La politique environnementale va créer des tensions sur le marché du travail
23/05/2023
Alors que le gouvernement a présenté hier son approche globale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, une contribution de la Dares pour France Stratégie tente d’évaluer les conséquences sur l’économie et l’emploi des politiques environnementales. Certains secteurs seront gagnants, d’autres perdants, et il va falloir sérieusement anticiper les reconversions professionnelles.
Lors d’un conseil national de la transition écologique hier, le gouvernement a présenté aux différentes parties prenantes de cette instance de dialogue et de concertation (parmi lesquels figurent les partenaires sociaux) son approche globale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, une première étape dans l’objectif d’une neutralité carbone pour la France en 2050 (*).
L’objectif est d’arriver en 2030 à limiter ces émissions à 270 millions de tonnes de CO2, contre 408 millions en 2022, soit une baisse de 138 millions de tonnes. “Il va nous falloir faire en 7 ans plus que ce que nous avons fait ces 30 dernières années”, avertit Matignon, alors même que, selon le gouvernement, les objectifs de réduction pour 2022 ont été atteints.
Tous les secteurs concernés par l’effort de transition
Cet effort concernera tous les secteurs (agriculture, bâtiment, énergie, transports, etc.) mais pèsera particulièrement sur le secteur productif à l’origine de la moitié des quantités de GES à réduire. Ainsi, la “cible provisoire” pour les émissions du secteur de l’industrie est-elle fixée à 45 millions de tonnes de CO2 pour 2030, à rapporter aux 72 de 2022 et aux 143 enregistrés en 1990.
Cette action visant à tenter de freiner le réchauffement climatique, au demeurant trop modeste aux yeux de nombreux experts du climat, aura-t-elle des conséquences sur l’économie et sur l’emploi ? Pour y répondre, la Dares, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, a fourni une contribution importante, ciblée sur le marché du travail, au rapport de Jean Pisani-Ferry remis hier au gouvernement (**).
Un niveau de l’emploi global peu différent
Premier élément de réponse : le marché du travail sera modifié sous l’effet des stratégies politiques conduites mais aussi de “l’adoption progressive d’évolutions technologiques déjà présentes, ou à inventer, pour réduire les empreintes environnementales des modes de production et de consommation”. Le niveau global de l’emploi ne serait pas affecté, mais les projections, qui dépendent des différents types de scénarios envisagés (***), restent très variables.
Ce point, en revanche, ne fait pas débat : “La transition devrait s’accompagner d’une réallocation relativement importante de la main-d’œuvre à la fois entre secteurs et au sein des secteurs clés de la transition”. En clair, des emplois seront supprimés dans certains secteurs et d’autres créés ailleurs. Mais il faut bien avoir en tête que si ce changement et ces adaptations concerneront de plus en plus de secteurs et d’activités, pour l’heure, les secteurs potentiellement les plus touchés car les plus émetteurs de GES ne représentent qu’une part limitée de l’emploi : “En considérant le seul critère de CO2, sept secteurs concentrent plus de la moitié des émissions mais moins de 3 % de l’emploi : cokéfaction et raffinage, transport aérien et par eau, industries de la métallurgie, des minéraux non métalliques et de la chimie et énergie. Le constat est proche si l’on prend en compte l’ensemble des GES, avec une présence plus importante de l’agriculture, secteur pour lequel la majeure partie des émissions concerne des gaz hors CO2”.
Emploi : les secteurs gagnants et perdants
Parmi les secteurs qui vont gagner de l’emploi figure la construction : “Entre 100 000 et 200 000 emplois supplémentaires y seraient créés d’ici 2030 selon les modélisations de Métiers 2030, de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), de NégaWatt ou de l’Ademe”. Encore faut-il que le bâtiment accélère sa transition, car ce secteur est en retard selon le rapport : “Pour l’heure, seules 64 000 entreprises du bâtiment sont labellisées RGE (reconnu garant de l’environnement), soit moins de 5 %, alors qu’un objectif de 250 000 est fixé pour 2028 par le gouvernement. De plus, d’après l’enquête formation employeur (EFE, Cereq-Dares-France compétence), en 2020, seulement un quart des entreprises employeuses du BTP forment certains salariés, et parmi celles-ci, un quart déclarent que la transition écologique est parmi les domaines de formation les plus importants (en volume d’heures) dispensés dans leur entreprise”.
La transition écologique pourrait également générer 50 000 emplois supplémentaires dans la R&D et l’ingénierie, mais aussi dans la maintenance des équipements (entretien des infrastructures, mobilisation de R&D en faveur de la transition, etc.).
A l’inverse, des secteurs perdraient des emplois, comme les transports (près de 10 000 emplois perdus d’ici 2030), en raison d’une baisse des transports routiers (fret et voyageurs) non compensée par le train. “Ces pertes d’emploi pourraient être très supérieures si la mobilité des biens et des personnes se réduit fortement à la fois du fait d’une relocalisation de la production de biens et de la limitation de la consommation de transports”, note le rapport.
Pour l’automobile, un des secteurs importants de l’économie française soumis aux mutations technologiques, les pertes d’emplois sont estimés très diversement. Sur la seule activité du bloc moteur, la fondation Hulot et la CFDT évoquent 23 000 emplois menacés en 2030 et à 34 000 en 2035, contre 10 000 emplois créés par le véhicule électrique en 2030 et 12 000 en 2035. McKinsey évalue à 60 000 et 100 000 le nombre d’emplois menacés à l’horizon 2030 et 2035, contre 35 600 emplois créés. Plus optimiste, l’European Climate Foundation prévoit la création nette de 66 000 emplois en France en 2030 “dans un scénario où les véhicules électriques, hybrides rechargeables et hydrogène représentent 37 % du marché”.
Ces mutations pourraient également entraîner des tensions de recrutement dans les métiers qui seront les plus recherchés, qui concerneraient d’abord la construction et le bâtiment ainsi que les services aux entreprises, comme le montre ce schéma traitant de 15 métiers (1 : risque de tension faible, 5 risque de tension élevé).

Des tensions géographiques
Des tensions pourraient également apparaître entre les territoires. “La transition écologique pourra conduire à un renforcement des fragilités territoriales existantes si les emplois détruits sont concentrés dans des zones peu denses et/ou déjà touchées par la désindustrialisation des années 2000”, estime le rapport.
La carte ci-dessous montre les zones (en rouge) particulièrement exposées, les auteurs du rapport insistant sur le fait que la réindustrialisation “doit aller de pair avec une adaptation des systèmes productifs intégrant les enjeux environnementaux pour offrir des opportunités d’emploi viables à moyen et long terme et participer au respect de nos engagements climatiques”. Le rapport pointe également les bénéfices d’un développement de l’économie circulaire et des circuits courts concernant “une répartition plus équilibrée territorialement des emplois”.

L’enjeu de formation
Par ailleurs, ces changements, qui nécessiteront de nouvelles compétences, devront être appréhendés sur le plan de la formation pour que ne se produise pas “un effet de polarisation” sur le marché de l’emploi entre personnes peu et très qualifiés. Le rapport évalue cette hypothèse comme peu probable au demeurant, dans la mesure où “les métiers bénéficiant de la transition se situeraient plutôt au milieu de la distribution des qualifications”. Mais le défi reste important : la Dares estime pour 2018 à seulement 140 000 le nombre d’emplois verts mais à 3,8 millions le nombre d’emplois dont les compétences vont évoluer du fait des enjeux environnementaux.
A cet égard, le rapport se montre critique sur certains outils de reconversion existants : “Le dispositif Transitions collectives (Transco) déployé depuis 2021 vise explicitement à accompagner la reconversion des travailleurs dont l’emploi est fragilisé vers un emploi porteur dans leur bassin de vie. Porté par les partenaires sociaux et intégré dans un écosystème territorial, le dispositif peine pourtant à trouver son public : il a concerné en 2022 moins de 400 salariés. Le même constat est fait sur les autres dispositifs de reconversion, le nombre de salariés concernés reste faible (moins de 20 000 PTP en 2021) et leur mobilisation très insuffisante au regard des enjeux emploi de la transition écologique. Un droit effectif à la reconversion professionnelle reste encore à construire pour accompagner ces réallocations sectorielles et concilier intérêts individuels et collectifs”.
Anticiper la dégradation des conditions de travail
Enfin, le rapport souligne la nécessaire adaptation des entreprises afin de faire face à la dégradation prévisible des conditions de travail du fait du réchauffement, avec les épisodes plus fréquents de canicule ou d’événements climatiques extrêmes. Au Québec, l’Institut national de la santé publique a observé par exemple que chaque degré au-dessus de 22 °C en Ontario entraînait une hausse de 75 % du nombre médian d’hospitalisations pour les malaises et les maladies au travail liés à la chaleur. Et le rapport de reprendre les préconisations émises dès 2018 par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) : il faut “renforcer rapidement la mobilisation du monde du travail sur les questions des effets directs et indirects du changement climatique sur les risques professionnels, afin notamment de sensibiliser employeurs et salariés sur les conséquences sur la santé, par le biais de documentations spécifiques et de formations”.
(*) Le gouvernement lance par ailleurs aujourd’hui une consultation afin de préparer la France à une augmentation de 4 degrés des températures moyennes d’ici la fin du siècle.
(**) Par une lettre du 12 septembre 2022, la Première ministre a confié à Jean Pisani-Ferry une mission d’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition climatique, afin que ces incidences soient mieux prises en compte par les décideurs dans l’ensemble des politiques publiques. Selma Mahfouz, inspectrice générale des finances, est la rapporteure générale de la mission. Le secrétariat est assuré par France Stratégie, l’organisme d’expertise et d’analyse prospective sur les grands sujets sociaux, économiques et environnementaux au service du gouvernement. Lire les 12 documents de ce rapport ici
(***) Ces différents scénarios combinent plus ou moins différents éléments : choc d’investissements nécessaires, changements de comportements, innovations technologiques, sobriété, etc.
Pour financer la transition écologique, le rapport Pisani-Ferry propose un impôt sur les ménages les plus riches |
Nourri de nombreuses contributions, le rapport de Jean Pisany-Ferry remis hier à Elisabeth Borne annonce “une décennie de toutes les difficultés” car “malgré des progrès récents, nous ne sommes pas encore sur la trajectoire de la neutralité climatique”. Il va falloir investir massivement pour le climat, alors même que cela n’accroîtra pas le potentiel de croissance et devrait même entraîner “temporairement un ralentissement de la productivité d’un quart de point par an”, prévient l’économiste. Ce dernier propose deux moyens pour financer le coût de la transition écologique en France : de façon prudente, un éventuel emprunt (mais en gardant l’objectif de limiter la dette publique) et, de façon plus assumé, un impôt exceptionnel. Cet impôt, qui ne serait que “transitoire”, serait “assis sur le patrimoine financier des 10% de ménages les plus aisés”. Ce prélèvement pourrait représenter “5 milliards d’euros par an”. Par ailleurs, afin de faire face à la concurrence internationale et notamment à la compétitivité de l’économie américaine soutenue par les fonds publics (avec l’IRA, “Inflation Reduction Act”), le rapport préconise que l’Union européenne “définisse et mette en place une nouvelle gouvernance climatique à la mesure de son ambition”. |
Bernard Domergue
Les entreprises opaques en matière de durabilité vont-elles être interdites de marchés publics ?
23/05/2023
Le gouvernement veut donner aux acheteurs publics la possibilité d’exclure les entreprises qui ne satisferont pas aux exigences de publication du futur reporting de durabilité issu de la directive européenne CSRD. Idem pour celles qui ne respecteront pas leur obligation d’établir le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces deux mesures, qui font partie du projet de loi sur l’industrie verte adopté la semaine dernière en conseil des ministres, seraient-elles dissuasives ?
Certaines entreprises vont devoir publier un reporting issu de la directive durabilité de 2022. Cela concerne les grandes entreprises — les premières devront produire ce reporting pour l’exercice 2024 (pour une publication en 2025) — et les PME cotées sur un marché réglementé.
Le gouvernement veut utiliser ce texte européen, dont la transposition est en cours, comme levier pour dissuader (davantage) les entreprises d’être opaques quand elles travaillent sur des marchés publics. Il souhaite donner la possibilité aux acheteurs publics (ou à l’autorité concédante) d’exclure de la procédure de passation du marché (ou du contrat de concession) celles qui ne respecteraient pas leur obligation de publier le reporting de durabilité issu de cette directive (cf article 12 du projet de loi industrie verte).
Létude d’impact de ce projet de loi insiste sur le fait que ce dispositif d’exclusion serait laissé à l’appréciation de l’acheteur public. Et quand cette faculté serait actionnée, elle ne serait pas automatiquement appliquée en cas de manquement de l’entreprise. “Conformément au mécanisme dit «d’auto-apurement», prévu aux articles L. 2141-11 et L. 3123-11 du CCP [code de la commande publique], l’opérateur économique [en défaut] sera en mesure de fournir des preuves qu’il a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité malgré la constatation de ce manquement, en dehors de l’hypothèse où une peine complémentaire d’exclusion a été prononcée à son encontre. Si ces éléments de preuve, appréciés en fonction de la gravité et des circonstances particulières attachées au manquement, sont jugés suffisants par l’acheteur ou l’autorité concédante, l’entreprise concernée ne sera pas exclue de la procédure d’attribution du marché public ou du contrat de concession”, prévoit l’étude d’impact.
Pas de bilan de gaz à effet de serre, pas de marchés publics ?
De façon analogue, le gouvernement veut dissuader les entreprises qui ne respectent pas leur obligation d’établir un bilan d’émission de gaz à effet de serre (article 13 du projet de loi). L’article L 229-25 du code de l’environnement prévoit que sont tenus d’établir et de publier un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) :
1° Les personnes morales de droit privé employant plus de cinq cents personnes ;
2° Dans les régions et départements d’outre-mer, les personnes morales de droit privé employant plus de deux cent cinquante personnes ;
3° L’Etat, les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants ainsi que les autres personnes morales de droit public employant plus de deux cent cinquante personnes.
Il est également prévu que les personnes mentionnées aux 1° à 3° joignent à ce bilan un plan de transition pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre présentant les objectifs, moyens et actions envisagés à cette fin et, le cas échéant, les actions mises en œuvre lors du précédent bilan. Cet article prévoit aussi l’obligation de mettre à jour périodiquement le BEGES et le plan de transition (tous les 4 ans ou tous les 3 ans selon les personnes).
Bilan de gaz à effet de serre : une majorité d’entreprises non conformes
Selon l’évaluation 2021 de la réglementation des bilans d’émission de gaz à effet de serre réalisée par l’Ademe (agence de la transition écologique), 3 106 personnes morales de droit privé étaient en 2021 soumises à cette réglementation. Mais seulement 43 % d’entre elles avaient publié le bilan dans le temps imparti pour cette étude — cette dernière précise que “Entité conforme = un bilan a été publié entre 2018 et 2021 (pour les entreprises et associations) ou entre 2019 et 2021 (pour les établissements publics et collectivités), avec une année de reporting n, n-1, n-2 ou n-3, et pour lequel le statut du bilan (contrôle de la DREAL) n’est pas «refusé»”.
Une mesure aux effets limités ?
Cette mesure serait-t-elle dissuasive ? Selon l’étude d’impact, l’effet sur les entreprises serait limité. Car d’une part, il ne s’agit que d’une faculté d’exclusion des marchés publics laissée à l’appréciation de l’acheteur public. D’autre part, l’étude d’impact du projet de loi anticipe là-aussi un mécanisme “d’auto-apurement” comme dans le cas de l’absence de publication du reporting de durabilité. En outre, on peut s’étonner que le projet de loi conditionne la faculté d’exclusion au défaut d’établissement du BEGES. Autrement dit, cette exclusion ne s’appliquerait pas aux entreprises qui établissent ce document mais qui ne le publient pas.
Ludovic Arbelet
Le point sur le projet de loi “Industrie verte”
24/05/2023
Le texte, présenté en conseil des ministres le 16 mai dernier, vise à accélérer les implantations industrielles, favoriser la réhabilitation des friches, promouvoir les enjeux environnementaux de la commande publique et financer l’industrie verte.
Depuis plusieurs années, une forte concurrence sur les technologies vertes s’est mise en place. Toutes les grandes puissances ont investi dans la recherche et se sont dotées d’outils d’attractivité et de soutien massifs pour tenter de dominer le secteur.
Fin 2021, la Chine présentait un plan quinquennal pour stimuler le développement vert des secteurs industriels. Plus récemment, en janvier 2023, les États-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act (IRA – loi américaine sur la réduction de l’inflation), prévoyant des soutiens importants à la production industrielle verte localisée aux États-Unis.
En mars 2023, c’est au tour de la Commission européenne de présenter deux propositions de règlements, afin d’adapter les procédures et le cadre d’aides pour une liste fixée de technologies.
Dans ce contexte économique tendu, et alors même que le dérèglement climatique se fait de plus en plus sentir, le projet de loi relatif à l’industrie verte a été présenté en conseil des ministres le 16 mai dernier.
Le texte propose une quinzaine de mesures visant à décarboner l’industrie et à ce que la France devienne “championne des technologies vertes“. Le point sur les mesures environnementales phares du projet.
Accélérer les implantations industrielles et réhabiliter les friches
Régulièrement pointée du doigt, la durée de la procédure de l’autorisation environnementale devrait encore faire l’objet de réglages. Ambitionnant d’en réduire la durée, l’article 2 du projet de loi prévoit la combinaison de deux mesures :
paralléliser plutôt que séquencer la phase d’examen et la phase de consultation du publique. La consultation du publique commencerait en même temps que l’instruction du projet par les services et par l’autorité environnementale. La consultation du publique pourrait démarrer dès que le dossier déposé par le porteur de projet serait jugé complet et régulier ;
la consultation du publique, d’un mois, serait prolongée de deux mois supplémentaires.
Pour encourager le développement de l’économie circulaire, le code de l’environnement serait modifié. En particulier, l’article 4 du projet prévoit qu’un résidu de production produit dans une plateforme industrielle n’a pas le statut déchet s’il est utilisé dans un processus de production au sein de cette même plateforme industrielle et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine.
Également, de nouvelles sanctions seraient prévues, concernant le transfert illicite de déchets en dehors du territoire national.
Pour faciliter la réhabilitation des friches pour un usage industriel, l’article 5 du projet de loi vise à :
permettre le recours à une bureau d’études certifié pour attester de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site en ce qui concerne les cessations d’activité notifiées à l’administration avant le 1er juin 2022 pour des installations A ou E ;
étendre et clarifier le dispositif du tiers demandeur, en permettant notamment au tiers demandeur de procéder, en plus de la réhabilitation du site, à la mise en sécurité qui incombe légalement au dernier explorant de l’installation classée ;
permettre au préfet de mettre en demeure l’exploitant d’une ICPE (installation classée) dont l’activité a cessé depuis trois ans de procéder à la mise à l’arrêt définitif sur une partie seulement du site.
Par ailleurs, l’article 6 du projet modifie le fondement légal des garanties financières afin de substituer à l’obligation de garanties de certaines installations classées d’autre types de mesures jugées plus efficaces :
la consignation de sommes en cas de non-respect des mesures conservatoires imposées par l’administration sans mise en demeure préalable;
l’introduction des dépenses visant à assurer la mise en sécurité des installations classées pour la protection de l’environnement dans la liste des créances à payer à leur échéance en cas de liquidation judiciaire;
la séniorisation de la créance environnementale en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise.
L’article 7 du projet de loi vise à élargir la base des sites naturels de compensation (SNC) et de les remplacer par des sites naturels de restauration et de renaturation (SNRR).
En complément, d’autres dispositions visent à accélérer l’installation des projets favorables au développement durable et des projets d’intérêt national majeur. S’agissant des projets industriels dans les secteurs des technologies favorables au développement durable, il est proposé, à l’article 8, de préciser le champ d’application de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme relatif à la déclaration de projet. L’article 9 du projet propose une procédure spécifique de mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme destinée à permettre l’accueil des projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.
L’article 10 dispose quant à lui que la déclaration d’utilité publique (DUP) de certaines opérations peut reconnaitre, pour l’opération concernée, le caractère d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) au sens et pour l’application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Enjeux environnementaux de la commande publique
Parallèlement, le texte propose notamment la création de deux nouveaux motifs d’exclusion des procédures de passation des contrats de la commande publique :
ne pas satisfaire à son obligation de réaliser un bilan GES (gaz à effet de serre);
le non-respect des engagements de publication d’informations en matière de durabilité en application de la directive CSRD 2022/2464 du 14 décembre 2022.
Financement de l’industrie verte
Sur le volet “financement”, l’article 16 du projet porte sur la création d’un nouveau produit d’épargne destiné aux mineurs, le “plan d’épargne avenir climat”, dont la finalité serait de contribuer au financement de la transition du modèle économique français. L’épargne des mineurs serait investie par l’intermédiaire d’un établissement public (fixé par voie réglementaire) chargé de la gestion des encours, la détention de titres en direct étant exclue afin d’éviter les questions complexes d’arbitrage et de limiter les frais induits par toute opération.
Le projet prévoit également de permettre le financement de la décarbonation des PME/ETI par le développement du capital investissement de l’assurance-vie et l’épargne retraite.
Camille Vinit, Code permanent Environnement et nuisances
Le nombre de procédures collectives repart à la hausse au premier trimestre 2023
25/05/2023
Selon les données publiées hier matin par l’Urssaf, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) se stabilise en avril 2023, après la légère baisse de 0,5 % au mois de mars, portant à + 0,9 % l’évolution sur 3 mois. Il diminue de 2,3 % sur un an.
Dans le détail, cette stabilisation résulte d’une légère hausse des embauches en CDD de plus d’un mois (+ 0,4 %) et de la baisse de celles en CDI (- 0,9 %). Sur 3 mois, les premières progressent de 3,3 % et les secondes diminuent de 1,2 %. Sur un an, les embauches en CDI sont en repli de 2,7 % et celles en CDD de plus d’un mois de 1,9 %.
Par ricochet, l’évolution de la masse salariale soumise à cotisations sociales croît de 2,6 % au premier trimestre 2023, après une hausse de 0,9 % le trimestre précédent. Elle progresse de 6,1 % sur un an et dépasse désormais de 15,1 % son niveau du quatrième trimestre 2019.
A noter enfin : au premier trimestre 2023, le nombre de procédures collectives repart à la hausse sur un rythme soutenu, après un trimestre de relative stagnation. Sur un an, les redressements et les liquidations judiciaires progressent respectivement de 53,5 % et de 32,7 %. Leur niveau reste toutefois inférieur à celui qui prévalait avant la crise.
Source : actuel CSE
L’expert-comptable du CSE peut accéder aux informations individuelles sur la rémunération des salariés
26/05/2023
Dans deux arrêts du 19 avril 2023, la Cour de cassation réaffirme que l’expert-comptable peut réclamer la communication d’informations qui n’ont pas à figurer dans la base de données économiques, sociales et environnementales, la BDESE.
Il n’y a pas si longtemps, il a été jugé que l’expert-comptable assistant le CSE dans le cadre dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail pouvait réclamer la communication d’informations qui n’ont pas à figurer dans la base de données économiques, sociales et environnementales. Deux arrêts du 19 avril 2023 de la Cour de cassation du 19 avril 2023 réaffirment le principe.
Première affaire : l’expert du CSE réclame des fichiers contenant des informations individuelles
Tout commence, dans la première affaire (arrêt n° 21-24.208), par l’ouverture le 23 janvier 2020 d’une procédure d’information/consultation du CSE de la société GTM Sud sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. A cette occasion, le comité décide de se faire assister par un expert-comptable.
Sans attendre, le cabinet Syndex désigné pour cette mission transmet au président et au secrétaire du CSE une demande d’informations et de documents nécessaires à la réalisation de l’expertise. Le 5 février 2020, l’expert est obligé de solliciter à nouveau la communication de ces éléments. Pour en finir, lors de la réunion du comité du 18 juin 2020, la direction de GTM Sud répond qu’elle “considérait les pièces déjà transmises comme nécessaires et suffisantes à l’expertise sur la politique sociale de l’entreprise”.
Le CSE et son expert-comptable décident alors de porter l’affaire en justice pour obtenir la communication de documents complémentaires et la prolongation du délai de consultation.
En appel, la société est condamnée à transmettre à l’expert une série de documents. Il est également décidé de donner au CSE un délai supplémentaire de 2 mois pour rendre son avis consultatif sur la politique sociale.
Précisons ici que, parmi les informations dont la communication a été ordonnée, on peut notamment citer : le suivi mensuel des effectifs 2019 ; le livre de paie détaillant globalement toutes les rubriques des rémunérations versées au personnel en 2018 et 2019 par catégorie de personnel ; pour les cadres et ETAM, les fichiers électroniques de rémunérations avec, notamment, le matricule, le sexe, la date de naissance, la date d’entrée dans l’effectif, l’intitulé précis du poste, la nature du contrat de travail, etc. Quant aux rémunérations, il est imposé qu’elles soient détaillées : salaire de base mensuel après augmentation annuelle, éventuels 13e mois, primes de vacances, primes de fin d’année, primes d’ancienneté, primes d’objectifs ou primes commerciales, primes exceptionnelles et avantages en nature.
L’affaire arrive en cassation.
La défense de l’employeur
Dans son pourvoi, la société GTM Sud fait d’abord valoir qu’elle avait bien mis à la disposition du CSE et de Syndex l’ensemble des éléments devant figurer dans la BDES, et notamment les rémunérations moyennes ou médianes par sexe, catégorie professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique, tranche d’âge, ainsi que les données collectives sur l’évolution des rémunérations salariales, telles que définies à l’article R. 2312-9 du code du travail. Elle n’était donc pas tenue de fournir des informations individuelles sur la rémunération de chacun des salariés. Pour GTM Sud, la demande de l’expert tendant à obtenir des “fichiers électroniques de rémunération” pour les cadres et Etam, comportant des informations individuelles sur chaque salarié et sa rémunération, excédait ce qui était nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
L’autre argument invoqué par GTM Sud consistait à faire valoir que l’expert ne peut pas exiger la production de documents qui n’existent pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire. En conséquence, l’employeur ne saurait être tenu de constituer pour les seuls besoins de l’expertise les fichiers électroniques réclamés par l’expert-comptable, en procédant à sa place à un retraitement de données issues de différents documents légaux, tels que bulletins de paie, registres du personnel et livres de paie. Finalement, pour GTM Sud, “les fichiers électroniques dont le cabinet Syndex réclamait la communication … n’existaient pas et ne correspondaient à aucun document dont la confection est légalement obligatoire pour l’employeur”. Il revenait donc bien à l’expert de les établir à partir des documents déjà fournis.
Dans son arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation rejette le pourvoi de GTM Sud et confirme ainsi sa condamnation à fournir les éléments réclamés par Syndex.
Une communication jugée bien nécessaire par la Cour de cassation
D’après les juges, il est exact que “l’expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise”. Or, d’après ce qu’avait pu constater la cour d’appel, les fichiers électroniques de rémunérations des ETAM et des cadres sollicités par l’expert existaient bien. Pour preuve notamment, GTM Sud avait indiqué par mail transmettre les éléments sollicités pour les ouvriers et précisé qu’elle transmettrait, dans un deuxième temps, les documents concernant les ETAM et cadres.
Par ailleurs, comme l’avait relevé la cour d’appel, la communication pour l’ensemble des salariés du suivi mensuel des effectifs 2019, du livre de paie détaillant globalement toutes les rubriques des rémunérations durant les années 2018 et 2019, par catégorie de personnel, ainsi que, pour les salariés cadres et ETAM, des fichiers électroniques de rémunérations n’excédait pas la mission légale de l’expert désigné. Cette communication était bien nécessaire à l’exercice de la mission d’expertise, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données économiques et sociales.
L’expert-comptable doit pouvoir accéder aux informations brutes, sans retraitement de la part de l’entreprise
Deuxième affaire : l’expert demande des données brutes pour son analyse sociale
Dans la seconde affaire (arrêt n° 21-25.563), il a été jugé que la production des données brutes réclamées par l’expert s’avérait nécessaire à la réalisation de sa mission d’analyse de la politique sociale de l’entreprise, notamment sur l’évolution des salaires et sur les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise. Pour les juges, “les informations retraitées et consolidées, seules produites par la société, étaient susceptibles de fausser l’analyse de l’expert”.
D’où la condamnation de l’entreprise à transmettre à l’expert-comptable l’extraction d’informations brutes, individuelles et anonymisées sur la totalité de l’effectif, y compris les cadres supérieurs.
Frédéric Aouate
Face aux pénuries de cadres, les entreprises jouent la carte du salaire
26/05/2023
Selon une étude de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) publiée hier, 62 % des entreprises qui recrutent des cadres ont révisé à la hausse la rémunération initialement prévue (+7 points) pour pallier les difficultés de recrutement. Les grandes entreprises, disposant de davantage de marges de manœuvre, ont été plus nombreuses à utiliser le levier de la rémunération en 2022 (76 %).
Par ailleurs, près de huit entreprises sur 10 ont consenti des ajustements portant sur le profil du candidat finalement retenu (81 %, contre 74 % en 2021), privilégiant le plus souvent des cadres ayant moins de compétences techniques ou moins d’expérience (+50 %).
Une partie des entreprises semble également prête à réviser certaines conditions d’emploi, par exemple, en accordant un temps partiel.
En revanche, elles sont moins enclines à accorder plus de jours de télétravail que prévu (30 %) et repoussent largement l’idée de raccourcir voire de supprimer la période d’essai.
D’après l’étude, 64 % des entreprises ayant recruté au moins un cadre en 2022 ont rencontré des difficultés de recrutement (+14 points par rapport à 2021).
Source : actuel CSE