Selon l’Insee, 24% des Français affirment ne pas pouvoir se payer une semaine de vacances dans l’année

15/07/2024

L’Insee, l’institut national des études statistiques, mesure régulièrement “le taux de privation matérielle et sociale”. Ce taux exprime la part de personnes de la population qui ne peuvent pas couvrir les dépenses liées à au moins 5 éléments de la vie courante sur 13 considérés comme souhaitables ou nécessaires pour avoir un niveau de vie acceptable (par exemple : faire face à une dépense imprévue, se payer une semaine de vacances par an, manger viande ou poisson tous les deux jours, voir le schéma ci-dessous).

Pour le début de l’année 2023, ce sont 9 millions de personnes, soit 13,6% de la population, qui sont en situation de privation matérielle et sociale. L’institut observe la montée de deux privations l’an dernier : ne pas pouvoir, pour des raisons financières, manger de la viande, du poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours (+3 points par rapport à 2022), et ne pas pouvoir chauffer suffisamment son logement (+2 points). Pas moins de 12 % des personnes sont confrontées à chacune de ces privations en 2023. 

Plus de 28% des personnes disent ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue de 1 000 euros, et 24% affirment ne pas pouvoir se payer une semaine de vacances dans l’année. D’autre part, fait intéressant pour le choix de la politique d’activités sociales et culturelles du CSE, 15,9% disent ne pas avoir les moyens d’une activité de loisirs régulière et payante. 

Source : actueL CSE

ASC : un CSE ne peut pas faire annuler un accord qui dépasse son périmètre

18/07/2024

Pour pouvoir agir en nullité d’un accord collectif touchant ses attributions et ses droits, le périmètre du CSE doit couvrir dans son intégralité le champ d’application de l’accord. En outre, la nullité de l’accord n’est encourue qu’en cas de violation d’une règle d’ordre publique et d’atteinte aux prérogatives du CSE. Illustration de ces nouvelles règles avec un accord relatif aux activités sociales et culturelles (ASC) et à la restauration.

Depuis l’instauration du CSE, de nombreux domaines sont largement ouverts à la négociation (base de données économiques, sociales et environnementales, consultations, commissions, activités sociales et culturelles, etc.). Qui plus est, ces dispositions conventionnelles s’appliquent même si elles sont moins favorables que les dispositions supplétives prévues par le code du travail. Restent toutefois des dispositions relevant de l’ordre public, auquel il est impossible de déroger. Dans ce contexte, quelles sont les règles applicables à l’action du CSE en contestation de tels accords ? A-t-il qualité pour agir en annulation de ces accords, signés par des organisations syndicales, régissant ses propres prérogatives ? Quelles dispositions peuvent encourir la nullité ? C’est à ces questions que répond l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2024 à l’occasion de la contestation par deux CSE d’établissement d’une UES (unité économique et sociale) d’un accord relatif aux activités sociales et culturelles (ASC).

Cette décision est publiée sur le site de la Cour de cassation, accompagnée de l’avis de l’Avocate générale et du rapport de la Conseillère (voir nos pièces jointes). Il sera également publié au Rapport de la Cour de cassation.

Recevabilité de l’action d’un CSE en nullité d’un accord collectif relatif à ses prérogatives

Un accord sur les ASC signé par les syndicats représentatifs au niveau de l’UES…

Dans cette affaire, l’UES Orange, qui réunit plus de 88 000 salariés, comprend 17 CSE d’établissement (CSEE). Parmi eux, deux CSEE ont signé, en 2017, un accord relatif à la reprise en gestion directe par le comité de la restauration. En 2019, dans le cadre de la négociation sur la mise en place des nouveaux CSE, est signé avec les syndicats représentatifs, au niveau de l’UES, un accord portant sur la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration au sein de l’UES Orange.

Les deux CSEE, estimant que cet accord collectif entrave la gestion directe de l’ASC de restauration et méconnaît tant les règles du financement des ASC que l’autonomie des CSE dans leurs décisions de gestion de ces activités, demandent l’annulation de l’accord collectif. La cour d’appel juge ce recours irrecevable au motif que les CSEE n’ont pas qualité pour agir en nullité de l’accord auquel ils ne sont pas parties et négocié par les organisations syndicales. Les CSEE contestent arguant “qu’un comité d’entreprise a qualité et intérêt à agir pour obtenir l’annulation d’un accord collectif aux motifs que cet accord viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi”, ce qui est le cas de cet accord qui porte atteinte “aux prérogatives qui leur sont reconnues par la loi en matière d’activités sociales et culturelles”.

…ne peut pas être contesté par un CSE ne couvrant pas l’ensemble de son champ

La Cour de cassation commence par reconnaître qu’un CSE n’est pas irrecevable, d’emblée, à invoquer par voie d’action la nullité d’un accord collectif qu’il n’a pas signé, au motif que cet accord viole ses droits propres. Puis, la Cour ajoute qu’”eu égard aux effets de l’action en nullité d’un accord collectif, il y a lieu de juger que seule l’institution représentative du personnel, dont le périmètre couvre dans son intégralité le champ d’application de l’accord collectif contesté, a qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif aux motifs qu’il viole ses droits propres résultant de l’exercice des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d’ordre public”.

En d’autres termes, si un CSE peut avoir intérêt à agir (accord violant ses droits propres), il n’en a pas forcément la qualité, car la nullité de l’accord s’applique à tous (un accord nul ne produit aucun effet, et ce rétroactivement). Il est donc nécessaire que le CSE (ou les CSEE) couvre l’ensemble du champ de l’accord pour avoir qualité à agir.

Dans cette affaire, les deux CSEE ne couvrant pas l’intégralité de son champ d’application (l’UES), leur action en nullité n’est donc pas recevable. Cette solution s’applique potentiellement à tous les accords traitant des prérogatives du CSE, et pas seulement à ceux relatifs à la gestion des ASC, mais comme le souligne la Conseillère dans son rapport, “l’ouverture ou non au comité social et économique de l’action en nullité d’un accord collectif, devra donc nécessairement s’apprécier au regard de la prérogative en cause et de l’IRP qui en est titulaire mais également en prenant en considération le champ d’application de l’accord collectif dont la nullité est poursuivie”.

Nullité de l’accord uniquement en cas de violation d’une règle d’ordre public

La Cour de cassation explique ensuite dans quels cas un accord collectif relatif aux ASC peut être annulé sur demande d’un CSE ayant qualité à agir.

Les syndicats peuvent signer un accord collectif sur les activités sociales et culturelles…

Un syndicat, non-signataire de l’accord en cause, s’est joint aux CSEE demandeurs. Il conteste la compétence des partenaires sociaux pour définir les conditions dans lesquelles un CSE peut déléguer une ASC à un tiers. Il estime que cet accord “privait les CSEE de la faculté de décider des conditions dans lesquelles ils étaient susceptibles de déléguer l’activité de restauration en leur imposant d’adhérer, à cet effet, à une convention de délégation dont le contenu était entièrement prédéterminé et non modifiable”.

Il s’agissait pour lui d’une violation du principe d’ordre public de monopole de gestion des ASC par le CSE, en privant ce dernier de décider du mode de gestion qu’il entend choisir.

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle explique “d’une part que les activités sociales et culturelles ne sont pas exclues du champ de la négociation collective, d’autre part que l’employeur, à qui le comité social et économique choisit de déléguer une des activités sociales et culturelles que constitue la restauration des salariés, et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise ont compétence pour négocier et conclure un accord collectif d’entreprise précisant les modalités d’exercice de la gestion de la restauration déléguée à l’employeur qui reste responsable devant le comité social et économique”.

► Remarque : la chambre sociale s’appuie sur plusieurs articles du code du travail pour fonder cette solution.

L’article L. 2221-1 précise l’objet des conventions et accords collectifs comme définissant “les règles suivant lesquelles s’exerce le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales”.

Quant aux articles L. 2312-78 et R. 2312-36, ils définissent le monopole de gestion des ASC par le CSE, et autorisent la délégation de gestion : “Le CSE, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise, quel qu’en soit le financement”.

Enfin, la Cour vise l’article L. 2312-81, lequel prévoit que la contribution versée chaque année par l’employeur au titre des ASC est fixée par accord d’entreprise.

… tant que cet accord ne porte pas atteinte aux règles d’ordre public, notamment au monopole de gestion par le CSE

Puis la Cour valide le raisonnement de la cour d’appel qui, après examen de l’accord en cause, conclut “que si les CSE, après les CE, ont le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles, dont fait partie la restauration, la signature avec les organisations syndicales d’un accord collectif relatif à la restauration n’est pas interdite à l’employeur que rien n’oblige à être délégataire, l’employeur ayant la possibilité, s’il accepte la délégation, de l’organiser avec les partenaires sociaux pour l’ensemble de l’entreprise par une gestion mutualisée et solidaire plutôt que de procéder établissement par établissement, chaque CSEE demeurant maître d’opter pour la délégation ou pour la gestion directe”.

A cet égard, la cour d’appel précise que la négociation collective peut porter sur les modalités de gestion de la restauration des salariés, sous réserve de respecter les prérogatives du CSE. Ce qui est le cas en l’espèce : pas de remise en cause de la compétence exclusive des CSEE en matière de restauration conformément à l’article R. 2312-36 du code du travail qui permet au CSE d’en déléguer la gestion à des personnes désignées, ces personnes agissant dans la limite des attributions qui leur sont déléguées et sont responsables devant le comité. En d’autres termes, il est possible de prévoir des modalités de gestion des ASC dans un accord dès lors qu’il ne s’agit que d’une option auquel le CSE peut décider d’adhérer ou non, et que l’accord respecte les prérogatives du CSE. 

► Remarque : pour en arriver à cette solution, la Cour de cassation contrôle le contenu de l’accord, lequel définit les conditions de la délégation de gestion opérée par les CSEE au profit de l’employeur en matière de restauration :

– préambule définissant notamment son objectif principal qui est de “favoriser un traitement homogène et équitable des prestations de restauration aux salariés à la condition que leur CSEE de rattachement décide de mutualiser leurs ressources au sein d’une structure unique nationale”;

– organisation de cette délégation précisément définie dans l’accord collectif, les CSEE conservant leur mission de définition de la politique de restauration et de contrôle sur la gestion du délégataire, par le biais notamment du “comité national de restauration”, instauré par l’accord, composé majoritairement de représentants des CSEE et ayant pour mission “de valider et mettre en œuvre la politique de restauration” et la politique de subventionnement et de contrôle de la gestion de l’activité et du budget de restauration confiés par les CSEE à la direction. 

Enfin, dernier argument avancé par le syndicat : si la contribution versée chaque année au titre des ASC est fixée par accord d’entreprise conformément à l’article L. 2312-81 du code du travail, cet accord ne peut valablement prévoir qu’une partie déterminée de cette contribution sera allouée à l’une ou plusieurs de ses activités. Ainsi, pour respecter la règle d’ordre public du monopole de gestion, le CSE doit être libre de définir la part du budget qu’il consacre à chacune de ses ASC.

Or, l’accord prévoit un taux fixe de la masse salariale brute de l’UES au profit de l’activité restauration. La cour d’appel, comme la Cour de cassation, rejette cet argument. Pour les juges, “aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de prévoir la part qu’il convient de consacrer à la restauration dans le budget des ASC dès lors qu’un taux unique a été fixé pour tous les établissements, ce qui est le cas en l’espèce. En effet, comme le souligne le rapport de la Conseillère, “chaque CSE non délégant disposera alors d’un budget autonome qu’il devra gérer, tandis que celui des CSE délégant sera géré dans un cadre mutualisé, sous le contrôle de la commission nationale de la restauration comprenant un membre de chaque CSE délégant”.

Il n’y a donc aucune violation de règles d’ordre public et pas d’atteinte aux prérogatives des CSEE, la demande de nullité de l’accord collectif doit être rejetée.

Séverine Baudouin