il faut se préserver par le collectif. Quand un élu va mal, un autre prend le relais 

La lourdeur des missions et leur fort impact rendent d’autant plus nécessaires une vigilance…à l’égard de soi-même et des autres élus, alertent plusieurs représentants du personnel comme Laurence Merlet, RS CFDT chez Sanofi R&D : “Etre représentant du personnel, c’est beaucoup de travail et beaucoup de charge mentale. Surtout lorsque vous devez défendre l’intérêt des salariés dans un plan social face à une direction qui n’est pas forcément très allante et très collaborative. Comment se préserver soi-même ? Par le collectif. Quand un élu ou un délégué n’est pas bien, un autre prend le relais. C’est très important de faire attention à soi et aux autres élus et délégués”.

Face à ces difficultés et ces enjeux, d’autres représentants du personnel, comme Frédéric Lopez, secrétaire général du syndicat Sud santé de l’APHP de Paris, demandent une évolution des instances représentatives du personnel et de leur rôle : “Je vais vous le dire franchement, dans notre organisation syndicale, nous n’y croyons plus à ce modèle d’instance représentative n’ayant qu’une voix consultative”.

 Nous demandons une autre gouvernance avec un rôle décisionnaire pour les élus du personnel

Et le syndicaliste d’expliquer : “À l’hôpital, ce système laisse le champ libre aux deux autorités décisionnaires que sont les médecins et l’administration, et qui imposent des stratégies et des trajectoires économies qui ne sont pas bonnes, il n’y a qu’à voir l’état de l’hôpital en France. Nous demandons une autre gouvernance, avec un rôle décisionnaire reconnu pour les représentants du personnel. La voix des hospitaliers, de tous les métiers qui ont fait fonctionner l’hôpital pendant la crise du covid, doit enfin être entendue”.

Revendications au plan national et situation dans l’entreprise : quels liens ? 

Dans le cortège parisien, nous avons demandé aux élus et représentants syndicaux le lien qu’ils faisaient entre les revendications syndicales nationales contre le budget et leurs revendications ou leur situation dans l’entreprise.

“Il y a des revendications similaires comme par exemple sur le pouvoir d’achat, quand on voit les résultats de certaines entreprises, on s’aperçoit que les classes moyennes prennent cher quand même ! Chez nous, il y a quand même beaucoup de versements de dividendes par rapport aux augmentations salariales”, nous répond Sabine Mazoyer, RSS FO chez Exxon Mobil Chemical. 

 La conditionnalité des aides, ça nous parle pour le crédit d’impôt recherche !

Jérôme Bisetta, élu CSE CFDT de Sanofi, répond que les économies prévues sur l’assurance maladie impacteront nécessairement l’industrie pharmaceutique, qui pourrait être encore davantage tentée de délocaliser avec un risque pour l’emploi en France. Sa collègue Laurence Merlet fait pour sa part un lien évident entre la revendication intersyndicale nationale de conditionnalité des aides publiques aux entreprises et la situation de Sanofi au regard du crédit d’impôt recherche : “Ce serait bien de s’assurer que ces sommes sont vraiment utilisées pour la recherche…”

Pour Corinne Ferreira (CGT, Direct Assurances), le lien est simple : “À peine les salariés reviennent-ils de vacances que trois semaines après ils sont déjà épuisés. L’intensification du travail dans les entreprises, ça produit des arrêts de travail. Si on indemnise moins ces arrêts, si on double les franchises médicales, ce sont les salariés qui seront touchés”. 

Sans la mobilisation, les salariés auraient dû travailler deux jours gratuitement 

Sans la mobilisation syndicale, les salariés auraient dû travailler gratuitement deux jours supplémentaires, nous répond Virginie Merveaux Pin (Unsa Air France) qui ajoute : “Au niveau national comme dans l’entreprise, nous nous battons pour de bonnes conditions de travail et pour un travail valorisé à sa juste valeur”. 

Alexandre Picaud (CFTC, EY) voit un lien évident entre la situation de son entreprise et de sa branche et les revendications nationales : “C’est le rognage des acquis sociaux. Au niveau national, c’est l’histoire des 2 jours fériés mais aussi celle de la monétisation de la 5e semaine : dans nos métiers, autant dire qu’il n’y aurait plus de 5e semaine ! Au niveau de notre entreprise, c’est le temps de travail : nous nous battons contre un accord qui a fixé une limite horaire maximale de 60 heures par semaine alors que le maximum devrait être de 48 heures”. 

Quel serait le signe d’une réussite de la journée intersyndicale ?

Pour finir, nous avons demandé à nos interlocuteurs quel serait l’élément attestant de la réussite de la journée d’action intersyndicale. 

“Obtenir des orientations budgétaires qui tiennent compte des demandes syndicales et des besoins des salariés, mais nous ne sommes pas là pour nous opposer au gouvernement”, avance Virginie Merveaux Pin.

L’abandon des projets Bayrou, et revenir sur les 64 ans 

À l’inverse, Sabine Mazoyer répond du tac au tac, dans un grand rire : “La réussite de la journée ? Que Macron démissionne !” Et la syndicaliste d’ajouter :”Sérieusement, qu’il comprenne enfin qu’il y a un vrai problème depuis des années, les salariés en ont assez. Je n’admets toujours pas la réforme des retraites. Aux prud’hommes, je vois beaucoup de seniors, qui sont licenciés pour insuffisance professionnelle”. 

Corinne Ferreira attend pour sa part l’abandon de tous les projets Bayrou sur le budget 2026 et l’annulation de la réforme des retraites. 

Bernard Domergue

Jusqu’à quand l’Urssaf peut-elle modifier le fondement du redressement à la suite d’un contrôle ?

23/09/2025

La Cour de cassation énonce clairement, pour la première fois à notre connaissance, que l’Urssaf peut modifier le fondement du redressement envisagé à l’issue d’un contrôle Urssaf jusqu’à la délivrance de la mise en demeure à condition que le cotisant en soit informé et puisse présenter ses observations.

Dans son arrêt du 4 septembre 2025, destiné à la publication au Bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation apporte une précision intéressante sur la date jusqu’à laquelle l’inspecteur du recouvrement peut modifier le fondement juridique du redressement envisagé à l’issue d’un contrôle Urssaf sans que la procédure de contrôle soit viciée et le redressement annulé en conséquence.

L’Urssaf peut modifier le fondement juridique du redressement jusqu’à la mise en demeure…

Dans cette affaire, la société contrôlée s’est vue notifier un redressement, l’Urssaf considérant qu’elle a appliqué à tort une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS) au titre de ses salariés exerçant les fonctions de rédacteurs graphiques, directeurs artistiques, directeurs artistiques adjoints, chefs de studio et illustrateurs graphiques.

► Pour rappel, l’employeur peut appliquer une DFS si deux conditions cumulatives sont remplies :

Pour fonder sa décision de redressement, l’inspecteur du recouvrement a indiqué dans la lettre d’observations adressée à la société à l’issue du contrôle que la DFS n’était pas applicable faute pour les salariés concernés d’avoir la qualité de journaliste. Cette profession fait en effet partie de celles ouvrant droit à DFS.
Ce n’est que lors des débats devant la commission de recours amiable que l’Urssaf a relevé qu’en outre, la société n’avait pas justifié que les salariés en cause exposaient effectivement des frais notoirement supérieurs à la moyenne.
Saisie de l’affaire, la cour d’appel de Versailles a reconnu aux salariés concernés la qualité de journaliste mais elle a décidé que la DFS ne leur était pas applicable car il n’était pas justifié qu’ils exposaient, dans l’accomplissement de leur mission des dépenses notoirement supérieures à la moyenne (arrêt du 15 septembre 2022, voir en pièce jointe).

Les juges du fond pouvaient-ils statuer ainsi, alors que l’argument portant sur l’absence d’engagement de frais supplémentaires avait été présenté pour la première fois devant la commission de recours amiable ?
Non, répond la Cour de cassation : l’Urssaf peut modifier le fondement juridique du redressement jusqu’à la délivrance de la mise en demeure mais cette possibilité est soumise à certaines conditions, qui n’étaient pas remplies en l’espèce.

… mais seulement si le cotisant en est informé et mis en mesure de répondre

Ainsi, pour la Haute Juridiction, si l’Urssaf peut modifier le fondement juridique du redressement jusqu’à la délivrance de la mise en demeure, c’est à la condition que le cotisant en ait été informé et ait été en mesure de présenter ses observations et de fournir les pièces justificatives nécessaires.
Or, en l’espèce, la cour d’appel avait constaté que l’existence d’engagement de frais supplémentaires n’avait pas été invoquée par l’Urssaf dans sa lettre d’observations pour fonder le redressement. La société contrôlée n’avait donc pas été mise en mesure de répondre sur ce point et de fournir les justificatifs de ces dépenses le cas échéant. La décision des juges du fond est donc cassée.

La solution n’est pas surprenante : elle trouve son explication dans le respect du principe du contradictoire qui guide toute la procédure de contrôle Urssaf au travers des dispositions de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale.

Selon ce texte, la réception de la lettre d’observations ouvre une période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure, pendant laquelle l’employeur peut répondre aux observations de l’Urssaf et obtenir une réponse à ses remarques. Si le contrôle aboutit à un redressement, la mise en demeure ne peut pas être envoyée avant la fin de cette période contradictoire, à peine de nullité (arrêt du 4 mai 2017).

► En pratique, si une lettre d’observation retenant un redressement a déjà été envoyée et que l’inspecteur du recouvrement veut, pour maintenir ce redressement, invoquer un autre fondement juridique, il doit, selon nous, envoyer une nouvelle lettre d’observations ou une lettre d’observations rectificative faisant état de ce nouveau fondement juridique en permettant au cotisant de présenter ses observations dans les délais habituels et en lui demandant, le cas échéant, les pièces justificatives nécessaires. Seule cette méthode nous semble permettre le respect du principe du contradictoire.

Après la mise en demeure, le fondement du redressement ne peut plus être modifié

La Cour indique, pour finir, qu’après la délivrance de la mise en demeure, l’Urssaf ne peut plus modifier le fondement du redressement. La solution là encore est logique, la période contradictoire et la possibilité subséquente pour le cotisant de répondre aux observations de l’Urssaf ayant pris fin avec cet évènement, comme indiqué plus haut.

Muriel Gien

Retrouvez-nous au salon Eluceo de Paris

23/09/2025

La rédaction d’actuEL-CSE sera présent au salon Eluceo de Paris, les 1er et 2 octobre, au stade de France, notre stand est le n° EC013 : passez nous voir pour échanger ! 

Le 1er octobre, de 14h30 à 15h30 en salle 1, nous animerons également une conférence intitulée : “ Salariés et CSE : les dernières évolutions du droit à connaître”.

►Infos : https://paris.eluceo.fr/

►Inscription :  https://lefebvredalloz-paris.eluceo.fr/frontend/login

Source : actuel CSE

Une suppression des régimes d’exonération des heures sup pour financer une baisse des impôts de production ?

24/09/2025

Alors que l’incertitude demeure sur le contenu du prochain budget 2026, le Conseil des prélèvements obligatoires se prononce, dans un rapport de 152 pages publié le 22 septembre, pour la stabilité fiscale et la poursuite de la politique dite de l’offre.

“La politique d’allègement fiscal (abaissement du taux nominal de l’impôt sur les sociétés, allègement des cotisations sociales et des impôts de production) conduite depuis la fin des années 2000 pour améliorer la compétitivité industrielle a permis de rapprocher la France de la moyenne internationale, et plus particulièrement de la moyenne européenne, écrit le Conseil. Les défis restent nombreux cependant, compte des incertitudes sur les évolutions des prix de l’énergie qui grèvent la compétitivité des entreprises européennes et sur les mesures protectionnistes annoncées dans un contexte de concurrence aigue en termes de commerce international et de dumping environnemental”. 

Estimant nécessaire une “stabilité fiscale”, afin de renforcer “les décisions d’investissements en France”, le Conseil suggère, pour améliorer la compétitivité des entreprises, “une baisse supplémentaire des impôts de production et, plus précisément, une suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), impôt qui présente les effets de distorsion les plus pénalisants pour le coût des exportations et l’organisation de la chaîne de valeur industrielle”. Le Conseil estime que cette baisse peut être financée “par la suppression des régimes dérogatoires fiscaux et sociaux relatifs aux heures supplémentaires dont les études disponibles mettent en évidence les effets faibles sur l’organisation du travail et la performance des entreprises”.

Le Conseil justifie ainsi la fin des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires : 

“Le développement des compléments de salaires bénéficiant de régimes dérogatoires tant du point de vue des cotisations sociales que de l’imposition des revenus pose des problèmes d’équité soulignés par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport d’octobre 2024 consacré à l’imposition des revenus, dès lors que ceux-ci bénéficient principalement aux revenus les plus élevés. S’agissant spécifiquement des heures supplémentaires, plusieurs études ont souligné l’inefficacité de la mesure en termes de nombre global d’heures travaillées en raison de phénomènes d’optimisation fiscale (Cahuc et Carcillo, 2012) voire un effet négatif sur l’emploi et l’activité (Cochard, Cornilleau et Heyer, 2012 ; Heyer, 2017). Cottet (2023) montre que la suppression de la déduction de cotisations patronales pour les entreprises de plus de 20 salariés en 2012 n’a pas eu d’effet sur le recours aux heures supplémentaires par ces entreprises. Par ailleurs, l’industrie est une utilisatrice mesurée de ces dispositifs qui ne représentaient que 2,3 % de sa masse salariale en 2023”. 

► Créé en 2005, le Conseil des prélèvements obligatoires est une instance consultative présidée par le premier président de la Cour des comptes, et composée de magistrats, fonctionnaires et personnalités qualifiées. Son rôle est “d’apprécier l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires”.

Source : actuel CSE

La justice administrative invalide le PSE d’Auchan

25/09/2025

Dans une décision du 23 septembre, le tribunal administratif de Lille annule la validation par l’administration de l’accord sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) d’Auchan, qui porte sur 2 490 postes, au motif de la non validité des signataires et d’une insuffisance d’information aux CSE. La CGT voit dans cette décision, contre laquelle Auchan va faire appel, un début de reconnaissance d’une imbrication de toutes les sociétés de la famille Mulliez. Explications.

Pas moins de 2 389 postes devaient être supprimés dans la branche grande distribution d’Auchan, “Auchan Retail France”, selon le PSE, le plan de sauvegarde de l’emploi justifié par le groupe au regard des difficultés de la grande distribution en France (*). Ce plan a fait l’objet d’un accord collectif majoritaire signé le 19 mars 2025 d’un côté par par la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC, de l’autre par les directions des entreprises concernées du groupe Auchan Retail France (AECF, Auchan Supermarché, Auchan Hypermarché, My Auchan, ARE, ARS, ARA, ARI, OIA). L’entreprise avait en effet choisi de traiter par un seul accord les suppressions d’emplois de plusieurs entités, un point qui va s’avérer problématique.

Cet accord avait été validé par l’administration dans une décision du 29 avril 2025. Une décision contestée auprès de la justice administrative par la fédération CGT du commerce et par le CSE de la société Auchan E-commerce. 

Dans une décision du 23 septembre, le tribunal administratif de Lille donne raison aux plaignants et annule la validation du PSE. Auchan a déjà annoncé son intention de faire appel de ce jugement et a indiqué à l’AFP avoir trouvé une solution pour 1 000 personnes concernées par le plan,  dont 320 reclassements internes et 100 salariés repris.

La validité d’un accord de PSE

Cette annulation se fonde sur deux motifs : le fait que l’administration n’a pas vérifié les conditions de validité de la signature du PSE d’abord, ensuite l’absence de transmission aux CSE de certaines données concernant des relations d’actionnaires entre plusieurs sociétés. 

Sur le premier point, le juge rappelle qu’un accord de PSE est soumis à des règles spécifiques quant à la représentativité des salariés : l’accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des voix au 1er tour des élections du CSE (art. L. 1233-24-1 du code du travail). Ce principe, énonce le juge, vise à “assurer la protection des droits des salariés appartenant à une même collectivité de travail”.

Un accord de PSE ne peut donc s’établir sur la base des dispositions générales aux accords collectifs d’entreprise de droit commun qui prévoient la possibilité de négociations au niveau du groupe (art. L.1232-33 du code du travail).

Autrement dit, l’entreprise doit donc établir un accord collectif de PSE pour chaque société concernée ou pour chaque UES (unité économique et sociale), la qualité pour signer un tel accord s’appréciant exclusivement à ces niveaux. 

Or ce n’est pas le choix fait par Auchan. Le groupe a choisi, en se fondant sur un accord de méthode négocié avec certains syndicats, de conclure un accord de PSE touchant plusieurs entreprises, avec trois syndicats signataires (sur 5 organisations) désignés par leur fédération ou leur union départementale afin de représenter de façon globale l’ensemble des salariés des sociétés du groupe Auchan concernés par cet accord. 

Un tel choix n’est pas possible et aurait dû être repoussé par l’administration, estime le tribunal : 

“Même si des licenciements peuvent concerner plusieurs sociétés d’un même groupe et justifier pour des raisons d’opportunité une négociation et la conclusion d’un accord cadre à ce niveau, entrainant ainsi la compétence de la DREETS (Ndlr : directeur régionale du travail) du ressort duquel se situe le siège de l’entreprise dominante en application de l’article R. 1233-3-5 précité, l’accord collectif majoritaire fixant le PSE soumis à validation de l’administration, doit, pour être effectif, avoir été conclu au niveau de chaque société ou UES concernée, et la qualité pour signer cet accord collectif s’apprécie exclusivement à ce niveau. Par suite, l’administration ne pouvait valider l’accord collectif de groupe du 19 mars 2025, les représentants syndicaux signataires n’ayant pas la qualité pour signer un tel accord collectif applicable aux cinq sociétés ou UES concernées”.

Autrement dit, l’accord collectif sur le PSE aurait dû être signé par les représentants syndicaux de chacune des cinq composantes du groupe.

Des données manquantes pour les CSE

Sur le deuxième point motivant l’annulation du PSE, le tribunal administratif estime que l’administration aurait dû déclarer irrégulière la procédure d’information-consultation des CSE au motif d’une absence de transmission de certaines données de nature à empêcher les élus “d’émettre un avis éclairé” sur le PSE et ses conséquences. Ces données, réclamées par les CSE, concernent l’actionnariat des différentes entités concernées par le PSE.

Pour justifier le motif économique du PSE au regard des difficultés de la grande distribution, Auchan s’est basé sur le périmètre des entreprises contrôlées par la société Aumarché, avec un contrôle en cascade (voir schéma ci-dessous). Or cette société Aumarché est presqu’entièrement contrôlée par trois sociétés (Acanthe, Valorest et Cimofat. Ces trois sociétés, dont aucune ne contrôle seule Aumarché, ont néanmoins les mêmes dirigeants, les mêmes conseils de surveillance, le même objet et siège social, et le même actionnariat (les descendants de la famille Mulliez, les fondateurs du groupe). Pour le juge administratif, malgré les dénégations des dirigeants niant “tout accord extrastatutaire visant à organiser leurs relations d’actionnaire au sein de la société Suraumarché” (en clair : les dirigeants nient s’entendre pour contrôler de facto l’entreprise et ses filiales), ces caractéristiques laissent penser que “les trois sociétés Acanthe, Valorest et Cimofat” exercent “ensemble un contrôle conjoint de la société Suraumarché qu’elles possèdent en quasi-totalité”.

Le juge en déduit ceci : “Ainsi, en ne transmettant pas les données de ces sociétés, alors qu’elles contrôlent elles-mêmes de nombreuses autres sociétés présentes en France, le groupe Auchan n’a pas permis aux différents CSE d’émettre régulièrement un avis éclairé sur l’opération projetée et ses modalités d’application. Dès lors, l’administration ne pouvait accorder la validation demandée pour ce second motif”.

Le communiqué de presse du tribunal administratif explique bien le sens de ce manquement : 

“Afin de permettre une discussion sur les difficultés économiques rencontrées par le secteur de la grande distribution et d’apprécier les moyens mis au service du PSE, le groupe Auchan Retail France s’était borné à leur communiquer des données relatives à la situation économique de l’ensemble formé par toutes les sociétés placées sous le contrôle de la société Suraumarché, elle-même détentrice, à travers différentes sociétés, de la quasi-totalité du capital de la société Auchan Retail France. Toutefois, le tribunal a estimé que cette information aurait dû être plus étendue et inclure les données des trois sociétés qui exercent un contrôle conjoint sur la société Suraumarché elle-même”.

L’enjeu d’une éventuelle reconnaissance d’un périmètre plus large dominée par la même instance de décision porte notamment sur les efforts de reclassement que devrait mener la direction (lire notre encadré).

Les risques pour la santé ont bien été identifiés et prévenus

Signalons enfin que le tribunal a repoussé l’un des moyens soulevés par la CGT et le CSE au sujet d’une insuffisance de la prévention par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs induits par le PSE, un motif désormais souvent avancé pour contester un PSE.

Le juge cite notamment une note d’information ayant identifié et évalué les risques en prévoyant plusieurs actions comme la mise en place d’un point information-conseil, la mobilisation des encadrants “qui bénéficieront d’une formation avec des fiches repères pour les sensibiliser aux risques psychosociaux”, un accompagnement par la médecine du travail et une équipe interne spécialement mise en place, une ligne d’écoute, etc. En outre, le document présenté aux CSE prévoit bien “une analyse de la charge de travail liée à la mise en œuvre du PSE”. L’absence, dans le document de la direction, de précisions sur la méthodologie de l’analyse de risques ne saurait, estime le tribunal administratif, n’est pas suffisante pour justifier à elle-seule l’illégalité de la décision administrative.

(*) Dont 1 381 emplois supprimés dans l’UES ARE, 425 dans l’UES ARS/ARA, 229 dans la société OIA, 64 dans ARI. 

La CGT et FO espèrent la reconnaissance d’un comité de groupe
“Cette décision est un coup de tonnerre pour Auchan”, réagit Gérard Villeroy. Pour le délégué syndical CGT, la justice administrative entrouvre la porte menant à la reconnaissance d’un véritable comité de groupe, une bataille que le syndicat mène depuis des années.

À ses yeux, le fait que les trois sociétés évoquées dans le jugement (Acanthe, Valorest, Cimofat) soient assimilées au pouvoir dominant de toutes les sociétés d’Auchan en France ouvre la voie à la reconnaissance d’un même pouvoir dominant pour les autres entreprises de la famille Mulliez contrôlées dans l’AFM (l’association familiale Mulliez qui regrouperait 800 descendants), comme Decathlon, Leroy Merlin, etc. 

“Si un tel périmètre était reconnu, cela nous permettrait de négocier des mesures de reclassement à une échelle bien plus large en cas de PSE”, affirme Gérard Villeroy.

Franck Martinaud, pour FO, réagit de la même façon : “C’est un début de reconnaissance du groupe Mulliez. C’est une décision intéressante pour les salariés concernés par le PSE, qui pourront demander au juge des indemnités voire une réintégration si la décision est confirmée en appel, mais aussi pour les autres salariés d’entreprises contrôlées par Mulliez : en cas de PSE, les obligations de reclassement seraient appréciées sur un périmètre plus large”. 

Pour autant, le DSC FO ne conteste pas les difficultés économiques rencontrées par Auchan, “d’ailleurs nous avons examiné hier en CSE central un droit d’alerte économique”.

En décembre dernier, une grève avait agité Decathlon au sujet du versement aux actionnaires Mulliez d’un milliard d’euros de dividendes.

Bernard Domergue

L’activité partielle en baisse de 33 % sur un an

26/09/2025

Selon les derniers chiffres de la Dares, le nombre moyen de salariés en activité partielle a diminué de 33 % au deuxième trimestre 2025 par rapport au deuxième trimestre 2024. Le volume d’activité partielle représente 9 000 équivalents temps plein (ETP) au deuxième trimestre 2025 (-25 % sur un an) et les demandes d’indemnités validées sont de 38 millions d’euros (-27 % sur un an).

Ce recul est principalement porté par l’industrie et les activités scientifiques et techniques (-33 % et -61 % entre les deuxièmes trimestres 2024 et 2025).

Au deuxième trimestre 2025, 47 % des salariés en activité partielle travaillent dans des entreprises de plus de 250 salariés, une part en baisse de 13 points par rapport au deuxième trimestre 2024. Les entreprises de moins de 20 salariés, de 20 à 49 salariés, et de 50 à 249 salariés voient leur part augmenter, respectivement de cinq points, de deux points et six points sur un an.

Source : actuel CSE

Droits humains et environnement : deux marches vers Bruxelles contre la dérégulation

26/09/2025

Mardi 23 septembre, deux marches, l’une “pour le futur” depuis Maastricht aux Pays-Bas, l’autre “pour les droits humains” depuis Roubaix, ont convergé vers Bruxelles, capitale des institutions européennes, pour défendre le devoir de vigilance européen (CS3D) et la directive CSRD menacés par l’omnibus. Une manifestation publique s’est tenue au rond-point Robert Schuman dans le quartier européen.

La première marche a été organisée par l’ONG les Amis de la Terre Europe, en collaboration avec l’ECCJ (la Coalition européenne pour une justice des entreprises) et la CES (la Confédération européenne des syndicats). Elle a notamment été inspirée par le documentaire The Pickers qui dénonce les conditions de travail des cueilleurs migrants en Europe.  

Le deuxième marche depuis Roubaix a été organisée par le député socialiste Dominique Potier, la coprésidente du MIF (Mouvement impact France) Julia Faure et l’ex-eurodéputé Pascal Durand. Objectif : “Défendre la responsabilité des multinationales en matière de droits humains et de l’environnement, et les avancées européennes dans le domaine, aujourd’hui menacées par la directive « Omnibus », qui sera débattue en octobre au Parlement européen”, comme le résume Dominique Potier sur le réseau social LinkedIn. “Les textes menacés par l’Omnibus européen ne sont pas des fardeaux technocratiques, poursuit-il.  Ils sont la condition de l’avenir que nous voulons pour nous et nos enfants [et] des leviers stratégiques pour nos entreprises.”

Dans une déclaration commune publiée le 9 septembre, dite déclaration de Copenhague, plus de 260 chercheurs européens “exhortent les décideurs politiques européens à poursuivre cette simplification [la proposition omnibus] sans compromettre l’intégrité et l’ambition de ces réglementations essentielles”. Selon eux, “saper le cadre de durabilité de l’UE compromet les conditions nécessaires à la réussite des entreprises européennes dans un monde de plus en plus influencé par les risques climatiques, l’évolution des attentes des investisseurs et la demande mondiale croissante de transparence et de sens”.

Le Parlement européen devrait se prononcer sur le contenu amendé des directives CSRD et CS3D lors d’une séance plénière du 20 au 23 octobre. Le 23 juin 2025, les représentants des États membres de l’Union européenne ont approuvé le mandat de négociation du Conseil visant à simplifier les exigences de ces deux directives.

Source : actuel CSE

La Cour des comptes dévoile son rapport sur la transition écologique

26/09/2025

Le 16 septembre, la Cour des comptes a publié le premier rapport annuel des juridictions financières consacré à la transition écologique. 

Le document dresse un état des lieux d’ensemble de l’action publique, tente d’en évaluer la cohérence et l’efficacité et propose des recommandations pour accélérer la mise en œuvre de la transition, dans un contexte de finances publiques dégradées. 

Selon le rapport, le réchauffement climatique pèse lourdement sur les finances publiques, la croissance économique et la qualité de vie des Français. « A l’échelle mondiale, le coût de la transition est estimé à 1,2 point de PIB contre 15 points pour l’inaction, confirmant l’urgence d’agir sans retard », précise-t-il. La Cour des comptes appelle à l’investissement rapide et massif dans la transition écologique.  

À noter que la publication de ce rapport a pour ambition de devenir un document annuel de référence. 

Source : actuel CSE