[3 Q / R] Présence d’un élu à un entretien RH, refus de rajouter un point à l’ordre du jour du CSE, prise en charge de l’assurance du CSE

01/04/2025

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine 3 questions posées par des élus du personnel. Dans cet article, Charline Raymond répond aux questions suivantes : Un employeur peut-il refuser la présence d’un représentant du personnel lors d’un entretien RH ? Que faire si le secrétaire et le président refusent de rajouter un point proposé par un membre du CSE à l’ordre du jour ? L’employeur doit-il prendre à sa charge l’abonnement de l’alarme du local du CSE ainsi que le surcoût lié à l’assurance des chèques vacances stockées dans le coffre-fort du local du CSE ?

 [3 questions d’élus, 3 réponses d’expert]

Charline Raymond, juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en mars 2025

Un employeur peut-il refuser la présence d’un représentant du personnel lors d’un entretien RH ?

Tout dépend de la nature de l’entretien

Oui, l’employeur peut refuser mais tout dépend de la nature de l’entretien. S’il s’agit d’un entretien préalable au licenciement ou d’un entretien disciplinaire, l’employeur ne peut pas refuser la présence d’un représentant du personnel.

En revanche, s’il s’agit d’un entretien courant, l’employeur peut refuser cette présence.

La jurisprudence en a donné une illustration dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 février 2003 : “Ne commet pas un délit d’entrave le fait de recevoir un salarié seul pour un entretien relatif à son évaluation professionnelle”. Dans le même ordre idée un employeur peut refuser la présence d’un élu lors d’un entretien à la demande du médecin du travail, en vue d’une étude du poste de travail (Cour d’appel de Montpellier 22-11-2006 n° 06-2758).

Attention cependant, il existe des exceptions, comme l’illustre la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mai 1985, n°84-95.376. En effet, lorsque l’employeur autorise dans un premier temps la présence du représentant, il ne peut alors pas revenir ensuite sur sa décision.

Autre exception : si l’origine de l’entretien est une réclamation individuelle du salarié relayée par le représentant du personnel dans le cadre de ses missions, l’employeur ne peut pas refuser la présence de l’élu. En effet, en vertu des articles L2312-5 et L2312-8 du code du travail, la délégation du personnel du CSE a pour mission de présenter toutes les réclamations individuelles ou collectives des salariés. De ce fait, si le représentant du personnel représente une réclamation individuelle, l’employeur ne peut refuser sa présence en entretien.

Que faire si le secrétaire et le président refusent de rajouter un point proposé par un membre du CSE à l’ordre du jour ?

Solliciter une réunion extraordinaire du CSE

L’ordre du jour de la réunion résulte du seul accord commun entre l’employeur et le secrétaire du comité, selon l’article L2315-29 du code du travail. Ainsi, un membre du comité ou un représentant syndical au CSE peut demander au président ou au secrétaire l’inscription d’une question, mais en cas de refus, il ne peut exiger que cette question soit figure à l’ordre du jour.

La première solution consiste à solliciter une réunion extraordinaire du CSE à la demande de la majorité des membres titulaires, comme le prévoit l’article L2315-28 du code du travail. La demande doit alors obligatoirement comporter les questions qui seront abordées au cours de la réunion (article L2315-31 du code du travail).

Si la question porte sur un sujet de santé sécurité et conditions de travail, cette réunion extraordinaire peut être demandée par 2 membres du CSE (article L2315-27 du code du travail). Dans ce cas, toutes les questions posées par les élus à l’origine de la demande doivent être inscrites à l’ordre du jour sans modification. La Cour de cassation l’a illustré dans un arrêt du 9 novembre 2016, n°15-17.551.

L’employeur doit-il prendre à sa charge l’abonnement de l’alarme du local du CSE ainsi que le surcoût lié à l’assurance des chèques vacances stockées dans le coffre-fort du local ?

Uniquement la prime d’assurance en responsabilité civile

La présence d’un stock de chèques vacances dans le local du CSE peut attirer les convoitises. Il est donc prudent pour les élus d’adopter des mesures de sécurisation.

Si l’employeur doit rembourser au CSE le montant de la prime d’assurance souscrite par le CSE pour couvrir sa responsabilité civile, en accord avec l’article R2312-49 du Code du travail, cette assurance ne couvre pas les biens que possède le CSE. Si ce dernier souhaite assurer ses biens contre le vol, il doit conclure un contrat d’assurance à sa charge.

En ce qui concerne l’aménagement du local, l’employeur met à la disposition du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés un local aménagé et le matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions (article L2315-25 du code du travail). L’administration a précisé dans une circulaire DRT du 6 mai 1983 que le matériel nécessaire demeurant à la charge de l’employeur comprend par exemple ligne téléphonique, fourniture du matériel dactylographique et de photocopie.

En revanche, les frais courants de fonctionnement doivent être imputés sur la subvention de fonctionnement du CSE (sont visés la documentation, la papeterie, les frais d’abonnement et de communications téléphoniques…). Ainsi, l’obligation de mise à disposition gratuite d’un local par l’employeur ne couvre pas nécessairement les équipements spécifiques destinés à la gestion et à la protection des biens propres au CSE.

Une infographie de Marie-Aude Grimont avec les juristes de l’Appel Expert du groupe

Les compétences vertes, nouvel atout sur le marché de l’emploi

01/04/2025

Plus de CDI et des salaires médians supérieurs : les métiers dotés de “green skills” sont davantage valorisés auprès des recruteurs, selon une étude de la Dares réalisée à partir de l’analyse d’offres d’emplois de six métiers spécifiques, entre 2019 et 2023.

La transition écologique commence à produire des effets concrets sur le marché du travail. Une étude inédite de la Direction statistiques et de la recherche du ministère du travail, la Dares, publiée le 20 mars, vient confirmer ce que de nombreux observateurs pressentaient : les compétences vertes constituent désormais un critère de différenciation favorable pour les salariés.

L’enquête, basée sur l’analyse de la base de données Jocas recensant les offres d’emploi publiées depuis 2019, s’est penchée sur six professions – mécanicien, couvreur, façadier, chauffagiste, juriste et architecte – pour y traquer l’émergence de ces “green skills”. Loin de créer de nouveaux métiers ex nihilo, la transition écologique semble plutôt infuser dans les professions existantes, y apportant des savoir-faire spécifiques.

Une tendance discrète mais constante

Si le phénomène demeure modéré – ces compétences vertes représentant moins de 15 % des offres d’emploi en 2023 – la progression est néanmoins constante depuis quatre ans. “Le besoin de ces savoir-faire, mesuré par la proportion d’offres d’emploi les mentionnant, s’accroît dans l’ensemble des métiers sélectionnés”, souligne Yannis Bouachera, auteur de l’étude.

Dans le détail, les travaux d’isolation pour les façadiers ont connu la plus forte progression (+14 points entre fin 2019 et fin 2023), suivis par l’installation de panneaux solaires pour les couvreurs (+5 points) et la mise en place de pompes à chaleur pour les chauffagistes (+3 points). Des évolutions qui s’inscrivent dans le sillage des politiques publiques, notamment le dispositif MaPrimeRénov, mais qui touchent également les professions intellectuelles, à l’image des juristes spécialisés dans les contentieux environnementaux.

L’étude révèle par ailleurs une cartographie différenciée de ces besoins selon les territoires, les compétences liées à l’isolation ou au chauffage étant davantage recherchées dans les zones exposées aux températures basses.

Un avantage compétitif pour les salariés

L’acquisition de ces compétences vertes s’accompagne de bénéfices tangibles pour les professionnels concernés.

Premier constat : une stabilité contractuelle accrue. La proportion d’offres en CDI s’avère significativement plus élevée pour les chauffagistes maîtrisant l’installation de pompes à chaleur (+22 points) ou les couvreurs formés à la pose de panneaux solaires (+18 points).

Second avantage : une valorisation salariale. Les rémunérations médianes proposées sont supérieures lorsque les offres mentionnent ces compétences spécifiques, avec des écarts particulièrement marqués pour les juristes spécialisés en droit de l’environnement ou les architectes (+16 % dans les deux cas) mais aussi importantes pour les chauffagistes (+ 8 %), les mécaniciens (+8 %) et les couvreurs (+5 %). “Cette valorisation peut également révéler des difficultés plus prononcées pour recruter des candidats possédant ces compétences”, nuance toutefois Yannis Bouachera.

La Dares invite néanmoins à une interprétation prudente de ces résultats, ces offres d’emploi émanant potentiellement d’entreprises de taille importante et financièrement solides, capables d’offrir de meilleures conditions indépendamment du critère écologique. Mais cette étude s’avère suffisamment pertinente pour que la direction statistique du ministère du travail envisage d’élargir cette méthodologie d’analyse à d’autres domaines, notamment celui de la transition numérique, confirmant ainsi l’importance croissante de ces nouvelles compétences sur le marché de l’emploi.

Anne Bariet

Prime de partage de la valeur, taxe d’apprentissage et jeune entreprise innovante : les précisions du Boss

02/04/2025

Une mise à jour du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (Boss) en date du 12 mars 2025 éclaire certaines mesures issues des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025. Focus sur les précisions intéressantes.

Prime de partage de la valeur : des précisions sur sa prise en compte dans les réductions de cotisations

Pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025, les primes de partage de la valeur (PPV) sont intégrées aux revenus d’activité pris en compte pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales (loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, article 18).

Le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) précise que cette mesure concerne les PPV versées ou affectées sur un plan d’épargne à compter du 1er janvier 2025.

Toutefois, la loi ayant été adoptée tardivement, il est admis, par tolérance, qu’elle ne s’applique pas aux salariés dont le contrat de travail a pris fin avant le 1er mars 2025 (Boss-Epargne sal.-170). La mesure ne concerne que la réduction générale de cotisations patronales, ce que confirme le Boss. Ainsi, la PPV n’est pas prise en compte dans le calcul (Boss-Épargne sal.-170) :

  • des autres exonérations ou exemptions de cotisations sociales, comme les réductions des taux des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales ou les exonérations spécifiques telles que celle qui s’applique aux TO-DE, l’exonération Lodeom (Boss-Exo. zonées-1340), l’exonération aide à domicile (Boss-Exo. domicile-210), etc. ;
  • des exonérations applicables aux indemnités de rupture du contrat de travail.

Les exonérations citées par le Boss ne constituent que quelques exemples. Dès lors que l’exonération est calculée à partir des rémunérations soumises à cotisations de sécurité sociale, la PPV n’est pas prise en compte. Tel est par exemple le cas des exonérations dégressives de cotisations patronales applicables dans les ZFRR, ZRR ou ZRD.

Jeune entreprise innovante : les nouvelles règles concernent les exercices clos à partir du 1er mars 2025

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 rehausse le seuil de dépenses de recherche et développement requis, à la clôture de l’exercice, pour qu’une entreprise soit éligible au statut de jeune entreprise innovante (JEI) en le portant de 15 % à 20 %. Parallèlement, le seuil requis pour prétendre au statut de jeune entreprise de croissance (JEC) est désormais compris entre 5 % et 20 %, au lieu 15 % auparavant.

Pour l’exonération de cotisations patronales, la mesure est applicable, selon cette loi, aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er mars 2025 (moi de financement de la sécurité sociale pour 2025, article 22).

Les statuts de JEI et de JEC s’appréciant à la clôture de l’exercice, le Boss précise que les nouvelles règles s’appliquent aux exercices clos à compter du 1er mars 2025.

Pour les entreprises dont l’exercice est clos avant cette date, le niveau de dépenses requis demeure celui antérieurement applicable (Boss-JEI-80-100 et communiqué du Boss du 12 mars 2025).

Taxe d’apprentissage : les mutuelles sont assujetties depuis le 1er mars 2025, sauf pour les apprentis

La loi de finances pour 2025 a recentré l’exonération générale de taxe d’apprentissage dont bénéficiaient les mutuelles régies par les livres I et III du code de la mutualité aux seules rémunérations versées aux apprentis. Le Boss précise que cette mesure s’applique depuis le 1er mars 2025. Ainsi, les rémunérations versées par ces mutuelles depuis cette date sont assujetties à la taxe d’apprentissage dans les conditions de droit commun, à l’exception de celles versées aux apprentis (Boss-Contrib. FPA-200).

La rédaction sociale

Non désignation du vérificateur des informations de durabilité : quand l’AG est nulle

03/04/2025

À défaut de désignation d’un commissaire aux comptes pour certifier des informations en matière de durabilité, les délibérations de l’assemblée générale ordinaire de l’entité assujettie à la CSRD sont nulles. Une telle nullité n’est pas encourue pour les organismes tiers indépendants. Telle est la position de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Les premières entreprises assujetties à la directive CSRD (corporate sustainability reporting directive) devront publier un reporting de durabilité cette année (en 2025 au titre de l’exercice 2024), selon le calendrier actuellement en vigueur. Leurs informations en matière de durabilité doivent être certifiées – au choix – par un commissaire aux comptes (Cac) habilité ou par un organisme tiers indépendant (OTI). La décision de nomination d’un tel “vérificateur” (selon le terme consacré par la H2A) appartient à l’assemblée générale ordinaire (AGO) de l’entité concernée par l’obligation d’inclure dans son rapport de gestion des informations de durabilité.

Que se passe-t-il si aucun vérificateur n’est désigné pour accomplir cette nouvelle mission de durabilité ? Le défaut de nomination d’un de ces acteurs pourrait avoir un impact sur les délibérations des assemblées générales ordinaires, vient de préciser la commission des études juridiques de la CNCC, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (étude juridique n° 2024-17). 

Nullité des AG quelle que soit la mission confiée au Cac

En application de l’article L 821-5, alinéa 1 du code de commerce, les délibérations des assemblées générales ordinaires sont nulles dès lors qu’elles sont prises “à défaut de désignation régulière de commissaires aux comptes ou sur le rapport de commissaires nommés ou demeurés en fonctions contrairement aux dispositions [légales]”. Cette disposition figure dans une partie du code de commerce (Livre VIII, Titre II, Chapitre 1) applicable aux “commissaires aux comptes dans l’exercice de leur profession” (article L 821-1 du code de commerce), rappelle la CNCC.

Or, la profession de commissaire aux comptes est définie comme consistant en l’exercice de missions et en la fourniture de prestations (article L 821-3 du code de commerce), le terme mission désignant la certification des comptes ainsi que la certification des informations de durabilité ou toute autre mission confiée au commissaire par la loi ou le règlement (article L 821-2, III, du code de commerce).

Ainsi, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes considère que l’article L 821-5 s’applique quelle que soit la mission qui doit être confiée au Cac : mission de certification des comptes ou mission de durabilité. Par conséquent, la nullité des délibérations des assemblées générales est (aussi) encourue à défaut de désignation d’un Cac chargé de certifier les informations de durabilité.

Différence de régime 

En revanche, la commission des études juridiques relève qu’aucune disposition de la partie du code de commerce applicable aux OTI et aux “auditeurs des informations de durabilité” – personnes physiques exerçant dans des OTI (Livre VIII, Titre II, Chapitre 2) ne prévoit de dispositions similaires à celles figurant à l’article L 821-5 applicable aux Cac. Il n’existe donc pas, “à ce jour”, de cas de nullité des délibérations des AGO à défaut de désignation régulière de tels OTI, indique la Compagnie nationale.

Cette différence de régime de nullité a une conséquence sur l’application de l’article L 821-15, ajoute la CNCC. Tant que la société n’a pas choisi de nommer un Cac ou un OTI pour certifier ses informations de durabilité et étant donné qu’il n’est pas possible de déterminer à l’avance si elle aurait choisi l’un ou l’autre, la nullité des délibérations n’est pas encourue “à défaut de désignation régulière de commissaires aux comptes”.

Autre précision : la CNCC considère que les délibérations des AGO sont nulles lorsqu’il est constaté qu’aucun rapport de certification des informations de durabilité n’est présenté à l’assemblée générale du fait de l’absence de désignation d’un Cac ou d’un OTI chargé de certifier ces informations.

La nullité est également encourue si le Cac chargé de certifier les informations de durabilité a été irrégulièrement nommé ou est demeuré en fonctions en violation des dispositions légales applicables.

Récapitulatif des différentes situations

SituationsSort des délibérations d’AGO
Défaut de désignation d’un Cac chargé de certifier les comptesNullité
Défaut de désignation d’un Cac chargé de certifier les informations de durabilitéNullité
Défaut de désignation d’un OTI chargé de certifier les informations de durabilitéPas de nullité
Défaut de choix de la part de l’entité de nommer soit un Cac, soit un OTIPas de nullité
Défaut de présentation d’un rapport de certification des informations de durabilité en conséquence de l’absence de nomination d’un Cac ou d’un OTI pour une mission durabilité Nullité
Désignation irrégulière d’un Cac chargé de certifier les informations de durabilitéNullité

Enfin, la CNCC indique qu’à défaut de désignation régulière d’un Cac ou d’un OTI pour certifier les informations de durabilité de la société, le Cac exerçant la mission de certification des comptes est tenu de signaler cette irrégularité et, s’agissant d’un fait délictueux sanctionné pénalement, de le révéler au procureur de la République.

Céline Chapuis