Baromètre industriel de l’État : la réponse de la CGT
17/03/2025
Dans son dernier “baromètre industriel”, l’État estime que la réindustrialisation ralentit en France mais qu’elle se poursuit avec 89 ouvertures nettes de sites industriels en 2024.
Pour la CGT, “l’État tente de faire croire à une dynamique de réindustrialisation” loin des réalités du pays. Selon la confédération, le chiffre de 89 ouvertures nettes ne représente que des extensions de sites industriels déjà existants, mais aucune création de nouvelle usine.
S’appuyant sur les données du cabinet Trendeo, le syndicat avance au contraire la fermeture de 15 usines supplémentaires en 2024, “un solde négatif qui ne s’était pas vu depuis 2016”, ainsi que 11 000 emplois perdus selon l’Insee.
La CGT souligne un “désastre industriel dans le secteur de l’automobile (31 fermetures) et la “chute des investissements étrangers ( – 7 %)”. De plus, les projets de simplification administrative et de baisse des normes environnementales “mettent en danger l’aménagement du territoire et la transition écologique” selon le syndicat.
Source : actuel CSE
Activité, pouvoir d’achat, emploi : les prévisions de l’Insee doivent-elles inquiéter les CSE ?
21/03/2025

Laurent Lavallée, directeur du Groupe 3E
Tenant compte d’un environnement international incertain et des effets récessifs du budget français pour 2025, l’Institut national de la statistique révise à la baisse ses prévisions de croissance. Si les salaires progressent moins vite, le pouvoir d’achat devrait résister. Mais pas l’emploi, qui perdrait 50 000 postes au 1er semestre, le taux de chômage atteignant 7,6 % à la mi-2025. Laurent Lavallée, directeur du groupe 3E, nous commente ces chiffres et l’utilité qu’ils peuvent représenter pour les CSE.
Dans sa dernière note de conjoncture publiée le 18 mars, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient de réviser à la baisse des prévisions de croissance pour 2025, du fait notamment d’un environnement international instable et défavorable aux échanges et à l’activité économique :
“Depuis le début de l’année 2025, la nouvelle orientation de l’administration américaine, les changements géopolitiques et les perspectives de guerre commerciale qu’elle entraîne, hypothèquent un peu plus l’éventualité d’un redémarrage européen à court terme. Aux États-Unis, l’imprévisibilité de la politique économique a fait vaciller la confiance : les consommateurs craignent un regain d’inflation et la croissance flageolerait au premier semestre (+0,4 % au premier trimestre puis +0,3 % au deuxième).
L’instauration de droits de douane par la nouvelle administration américaine, ou même la simple menace de ceux-ci, mettrait un coup de frein au commerce mondial et frapperait les économies européennes dépendantes de la demande américaine, en particulier l’Allemagne et l’Italie. Le retournement géopolitique et le réveil annoncé des Européens en matière de défense ont, de surcroît, provoqué une hausse des taux souverains allemands, et partant de l’ensemble du continent”.
À ces éléments s’ajoute la contraction des dépenses publiques : la loi spéciale du début d’année ayant limité les dépenses faute de budget voté, l’Insee s’attend à un repli de 0, 7 % des dépenses collectives au premier trimestre 2025, “après 7 trimestres de hausse”. La consommation fait néanmoins de la résistance, ce qui sauve quelque peu l’activité.
Une activité ralentie en 2025 et inférieure aux prévisions
► Conséquence de ce climat “morose” : la progression du produit intérieur brut (PIB) serait de + 0,1 % au premier trimestre et de + 0,2 % au deuxième trimestre 2025.
C’est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement qui a tablé dans son budget sur une prévision de croissance de 0,9 % (contre une croissance de + 1,1 % en 2024), un chiffre qui paraît donc déjà difficile à atteindre, ce qui suppose de moindres rentrées de cotisations et d’impôts et donc de nouveaux débats tendus sur le niveau de dépenses, la maîtrise des déficits, la dette, sans oublier la question des retraites et d’un nouvel effort de financement pour la Défense. “Le risque est que ces débats deviennent explosifs, avec le risque d’un comportement contracyclique : si l’Etat comme les entreprises décident de faire de nouvelles économies de dépenses, il y a une éventualité de se voir enclencher à la fin de l’année un cycle récessif. Mais tout est incertain au niveau international, et si l’Allemagne se remettait à investir, cela pourrait avoir un effet positif sur le reste de l’Europe”, commente Laurent Lavallée, directeur du cabinet d’expertise 3E.
► L’Insee prévoit un horizon assombri dans plusieurs secteurs d’activité : “Si un léger rebond est attendu dans la production automobile après un plongeon en 2024 (-14 % en 2024 par rapport à 2023), l’activité dans la fabrication d’équipements, mais également dans les « autres industries manufacturières » – qui englobent notamment les industries énergo-intensives – serait particulièrement dégradée. Cette faible activité industrielle entraverait également celle des services marchands (+0,1 %)”.
En quoi ces prévisions d’activité dégradées peuvent-elles intéresser les CSE ? ► La réponse de Laurent Lavallée, expert financier et directeur du groupe 3E, expert pour les CSE : « Ces prévisions d’activité me paraissent presque optimistes. Nous pensons qu’il faut anticiper une année 2025 compliquée, notamment dans l’automobile, la sidérurgie, avec la perspective d’une guerre commerciale avec les Etats Unis qui inquiète beaucoup et qui survient après des difficultés avec la Chine. L’industrie française n’était déjà pas très bien, elle a besoin d’investir et nous avons une perte de savoir-faire industriels depuis des années en France. La prévision de dégradation de la conjoncture peut conforter des CSE dans l’idée de lancer un droit d’alerte Certains CSE ressentent déjà ces éléments, et beaucoup s’interrogent sur le déclenchement d’un droit d’alerte économique. La prévision de dégradation de la conjoncture peut les conforter dans cette voie, d’autant que les directions d’entreprise elles-mêmes n’aiment pas l’incertitude économique. Certaines directions essaient de calmer le jeu pour ne pas trop inquiéter et pouvoir éventuellement préparer un plan de réorganisation, et d’autres sont plus alarmistes pour obtenir rapidement des mesures de réduction de coûts ». |
Les salaires ralentissent mais le pouvoir d’achat résiste
► Au premier trimestre 2025, les salaires progresseraient de 0,5 % sur le trimestre, pour le salaire mensuel brut (SMB) comme pour le salaire mensuel par tête (SMPT), “soit un rythme bien inférieur à celui des premiers trimestres de 2023 et 2024” (*). Malgré ce ralentissement qui s’explique notamment par l’absence de coup de pouce au Smic au 1er janvier et par des négociations salariales plus rigoureuses, l’Insee prévoit néanmoins une progression du pouvoir d’achat des ménages ( + 0,9 % à la mi-année). Cette progresse est due à la décrue de l’inflation : l’Insee prévoit +0,8 % en février 2025, soit le niveau le plus bas depuis 2021. Cette évolution découle de la baisse des prix de l’énergie.
Au deuxième trimestre 2025, les salaires continueraient de ralentir (+0,4 % sur le trimestre pour le SMB comme pour le SMPT) pour atteindre un rythme annuel d’à peine 2 % (+2,0 % sur un an pour le SMB et +1,8 % pour le SMPT).
Concernant 2024, l’institut constate que les salaires avaient déjà moins progressé que l’année précédente, les négociations salariales ayant tenu compte du reflux de l’inflation. Ainsi, le salaire mensuel de base (SMB) a progressé de +2,9 % l’an dernier (après +4,3 % en 2023) et le salaire mensuel par tête (SMPT) de +2,6 % (après +4,1 % en 2023). “Ce ralentissement est toutefois moins marqué que celui des prix, si bien que les salariés ont regagné du pouvoir d’achat après deux années de baisse. Le SMB réel a ainsi progressé de 0,9 % en 2024, le SMPT réel de 0,6 %”, précise l’Insee.
Conclusion de l’institut : “En cumul sur 2024 et début 2025, les salaires réels auraient regagné un peu plus de la moitié des pertes subies en 2022 et 2023 (+1,7 % après -2,4 % pour le SMB et +1,4 % après -2,8 % pour le SMPT)”.
Selon l’Insee, le reflux de l’inflation sauvegarderait le pouvoir d’achat malgré des NAO aux avancées souvent limitées, qu’en pensez-vous ? ► La réponse de Laurent Lavallée : « Compte-tenu de l’inflation, la prévision de l’Insee sur une progression moyenne du pouvoir d’achat en 2025 est réaliste, mais réaliste disons d’un point de vue assez froid et très global. Derrière cette moyenne, les situations divergent complètement, selon la taille de l’entreprise et les secteurs. D’ailleurs, même s’il y a eu un gain l’an dernier, le pouvoir d’achat ne rattrape pas les pertes des années précédentes. Et cela se ressent notamment pour les salaires bas et les salaires moyens, les plus touchés par les très fortes hausses passées des produits alimentaires. C’est un chiffre global, qui ne reflète pas la diversité des situations. Les représentants du personnel doivent aller chercher des panels plus précis Il y a donc un décalage entre les chiffres de l’Insee et la perception des salariés, du fait de la dispersion des revenus et des situations. Il y a les NAO aux résultats très limités, mais il y a aussi de moindres versements de primes que les années précédentes, alors que ces primes défiscalisées compensaient jusqu’alors l’inflation. Bref, pour un grand nombre de salariés, je ne crois pas trop à un gain de pouvoir d’achat en 2025. Le conseil à donner, pour les négos, c’est de rester concentrés sur les besoins des salariés, et ne pas se laisser enfermer sur des chiffres nationaux sur l’inflation qui ne signifient pas grand chose. Il faut se référer à des chiffres de l’inflation plus fins, en prenant les indicateurs sur les paniers de ménage que publient les associations de consommateurs ». |
L’emploi salarié recule
► Concernant l’emploi, l’Insee souligne la destruction de 90 000 postes sur les trois derniers mois de 2024 (- 68 000 emplois dans le privé et – 22 100 emplois dans le public). Dans le privé, l’évolution a été contrastée selon les tranches d’âge : si l’emploi salarié des seniors a continué d’augmenter (+104 500 emplois sur un an pour les 55 ans ou plus), l’emploi salarié des moins de 30 ans a reculé (-25 800 sur un an), tout comme celui des 30-54 ans (-103 900).
Cette année, l’Insee anticipe une nouvelle réduction d’effectifs de 50 000 postes au premier semestre 2025 (notamment dans l’industrie, la construction et l’intérim), des suppressions de postes “en partie compensées par des créations d’emplois non salariés”. De fait, les employeurs signalent beaucoup moins qu’avant, selon l’Insee, des difficultés de recrutement : “L’incertitude sur la situation économique est désormais la principale barrière à l’embauche citée par les entreprises des services devant le manque de main d’œuvre compétente, alors même que cette dernière barrière était majoritaire depuis la crise sanitaire”.
Le climat de l’emploi, sorte de baromètre qui repose sur l’enquête effectuée régulièrement auprès des acteurs économiques, illustre bien les incertitudes du moment : cet indicateur, “qui s’était normalisé en 2024”, se dégrade franchement en 2025 pour atteindre (avec une note de 94) “son niveau le plus bas depuis mars 2015”.
À la mi-année 2025, “l’emploi salarié total se replierait sur un an ( -0,4 %, soit – 106 000 emplois environ) principalement du fait du secteur privé”.
Compte-tenu de la hausse de la population active qu’entraîne la réforme des retraites, cette baisse de l’emploi pousserait le chômage à la hausse, avec un taux de 7,6 % à la mi-2025.
L’Insee prévoit donc des suppressions d’emplois au premier semestre 2025, c’est aussi votre avis ? ► La réponse de Laurent Lavallée : « Cela correspond à notre perception : 2025 ne va pas être une bonne année pour l’emploi. Nous savons que des plans de suppressions d’emploi (avec des plans de départs volontaires notamment) sont en préparation, dans l’industrie comme dans les services. Oui, l’emploi va être touché. Le premier signe inquiétant pour des CSE, c’est une réduction de l’intérim ou des équipes de nuit Le premier signal qui doit alarmer les représentants du personnel, c’est la réduction du recours à l’intérim, c’est la réduction du travail de nuit ou l’ajustement de l’organisation du travail, etc. Il est important pour le CSE de suivre l’évolution du carnet de commandes. Le premier réflexe à avoir, c’est d’interroger la direction sur ses perspectives. Et d’envisager ensuite, si besoin, un droit d’alerte économique, qui donne un caractère solennel à des préoccupations légitimes. Dans un premier temps, c’est un échange entre les élus et la direction. Sur la base de faits préoccupants, le CSE interroge la direction. Et si l’inquéitude persiste malgré les réponses de la direction, alors le CSE peut faire intervenir un expert qui va ensuite analyser la situation. Nous avons beaucoup plus de droits d’alerte en ce moment que l’an dernier à la même époque ». |
(*) Le salaire mensuel de base (SMB) correspond au salaire brut de toute forme de cotisations (sécurité sociale, assurance chômage, retraite complémentaire, prévoyance, CSG, CRDS). Il ne comprend ni les primes (sauf, le cas échéant, la prime liée à la réduction du temps de travail), ni les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires (pour les temps pleins) ou des heures complémentaires (pour les temps partiels). Son montant correspond généralement à celui de la première ligne du bulletin de paye d’un salarié.
Le salaire moyen par tête (SMPT) rapporte les masses salariales brutes versées par l’ensemble des employeurs au nombre de salariés en personnes physiques. L’évolution du SMPT reflète l’évolution des qualifications et de la quotité du travail et celle de la rémunération des heures supplémentaires et des primes.
Bernard Domergue
Travail temporaire : l’emploi a diminué de 7,3 % en 2024
21/03/2025
En janvier 2025, l’emploi intérimaire représente 590 940 équivalents temps plein (ETP), soit près de 45 000 ETP de moins qu’en janvier 2024 (- 7,1 % en un an).
Après un mois de décembre fortement dégradé (-15,3 %), le secteur retrouve en janvier une tendance conforme à l’évolution moyenne observée en 2024, qui s’établit à -7,3 %.
Pour la fédération patronale Prism’emploi, “la faible consommation des ménages, couplée à un climat politique incertain après la chute du gouvernement Barnier, a pesé lourdement sur l’investissement des entreprises et l’emploi”. Mais cette tendance reflète aussi “des difficultés structurelles, notamment dans l’industrie, le BTP, les transports-logistique et le commerce”.
De même, le CDII marque le pas, leur nombre a diminué de 10 % par rapport à la mi-2022.
Pour “libérer le potentiel du secteur” de l’intérim, Prism’emploi propose différentes mesures dont des assouplissements réglementaires : supprimer le délai de carence entre deux contrats de travail temporaire, revenir sur le nombre limité de renouvellements (deux fois actuellement) ou encore créer un motif de recours spécifique pour les seniors.
Source : actuel CSE