Les Français peinent à décrypter leur fiche de paie
02/10/2025
Une étude du Club Landoy, un collectif d’entreprises engagé sur les enjeux de la transition démographique, révèle une méconnaissance généralisée du bulletin de salaire, malgré une consultation mensuelle par 74 % des actifs.
La fiche de paie est le document mensuel le plus consulté par les Français, mais son contenu reste largement incompris. Selon une étude du Club Landoy menée avec Viavoice auprès de 1 000 actifs salariés et dévoilée hier, 71 % estiment que leur bulletin de salaire est difficile à comprendre. Un constat qui révèle une méconnaissance plus profonde du fonctionnement du modèle social français.
Le salaire net, seule ligne vraiment lue
Si 74 % des salariés consultent leur fiche de paie chaque mois – soit environ 15 millions de Français sur les 20 millions d’actifs -, leur lecture s’arrête souvent à la dernière ligne. Quelque 83 % vont directement regarder le salaire net versé, loin devant le salaire brut (6 %), le montant de l’impôt prélevé à la source (5 %) ou les RTT et congés payés (3 %).
La fréquence de consultation augmente avec l’âge (10 points d’écart entre les plus de 50 ans et les 25-34 ans), la taille de l’entreprise et le secteur d’activité. Les salariés du privé consultent ainsi leur bulletin 14 points de plus que ceux du public.
Une incompréhension des cotisations sociales
Au-delà du salaire net, la compréhension se complique rapidement. Seuls 13 % des salariés déclarent comprendre toutes les cotisations inscrites sur leur fiche de paie, tandis que 66 % n’en saisissent que quelques-unes et 20 % aucune. Plus inquiétant, 44 % avouent être incapables de repérer d’éventuelles erreurs.
La majorité (55 %) rencontre des difficultés à comprendre la contrepartie des prélèvements obligatoires, proportion qui grimpe à 64 % dans les entreprises de moins de dix salariés. Seuls 37 % des sondés placent correctement les retraites comme premier poste de cotisations.
Des idées fausses sur le système social
L’étude révèle plusieurs confusions majeures. Ainsi, 68 % des sondés pensent avoir accès à l’assurance maladie grâce à leurs cotisations santé, alors que cet accès est universel. Plus problématique : seule une courte majorité (52 %) comprend que ses propres cotisations retraite ne financent pas sa future pension. Chez les moins de 25 ans, seulement un tiers (33 %) saisit cette logique intergénérationnelle par répartition.
La contribution sociale généralisée (CSG) sème également la confusion : 59 % des sondés avouent ne pas savoir à quoi elle sert. Parmi ceux qui prétendent le savoir, 44 % répondent, de manière erronée, qu’elle finance la dette publique – confusion avec la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
Par ailleurs, 65 % ignorent que leur salaire contribue au financement des syndicats via la ligne “contribution au dialogue social”, et autant ne savent pas qu’une participation au logement figure sur leur bulletin.
Le flou entre cotisations salariales et patronales
La différence entre cotisations sociales patronales et salariales n’est pas claire pour 45 % des sondés. Surtout, 48 % des salariés pensent que les cotisations patronales ne font pas partie de leur salaire. Cette confusion invisibilise le coût réel du travail : seuls 50 % ont conscience de percevoir environ la moitié de ce qu’ils coûtent à l’employeur.
Ce flou pose plusieurs problèmes, selon le Club Landoy : il fausse les négociations salariales basées sur le seul salaire brut, éclipse le cofinancement des droits sociaux par l’employeur et biaise la perception du coût total pour l’entreprise.
Un projet de simplification abandonné
Face à cette complexité, le gouvernement avait proposé en avril 2024 de réduire le bulletin de paie de 55 lignes à une quinzaine. Mais cette mesure, inscrite dans le projet de loi de simplification économique, a été supprimée par le Sénat en juin 2024 puis par l’Assemblée nationale, en juin 2025.
Les syndicats s’y opposaient fermement. “Les rares lignes qui restent ne mentionnent plus que la rémunération brute et nette. Au milieu d’une page quasi blanche, ce bulletin allégé trouve néanmoins la place de mentionner la notion de « coût du travail » pour l’employeur, histoire que le salarié se rende compte à quel point il coûte cher”, s’insurgeait FO dans un communiqué du 24 avril.
Pour les sénateurs, cette disposition conduisait “à une moins bonne information des salariés, pour une plus grande charge administrative pesant sur les entreprises”. Le projet de loi, actuellement en suspens, doit encore être examiné par la commission mixte paritaire.
Le modèle pérenne officiel de bulletin de paie, qui clarifie les libellés et intègre notamment le montant net social afin de faciliter la lecture, initialement prévu pour janvier 2025, ne sera finalement obligatoire qu’à compter du 1er janvier 2027.
Malgré les difficultés de lecture, 63 % des salariés se disent attachés au système de protection sociale tel qu’il fonctionne aujourd’hui.
Anne Bariet