Fabien Couderc (Syndex) : “S’ils veulent saisir la justice, c’est le parcours du combattant pour les élus du CEE”
26/06/2024
Expert au cabinet Syndex et responsable du bureau de Bruxelles, Fabien Couderc revient sur le projet de directive révisant le droit du comité d’entreprise européen. Le projet de texte pourrait rebattre les cartes sur la capacité des élus à agir en justice contre les employeurs. Interview.
Le droit des comités d’entreprise européens (CEE) pourrait sortir profondément remanié à l’issue de la révision de la directive de 2009. La Commission a formulé ses propositions juste avant les élections européennes du 9 juin dernier. Le 20 juin, le Conseil a quant à lui publié sa position en faveur d’un renforcement de l’accès des CEE aux procédures judiciaires. Fabien Couderc décrypte pour nous les enjeux de ce projet de réforme.
Quels sont les enjeux du projet de directive sur les comités d’entreprise européens (CEE) ?
Le projet n’est pas tant de créer de nouveaux droits pour les CEE que de renforcer les droits existants, notamment en clarifiant les notions de confidentialité et de transnationalité des décisions envisagées par l’employeur qui exigent une consultation de l’instance. On verra comment se déroulent les négociations, mais l’un des angles du projet consiste à permettre juridiquement aux CEE d’attaquer en justice. La directive précédente manquait de volontarisme sur ce point. De plus, les États membres l’ont très inégalement transposée. La proposition de directive contient aussi des points intéressants comme la possibilité de réunir le CEE deux fois par an au lieu d’une. Mais l’enjeu principale reste d’obtenir un fonctionnement beaucoup plus serein et pertinent des CEE.
En termes de calendrier, à quelle échéance peut-on s’attendre à ce que la directive soit révisée ?
Le Parlement européen ne dispose que d’un rapport de sa Commission de l’emploi et des affaires sociales. Il n’a aucun mandat pour négocier avec le Conseil de l’Union européenne pour l’instant, cela pourrait intervenir avec le nouveau Parlement élu en juin dans le courant du deuxième semestre 2024, à mon avis vers la fin de l’année. Pour l’instant, le nouveau Parlement se remet en marche avec ses nouveaux députés, il doit élire ses questeurs, son président, son vice-président, constituer ses différentes instances. Dans le même cycle vont avoir lieu toutes les discussions autour de la nouvelle Commission européenne. Aux dernières nouvelles, le Conseil de l’Union européenne a arrêté sa position sur le projet de directive.
En quoi consiste cette position ?
Elle lève les dérogations actuelles à l’application de la directive, ce qui signifie que le Conseil souhaite que les accords conclus avant la directive de 1994 ou entre le 6 juin 2009 et le 5 juin 2011 sur l’institution du CEE ne s’appliquent plus. Il veut également garantir l’accès des CEE aux procédures judiciaires ainsi qu’un meilleur équilibre hommes-femmes dans les instances, une réponse écrite des directions d’entreprise au CEE avant la prise de décision et que les élus disposent d’un délai suffisant pour s’exprimer avant les décisions des employeurs.
Quand les négociations vont-elles commencer ?
Elles ne débuteront pas avant le prochain semestre, une fois que les institutions seront capables de fonctionner. Ensuite, tout dépendra de la dureté des discussions, à savoir du temps nécessaire pour obtenir un accord politique entre les institutions, on peut envisager quelques mois ou plusieurs années dans le pire des cas. Il faut ensuite faire passer le projet dans les Chambres et tenir compte des délais de transposition dans les États membres. On regarde donc à l’horizon de deux ans et demi, voire trois ans.
Quels pourraient être les points d’achoppement des négociations ?
Les employeurs ne veulent pas toucher à la directive. Ils refusent par exemple une nouvelle définition de la transnationalité, suffisamment large pour décider que le CEE doit être consulté si un siège social prend une décision qui affecte une branche dans un autre pays de l’Union européenne. Il pourra exister aussi une difficulté au niveau des États membres sur la capacité des CEE d’attaquer en justice.
Plusieurs États sont récalcitrants à l’action en justice des CEE
Il faudra voir à quel point cela affectera le droit interne de certains États membres. Plusieurs États seront récalcitrants à cet égard. Dans de nombreux pays, les CEE sont dépourvus de personnalité juridique et ne peuvent donc pas attaquer les employeurs en justice. Il faut donc que les élus du CEE s’y emploient, ce qui n’est pas évident. Quant aux organisations syndicales, tout dépend du rapport de force dont elles bénéficient ou non.
Comment fonctionne aujourd’hui l’articulation entre les CEE et les CSE français ?
Normalement, des élus nationaux siègent au CEE. Si un employeur aurait dû consulter l’instance et ne l’a pas fait, c’est par cette voie qu’il faut le faire remonter. Un sujet transnational nécessite aujourd’hui une consultation du CEE.
Justement, le projet de révision de la directive émise par la Commission propose une présomption de transnationalité, qu’en pensez-vous ?
En effet la Commission propose une présomption dans deux cas : d’une part quand on peut raisonnablement s’attendre à ce que les mesures envisagées par la direction aient une incidence sur les travailleurs dans plus d’un État membre et d’autre part quand on peut raisonnablement s’attendre à ce que ces mesures aient des répercussions sur les travailleurs dans un seul État membre et où les conséquences de ces mesures sont susceptibles de concerner des travailleurs dans au moins un autre État membre. Mais c’est une nouveauté sans l’être réellement : cela figurait dans la précédente directive mais pas directement dans le texte, seulement dans les “considérants”.
Les employeurs vent debout contre une réforme de la transnationalité
L’idée de la Commission est justement de basculer ces points dans le texte même de la directive. Cela donnerait plus de force à la définition de la transnationalité. Elle serait ainsi plus opposable aux directions dans le but de déclencher plus facilement une information-consultation du CEE. L’un des autres enjeux consiste à rendre l’information-consultation plus pertinente. Les employeurs sont également vent debout contre cette idée.
La Commission reconnaît qu’il faut améliorer les voies de recours des CEE mais s’en tient au sujet des sanctions insuffisantes dans les États membres. Qu’en pensez-vous ?
Prenons le cas de la Belgique : les conseils d’entreprise, équivalents des CSE, ne peuvent pas attaquer les employeurs en justice faute de personnalité juridique. Dans les faits, les organisations syndicales s’en chargent car elles peuvent en assumer le coût. Par ailleurs, les sanctions des États ne semblent pas assez dissuasives. Une multinationale condamnée pour défaut de consultation ne rencontre finalement pas trop de problèmes. En revanche, s’ils veulent saisir la justice, c’est le parcours du combattant pour les élus du CEE, c’est le parcours du combattant. C’est pourquoi la proposition de directive voudrait garantir que les frais de justice seront couverts par la direction. Ce sera sans doute un autre point d’achoppement des négociations.
Quid de la reconnaissance des experts syndicaux dans les négociations de création d’un CEE ? La Commission ne semble pas reprendre l’idée de la CES…
En effet, cela aurait beaucoup d’impact surtout pour les fédérations syndicales européennes et la CES. Le texte original de la directive de 2009 mentionne l’expert syndical en disant qu’un expert (notamment un expert syndical) peut assister les élus lors de la constitution du CEE. Le rapport parlementaire qui a demandé la révision de la directive avait proposé de différencier les experts syndicaux et les experts techniques (comme un consultant ou un juriste). Donc cet expert syndical faciliterait une plus grande présence des syndicats seraient aussi présents dans l’instance.
Au final, êtes-vous plutôt optimiste sur l’adoption de ce projet ?
A priori oui, mais au deuxième semestre de cette année, le Conseil de l’Union européenne passera sous présidence hongroise, dont le gouvernement n’est pas le plus progressiste en Europe…
Marie-Aude Grimont
La prime de partage de la valeur ne fait plus recette
26/06/2024
Selon l’enquête sur les négociations annuelles obligatoires (NAO) du cabinet Mercer, publiée hier, l’enveloppe dédiée aux augmentations du salaire de base prévue pour 2023 a légèrement diminué tout au long de la période d’enquête (d’octobre 2023 à mars 2024) pour atteindre un niveau médian de 4,50 %. Le budget d’augmentation varie toutefois d’une entreprise à l’autre avec un minimum de 1,5 % et un maximum de 7 %.
Points communs : toutes les entreprises interrogées (226) ont accordé une augmentation générale exclusivement à leur population non-cadre.
A noter également, elles sont de plus en plus nombreuses à inclure dans les NAO des éléments supplémentaires : augmentation de la contribution des tickets restaurants, accords d’intéressement, formations.
Par ailleurs, seules 19 % des entreprises interrogées envisagent de verser la prime de partage de la valeur en 2024, contre 68 % l’année dernière (mais seulement 39 % l’ont réellement versée). Un ralentissement dû au traitement fiscal moins favorable réservée à cette mesure.
Enfin, Mercer table sur des budgets légèrement en baisse en 2025, avec un niveau médian de 3,8 %. L’enveloppe devrait toutefois faire la part belle aux augmentations individuelles.
Source : actuel CSE
L’Urssaf accompagne les employeurs touchés par les inondations dans les Pays de la Loire
27/06/2024
Pour tenir compte des conséquences pour les employeurs et les indépendants des récentes inondations survenues en Pays de Loire, l’Urssaf a décidé d’activer des mesures d’urgence pour les accompagner lorsque leur activité a été affectée.
Comme dans d’autres régions touchées auparavant par les inondations, l’Urssaf indique qu’elle “fera preuve de compréhension face à un retard de déclaration”, si l’entreprise est “dans l’impossibilité temporaire de réaliser [ses] déclarations du fait des inondations”.
Les entreprises concernées peuvent ainsi solliciter auprès de leur Urssaf un report de leurs échéances de cotisations via la mise en place d’un délai de paiement. Les pénalités et majorations de retard dues dans ce cadre feront l’objet d’une remise d’office.
Pour effectuer leur demande, les employeurs peuvent contacter l’Urssaf via leur messagerie sécurisée (“Messagerie – ‘Une formalité déclarative” – “Déclarer une situation exceptionnelle (catastrophe naturelle, incendie…)”) ou par téléphone au 3957 choix 3.
Source : actuel CSE
Jeune entreprise de croissance : les indicateurs de performance économique sont fixés
27/06/2024
La loi de finances pour 2024 a créé une nouvelle catégorie de jeune entreprise innovante (JEI) dénommée “jeune entreprise de croissance (JEC).
Pour prétendre à cette qualification et bénéficier des avantages associés à ce statut, les entreprises doivent réunir les critères suivants :
- avoir moins de 250 salariés et être âgés de moins de 8 ans ;
- réaliser des dépenses de recherche et développement comprises entre 5 et 15 % de leurs charges totales ;
- et satisfaire par ailleurs à des indicateurs de performance économique. Ces indicateurs viennent d’être définis par un décret du 24 mai 2024.
Pour rappel, les JEI, et donc les JEC, bénéficient d’une exonération des cotisations patronales maladie, famille et vieillesse pour le personnel participant à la recherche dont les rémunérations sont inférieures à 4,5 Smic. Cette exonération s’applique au plus tard jusqu’au dernier jour de la 7e année suivant celle de la création de l’établissement.
Les JEI, et donc les JEC, ont aussi droit à une exonération d’impôt sur les bénéfices pour celles créées jusqu’au 31 décembre 2023 et peuvent, sur certains territoires, bénéficier d’exonération d’impôts locaux. Enfin, les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de JEC.
Quels sont les indicateurs de performance économique ?
Les indicateurs de performance économique sont satisfaits lorsque l’entreprise remplit les conditions cumulatives suivantes, appréciées à la clôture de l’exercice N (CGI, annexe III article 49 Q nouveau) :
- son effectif, calculé selon les modalités prévues par le code du travail a augmenté d’au moins 100 % et d’au moins 10 salariés en équivalents temps plein, par rapport à celui constaté à la clôture de l’exercice N – 3 ;
- le montant de ses dépenses de recherche au cours de cet exercice n’a pas diminué par rapport à celui de l’exercice précédent (N -1).
Pour l’application de ces conditions, l’exercice est ramené ou porté, le cas échéant, à 12 mois.
► La performance économique d’une PME aurait pu être mesurée à travers des critères financiers tels que la croissance de ses revenus ou la réalisation d’une levée de fonds significative mais le décret s’en tient à des critères liés à la croissance des effectifs et à un maintien du montant des dépenses de recherche
Exemple
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale fournit l’exemple suivant (Boss-JEI-90).
Une entreprise créée en 2019 présente les caractéristiques suivantes en 2024 :
- elle a 250 000 euros de charges fiscalement déductibles ;
- elle engage des dépenses de recherche à hauteur de 25 000 € (soit 10 % de ses charges fiscalement déductibles), comme c’était déjà le cas en 2023 ;
- elle compte 50 salariés équivalents temps plein (ETP) alors qu’elle avait 25 ETP en 2021. En 2024, elle a donc par rapport à 2021, doublé son effectif et celui-ci a augmenté d’au moins 10 ETP.
L’entreprise peut prétendre à l’exonération JEC à partir du 1er juin 2024.
► Ces dispositions entrent en vigueur le 1er juin 2024. La qualité de JEC s’apprécie donc au 1er juin 2024 et l’exonération de cotisations sociales s’applique à compter de cette date aux entreprises en remplissant les conditions.
Source : actuel CSE
Plus d’un tiers des salariés du SBF 120 sont actionnaires de leur entreprise
27/06/2024
Selon les résultats définitifs de l’édition 2024 du Panorama de l’actionnariat salarié, réalisée par Eres, une société de conseil et de gestion spécialisée en actionnariat salarié, retraite et épargne salariale, et publiée hier, l’actionnariat salarié progresse en 2023. Plus d’un tiers des salariés du SBF 120 (ndlr : 40 titres du CAC 40 et 80 autres valeurs) sont actionnaires de leur entreprise, soit 8 % de plus qu’en 2022. L’actif moyen détenu par salarié salariés s’élève, lui, à plus de 35 000 euros.
Dans le détail, 42 opérations collectives ont été menées par 38 entreprises du SBF120 (contre 40 en 2022). Un record depuis 2013, “bien au-dessus de la moyenne historique de 34 opérations par an”. Le volume de ces opérations atteint un montant record de 4,4 milliards d’euros. Ce qui correspond à un montant moyen par salarié souscripteur de 5 369 euros.
Au total, dans près de trois entreprises du SBF 120 sur 10, soit 27 %, les salariés détiennent au moins 3 % du capital social.
Source : actuel CSE