PSE : la ministre du travail veut revoir “les solutions collectives trop complexes”

12/11/2024

“Le nombre de procédures collectives ouvertes par les entreprises en difficulté progresse, mais il n’y a pas de fatalité”, déclare Astrid Panosyan-Bouvet dans une interview au Journal du dimanche du 10 novembre, soit quelques jours après l’annonce des fermetures de sites de Michelin et de la restructuration d’Auchan. La ministre du travail estime que le regain des restructurations et des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), annoncé depuis plusieurs semaines sinon plusieurs mois par les experts auprès des CSE, nécessite de revoir toutes les solutions collectives (activité partielle, transitions collectives, reconversions…) qui lui apparaissent “trop complexes et pensées pour des problématiques conjoncturelles”. Astrid Panosyan Bouvet annonce qu’elle va proposer de discuter de ces changements dans les prochaines semaines “avec les opérateurs et les partenaires sociaux” et avec “les régions, qui sont compétentes sur l’orientation et le développement économique”.

La ministre du travail entend “exiger des entreprises l’exemplarité dans les plans de restructuration, surtout quand elles font des bénéfices”, et estime qu’il faut “améliorer notre compétitivité et notre montée en gamme à travers la politique de l’offre et l’innovation, le soutien à la décarbonation et une réponse européenne ferme aux concurrents internationaux qui ne jouent pas le jeu”. Ces déclarations font suite à celles du ministre de l’industrie, citées par l’AFP. Marc Ferracci, qui a été hué lors de sa venue à Cholet par les salariés de Michelin, a estimé qu’il fallait un accompagnement exemplaire des salariés victimes des restructuration avec un reclassement dans le bassin d’emploi et “une indemnisation qui soit digne, avec des montants substantiels”.

Des mots qui ont suscité la vive réaction, dans une interview à la Tribune Dimanche, de Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, qui alerte depuis plusieurs mois sur la vague de restructurations, notamment dans l’industrie : “Le ministre (Marc Ferracci) installe l’idée qu’il n’y a plus lieu de se battre : “Prenez le chèque et taisez-vous” Visiblement, il n’a pas compris son rôle : il n’est pas ministre des licenciements mais de l’industrie !” ​

Interrogé sur BFMTV lundi soir, Frédéric Souillot (FO) a fait valoir qu’il s’agit encore de faire payer la facture aux travailleurs, notamment celle du ‘quoi qu’il en coûte'” et a réclamé que les entreprises présentant des plans sociaux remboursent les fonds publics qu’elles ont perçus. Il a également rappelé la revendication intersyndicale de conditionnalité des aides publiques aux entreprises. 

Source : actuel CSE

À La Poste, 32 CSE remplacent 145 comités techniques

14/11/2024

Du fait de son statut hybride employant salariés de droit privé et fonctionnaires, les instances de représentation du personnel de La Poste comprenaient jusqu’à présent des CHSCT et des commissions ou comités pour les agents de droit public. Pour la première fois de son histoire, des élections des CSE se sont déroulées jusqu’au 14 octobre. Les 32 CSE remplacent 145 comités techniques et de nombreuses commissions paritaires. Les 637 CHSCT se réduisent à 121 CSSCT. Retour sur les résultats avec les représentants syndicaux des fédérations postales qui travaillent désormais à la mise en place des CSE.

C’est une révolution pour les représentants du personnel de La Poste. Sans expérimenter les anciens comités d’entreprise, ils ont dû mener campagne et mobiliser pas moins de 165 000 postiers pour élire les délégations du CSE, le comité social et économique. La Poste emploie en effet quelques 170 000 collaborateurs sur tout le territoire, dont au moins 113 000 salariés de droit privé. Jusqu’à présent, les représentants se répartissaient entre des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et conditions de travail), des comités techniques au niveau national, ainsi que des commissions administratives et consultatives paritaires. En amont des élections, une dizaine d’accords ont été signés sur le droit syndical, les périmètres des CSE ou encore les représentants de proximité.

Une proposition de loi a été déposée en 2022 pour inclure La Poste dans le champ des CSE, près de six ans après les ordonnances Macron de 2017, les anciens mandats ayant été prorogés. Au passage, La Poste passe de 637 CHSCT à seulement 121 commissions santé, et de 145 comités techniques à 32 CSE.

La CFDT devant la CGT, FO grimpe d’un cran

A l’issue du premier tour (un second tour étant organisé pour neuf CSE seulement), la direction de La Poste a communiqué ces résultats : la CFDT en tête avec 26,07 %, suivie de la CGT (23,67 %) et de Force Ouvrière (21,71 %). Sud et la CFE-CGC ferment la marche avec respectivement 18,46 % et 10,10 %.

Selon Marlyse Volochinoff, secrétaire générale adjointe de la fédération Communication conseil culture (F3C) de la CFDT, son organisation progresse de deux points par rapport aux élections précédentes qui actaient la représentation du personnel dans les CHSCT, les comités techniques et autres commissions paritaires. Malgré un taux de participation plutôt favorable de 64,5 %, elle déplore un effet négatif des élections législatives sur le vote des salariés et agents de La Poste : “Les gens n’ont plus confiance en général”. Le taux de participation s’élevait à 72 % aux élections précédentes, mais le contexte politique et le passage aux CSE ont créé un contexte difficile pour les votants. Il est donc probable que la participation augmente à nouveau au prochain scrutin.

La CGT en retrait, mais en tête dans 12 des 32 CSE 

La CGT en revanche se place en retrait : “Nous étions premiers en 2018 sur les comités techniques. Donc ces nouveaux résultats ne sont pas une très bonne nouvelle. Cependant, nous arrivons premiers dans douze CSE et dans les collèges un (ouvriers, employés) et deux (ingénieurs, agents de maîtrise. C’est dans le troisième collège des cadres que ça n’a pas bien marché”, analyse Christian Mathorel, secrétaire général de la fédération CGT des activités postales et télécoms.

Force Ouvrière a également créé la surprise : placée en quatrième position en 2018, elle grimpe d’un cran devant Sud. Selon Christine Simon, secrétaire fédérale en charge du secteur Poste à la fédération FO Com, “On est les seuls à progresser comme ça. C’est le résultat de beaucoup d’anticipation, de communication et d’un énorme travail de terrain. Nous avons mené une importante campagne en amont et surtout, nous avions une grosse motivation pour gagner. Avec le maillage que nous avons mis en place, notre présence est montée dans tous les CSE car nous avons déployé des référents experts métier là où nous manquions de relais local, sur les RH, les aidants, ou encore le handicap. L’anticipation et le terrain, c’est ça qui nous a fait monter”.

Des élections “marathon”

Après des mois de campagne, les équipes syndicales commencent à peine à souffler qu’il leur faut redoubler d’énergie pour mettre en place les CSE, avec déjà des réunions de l’instance en ligne de mire. Pour Christian Mathorel (CGT), “C’est une rupture énorme qui accélère un passage aux règles de gestion du privé et de la volonté de La Poste de se lancer dans la course au profit au détriment du service public”.

Victor Farinha, président de la CFE-CGC La Poste, se félicite cependant du travail accompli : “Cela fait deux ans qu’on préparait tout l’arsenal juridique et réglementaire notamment au travers des protocoles d’accords préélectoraux. Ce fut un marathon mais au final on est ravis”. Son organisation recueille 24,09 % des voix sur le collège des cadres, en deuxième place derrière la CFDT. Elle présentait jusqu’à présent des listes communes avec la CFTC, mais l’alliage n’avait recueilli que 6,68 % des suffrages aux dernières élections.

Les élus vont devoir se déplacer sur tout le territoire 

Par ailleurs, plusieurs syndicats s’inquiètent des périmètres des CSE : “La plupart de nos militants sont des détachés permanents. Avec les nouveaux périmètres, ils vont devoir se déplacer sur tout le territoire, être extrêmement mobiles. Il va falloir trouver des équilibres délicats avec les vies personnelles”, nous a confié Christine Simon (FO). La secrétaire fédérale s’inquiète également de la construction du dialogue social version CSE : “Au niveau national il est plutôt bon. Au niveau local, la direction de la Poste veut traiter en priorité avec les représentants de proximité. Or, il est hors de question de ne pas reconnaître le mandat de tous. Je crains que la direction ne tienne pas compte du terrain, que tout remonte aux CSE et que les CSE explosent. Il faudra donc trouver des améliorations locales”.

Chez Sud, Marie Vairon dénonce déjà les premiers ordres du jour “pléthoriques” des réunions de CSE : “Il y a tout et rien dedans, la direction veut nous les imposer à marche forcée, elle n’a pas saisi que ce sont les élus et les syndicats qui pilotent”.

Le vote électronique, ennemi des facteurs ?

Côté CFDT, Marlyse Volochinoff n’a pas constaté de remontées du terrain relatant des difficultés liées au vote électronique. En revanche, Christian Mathorel y voit l’une des raisons des difficultés de la CGT : “Comme nous sommes plus présents dans les collèges un et deux, cela nous pénalise. La nature du métier a pesé sur le vote électronique. Maintenant, la bataille va se faire dans les CSE face à la direction”. Christine Simon (FO) ne partage pas ce point de vue : ” Un manager n’aura aucun problème pour s’y adapter, mais pour les 70 000 agents du courrier, le parcours de vote est très compliqué. Certains nous ont confié ne pas voter par crainte de ne pas savoir utiliser les outils informatiques”

Pour Victor Farinha (CFE-CGC), “il faut rappeler que les fonctionnaires votent en moyenne 10 points de plus que les salariés. Certes, ce n’est pas simple de voter quand on ne travaille jamais avec un ordinateur, mais à l’inverse, on frise 90 % de participation dans certains CSE toutes populations confondues, ce qui montre qu’au-delà des modalités de vote, c’est l’intérêt pour l’élection qui compte”. Chez Sud, Marie Vairon dénonce le vote électronique comme “un poison : “Il n’explique pas la baisse de la participation mais pose un vrai problème pour des personnes proches de l’illectronisme. Cela concerne surtout les métiers de la production”.

Des préoccupations sur les moyens syndicaux et la proximité

Pour Christian Mathorel, “le passage au CSE fut l’occasion pour la direction de remettre en cause les droits syndicaux issus du droit public. Ils ont tout fait pour réduire le nombre d’élus, réduire les moyens de détachement. Dans cette nouvelle configuration, l’entreprise se prive de capteurs de terrain, notamment sur la santé avec la fin des CHSCT. Cela représente un risque énorme pour les postiers”.

Des moyens syndicaux divisés par cinq 

À FO, Christine Simon déplore aussi cette nouvelle situation : “Je m’attendais à une mandature de transition mais là il s’agit de moyens syndicaux divisés par cinq. Le problème sera de trouver de l’épanouissement dans les mandats : le premier on le subit un peu, le deuxième on parvient à l’assoir mais il faut déjà de la relève et avec cinq fois moins de moyens de détachement, ce ne sera pas évident”.

Du fait du périmètre très large des CSE, Marie Vairon se dit également préoccupée du manque de proximité. “Certes, les accords ont prévu un représentant pour 100 salariés, plus un délégué syndical supplémentaire par tranche de 3 000 salariés ou agents. C’est insuffisant et cela va créer de l’éloignement des collègues. De plus, les périmètres des syndicats ne correspondent pas toujours à ceux des CSE, nous l’avions signalé à la direction”.

Les priorités des nouveaux CSE

Pour la CFDT, “face aux changements majeurs que connaît La Poste, les revendications dans les CSE seront axées sur le maintien de l’emploi et l’accompagnement des postiers dans le cadre de la transformation des métiers ainsi que sur les conditions de travail. À La Poste, ces dernières sont souvent difficiles, mais nous ne pouvons parler d’un phénomène similaire à France Telecom”, nous a indiqué Marlyse Volochinoff. Les autres organisations syndicales considèrent au contraire que la santé va demeurer un sujet de vigilance à La Poste.

Christian Mathorel entend préserver l’identité de la CGT en tant que telle : “L’entreprise voudrait bien nous effacer au profit d’une instance d’institutionnalisation, donc la bataille va être celle-là, notamment au travers d’une stratégie unitaire des organisations syndicales pour défendre notre existence”. Il veut également renégocier le financement des missions de service public de La Poste (sa fédération diffuse à ce titre une publication intitulée “Le lien social“) et porter les hausses de salaires.

 On ne viendra pas au CSE en voisins tranquilles

De son côté, Christine Simon veut positionner FO comme “incontournable” : “On ne viendra pas en réunion de CSE par hasard, notre sérieux fera la différence. On va travailler nos dossiers, détailler nos comptes rendus, on ne viendra pas en voisins tranquilles”. Elle entend également renforcer la communication, maintenir les activités sociales et culturelles des salariés et agents, trouver des solutions de pouvoir d’achat, d’évolution des salaires et des promotions.

Marie Vairon (Sud) compte mettre l’accent sur la communication des données économiques sociales et environnementales : “La direction considère qu’elle n’a pas besoin de nous les transmettre, à nous de les obtenir quand même. Je veux également conserver le rapport de situation nationale sur l’égalité hommes femmes, un document de plus de 150 pages beaucoup plus détaillé que l’index d’égalité professionnelle”. Pour Victor Farinha (CFE-CGC), la priorité sera donnée à la visibilité des cadres qui doivent selon lui bénéficier d’accords spécifiques. Il axera également ses revendications sur la charge de travail et la charge mentale.

Pendant les quatre années qui viennent, les élus, délégués syndicaux et responsables fédéraux vont donc devoir se tenir sur tous les fronts que les ordonnances Macron ont déjà imposé aux autres entreprises privées : réduction des moyens et nécessaire hausse de l’investissement des élus sur de nombreux sujets.

Marie-Aude Grimont

Le Conseil d’Etat entérine définitivement le PSE de Camaïeu en considérant que la prévention des risques ne doit pas donner lieu à un avis spécifique du CSE

14/11/2024

Dans une décision du 15 octobre 2024, le Conseil d’Etat déboute le syndicat commerce CGT de Roubaix de sa demande visant à annuler la décision d’octobre 2022 de l’administration ayant homologué le document unilatéral du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de l’enseigne Camaïeu (société Aciam). 

Le Conseil d’Etat suit donc la cour d’appel administrative de Douai qui avait déjà rejeté la demande de la CGT. Le juge estime notamment que l’expert désigné par le CSE a eu accès à la majorité des documents demandés dont ceux concernant “les informations générales relatives à la société, à sa situation financière et comptable et à l’état de l’emploi et de l’organisation du travail en son sein”, et que le cabinet ayant disposé d’un délai de sept jours pour examiner les documents ainsi transmis, il avait pu “mener normalement sa mission en ayant disposé d’un délai suffisant”. 

Par ailleurs, le Conseil d’Etat estime qu’il ne résulte “d’aucune disposition législative ou règlementaire, ni d’aucun principe” que l’information et la consultation des institutions représentatives du personnel sur la question de la prévention des risques pour la santé physique et mentale des salariés dans le cadre d’un projet de licenciement collectif “doivent donner lieu à l’adoption d’un avis spécifique, précédée formellement d’un vote”.

Source : actuel CSE

Les industries énergo-intensives représentent la majorité des fermetures de sites en France depuis le début de l’année

14/11/2024

L’État vient de publier, le 7 novembre 2024, son second « baromètre industriel », un outil statistique lancé en mars dernier par la DGE (direction générale des entreprises). Selon cet indicateur, nourri par les remontées de terrain des services décentralisés de l’État en région et dans les départements, il y a eu « 36 ouvertures nettes » de sites industriels au premier semestre 2024. L’industrie verte (+21) et les biens de consommations (+16) sont les deux secteurs les plus dynamiques.

À contrario, les secteurs les plus énergo-intensifs “connaissent une nette décélération”, note Bercy : la plasturgie (-3), et le transport (-7), représentent la majorité des fermetures dans le solde net. Dans le transport, c’est l’industrie automobile qui est le plus en difficulté, avec 17 des 18 fermetures du secteur, “dont les 11 ouvertures ne contrebalancent pas suffisamment pour obtenir un solde net positif”.

Ce baromètre compte le nombre net d’ouvertures de sites industriels (établissements de plus de 20 salariés), c’est-à-dire le nombre total d’ouvertures de sites industriels auquel on soustrait le nombre de fermetures. Lorsqu’un site industriel existant augmente ou réduit son activité avec un impact sur le territoire similaire à une ouverture ou fermeture, c’est pris en compte.

Le premier baromètre, en mars 2024, témoignait “d’une réindustrialisation forte en 2022 et en 2023 avec respectivement 176 et 1892 ouvertures nettes”. Celui-ci constate donc une “décélération”. Selon la DGE, cela “ne remet pas en question la réindustrialisation de la France”, qui “poursuit la trajectoire anticipée dans les prévisions de l’État”.

Source : actuel CSE

Davantage d’entreprises victimes des intempéries peuvent demander une tolérance à l’Urssaf

14/11/2024

Les employeurs et les travailleurs indépendants dont l’activité a été affectée par les récentes intempéries survenues en régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Centre-Val de Loire, Champagne-Ardenne, Ile de France, Lorraine, Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie (les deux dernières régions ont été ajoutées) pourront demander à l’Urssaf un report de leurs échéances de cotisations via la mise en  place d’un délai de paiement. 

Source : actuel CSE

CSRD : un schéma sur la mise en place de l’obligation du nouveau reporting extra-financier

14/11/2024

Est parue hier au JOUE, le journal officiel qui publie les actes juridiques de l’Union européenne, une communication de la Commission européenne sur la CSRD, c’est-à-dire la “Corporate Sustainability Reporting Directive, ou “directive sur les rapports de développement durable des entreprises”.

Cette communication tente d’expliquer la mise en place, il faut le dire assez complexe, de l’obligation d’un nouveau reporting social et environnemental pour certaines entreprises. Le texte comprend notamment le schéma suivant censé pouvoir vous aider à déterminer si votre entreprise est soumise à ces nouvelles obligations de durabilité, et à partir de quel exercice.

Source : actuel CSE

Changement climatique : le troisième plan national d’adaptation est soumis à consultation publique

15/11/2024

Basé sur une trajectoire de réchauffement de référence (TRACC), le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) vise à mettre en œuvre une cinquantaine d’actions pour se préparer à vivre dans une France à + 4° C.

Inondations, pénuries d’eau, sécheresse des sols, canicules, feux de forêts et de végétation, retrait-gonflement des argiles… Nombreux sont les impacts du dérèglement climatique déjà visibles en France. Dévoilé le 25 octobre dernier, le projet de Plan national d’adaptation (PNACC 3) vise à planifier les actions à mener d’ici 2030 pour s’adapter progressivement au réchauffement climatique attendu d’ici 2100. Il est en consultation publique via une plateforme dédiée jusqu’au 27 décembre prochain.

La consultation vise à informer les citoyens sur les enjeux de l’adaptation au changement climatique et de recueillir leur avis sur les grands axes suivants, déclinés en 20 questions :

  • protéger la population,
  • assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels,
  • adapter les activités humaines,
  • protéger notre patrimoine naturel et culturel,
  • mobiliser les forces vives de la nation.

Une boussole : la trajectoire de réchauffement de référence (TRACC)

Le plan se base, pour la première fois, sur une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), afin de préparer la France aux niveaux de réchauffement suivants : +1,7°C en 2024, +2°C en 2030, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100 pour la France métropolitaine par rapport à l’ère préindustrielle. 

Ces chiffres ne doivent toutefois pas masquer les disparités saisonnières et locales potentielles. À titre d’exemple, la région des Hauts-de-France devrait subir une évolution de ses températures moyennes annuelles de + 3,6 °C en 2100, alors qu’en Occitanie, les températures devraient atteindre + 4,1 °C à la fin du siècle.

Cette trajectoire sera précisée en 2025 pour définir des trajectoires de réchauffement pour les territoires ultramarins. Elle sera également révisée à échéances régulières en fonction du niveau de réchauffement mondial atteint et des projections scientifiques afin d’ajuster, le cas échéant, le rythme d’adaptation.

Une cinquantaine de mesures pour une planification progressive

Le document mis en consultation comporte 51 mesures pour apporter des solutions concrètes aux Français, aux collectivités, au monde économique et au monde du vivant, dont les mesures suivantes.

Santé au travail (mesure 11)

Dès 2025, les mesures de prévention mises en place par les employeurs seront renforcées en ciblant les activités et les situations de travail sur lesquelles les épisodes caniculaires présentent le plus de risques (via un plan d’action prévoyant des mesures de prévention). Est notamment prévu d’attribuer de nouveaux pouvoirs d’intervention à l’inspection du travail en période de fortes chaleurs.

En 2024, le gouvernement mènera une concertation avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail dans un contexte de forte chaleur, afin de déterminer les mesures adéquates. Les dispositions du code du travail relatives à l’utilisation des EPI seront par ailleurs modifiées pour tenir compte des conditions climatiques.

Face à la récurrence des épisodes de forte chaleur, le régime du BTP-intempéries a également été adapté afin de prendre en charge de manière pérenne les conséquences économiques des arrêts de travail liés aux canicules au sein des entreprises du bâtiment et des travaux publics. À la suite des travaux engagés entre le réseau des caisses Congés Intempéries du BTP France et les services de l’État, l’arrêté précisant les conditions d’application du décret modificatif sera publié en 2024.

Assurance (mesures 1 et 2)

Dès 2025, le fonds Barnier sera renforcé à hauteur de 75 millions d’euros (300 millions en tout) pour les mesures de prévention des collectivités et pour mieux protéger la population face à l’intensification des évènements climatiques (inondations notamment).

Un observatoire de l’assurance des risques climatiques sera mis en place pour renforcer la transparence sur l’évolution des pratiques assurantielles au niveau national.

Risques technologiques (mesure 19)

Dans le cadre du réexamen quinquennal des études de dangers des ICPE, la nouvelle qualification des aléas auxquels sont exposées les installations (suivant une approche dynamique notamment pour les phénomènes d’inondations et, le cas échéant, pour les phénomènes tempétueux ou cycloniques) et l’impact de l’évolution des températures sur les installations seront pris en compte.

Pour ce faire, les nouvelles règles méthodologiques prenant en considération la TRACC dans l’élaboration des études de dangers et les plans d’urgence des ICPE seront définies d’ici 2026 ;

Ressource en eau (mesure 21)

La planification de la gestion de l’eau et la gestion de crise seront améliorées à échéance 2025-2026 avec l’intégration systématique de la TRACC dans les SAGE (schémas d’aménagement et de gestion des eaux) et les PTGE (projets de territoire pour la gestion de l’eau) ainsi que dans les documents d’urbanisme.

Entreprises/ besoins essentiels (mesure 33)

L’étude de vulnérabilité sera progressivement obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques, à commencer, dès 2025, par les grandes entreprises des infrastructures de transport et d’énergie et, dès 2026, pour les opérateurs d’importance vitale.

Sur cette base, des plans d’action seront élaborés. EDF doit mener d’ici 2025 une étude de vulnérabilité, notamment pour ses centrales nucléaires, et éviter les ruptures de service ;

Agriculteurs (mesure 37)

Un accompagnement est prévu pour assurer la résilience des exploitations agricoles, avec la mise en place d’un « diagnostic modulaire d’évaluation de la résilience de l’exploitation au changement climatique » d’ici à 2026. 

Cet outil apportera des informations aux exploitants, dès leur installation et jusqu’à la transmission de leur exploitation, tenant compte de l’évolution prévue des conditions climatiques.

Entreprises/ évaluation environnementale (mesure 40)

Un guide méthodologique à l’attention des porteurs de projet et des bureaux d’études sera diffusé en 2024 pour contribuer au volet « adaptation au changement climatique »  de l’évaluation environnementale et sera complété par un guide similaire pour les plans/programmes. Le code de l’environnement sera modifié par décret, en 2025, pour introduire la TRACC comme hypothèse de travail dans l’évaluation environnementale des plans/programmes.

Ces travaux seront informés, dès 2026, par un bilan annuel des politiques d’adaptation mises en place par les entreprises, soumises à des règles de rapportage extra-financier. Cette mesure s’attachera à suivre les entreprises dans la mise en œuvre de leurs obligations de reporting (CSRD, Taxonomie) sur les risques climatiques et les actions d’adaptation qu’elles déploient. Elle encouragera également Ia mobilisation des entreprises qui ne seront pas concernées par ces obligations avant plusieurs années, en particulier dans les secteurs et territoires les plus vulnérables au changement climatique. Cela sera renforcé par l’intégration de l’adaptation dans les obligations de la Base de données économiques sociales et environnementales (BDESE), par exemple.

Camille Vinit

Les mesures santé-sécurité du PSE ne font pas l’objet d’un avis spécifique du CSE

15/11/2024

L’employeur qui engage une procédure de licenciement économique avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) n’est pas tenu d’organiser un vote spécifique du comité social et économique sur les mesures de lutte contre les risques psychosociaux qu’il envisage.

L’affaire jugée ici par le Conseil d’État a connu un certain retentissement médiatique : elle concerne en effet le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de l’entreprise Aciam, exploitant l’enseigne Camaïeu, liquidée en 2022. Plus de 2 000 salariés ont perdu leur emploi à la suite de cette liquidation.

Le syndicat CGT, contestant l’homologation du document unilatéral fixant le contenu de ce PSE, s’est pourvu en cassation. En vain, le Conseil d’État ayant rejeté sa demande dans une décision du 15 octobre 2024. Mais l’affaire permet un rappel et apporte des précisions inédites sur la procédure d’information-consultation du comité social et économique (CSE).

Un rappel sur le recours à un expert en cas de liquidation judiciaire

En principe, en cas de licenciement collectif pour motif économique avec PSE, l’employeur doit réunir et consulter le CSE sur le projet de restructuration des effectifs et sur le projet de licenciement au moins 2 fois, à l’occasion de 2 réunions espacées d’au moins 15 jours (C. trav. art. L 1233-30). Toutefois, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, la procédure est allégée en raison de la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’entreprise : une seule réunion est obligatoire (C. trav. art. L 1233-58, I-3o).

Lors de cette réunion, le CSE peut décider de recourir à l’assistance d’un expert. Ses avis sont rendus au plus tard le jour ouvré avant l’audience du tribunal statuant sur le plan de redressement ou de cession de l’entreprise, sans que l’absence de remise de son rapport par l’expert puisse avoir pour effet de reporter ce délai (C. com. art. L 631-19, III al. 1).

Le Conseil d’État juge toutefois, de manière constante, que le Dreets (directeur régional du travail) saisi d’une demande d’homologation d’un PSE doit s’assurer que l’expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au CSE de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause (CE 21-10-2015 no 382633).

Il en a déduit que le principe de l’unique réunion du CSE en cas de redressement ou de liquidation judiciaire supporte une exception, lorsqu’un expert a été désigné (CE 16-4-2021 no 426287). Dans ce cas, en effet, le CSE doit se réunir une seconde fois pour prendre connaissance des conclusions de l’expert : à défaut, le recours à l’expertise serait privé d’effet. Cette exception à la règle légale est confirmée ici.

Le Conseil d’État prend toutefois en compte l’exigence de rapidité de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires.

Le Dreets doit vérifier que l’expert a eu le temps de mener sa mission 

Ainsi, il confirme que le Dreets, saisi d’une demande d’homologation du PSE, doit s’assurer que les 2 avis du CSE ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l’expert. Mais si ce dernier n’a pas remis son rapport dans les temps, le Dreets se contente de vérifier que l’expert a disposé d’un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au CSE de formuler ses avis en connaissance de cause.

Ici, la cour administrative d’appel – dont l’appréciation est souveraine – a relevé que le liquidateur judiciaire avait été transparent avec l’expert-comptable et lui avait transmis la plupart des documents demandés. Le cabinet d’expertise avait disposé d’un délai de 7 jours pour les analyser, ce que les juges du fond ont estimé suffisant pour mener à bien sa mission.

► À noter : On relèvera que le juge administratif souligne, ici, que le CSE n’a pas usé de la possibilité prévue par l’article L 1233-58 du Code du travail d’adresser au Dreets une demande tendant à ce qu’il soit enjoint aux liquidateurs de fournir l’ensemble des éléments d’information sollicités par l’expert. S’il l’avait fait, les juges auraient certainement été plus sensibles à l’argument du syndicat demandeur contestant la sincérité de la procédure d’information-consultation du CSE.

Une précision inédite sur la procédure de consultation du CSE sur les risques psychosociaux

La deuxième question examinée ici par le Conseil d’état est inédite : il s’agit des étapes de la procédure d’information-consultation du CSE en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs menacés de licenciement.

L’employeur qui met en œuvre un licenciement collectif avec PSE doit évaluer et prévenir les risques psychosociaux (RPS) liés à l’opération projetée. Il doit en effet identifier et évaluer les conséquences de la réorganisation sur la santé et la sécurité des travailleurs, transmettre ces éléments d’information au CSE et lui indiquer les actions de prévention qu’il compte mettre en œuvre. Ces informations sont transmises avec la convocation à la première réunion, pour consultation (C. trav. art. L 1233-31). Les mêmes obligations pèsent sur le liquidateur, en cas de liquidation judiciaire.

Le Dreets, saisi d’une demande d’homologation du PSE, vérifie :

  • les éléments d’identification et d’évaluation des risques fournis au CSE par l’employeur ou le liquidateur ;
  • la consultation du CSE : débats avec l’employeur ou le liquidateur, échanges d’informations, observations et injonctions éventuelles formulées lors de l’élaboration du PSE ;
  • le caractère précis, concret et approprié des actions arrêtées par l’employeur ou le liquidateur pour remédier aux risques encourus par les travailleurs.

► À noter :  Le Conseil d’État confirme les principes établis par ses deux arrêts de principe en matière de prise en compte des risques psychosociaux dans l’élaboration du PSE (CE 21-3-2023 nos 460660, 460924 et 450012, voir ici).

Le Conseil d’État précise ici, pour la première fois à notre connaissance, que l’information et la consultation du CSE sur la question de la prévention des risques pour la santé physique et mentale des salariés dans le cadre d’un projet de licenciement collectif ne donnent pas lieu à l’adoption d’un avis spécifique, précédée formellement d’un vote.

Les mesures de prévention

La solution découle de la rédaction de l’article L 1233-30 du Code du travail, qui ne prévoit que 2 avis du CSE : l’un sur l’opération projetée et ses modalités d’application, l’autre sur le projet de licenciement collectif et le PSE. C’est dans le cadre de ce second avis que le CSE s’exprime sur les conséquences des licenciements en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail, ainsi que le prévoit expressément le Code du travail.

S’agissant des mesures de prévention proposées par le liquidateur – la mobilisation du médecin du travail et la mise en place d’une cellule d’écoute –, le syndicat requérant reprochait à la cour administrative d’appel d’avoir tenu compte, pour en apprécier la pertinence, du bref délai qui s’imposait au liquidateur pour faire homologuer le PSE. Or, comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions jointes à l’arrêt, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité absolue qui ne peut pas dépendre d’une telle circonstance.

Mais en l’espèce, compte tenu de la cessation totale d’activité quasi immédiate, le seul risque identifié avait trait à la perspective anxiogène du licenciement, et non à la poursuite de l’activité dans des conditions éprouvantes : les mesures mises en place pouvaient sembler dérisoires, mais étaient appropriées au risque identifié.

► À noter :  à notre sens, le CSE a intérêt à bien structurer son avis consultatif sur le plan de sauvegarde de l’emploi en traitant un par un les différents volets : volet social, volet santé/sécurité, etc.

Laurence Méchin