Un CPF pour l’IA au niveau européen ? L’idée vient des acteurs de l’intelligence artificielle

24/11/2025

Dans son rapport sur la stratégie de l’Etat en matière d”intelligence artificielle, la Cour des comptes recommande au gouvernement de mieux anticiper les effets de l’IA sur l’emploi et sur les compétences professionnelles. L’institution reprend à son compte l’idée d’un compte personnel de formation (CPF) spécial IA. Nous y revenons ici après avoir trouvé la source de cette suggestion. Cette idée figure dans un rapport (“Haktivate AI”) établi en octobre 2025 par 70 experts réunis sous l’égide d’OpenAI (le créateur de ChatGPT) et  Allied for Start ups, un groupe de lobbying qui se donne comme but l’aide au développement des start ups (voir ici le rapport, en anglais).

Les propositions de ce rapport, censées nourrir la réflexion de la commission européenne sur le développement de la croissance économique via l’IA, comprennent en effet un volet sur la formation. La proposition n°1 suggère en effet de mettre en place dans l’Union européenne “un compte d’apprentissage à l’IA”. Inspiré du CPF français, ce compte offrirait aux salariés un droit monétaire pour suivre des cours certifiés sur l’IA, que pourraient dispenser, via un partenariat public-privé, “des laboratoires d’IA de premier plan”.

Transférable d’un emploi à l’autre et utilisable pendant le chômage, ce droit serait, suggère le rapport, d’un montant de 500 à 1 000€ par an, financés par les États, les entreprises et les salariés.

“Les crédits inutilisés pouvaient s’accumuler sur des années jusqu’à un plafond, permettant d’épargner pour des programmes plus étendus. Des crédits ou compléments plus élevés pourraient être accordés aux groupes prioritaires (employés PME, travailleurs à faibles revenus ou à risque) afin de promouvoir l’inclusion”, peut-on lire dans le rapport qui invite l’UE à prendre cette “mesure audacieuse”.

Les auteurs du rapport soutiennent, à l’appui de leur demande, “qu’une augmentation de 1 % des heures de formation peut entraîner une augmentation de la productivité de 0,6 %, soit environ le double de l’augmentation associée des coûts de main-d’œuvre”. 

Cette proposition au niveau européen survient au moment où l’UE entreprend d’alléger les contraintes sociales et environnementales pesant sur l’entreprise, au moment également o*ù, en France, l’heure est plutôt aux restrictions budgétaires en matière de formation continue…

Source : actuel CSE

Les opérateurs de compétences sous pression : l’Igas préconise 200 millions d’euros d’économies

26/11/2025

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales pointe les coûts de fonctionnement élevés des 11 Opco et propose des mesures d’efficience drastiques, dont le transfert de la gestion de l’apprentissage à l’Agence de services et de paiement.

Créés il y a un peu plus de sept ans par la loi Avenir professionnel, les opérateurs de compétences (Opco) se retrouvent aujourd’hui sous le feu des projecteurs. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a publié, le 18 novembre 2025, un rapport sans concession sur leur fonctionnement, identifiant un gisement d’économies de plus de 200 millions d’euros et 1 500 emplois.

Le constat est sévère. Les frais de fonctionnement de ces organismes paritaires, chargés de financer l’apprentissage et d’accompagner la formation professionnelle dans les PME, ont bondi de 18,5 % en quatre ans, passant de 605 millions d’euros en 2020 à 720 millions en 2024. Dans le même temps, leurs effectifs ont progressé de 13 %, atteignant 6 260 équivalents temps plein.

Des économies d’échelle insuffisantes

Pour l’Igas, cette trajectoire “n’est pas soutenable dans la durée” et témoigne d’un manque d’efficience préoccupant. Si l’augmentation des charges s’explique en partie par la progression de l’activité, les inspecteurs déplorent l’absence de gains d’efficacité significatifs. “Le contexte économique et budgétaire s’est dégradé depuis la création des Opco”, souligne le rapport, qui appelle à des “mesures fortes”.

Les systèmes d’information illustrent particulièrement bien les coûts induits par la dispersion entre les 11 opérateurs. Chacun a pris de manière isolée ses propres décisions en matière d’infrastructures, d’hébergement des données ou de systèmes de sécurité, sans réelle mutualisation. Une situation qui aurait pu être évitée par un meilleur cadrage des conventions d’objectifs et de moyens (COM).

Plusieurs leviers d’action identifiés

Les pistes d’économies identifiées par la mission portent sur plusieurs domaines. La rationalisation des surfaces immobilières, jugées “surdimensionnées au regard de l’occupation et des besoins”, pourrait permettre une réduction d’un tiers. Le développement des achats en commun, aujourd’hui quasi inexistants, constitue également un gisement d’économies, qu’il s’agisse d’outils numériques, de mobilier de bureau ou de parcs automobiles.

L’Igas préconise aussi un meilleur financement des missions d’appui aux branches. Actuellement majoritairement financées par les fonds de l’alternance, destinés aux contrats d’apprentissage, ces missions devraient davantage être prises en charge par les fonds conventionnels ou volontaires. Un plafonnement à 50 % du financement par les fonds légaux est proposé.

Concernant les dossiers du plan de développement des compétences (PDC), une économie de 46 millions d’euros est jugée réalisable sur les frais de gestion.

Le scénario privilégié : un transfert à l’ASP

Mais c’est surtout sur la gestion des contrats d’apprentissage que les économies potentielles sont les plus importantes. Cette activité mobilise 26 % des effectifs des Opco et représente 143 millions d’euros de frais de fonctionnement. L’Igas propose trois scénarios : une simple convergence vers les coûts les plus bas (48 millions d’économies), la création d’un groupement d’intérêt économique qui coordonnerait la gestion de tous les contrats d’apprentissage (63 millions d’économies) et un transfert complet de cette mission à l’Agence de services et de paiement (ASP), qui générerait 100 millions d’économies.

C’est ce dernier scénario que privilégie la mission, avec une mise en œuvre envisagée pour 2027. “L’ASP deviendrait alors un guichet unique pour les entreprises, gérant à la fois les contrats d’apprentissage et les primes à l’embauche”, tout en unifiant les contrôles de lutte contre la fraude.

L’igas prend soin de rassurer : “ce transfert ne constituerait pas une remise en cause fondamentale de l’action des Opco, estime le rapport. Au contraire, il confirme [ces actions] là où leur plus-value est la plus forte” : l’expertise apportée aux entreprises et aux branches pour adapter l’offre de formation aux besoins tout en facilitant l’accès des formations à la formation. Le cœur de métier des Opco, selon l’Igas, ne réside pas dans la gestion administrative des contrats.

Un avenir incertain

La mise en œuvre de ces recommandations s’annonce néanmoins délicate. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoyait déjà une économie de 100 millions d’euros au titre de la “rationalisation du soutien aux Opco”. Un amendement adopté le 9 novembre en commission des finances de l’Assemblée nationale a toutefois rétabli ce financement, le texte devant être définitivement adopté d’ici la fin décembre.

L’Igas demande que cet éventuel transfert à l’ASP soit “soigneusement préparé et accompagné” en raison de “ses conséquences sur les ressources humaines et le financement des Opco”. La mission préconise également de transformer la structure des conventions d’objectifs et de renforcer le pilotage financier des opérateurs par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

Après avoir déjà perdu la collecte de la contribution formation des entreprises, en 2018, les Opco se trouvent à un tournant de leur histoire, contraint de démontrer leur efficacité dans un contexte budgétaire tendu.

Anne Bariet