Le CSE ne peut pas se constituer partie civile en cas harcèlement moral dans l’entreprise

03/09/2024

Lorsqu’un salarié est accusé de harcèlement moral et qu’il est poursuivi au pénal devant le tribunal correctionnel, le comité social et économique ne peut pas se constituer partie civile.

À l’occasion de poursuites pénales engagées contre une directrice d’hôpital, accusée de harcèlement moral, le CHSCT de l’hôpital décide de se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel. L’affaire suit son cours.

La directrice est d’abord reconnue coupable

La constitution du CSE, qui a entre-temps remplacé le CHSCT, est jugée recevable et la directrice de l’hôpital, reconnue coupable, est condamnée à 5 mois d’emprisonnement avec sursis. Pour les juges de la cour d’appel, les faits pour lesquels la directrice a été déclarée coupable “relèvent de la mission expresse du CSE, en ce sens que les faits de harcèlement retenus ont directement affecté les conditions de travail de plusieurs agents de cet établissement”.

► Remarque : la constitution de partie civile permet de faire entendre sa voix lorsque des poursuites pénales sont engagées et de demander des dommages et intérêts. D’après le code de procédure pénale (article 2), l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

Mais la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 juin 2024, ne voit pas les choses ainsi.

Le CSE n’a pas eu de préjudice personnel

Ainsi, il est à nouveau jugé que le CSE “n’a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d’aucune disposition de la loi le droit d’exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d’un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de conditions de travail”.

Autrement dit, pour pouvoir se constituer partie civile, le comité social et économique doit prouver que l’infraction commise lui a causé un préjudice personnel et direct.

La règle n’est pas en soi nouvelle. Par le passé, il a été jugé que le comité d’entreprise ne pouvait se constituer partie civile en cas d’infraction en matière de sécurité au travail qu’en justifiant d’un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies (Cass. soc., 28 mai 1991, n° 90-83.957).

De même, à l’époque de l’effondrement du terminal 2E de l’aéroport Roissy, la constitution de partie civile du CHSCT a été déclarée irrecevable en l’absence de préjudice direct et personnel découlant des infractions poursuivies (Cass. crim., 11 oct. 2005, n° 05-82.414).

► Remarque : en cas de poursuites pénales contre l’employeur pour délit d’entrave, le CSE peut là, évidemment, se porter partie civile car il est victime de l’infraction pénale. Forcément, il subit un préjudice direct et personnel.

 Frédéric Aouate

NAO 2024 : les budgets atteignent 3,5 %

04/09/2024

Selon l’Observatoire annuel de la rémunération de LHH, les entreprises ont octroyé des augmentations de 3,5 % en 2024, contre 4,7 % en 2023, selon un communiqué publié hier.

Par ailleurs, les entreprises ont privilégié les augmentations générales, notamment pour les non-cadres : trois entreprises sur quatre y ont recours pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, contre une sur deux pour les cols blancs. Au-delà, 62 % des entreprises ont adopté des mesures complémentaires pour préserver le pouvoir d’achat : un quart a versé la prime de partage de la valeur, avec un montant moyen de 750 euros. Et 27 % ont alloué des coups de pouce à des situations ou populations spécifiques (égalité salariale, bas salaires).

Pour 2025, le cabinet table sur un taux médian d’augmentation de 2,8 % (contre 3,6 % pour WTW et 3 % pour Deloitte). Avec en complément des budgets dédiés aux titres restaurant (40 %), au transport (40 %) ainsi qu’à la hausse des grilles de minima (20 %). 

► À noter que l’inflation semble ralentir et passer sous la barre des 2% en rythme annuel.

Source : actuel CSE

Elsa Costanzo (Syndex) : “Le déblocage anticipé de l’épargne salariale ne constitue pas une hausse de pouvoir d’achat”

06/09/2024

Selon l’enquête du cabinet d’experts Syndex, 76 % des représentants du personnel estiment que les salariés ont perdu en pouvoir d’achat au cours des trois dernières années. Quelles sont les causes de ce phénomène ? Comment les élus de CSE peuvent-ils inverser ce mouvement ? Réponses avec Elsa Costanzo.

Selon l’enquête de Syndex, les élus ne connaissent pas assez les dispositifs issus de la loi de 2023. Quelles sont les raisons de cette méconnaissance ?

Plusieurs causes coexistent à mon avis : il existe certes un manque de formation et de communication sur les dispositifs. Ces derniers sont par ailleurs multiples et complexes d’un point de vue technique. Je pense que les élus de CSE ont vu passer la loi de 2023 qui a transposé l’accord national interprofessionnel mais le spectre de ce qu’ils doivent connaître semble déjà tellement large qu’ils laissent peut-être le sujet de côté. Ce sont des suppositions mais aussi du bon sens : ils se focalisent sur les salaires et évitent de se disperser sur les outils variés de partage de la valeur. De fait, le seul levier apportant une réponse pérenne à l’inflation, c’est la hausse des salaires.

Ne recevez-vous pas de demandes de formation de la part des élus de CSE ?

Pas à proprement parler, mais quand on accompagne des élus sur les négociations annuelles obligatoires, ils nous demandent quels sont les différents outils mobilisables. En revanche, ils ont une forte conscience que les outils autres que les hausses de slaires constituent des mesures complémentaires certes intéressantes mais ne devant pas éclipser une mesure principale de hausse de salaires.

 Les élus ne doivent pas se laisser embarquer par les directions

Et ils ont raison : les directions ont tendance à aller vers ces sujets de partage de la valeur. On a vu d’ailleurs un effet de substitution entre les primes et les salaires. Les élus doivent donc résister à ce mouvement, ne pas se laisser embarquer vers une multiplicité d’outils qui ne compenseront pas l’inflation. Lors de nos analyses des politiques sociales des entreprises, on constate que les directions répondent souvent à la question des hausses de salaires par l’argument des dispositifs de valeur ajoutée proposés dans l’entreprise. Elles répondent alors aux élus : “certes, les salaires n’ont pas augmenté mais vous n’avez pas regardé tel ou tel outil”. C’est un peu piégeux.

L’enquête montre une baisse du pouvoir d’achat des salariés malgré la loi de 2023 qui a ouvert de nouveaux cas de déblocage. Pourquoi la participation ou l’intéressement ne compensent-ils pas les salaires ?

L’enquête a sondé le ressenti des élus, nous n’avons pas analysé des fiches de paie. Les primes relèvent d’un versement unique, un “one shot” qui disparaît l’année suivante. On ne peut les analyser comme les salaires mensuels qui couvrent le paiement récurrent des factures. La part de ressenti est importante à cet égard. De plus, l’inflation constitue une moyenne, différente des hausses de prix que les salariés subissent au quotidien au travers par exemple des frais fixes liés à l’énergie notamment. Le déblocage anticipé de l’épargne salariale ne peut être qualifié de hausse de pouvoir d’achat. A court terme, le salarié bénéficie de liquidités supplémentaires, mais à horizon de 5 ans, il sera perdant puisqu’il ne bénéficie pas des intérêts sur la période.

On en vient donc à l’argument des syndicats selon lequel “c’est le salaire qui remplit le frigo”. Les nouveaux cas de déblocage anticipés ne changent-ils rien au pouvoir d’achat ?

Non car l’employeur peut tout à fait supprimer la prime en année N+1.  De plus, la “prime Macron” étant défiscalisée, elle représente pour le salarié une perte de salaire différé, rien à voir avec une hausse de salaire pérenne qui va suivre inflation et se répercuter d’année en année. Un déblocage anticipé ne traduit que des liquidités supplémentaires, pas du pouvoir d’achat, en particulier pendant que les fonds restent bloqués.

Que conseillez-vous aux élus qui doivent faire face à certains employeurs qui vident les résultats de l’entreprise et donc la participation avec des conventions de prix de transfert par exemple ?

Sur ces sujets complexes, même nous qui sommes experts, nous pouvons peiner à mettre à plat ces mécanismes alors que nous avons l’habitude de ces sujets et accès aux documents.

 Des signaux faibles sur les filiales peuvent alerter les élus

Quel que soit le cabinet choisi, il faut recourir à l’expertise, je ne vois pas d’autre possibilité, à moins d’être un élu extrêmement bien formé et quand bien même, encore faut-il avoir accès aux documents. Des signaux faibles peuvent avertir d’une anormalité : si une filiale de l’entreprise présente toujours un résultat fiscal à zéro alors que le groupe se montre en croissance et distribue des dividendes énormes aux actionnaires. Cette situation doit alerter l’élu qu’il existe un sujet à creuser avec un expert-comptable. Je conseille donc de ne pas se limiter à la recherche d’une fraude, car cela relève de zones grises et si on en trouve, la direction sera encline à négocier car elle n’aura pas envie que le CSE se penche d’avantage sur le sujet. Cela devient alors un levier pour obtenir du rapport de force.

Les élus peuvent-ils inviter un représentant de l’administration fiscale en réunion de CSE pour mettre sous pression la direction ?

Je doute que l’administration se déplace dans ce cadre : elle mène ses propres contrôles de son côté.  En revanche, il peut être utile de médiatiser une affaire, car cela peut déclencher une réaction de l’administration.

Selon l’enquête, le thème des rémunérations arrive en tête des négociations (76 %), suivies par l’intéressement (48 %) et la participation (20 %). Comment l’expliquez-vous ?

Cela ne m’étonne pas car souvent les élus ignorent qu’ils peuvent négocier un accord de participation dérogatoire et s’en tiennent à la formule légale. Ils se tournent donc vers la négociation de l’intéressement. Et 20 % de négociations sur ce sujet, cela représente un volume assez important.

Que conseillez-vous aux élus de CSE pour bien préparer une négociation sur le partage de la valeur ?

D’observer ce qui s’est passé dans l’entreprise pendant la période d’inflation ces trois dernières années : les salaires ont-ils été augmentés et de combien ? Qu’en est-il par rapport aux dividendes versés aux actionnaires et au rapport entre la masse salariale et les profits ? Il faut lier les évolutions des grandes masses de l’entreprise, déterminer si certaines catégories de personnel n’ont pas été oubliées lors des NAO, à savoir des salariés ayant perdu plus de pouvoir d’achat que les autres. Cela sera l’occasion de négocier des enveloppes de rattrapage. Les élus peuvent également anticiper dans une projection ce que le partage de la valeur va couter à l’entreprise en termes de masse salariale. Enfin, je leur conseille d’évaluer la santé financière de l’entreprise au sein du groupe afin de repérer d’éventuels prix de transfert.

Marie-Aude Grimont

Le salaire médian des cadres s’établit à 52 720€ en 2024

06/09/2024

Selon la 22ème édition du baromètre Expectra, publiée le 4 septembre, le salaire des cadres progresse de 4 % en 2024, s’inscrivant dans la même dynamique que 2023 (+4,1 %).

L’analyse globale des salaires des cols blancs et des ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) indique une évolution de +3,7 % en un an, soit une hausse de +14,6 % en cinq ans. Le salaire médian des cadres s’établit à 52 720 euros en 2024.

La filière des “life sciences” (santé, pharmacie, biotechnologie, chimie) est celle qui connaît l’augmentation de salaire la plus élevée cette année, avec +4,5 % en moyenne. “Le secteur tire avantage de la demande soutenue qui a afflué post pandémie, ainsi que du Plan Innovation Santé 2030 qui promet de booster les projets et donc les recrutements”, indique Expectra. 

A l’autre extrémité, la filière “office” (accueil, services, administration des ventes, relation clients, assistanat et office management), touchée “de plein fouet par le phénomène de digitalisation des missions à faible valeur ajoutée” est celle qui affiche la plus faible évolution du panel, avec une progression des salaires de seulement +2,2 %.

A savoir : le métier d’expert-comptable est celui dont le salaire a le plus augmenté cette année (+10,8 %) devant le métier de consultant cybersécurité (+9 %), et diagnostiqueur immobilier (+8,7 %).

Source : actuel CSE