[C’est votre droit] Contrats du CSE : comment gérer les clauses de tacite reconduction ?
11/09/2023
Dans le cadre de leurs activités, les élus de CSE peuvent signer des contrats contenant des clauses de tacite reconduction. Faute d’en connaître le régime juridique, ils se trouvent pris au piège de contrats renouvelés automatiquement. Voici l’essentiel à savoir pour gérer ces clauses, et surtout sortir facilement d’un contrat dont on ne veut plus.
Décrypter des points de droit qui se posent au CSE, tel est l’objectif de ce nouveau rendez-vous régulier, intitulé “C’est votre droit”. Faisant fi du jargon, nous vous exposerons en termes simples mais précis les méandres qui forment l’alpha et l’oméga d’une question juridique. Vous ne verrez plus le droit comme un ennemi incompréhensible, plutôt comme est un ami froid, mais sûr. Voici aujourd’hui, tout ce qu’il faut savoir sur les clauses de tacite reconduction. C’est parti !
Renouvellement des cartouches d’imprimante, abonnements divers, site internet et autres prestations informatiques… Le CSE peut signer de nombreux contrats à tacite reconduction. Cette clause signifie la continuation d’un contrat à durée déterminée. Les parties en poursuivent donc l’exécution (fourniture de la prestation côté fournisseur et paiement des factures côté CSE) au-delà du terme prévu dans le contrat d’origine (1).
Débordés par leurs missions, les élus se retrouvent très souvent prisonniers de certains prestataires car “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”, nous dit l’article 1103 du code civil. Le contrat est donc la loi des parties, mais attention, des règles imposent aux fournisseurs de permettre la rupture des contrats à tacite reconduction, et ces règles sont rarement respectées. Afin de ne plus “tomber dans le panneau”, examinons de plus près :
l’acceptation silencieuse, notion aux origines de la tacite reconduction ;
les caractéristiques et effets juridiques de la tacite reconduction ;
les protections offertes au CSE par le droit de la consommation ;
le CSE : consommateur ou professionnel ? ;
les conseils pratiques de professionnels du droit ;
deux exemples de clauses de tacites reconduction.
Acceptation silencieuse : qui ne dit mot ne consent pas !
Tout le problème de la tacite reconduction vient en réalité de la question de l’acceptation silencieuse. Expliquons-la tout de suite. Un contrat se forme par une rencontre de volontés : une offre d’un côté (le prestataire ou fournisseur), une acceptation de cette offre de l’autre (le CSE, son trésorier la plupart du temps). L’acceptation se manifeste par un acte concret et positif, une déclaration ou un comportement. Tout cela semble simple jusqu’à ce qu’on envisage l’acceptation silencieuse, celle qui ne se dit pas, ne s’écrit pas, ne se formalise aucunement, pas même dans un soupir.
En principe, un silence ne vaut pas acceptation. Dans le cas contraire, nous serions tous engagés dès la lecture d’une publicité. Ce serait un comble ! L’expression “qui ne dit mot consent” n’a donc aucune valeur juridique (2). Pour l’anecdote, elle serait issue d’une phrase de Boniface VIII : “Qui tacet consentire videtur”, soit en français “qui se tait semble consentir”.
Qui l’eut cru ? Ce pape oublié du XIIIe siècle reprend aujourd’hui de l’influence : les dernières réformes dites de “simplification administrative” ouvrent largement la porte à l’acceptation tacite de l’administration qui ne répond pas à une demande (3). Le principe selon lequel l’acceptation silencieuse n’est pas valable comporte d’ailleurs des exceptions, parfaitement identifiées en droit grâce à l’article 1120 du code civil :
lorsque la loi le prévoit ;
lorsque les usages d’une profession le prévoient ;
lorsque les parties l’ont décidé (c’est le cas dans notre fameuse clause de tacite reconduction) ;
en présence de relations d’affaires ;
lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire (4).
En résumé, l’acceptation d’une offre doit résulter d’un acte positif. |
Caractéristiques et effets juridiques de la tacite reconduction
Nous y voyons désormais plus clair sur le problème juridique que pose la reconduction tacite. Regardons-la désormais de plus près. Du fait du renouvellement automatique du contrat, la tacite reconduction “ramasse en un seul instant” toutes les étapes habituelles de formation du contrat : le projet, l’offre, l’acceptation, l’exécution (5). Ce dernier point est caractéristique : l’exécution du contrat continue après son terme, sans que le trésorier du CSE n’ait fait quoi que ce soit, et bien sûr, sans qu’il ait contacté son prestataire. Les factures et prélèvements automatiques se poursuivent également.
Il convient de bien distinguer le contrat à tacite reconduction du contrat à durée indéterminée. L’astuce de certains fournisseurs consiste à “faire passer” la clause en proposant aux élus une baisse du prix en échange d’un engagement plus long (48 mois par exemple). Attention, dans le régime de la tacite reconduction, un contrat à durée déterminée (souvent 1 an) est renouvelé tacitement pour la même période d’année en année, sauf dénonciation des parties. “Mais si le prestataire ne respecte pas ses obligations issues du code de la consommation, il transforme le contrat en durée indéterminée, sans aucune échéance”, précise Pierre Vignal, avocat au cabinet 3S et responsable du pôle contentieux du cabinet de conseil aux CSE Komitê . Ajoutons que le contrat étant renouvelé, tout ce qu’il prévoit s’applique de nouveau dans les mêmes termes.
En résumé, la tacite reconduction renouvelle l’exécution du contrat dans les mêmes termes. |
La protection du code de la consommation
Nous rentrons là dans le dur, soyons donc clairs : la clause de reconduction tacite est légale. Est illégal en revanche le fait que le prestataire ne respecte pas son obligation d’information. Elle résulte de l’article L.215-1 du code de la consommation. Rien que son premier alinéa est éclairant : ” Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. Cette information, délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction“.
On le voit, l’absence de communication du prestataire ou fournisseur doit alerter l’élu du CSE qui a conclu un contrat à tacite reconduction. En clair, si un contrat se termine le 1er décembre, le prestataire doit envoyer un courrier au CSE (idéalement une lettre recommandée avec accusé de réception) l’informant de la fin prochaine du contrat et de la possibilité de le rompre. Cette information doit intervenir entre le 1er août et le 1er novembre. Il lui faut également mentionner qu’au 1er décembre, il ne sera plus possible de sortir du contrat.
Et c’est là que le droit blesse. Selon Pierre Vignal, “peu de prestataires respectent ces règles. Nous défendons sans cesse des élus de CSE qui ignorent leur possibilité de rompre le contrat, c’est une pratique piégeuse”. Les contentieux restent donc nombreux, et les prestataires peuvent avoir recours à des cabinets de recouvrement si les élus cessent de payer, excédés par le harcèlement de certains fournisseurs.
Il y a même mieux : si le fournisseur ne prévient pas le CSE de l’arrivée de la date d’échéance, le trésorier peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction.
Attention, il existe des exceptions et certains contrats sont régis par des règles spécifiques comme le contrat d’assurance, la mutuelle, les services de téléphonie et d’internet.
En résumé, le prestataire doit informer de la date d’échéance du contrat, sinon le CSE peut résilier gratuitement à tout moment. |
Le CSE est-il un consommateur ?
A ce stade, tout lecteur peut se demander si un CSE est considéré comme un consommateur. La question a été tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 avril 2009 (n° 08-11.231) : le comité d’entreprise ne peut pas être un consommateur, au sens d’une personne physique, puisqu’il est une personne morale. Quant à sa personnalité juridique, elle est réservée aux CSE de 50 salariés et plus (6).
Sur cette base, le code de la consommation a été revu en 2016 et a inclus la définition de non-professionnel : “Toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole”. Enfin, le 15 juin 2016 (arrêt n° 15-17.369), la 1e chambre civile de la Cour de cassation a qualifié le comité d’entreprise de non-professionnel pour ce qui concerne les activités sociales et culturelles (ASC).
Qu’en est-il des activités liées au budget de fonctionnement ? Selon l’avocat Pierre Vignal, “même si aucun arrêt ne le dit expressément, les activités liées au budget de fonctionnement devraient pourvoir donner droit au même statut et donc à la protection du code de la consommation, on pense par exemple aux prestations d’accompagnement juridique, mais plus encore à celles de rédaction des procès-verbaux de réunion. On pourrait dire que le CSE est non-professionnel dans ses deux activités mais ce n’est pas tranché. La Cour de cassation est consciente que le risque d’abus se situe surtout au niveau des ASC”.
En résumé, le CSE est considéré comme un non-professionnel pour les activités liées aux ASC. Il bénéficie ainsi de la protection du code de la consommation. Sur le budget de fonctionnement, la question n’est pas tranchée. |
Conseils pratiques pour gérer les tacites reconductions
L’avocat conseille aux élus de faire le tour des contrats signés par le CSE, “notamment après les élections, car souvent, les élus héritent d’une situation issue de la mandature précédente”. L’idéal est également de voter une délibération (à la majorité des membres présents) donnant mandat à un élu de résilier le contrat. Une copie pourra être adressée au prestataire, et la décision du CSE sera ainsi sans équivoque. “Je vois parfois des élus qui résilient mal les contrats en demandant simplement au fournisseur de les laisser tranquilles. Cela ne suffit pas, il faut clairement dire dans le courrier de résiliation que l’on rompt le contrat”, explique Pierre Vignal.
Notons enfin que depuis juin 2023, la résiliation peut être effectuée par internet (loi pouvoir d’achat du 16 août 2022, article 15).
En résumé, faites le tour des contrats, votez une délibération pour charger un élu de résilier et soyez clairs dans vos courriers ! |
Deux exemples de clauses de tacite reconduction |
Afin de repérer plus facilement les clauses de tacite reconduction dans les contrats du CSE, en voici deux exemples : “Le contrat est conclu pour une première période de 12 mois à compter du [jj/mm/aaaa] et s’achevant le[ jj/mm/aaaa]. Au-delà, et à l’échéance, il se renouvellera par tacite reconduction pour des périodes de xx commençant le [jj/mm/aaaa] et s’achevant le [jj/mm/aaaa], sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec avis de réception moyennant un préavis de [xx].” “Le contrat est conclu pour une première période de [xx] à compter du [jj/mm/aaaa] et s’achevant le [jj/mm/aaaa]. Au-delà, et à l’échéance, il se renouvellera par tacite reconduction pour des périodes de durée identique à la période initiale commençant le [jj/mm/aaaa] et s’achevant le [jj/mm/aaaa] sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par acte d’huissier moyennant un préavis de [xx].” |
(1) Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, Éd. Puf
(2) Leçons de droit civil, droit des obligations, François Chabas (†), Éd. Montchrestien
(3) C’est le cas par exemple en matière de rescrit, quand un administré demande à une administration si une pratique est conforme à la réglementation.
(4) Répertoire de droit civil Dalloz, Contrats formation-conclusion, Nicolas Dissaux
(5) Dalloz référence Contrats du numérique, n°116.111, Philippe Le Tourneau
(6) Dalloz Action Droit de la représentation du personnel, 311.31 et s.
Marie-Aude Grimont
Le rugby intéresse certains CSE
14/09/2023
Lyon possède depuis 1896 un club de rugby, Lou Rugby (Lyon olympique universitaire rugby). Evoluant dans le top 14, le club joue donc à domicile dans le “vieux” stade Gerland contre des équipes aussi affûtées que Toulouse, Clermont, le Stade Français, la Rochelle, etc. Mais c’est dans le tout nouveau stade de Lyon, le Groupama Stadium, que ce club tenait un stand à l’occasion du salon Eluceo destiné aux membres du CSE. Le modeste stand a mis en avant maillot et ballon ovale et, surtout, des tarifs attractifs pour les groupes (20 euros la place pour certains match de rugby pour les CSE), plus abordables que le football. Selon le club, environ 800 abonnements ont été souscrits par des CSE de la région, le club admettant profiter d’un indéniable “effet coupe du monde”. Ce groupe d’élus d’une PME de 140 salariés de la région mâconnaise fait partie des fidèles : « Nous proposons aux salariés 6 places par match à domicile à Lyon, pour le rugby, mais aussi le football et maintenant le basket. Cela représente un budget de 5 à 6 000 euros par an ». Pas donné, mais sans doute beaucoup moins cher que les tarifs de l’actuelle coupe du monde de rugby…A propos de cette coupe du monde, la salariée du club rencontrée au salon confiait son optimisme de voir la France sacrée championne du monde, tout en confiant se méfier non de l’Afrique du Sud mais de l’Irlande…
Source : actuel CSE