Un CSE sans l’employeur et ayant la capacité de négocier ?

22/01/2024

Dans une tribune publiée ce week-end par le Monde, l’économiste Gilbert Cette (désormais président du Conseil d’orientation des retraites) et le juriste Jacques Barthélémy suggèrent de nouvelles réformes concernant le droit du travail et la négociation collective, des idées qui font écho aux propos récents, tenus tant à Davos (lire notre brève dans cette édition) qu’à Paris par le président de la République. 

La première idée consisterait à doter le CSE d’une capacité à négocier, si l’on comprend bien, dès lors qu’est organisé un deuxième tour : 

  • “Une première piste consisterait à renforcer la légitimité des représentants des travailleurs dans la négociation collective. Lorsque le quorum de 50 % des inscrits n’est pas atteint au premier tour des élections professionnelles (où les syndicats ont le monopole des candidatures), un second tour est organisé sans ce monopole pour désigner les élus du CSE. Dans de telles situations, le CSE pourrait légitimement devenir le représentant du collectif de travail dans la négociation collective. Cela supposerait que l’employeur ne le préside plus, voire qu’il n’en soit plus membre, ce qui est à notre connaissance le cas dans les autres pays avancés pour les équivalents du CSE (les works councils)”.

L’autre idée consiste à élargir le périmètre dévolu à la négociation d’entreprise : 

  • “Une deuxième piste serait de permettre à une convention d’entreprise de déroger, au moins transitoirement, à des dispositions de conventions de branche, en particulier concernant les minima salariaux, bien sûr dans le respect de dispositions d’ordre public comme le Smic. Cela permettrait d’éviter que les ajustements à la baisse de la masse salariale des entreprises en difficulté se fassent prioritairement sur l’emploi”.

Les co-auteurs de la tribune estiment d’autre part que si la suppression des délégués du personnel, lors des ordonnances de 2017, “est parfois vécue comme une régression sociale”, la création de “l’institution unique qu’est le comité social et économique est un progrès, car elle donne plus de consistance à la collectivité de travail’. 

A l’inverse, dans une tribune également publiée par le Monde, François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé & travail, estime que les ordonnances de 2017, en supprimant l’instance du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, ont provoqué une triple régression sociale concernant la prévention des risques professionnels, la question de la pénibilité et le sujet des indemnités prud’homales : 

  • “Le CHSCT avait conquis un pouvoir d’influence et pouvait faire peser une menace judiciaire sur les entreprises. Le patronat voulait donc sa tête, et il l’a obtenue d’Emmanuel Macron. Le résultat quant à la capacité des représentants du personnel à prendre en charge les questions de santé et de conditions de travail est assez affligeant. Tous les observateurs le soulignent, à commencer par le comité d’évaluation des ordonnances mis en place par les pouvoirs publics. Sa note conclusive du 6 janvier 2023 rend compte de manière très étayée et concrète de cette difficulté, mais aussi de la « lassitude des élus devant une mission de plus en plus difficile », des risques pour la « démocratie de représentation »”.

Source : actuel CSE

Rapport de durabilité : un décret complète l’ordonnance du 6 décembre 2023

22/01/2024

Une ordonnance du 6 décembre 2023 a transposé en droit français la directive n° 2022/2464 du 17 décembre 2022 (dite “CSRD). Ce texte impose à certaines sociétés de publier des informations de durabilité (“rapport de durabilité”) et de les faire certifier par un professionnel indépendant. Ces obligations entrent en vigueur progressivement à compter de 2025. Le CSE est impacté par l’ordonnance, celui-ci étant consulté sur ces nouvelles informations dans le cadre des trois consultations récurrentes. En outre, l’employeur devra mettre à disposition du CSE, à l’occasion de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise “les documents transmis annuellement à l’assemblée générale des actionnaires” , notamment, donc, ce rapport, ainsi que le rapport de certification des informations en matière de durabilité (Ord. n° 2023-1142, 6 déc. 2023 : JO, 7 déc).

Cette ordonnance vient d’être complétée par un décret. Ce dernier fixe notamment les seuils caractérisant les catégories d’entreprises et de groupes créées par l’ordonnance, et détermine la liste des informations de durabilité qui devront être publiées. Il précise aussi les règles applicables aux rapports financiers annuels des sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé. Les dispositions applicables aux commissaires aux comptes sont remaniées pour les adapter à la nouvelle mission de certification des informations de durabilité et à l’ouverture de cette mission à d’autres professionnels. Nous reviendrons prochainement sur ces mesures très techniques.

Source : actuel CSE

Hausse historique en 2023 des températures : + 1,45 °C !

22/01/2024

Vendredi 12 janvier, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a officiellement confirmé que l’année 2023 est celle la plus chaude jamais enregistrée.

Au niveau mondial, la température moyenne se rapproche de plus en plus de la limite fixée par l’Accord de Paris (+ 1,5 °C). En 2023, elle a été 1,45 °C au-dessus des niveaux préindustriels (1850-1900). Dans son bilan annuel présenté le 9 janvier, l’observatoire européen Copernicus fait état de son côté d’une température moyenne de 14,98 °C l’année dernière, soit une température plus élevée de 1,48 °C que celle de l’ère préindustrielle.

« Les températures relevées en 2023 dépassent probablement celles de toutes les périodes depuis au moins cent mille ans, connues grâce aux cernes des arbres ou aux carottes de glaces, a commenté Samantha Burgess, cheffe adjointe du service changement climatique (C3S) de Copernicus. 2023 a été une année exceptionnelle, avec les records climatiques qui sont tombés comme des dominos. »

La seconde moitié de l’année, de juin à décembre, a fait l’objet de records tous les mois, entre autres, à cause du phénomène climatique El Niño. Les mois de juillet et août ont été les deux mois les plus chauds jamais relevés. Selon les prévisions de l’OMM, l’année 2024 devrait être encore plus chaude. Précédemment, les années les plus chaudes observées étaient celles de 2016 (+ 1,29 °C) et de 2020 (+ 1,27 °C).

Ces records de chaleur s’accompagnent notamment d’impacts socio-économiques notables. Ils aggravent les inégalités et entraînent des répercussions sur la pauvreté, la faim, les problèmes de santé, les déplacements de population, la dégradation de l’environnement, etc.

Les autres indicateurs que sont les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la chaleur et l’acidification des océans, le niveau de la mer, l’étendue des glaces de mer et le bilan de masse des glaciers ont également tous battu des records en 2023.

Source : actuel CSE

Le Cned et l’Apec proposent une formation en ligne à la transition écologique

23/01/2024

Le Cned (Centre national d’enseignement à distance) et l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) viennent de signer un partenariat visant à déployer une formation, publique et gratuite, “Le B.A.-BA du climat et de la biodiversité”, créée par le Cned. Les destinataires ? Les salariés de l’Apec mais aussi ses clients, cadres en poste, demandeurs d’emploi, jeunes diplômés à partir de Bac+3 ou les entreprises. A l’issue de cette formation en ligne d’environ 6 heures (accessible via apec.fr ou climat.cned.fr), concoctée par des scientifiques “reconnus internationalement”, les stagiaires obtiendront un badge attestant de leur engagement en faveur de la transition écologique.

Pour Gilles Gateau, directeur général de l’Apec, “cela répond à des aspirations grandissantes des jeunes diplômés et des cadres, mais aussi à la nécessité de répondre à des besoins du marché du travail et à la transformation des métiers. Le défi pour l’Apec est d’accompagner ces aspirations, d’aider à concrétiser ces nouvelles compétences, tout en facilitant les recrutements des entreprises”.

Source : actuel CSE

Après la réforme des retraites, un début de regain syndical en entreprise ?

24/01/2024

Le cabinet d’expertise Syndex a publié hier son 6e baromètre sur l’état du dialogue social en France. Il en résulte que la mobilisation sociale contre la réforme des retraites produit un regain d’intérêt pour l’action syndicale en entreprise. En revanche, les élus de CSE peinent toujours autant à recruter des candidats aux élections professionnelles.

Depuis la mobilisation intersyndicale menée contre la réforme des retraites de janvier à juin 2023, les syndicats ont engrangé plus de 100 000 nouvelles adhésions. Un regain de visibilité et de lisibilité dont les effets étaient jusqu’à présent difficiles à mesurer. Le cabinet Syndex apporte aujourd’hui quelques réponses grâce à son baromètre annuel du dialogue social (résultats complets en pièce jointe). Selon Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, qui en a présenté les résultats, “65 % des représentants du personnel se disent motivés (en hausse de 9 points), une proportion encore jamais observée. Cette détermination et combativité se manifestent avec le contexte de la réforme des retraites qui a ouvert des champs de négociation”.

La mobilisation aurait donc bien produit des effets sur la motivation des représentants. Les 1 420 élus ayant répondu à l’enquête observent également un regain d’intérêt pour l’action syndicale chez les salariés. Le mandat reste cependant toujours aussi ardu à exercer et les candidats difficiles à trouver…

L’impact positif de l’épisode retraites de 2023

42 % des élus interrogés ont constaté un regain d’intérêt pour l’action syndicale dans l’entreprise, 33 % une recrudescence des adhésions aux syndicats, et 23 % un renforcement de l’intérêt pour le CSE. L’instance de représentation jouissait déjà d’une bonne image mais elle s’est encore améliorée selon le dernier cru du baromètre Syndex : 71 % des salariés ont une bonne opinion du CSE, en hausse de 5 points en un an, une tendance encore jamais mesurée. Selon le cabinet d’expertise, “la réforme des retraites a joué modérément mais positivement sur l’image du CSE comme des syndicats”. Il ajoute que le contexte des élections professionnelles a pu contribuer à cette embellie, et que la participation au vote reste bonne selon les résultats de l’enquête : 59 % des salariés ayant déclaré avoir voté aux dernières élections professionnelles.

La crainte des représailles patronales freine l’engagement

Pour autant, les salariés galvanisés par le mouvement social ne se transforment pas encore en candidats aux élections professionnelles. Selon Jérôme Fourquet, “la barrière à l’entrée du recrutement de nouveaux élus demeure importante : 93 % des représentants connaissent des difficultés à trouver des candidats et le renouvellement de l’instance est un sujet majeur”.

Syndex identifie trois freins principaux à l’engagement vers la fonction d’élu : le manque de considération des élus par la direction de l’entreprise (45 %), le temps à y consacrer (40 %) et la crainte de discrimination sur la carrière et la rémunération (31 %). Selon une élue en cabinet d’audit, “les gens ne veulent pas s’engager car ils ne veulent pas que cela nuise à leur carrière. Nous sommes donc 7 élus titulaires pour 40 mandats…”.

Les élus plombés par le manque d’attractivité du mandat

Alors que les confédérations doivent bientôt entamer les négociations d’un accord national interprofessionnel sur les parcours syndicaux, les élus se heurtent à la limitation à 3 mandats : 54 % d’entre eux réalisent leur 2e mandat (45 %) ou 3e mandat (31 %). Par ailleurs, 41 % des élus interrogés déplorent un affaiblissement du poids du CSE, un résultat en hausse de 4 points par rapport aux précédents baromètres. Ils sont également 45 % à souhaiter un renforcement du poids des avis de l’instance, ce chiffre se montrant stable depuis 2022. Parmi les principaux inconvénients du CSE, les élus citent les ordres du jour trop chargés (39 %) avec des sujets seulement effleurés, et un accroissement du temps nécessaire au mandat (37 %).

Sabrina Lebel, élue CFE-CGC au CSE du cabinet de conseil EY Advisory, illustre les difficultés de la mandature : “Nous avons signé un accord avec la CGT pour réduire le nombre d’élus au CSE et rehausser les heures de délégation. C’est assez symptomatique de la situation.” Benoît Vernier, délégué syndical central CFDT et élu au CSE de Stellantis à Sochaux, dresse quant à lui un amer constat d’échec sur le rapport de force avec la direction : ” Si nous partageons des priorités comme les conditions de travail et la santé/sécurité, nous ne réussissons pas à améliorer la situation. Ce que nous parvenons à négocier avec les dirigeants n’apporte pas grand-chose”.

Face à ces résultats, la formation des nouveaux syndiqués et de leur implication dans les élections constitue un enjeu prédominant dans les années à venir. Afin que lors des prochains cycles électoraux, bon nombre de nouveaux adhérents se transforment en candidats…

Le sujet des seniors n’est abordé que dans la moitié des CSE
  Selon l’enquête, 50 % des élus disent avoir abordé le sujet des seniors en réunion avec l’employeur. Mais ces réunions sont rarement suivies de suites dans la majeure partie des cas. Peu de dispositifs innovants sont mis en place pour accompagner les fins de carrière, les employeurs utilisant principalement le compte épargne-temps (58 %), le télétravail (41 %) et la retraite progressive (39 %). Le sujet rejaillira nécessairement dans les prochains mois avec l’accord pouvant résulter des négociations interprofessionnelles sur l’emploi des seniors. Les partenaires sociaux qui rencontrent actuellement le nouveau Premier ministre Gabriel Attal et la nouvelle ministre du travail Catherine Vautrin, se montrant d’ailleurs très attentifs aux engagements de transposition dans la loi que le nouveau gouvernement pourrait leur donner.

Marie-Aude Grimont

Risques psychosociaux en cas de PSE par accord majoritaire : quel contrôle pour le Dreets ?

24/01/2024

L’identification des risques psychosociaux liés à une réorganisation et les mesures de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en découlant peuvent figurer, ou non, dans l’accord collectif majoritaire ou le document unilatéral portant PSE, le Dreets devant tenir compte de la place de ces éléments lors de son contrôle de la procédure et de ces mesures.

Dans le cadre d’une réorganisation avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), le Dreets saisi d’une demande de validation de l’accord collectif majoritaire portant PSE ou d’homologation du document unilatéral doit vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Tribunal des conflits, 8 juin 2020).

Le Conseil d’Etat s’est prononcé récemment sur l’étendue du contrôle exercé par le Dreets sur cette question lorsqu’il est saisi d’une demande d’homologation d’un document unilatéral de l’employeur portant PSE (Conseil d’Etat, 21 mars 2023, n° 450012 et 460660).

Dans deux arrêts du 19 décembre 2023, le Conseil d’État se penche sur l’étendue du contrôle administratif lorsque le PSE est adopté par accord collectif majoritaire.

La prévention des risques psychosociaux n’est pas nécessairement intégrée au PSE

La première question posée par ces affaires est celle de la place des mesures de prévention des risques psychosociaux lorsque la réorganisation de l’entreprise comportant de tels risques s’accompagne d’un PSE.

Des positions opposées des juges du fond

Les deux affaires jugées le 19 décembre 2023 par le Conseil d’Etat concernent des entreprises ayant négocié un accord collectif majoritaire prévoyant le PSE. Dans les deux cas, le Dreets avait, en cours de procédure, demandé à l’entreprise d’enrichir les mesures prévues en matière de prévention des risques psychosociaux. L’employeur avait élaboré unilatéralement un document détaillé soumis au CSE, sans l’annexer à l’accord majoritaire ni compléter celui-ci par un document unilatéral.

Rappelons que les articles L.1233-57-3 et D.1233-14-1 du code du travail permettent à lemployeur de compléter un accord collectif majoritaire incomplet – cest-à-dire un accord qui naborderait pas toutes les mesures prévues par larticle L.1233-24-2 du même code – par un document unilatéral quil soumet à lhomologation du Dreets.

La cour administrative d’appel de Paris, saisie de la première affaire (n° 458434, Sté AAA), a jugé que le contrôle du respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de risques professionnels ne se borne pas à un examen du contenu de l’accord majoritaire portant PSE. Elle en a conclu que les mesures prises en matière de prévention des risques psychosociaux n’ont pas nécessairement à figurer dans l’accord majoritaire ou dans un document unilatéral établi par l’employeur (CAA Paris, 14 mars 2021, n° 21PA03298 et 21PA03306).

Dans la seconde affaire (n° 464864, Sté Blizzard Entertainment), la cour administrative d’appel de Versailles a, au contraire, jugé que la question des risques psychosociaux fait partie intégrante du PSE. Dès lors, les mesures complémentaires ajoutées par l’employeur auraient dû figurer dans un avenant à l’accord majoritaire soumis à la validation du Dreets, ou dans un document unilatéral complémentaire soumis à homologation administrative (CAA, Versailles, 13 avril 2022 n° 22VE00248).

L’accord collectif majoritaire peut prévoir des mesures de prévention, sans obligation

Le Conseil d’Etat rejoint la position de la cour administrative de Paris et censure la décision de la cour administrative d’appel de Versailles.

L’employeur a l’obligation de prendre des mesures pour prévenir les conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, en application de l’article L.4121-1 du code du travail. Il doit les mettre en œuvre, conformément aux dispositions de l’article L.4121-2 du code du travail.

Lorsque le PSE est négocié, les partenaires sociaux peuvent s’emparer de la question de la prévention des risques psychosociaux et adopter de telles mesures. Cette prérogative découle en effet de la liberté contractuelle résultant du Préambule de la Constitution. Mais rien ne les y oblige.

Daprès le rapporteur public, dont les conclusions sont publiées sur le site du Conseil dEtat, imposer aux partenaires sociaux de négocier sur la prévention des risques psychosociaux aurait été contraire à la lettre des articles L.1233-24-2 et L.1233-24-4 du code du travail, qui déterminent le contenu du PSE et nincluent pas ce sujet dans les mesures quil doit ou peut prévoir. Par ailleurs, la loi impose aux partenaires sociaux de négocier, dans les entreprises dau moins 50 salariés, sur la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels (article L.4162-1 du code du travail). Mais on ne peut pas en déduire une obligation de prévoir des mesures de prévention des risques psychosociaux dans l’accord majoritaire portant sur le PSE.

Si les mesures de prévention ne sont pas négociées et ne figurent pas dans l’accord portant PSE, l’employeur peut les inscrire dans un document unilatéral qu’il soumet au Dreets pour homologation. Mais il peut également faire figurer ces mesures dans un document “à part” , qui doit être transmis au CSE et qui est soumis au contrôle de l’administration, sans pour autant être validé ou homologué.

 A notre avis, en jugeant que les mesures d’identification et de prévention des risques psychosociaux n’ont pas été prévues par le PSE, le Conseil d’État semble faire machine arrière par rapport aux arrêts du 21 mars 2023 précités. Dans ces affaires, en effet, le juge administratif semblait considérer que l’employeur devait inclure les mesures de lutte contre les risques psychosociaux dans le document unilatéral portant PSE et les soumettre au contrôle du Dreets. D’après le rapporteur public, dans ses conclusions relatives aux arrêts du 19 décembre 2023, il n’incombe pas à l’administration de valider ou d’homologuer les mesures prises par l’employeur pour assurer la santé et protéger la sécurité des travailleurs, qui relèvent d’une obligation générale et continue dont le périmètre excède le seul PSE. Or les risques liés à une réorganisation ne pourraient pas toujours pas être aisément isolés des autres. L’argument peine toutefois à convaincre. Une réorganisation accompagnée de licenciements emporte des risques propres : insécurité sur l’avenir professionnel, stress sur la future organisation, charge de travail accrue pour les salariés dont le poste est maintenu, etc. Le Conseil d’État exige d’ailleurs de l’employeur qu’il mène ce travail d’identification des risques liés à la réorganisation qui fait l’objet du PSE, sous le contrôle même indirect, du Dreets. Intégrer l’identification des risques et les mesures de prévention au PSE, sous le contrôle du Dreets aurait offert plus de garanties aux salariés licenciés. Reste l’argument du rapporteur selon lequel interdire à l’administration, lorsqu’elle contrôle le respect par l’employeur de ses obligations, d’examiner d’autres documents que l’accord collectif majoritaire et le document unilatéral, alors même que ces documents existent et vont dans le sens de ce respect, serait source d’une rigidité inutile.

Accord collectif ou document unilatéral : un contrôle administratif identique, mais différent

Le Conseil d’Etat précise ensuite l’étendue du contrôle exercé par le Dreets sur l’obligation de prévention des risques psychosociaux pesant sur l’employeur. Ce contrôle doit-il être différent selon que les mesures de prévention sont ou non intégrées dans l’accord collectif majoritaire ?

Les règles établies par le Conseil dEtat à propos du contrôle du Dreets saisi dune demande de validation dun accord collectif majoritaire sont similaires à celle quil avait fixées à propos de lhomologation dun documentaire unilatéral (CE, 21 mars 2023, n° 450012 et 460660 précités). Elles sont simplement adaptées pour tenir compte du contrôle « allégé » du Dreets saisi dune demande de validation dun accord et pour inciter les partenaires sociaux à intégrer la question des risques psychosociaux dans le champ de leurs négociations.

Le Dreets peut s’assurer, en cours de procédure, que l’employeur respecte ses obligations

Le Dreets peut, au cours de la procédure d’élaboration du PSE, user de son pouvoir d’observation auprès de l’employeur, notamment à propos des conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail des salariés et, en présence de telles conséquences, sur les actions de prévention et de protection qu’il arrête. Le Conseil d’État rappelle que, conformément à l’article L.1233-57-6 du code du travail, le Dreets adresse une copie de ses observations au CSE et, lorsque la négociation d’un accord collectif majoritaire est engagée, aux organisations syndicales représentatives.

Le Dreets peut également user de son pouvoir d’injonction auprès de l’employeur à la demande des représentants du personnel (article L1233-57-5 du code du travail).

Exemple :  dans l’affaire Blizzard Entertainment, jugée ici par le Conseil d’Etat, l’administration avait, en cours de procédure, demandé à l’employeur de compléter les mesures de prévention qu’il avait retenues, car elle avait identifié un risque spécifique. L’entreprise avait en effet prévu que certains salariés resteraient en poste jusqu’à la fermeture totale. L’employeur aurait donc dû identifier clairement la charge de travail à laquelle ils seraient soumis et les risques, consécutifs notamment à un environnement de travail de transition vers la cessation totale d’activité de l’entreprise.

Le CSE doit avoir été régulièrement informé, mais n’a pas à être consulté

Le contrôle du Dreets en matière de risques psychosociaux s’exerce en premier lieu via l’obligation d’information et de consultation du CSE. L’administration vérifie que l’employeur a adressé au CSE :

  •  des éléments relatifs à l’identification et à l’évaluation des conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs ;
  • et, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs.

Ces éléments doivent avoir été fournis au CSE avec la convocation à sa première réunion et, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par le Dreets. Le CSE doit ainsi avoir été mis à même de formuler ses deux avis en toute connaissance de cause.

Lorsque l’accord collectif majoritaire fixant le PSE traite des conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs et prévoit des mesures de prévention, le Dreets vérifie seulement la régularité de l’information du CSE sur ces éléments. En effet, l’article L.1233-30, I du code du travail prévoit que, en cas de conclusion d’un accord collectif majoritaire, le CSE n’est pas consulté sur les mesures faisant l’objet de l’accord.

Des mesures précises et concrètes de prévention doivent avoir été arrêtées

En présence d’un risque identifié pour la santé et la sécurité des travailleurs, le Dreets vérifie que :

  • l’employeur a arrêté des actions pour y remédier ;
  • ces actions correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;
  • ces mesures, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.

Pour exercer ce contrôle, le Dreets tient compte des éléments d’identification et d’évaluation des risques retenus par l’employeur, des débats qui se sont déroulés au sein du CSE, des échanges d’informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l’élaboration du PSE.

Si les mesures de prévention et de protection sont intégrées à l’accord collectif majoritaire, le Dreets en tient compte pour apprécier si ces exigences sont satisfaites. ;
Remarque : pour le rapporteur public, l’employeur et les organisations syndicales majoritaires sont les lieux placés pour connaître des risques psychosociaux susceptibles de menacer les salariés de l’entreprise. Par conséquent, s’ils se sont mis d’accord sur les mesures appropriées aux risques identifiés, il est logique que le Dreets en tienne compte favorablement. Toutefois, selon le rapporteur public, il s’agit d’une prise en compte, pas d’une absence de contrôle ni même d’un allègement de celui-ci. Par exemple, dans l’affaire Blizzard Entertainment, l’accord collectif contenait comportait bien des mesures de prévention des risques psychosociaux, mais générale, omettait la circonstance particulière que certains salariés allaient travailler jusqu’à la fermeture de l’entreprise et ne prévoyait pas de mesure particulière à leur égard. Dans le cadre de son contrôle, le Dreets avait pu légitimement considérer que les mesures de prévention, en dépit u fait qu’elles avaient été prévues par accord, étaient insuffisantes et demander à l’employeur de le compléter (voir l’exemple ci-dessus).

Laurence Méchin

Participation : le Conseil constitutionnel refuse de censurer l’art. L. 3326-1 du code du travail

25/01/2024

Dans une décision rendue hier soir, le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution l’article L. 3326-1 du code du travail. Cette décision fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) lancée par un CSE et deux syndicats. Ceux-ci estimaient que la rédaction de cet article, telle qu’interprétée par la jurisprudence, fait obstacle à toute remise en cause des montants figurant sur l’attestation établie par le commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, alors que la réserve spéciale de participation des salariés est calculée sur la base de ces montants. D’où une possible atteinte au droit, selon le CSE et les syndicats, des salariés à percevoir une participation des résultats de l’entreprise.

D’une part, leur répond le Conseil constitutionnel, “cette attestation a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation”.

D’autre part, “l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion”. Dans ce cas, poursuit le Conseil constitutionnel, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation.

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, la rédaction de l’art. L. 3326-1 du code du travail ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif, et ces dispositions “ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit”. Elles sont donc jugées conformes à la Constitution.

Nous reviendrons dans un prochain article sur cette décision. 

Source : actuel CSE

Quelles entreprises bénéficient le plus de la baisse des impôts de production ?

26/01/2024

La réduction de la CVAE et de la CFE profite davantage aux grandes entreprises industrielles et à celles qui exportent, selon un rapport du comité d’évaluation du plan France relance. Les micro-entreprises qui bénéficient par ailleurs des allègements généraux de cotisations sociales retirent peu de gains de cette réforme.

La dernière loi de finances a poursuivi la suppression progressive de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), laquelle disparaîtra complètement en 2027. Cette mesure fait partie de la réforme, plus globale, de réduction des impôts dits “de production” qui inclut également une diminution de la CFE (cotisation foncière des entreprises) et de la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties).

France stratégie, institution autonome placée auprès du Premier ministre, a publié le 16 janvier un bilan de cette réforme du “plan France Relance”, avec notamment la caractérisation des entreprises qui ont bénéficié de la réduction des impôts de production, en pratique de la baisse de la CVAE et de la CFE (1). 466 000 unités légales ont été évaluées.

La baisse des impôts de production, depuis 2021, comprend trois mesures distinctes : une réduction, chaque année, de moitié du taux d’imposition de la CVAE pour toutes les entreprises ; un abattement de 50% des valeurs locatives des entreprises industrielles pour le calcul de la CFE et de la TFPB ; une baisse du plafonnement d’un point de pourcentage de la CET (Ndlr : la contribution territoriale économique, qui a remplacé la taxe d’habitation à partir de 2010)

Gains importants pour les entreprises industrielles

D’après les estimations réalisées par l’Institut des politiques publiques (sélectionné par France stratégie pour évaluer la réforme), la baisse des impôts de production profite particulièrement aux entreprises industrielles (si l’on prend en compte l’intensité du gain par “unité légale”). Chaque unité légale (2) du secteur de l’industrie a ainsi gagné 49 900 euros suite à la baisse de la CET. A titre comparatif, chaque unité légale du secteur de la construction n’a gagné “que” 5 500 euros.

Mais dans le détail, le rapport relève une grande hétérogénéité au sein de l’industrie : par exemple, l’agroalimentaire connaît des gains limités (50% du secteur bénéficie d’une baisse inférieure à 0,25% de sa valeur ajoutée) contrairement au secteur pharmaceutique (50% de ces entreprises ont des gains de CET supérieurs à 1,1% de leur valeur ajoutée). Ce sont les entreprises du secteur cokéfaction et raffinage qui bénéficient le plus de la réforme.

Allègements de cotisations sociales et réduction de la CET ne font pas bon ménage

Les gains liés à la réforme sont également corrélés à la taille de l’entreprise. L’IPP constate que les petites entreprises profitent peu de la réduction des impôts de production. Même dans le secteur industriel. En moyenne, les micro-entreprises (au sens de la LME) de l’industrie ont connu une diminution de la CET équivalente à 0,3% de leur valeur ajoutée. Dans les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, la baisse s’élève à 1,2% de la valeur ajoutée.

Les petites entreprises “bénéficiaient de taux plus faibles et/ou d’exonérations avant la réforme”, explique le comité d’évaluation du plan France Relance (3). Et la baisse de la CET apparaît davantage comme “complémentaire” des allègements généraux de cotisations sociales (réduction Fillon, exonération sur les heures supplémentaires, réduction des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie…).

D’ailleurs, il est observé une “relation négative” entre les allègements généraux de cotisations sociales et la réduction de la CET. Les entreprises les plus bénéficiaires des allègements de cotisations sont les moins bénéficiaires de la baisse de la CVAE et de la CFE, souligne le rapport. L’exonération des impôts de production profite donc davantage aux entreprises qui bénéficient moins des allègements sociaux. 

Exonération plus forte pour les entreprises qui exportent

La baisse des impôts de production avait pour but de renforcer la compétitivité des entreprises françaises. Et d’après l’IPP, l’objectif est atteint. “Les comportements à l’exportation des entreprises (…) semblent fortement corrélés aux gains de la réforme”, constate-t-il. Ainsi, 50% des entreprises (pondérées par la valeur ajoutée) qui n’exportent pas ont connu une exonération bien plus faible que celles qui exportent. Par exemple, les entreprises qui vendent sur les marchés étrangers ont plus bénéficié, en moyenne, de la réduction de la CET. 

Le comité d’évaluation du plan France relance identifie également “la part des ingénieurs dans les heures travaillées” et “l’intensité capitalistique” comme des facteurs favorisant des gains. 

Les travaux menés en 2024 par l’institut des politiques publiques porteront sur l’effet causal de la mesure de baisse des impôts de production sur la rentabilité, la compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité du territoire. Ce qui permettrait de mesurer les effets de la réforme sur l’activité des entreprises.

(1) Il est précisé que les données de TFPB n’étaient pas (encore) disponibles.

(2) Une unité légale est une entité juridique de droit public ou privé : elle peut être une personne morale ou une personne physique. C’est l’unité principale enregistrée dans Sirene. L’entreprise est considérée comme une unité statistique. Le rapport de France Stratégie emploie les deux termes.

(3) Le rapport a été établi par le comité d’évaluation du plan France Relance qui est chargé de réaliser une évaluation indépendante de l’impact socio-économique et environnemental du plan France Relance dont France Stratégie assure le secrétariat des travaux. 

Céline Chapuis

300 entreprises en difficulté accompagnées en 2023 par les DREETS

26/01/2024

Selon le rapport annuel de la Direction générale des entreprises publié le 22 janvier, environ 300 entreprises fragilisées par la crise ont été accompagnées par le réseau des commissaires à la restructuration et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) au sein des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Le rôle des CRP a été, notamment, de favoriser l’accès des entreprises en difficulté aux aides et de renégocier leurs contrats de fourniture d’énergie.

Source : actuel CSE