La fin de la limitation du nombre de mandats au CSE est justifiée par le souci d’améliorer la qualité du dialogue social

12/05/2025

L’étude d’impact du projet de loi transposant l’accord des partenaires sociaux sur les seniors et les CSE justifie la suppression de la limite du nombre de mandats au comité social et économique par le souci de favoriser la transmission des compétences entre élus, d’éviter des carences faute de candidatures et d’améliorer la qualité du dialogue social.

Présenté le 7 mai en conseil des ministres, le projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel sur les seniors, les parcours syndicaux et le chômage prévoit également de supprimer la limitation à 3 du nombre de mandats successifs qu’un membre du CSE peut accomplir.

Jusqu’à présent, cette règle s’impose à toutes les entreprises d’au moins 300 salariés. Les entreprises de 50 à 299 salariés peuvent y déroger en l’indiquant expressément dans le protocole d’accord préélectoral, la règle ne s’appliquant pas aux CSE des entreprises de moins de 50 salariés. 

Le texte modifie donc l’article L. 2314-33 du code du travail en le réduisant à sa plus simple expression. Les alinéas 2 ,3, 4, 5 et 7 sont supprimés, de même que l’article R. 2314-26 traitant du protocole préélectoral, article qui n’a plus lieu d’être. Ce changement ne suscite aucun commentaire dans l’avis définitif du Conseil d’Etat car ses observations antérieures ont été reprises par le gouvernement.

Si le projet de loi, examiné à partir du 5 juin, est voté sans modification par le Parlement, alors l’article L. 2314-33 serait réécrit ainsi  :  

Avant Après 
Art. L. 2314-33

Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour quatre ans.

Le nombre de mandats successifs est limité à trois, excepté :

1° Pour les entreprises de moins de cinquante salariés ;

2° Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, si l’accord prévu à l’article L. 2314-6 en stipule autrement.

Le nombre maximal de mandats successifs fixé au deuxième alinéa du présent article s’applique également aux membres du comité social et économique central et aux membres des comités sociaux et économiques d’établissement sauf dans les entreprises ou établissements de moins de cinquante salariés et, le cas échéant, si l’accord prévu à l’article L. 2314-6 en stipule autrement, dans les entreprises ou établissements dont l’effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés.

Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.

Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Art. L. 2314-33

Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour quatre ans.  

Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.    

Les arguments développés dans l’étude d’impact contre la limitation

Quand on lit l’étude d’impact jointe au projet, on se demande bien pourquoi cette limitation, vilipendée dès le départ par les organisations syndicales mais justifiée par le législateur au nom du nécessaire renouvellement des instances et des militants syndicaux, a été instaurée.

En effet, cette mesure, qui devait s’appliquer lors du prochain cycle de renouvellement des CSE, ne semble présenter que des inconvénients : 

  • cette limitation “peut avoir potentiellement pour effet d’affaiblir la représentation des salariés, en limitant la transmission des compétences et en réduisant l’implication des élus expérimentés” ;
  • “il est en effet important de permettre le renouvellement des représentants du personnel, mais ce renouvellement doit avoir lieu dans les meilleures conditions possibles, en préservant l’expérience et les compétences acquises, dans un objectif d’amélioration du dialogue social” ;
  • “la pertinence de la limitation du nombre de mandats successifs (..), à défaut d’effet visible et identifiable, doit donc être interrogée”. 

Les arguments pour la suppression de la limitation du nombre de mandats

A l’inverse, l’étude d’impact énumère tous les avantages liés à la suppression de cette limite.

La fin de cette limite permet : 

  • “d’assurer une représentation des salariés de l’entreprise au CSE dans un contexte de diminution des engagements syndicaux chez les jeunes salariés” ;
  • “de permettre la valorisation des parcours syndicaux des salariés par une expérience et des compétences acquises à travers un temps long de la représentation du personnel” ;
  • “d’assurer le renouvellement des élus du CSE par la transmission des savoir-faire au sein du CSE” ; 
  • “la présente mesure aura un impact favorable dans les entreprises. La mesure limitera potentiellement les carences aux élections professionnelles, faute de présentation de candidats du fait de la limitation du nombre de mandats” ;
  • “dans les entreprises, pourront être mis en place des “mentorats” entre les élus au CSE et les jeunes salariés souhaitant s’investir dans le dialogue social de leur entreprise”. 

Cette argumentation a été reprise par Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre en charge du travail, mercredi 7 mai lors de sa présentation devant la presse à l’issue du conseil des ministres : “Ce texte vise à améliorer la qualité du dialogue social, cette mesure était très demandée par les syndicats afin de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possible, tout en préservant l’expérience et les compétences”. 

Bernard Domergue

Banque CCF : auditionnés à l’Assemblée, les représentants du personnel plaident pour un renforcement du CSE

13/05/2025

Assemblée nationale

Quatre mois après la grève déclenchée par l’intersyndicale, un accord de méthode a fixé la fin des négociations du plan social au 7 juillet. Les syndicats et la direction ont aussi été auditionnées par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Il en est notamment ressorti un appel au renforcement de l’avis du CSE et à la présence de représentants des salariés au Conseil d’administration.

Début février 2025, l’intersyndicale FO, CFTC, CFDT et SNB (CFE-CGC) de la banque Crédit commercial de France (CCF) avait organisé une grève sur le parvis de La Défense. Les négociateurs du plan de sauvegarde de l’emploi et les élus du CSE appelaient à la limitation du PSE à des départs volontaires et à un meilleur accompagnement des salariés licenciés. Figuraient également dans leurs revendications la prise en compte des risques psychosociaux et de la charge de travail des salariés qui demeureront en poste.

Où en est-on trois mois plus tard ? Quelques avancées ont été concédées par la direction, alors qu’un accord de méthode a rallongé de deux mois les négociations qui devraient se terminer le 7 juillet. Syndicats et directions ont également été reçus par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale “sur la défaillance des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciement” en France. Une commission qui a également reçu en avril les représentants des cinq syndicats représentatifs au niveau national.

“Le CSE devrait avoir plus de pouvoir, sans entrer dans la cogestion”

Il est peu banal pour un élu de CSE ou un délégué syndical de se trouver auditionné par une commission d ‘enquête parlementaire. “En douze ans de mandat, cela ne m’était jamais arrivé”, nous a confié Sandrine Leménager (CFDT). Les représentants du personnel en retirent tous cependant une expérience enrichissante, même s’ils restent sans illusion sur son issue, en particulier dans le dossier du PSE du CCF. Tout en déroulant ses aspects historiques et économiques, les élus de CSE et représentants syndicaux se sont plaints devant le président et le rapporteur de la commission de n’être pas assez entendus et de ne pas obtenir de la direction un plan industriel consistant et détaillé pour l’avenir de la banque.

“Il faudrait que les pouvoirs publics soient plus intrusifs, même si c’est compliqué, et que les partenaires sociaux soient autre chose qu’une simple case à cocher. Le CSE devrait avoir plus de pouvoir, sans entrer dans la cogestion car notre organisation n’est pas formatée pour cela”, a recommandé Éric Poyet, délégué syndical FO (majoritaire) et élu au CSE du CCF. Pour Carole Cebe, titulaire des mêmes mandats pour FO, un point clé se trouve également dans la participation de représentants des salariés au conseil d’administration des entreprises. “Je siège également au conseil d’administration du CCF, mais nous ne sommes conviés qu’au moment des délibérations et c’est trop tard pour s’exprimer. A aucun moment le PSE n’y a été discuté. Il faudrait qu’on y participe vraiment, surtout en commission”, a-t-elle affirmé devant les députés.

L’élue FO regrette également que les autorités prudentielles du secteur bancaire, notamment l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n’ait pas légalement le droit de recevoir les organisation syndicales.

Devant la commission d’enquête, Edwige Desplanche (CFDT) fait également valoir “un accompagnement des pouvoirs publics insuffisant, des données fournies au compte-goutte et tardivement par les directions, des interventions de la Driets trop sommaires”. Elle ajoute : “Aucun levier n’est donné aux syndicats pour challenger la direction régionale de l’économie et du travail, je me demande en fait de quels moyens nous disposons pour limiter ces restructurations”. Côté SNB (Syndicat national de la banque, rattaché à la CFE-CGC), Delphine Deschênes rappelle qu’après un plan de départs et deux rupture conventionnelles collectives, “on a le sentiment qu’aucune mesure alternative en amont de ce plan n’a été tentée”.

“La banque perd 500 000 euros par jour”

La directrice des ressources humaines du CCF, Delphine de Mailly Nesle, et le directeur général, Niccolo Ubertalli, ont également été auditionnés par la commission d ‘enquête. Selon ce dernier, “la banque perd plus de 100 millions d’euros par en depuis 2017, et 500 000 euros par jour, ce n’est pas soutenable par aucune entreprise”. Il met en avant sa “volonté commune avec les syndicats de réduire le nombre de départs forcés et de pérenniser la banque”. Selon lui, d’importantes actions de formation via une “CCF Académie” ont permis de former 150 collaborateurs depuis sa mise en place en novembre afin de repositionner la banque sur le bon chemin.

Pour la CFTC, deuxième syndicat de l’entreprise, “le discours du dirigeant est resté conforme à la ligne qu’il adopte depuis le début du parcours social. Ses interventions étaient sans surprises, il est resté très vague sur la question de la rentabilité des agences dont la fermeture est envisagée”, a commenté auprès de nous Carine Harbeumont, élue CFTC au CSE. Pour Sandrine Lemenager (CFDT), “c’était une commedia dell’arte” de la part du dirigeant. “De plus, ces formations relèvent de l’affichage, quand on creuse, on voit qu’ils ont reformaté des formations existantes”.

Cet avis est également partagé à FO : “On est loin du compte, et ce n’est pas une véritable école contrairement à ce que son nom pourrait faire croire. Il faudrait un véritable approfondissement de la formation sur la banque patrimoniale pour appréhender l’avenir de la banque. Et nous n’avons rien reçu en CSE sur ce qui sera fait demain”, affirme Carole Cebe. Les élus FO remettent aussi en question les 500 000 euros perdus par jour : “C’est une contre-vérité affirmée pour faire peur et répétée aux salariés en interne. Si on regarde bien les données des commissaires aux comptes, on trouve un bénéfice de 2,3 milliards d’euros. C’est le cash lié à la vende d’HSBC, mais exceptionnel ou pas, cet argent existe”, martèle Eric Poyet.

Un accord de méthode et des équipes volantes

Les représentants du personnel n’attendront de toute façon pas les conclusions de la commission d’enquête pour tenter d’améliorer les contours du PSE. Un accord de méthode signé par FO et la CFTC a permis de rallonger de deux mois de délai de consultation du CSE et de fixer la fin des négociations syndicales au 7 juillet. La CFDT a refusé de signer l’accord en considérant les moyens accordés insuffisants.

Côté CSE, plus de six réunions extraordinaires se sont tenues depuis février. Selon Philippe Usciati, représentant CFDT au CSE, les discussions se sont centrées sur la définition des catégories professionnelles, qui sont passées de 200 à environ 150. “Le but est de diminuer le nombre de postes faisant l’objet d’un licenciement contraint. La réduction des catégories permet de regrouper certains emplois types et ainsi empêcher la direction de cibler certains salariés”. Selon lui, le CSE discute également des impacts de la réorganisation sur les salariés qui échapperont aux licenciements.

A ce titre, le cabinet d’expertise Technologia a rendu un pré-rapport d’expertise. Selon Carole Cebe, élue FO au CSE, “le pré-rapport indique qu’il manque 98 équivalents temps plein pour remplir les tâches que la direction envisage. Le document nous a aussi aidé à préserver les équipes volantes, c’est-à-dire les salariés qui remplacent au besoin ceux qui sont absents ou malades, cela représente 36 postes maintenus”. Au final, les différentes concessions mises bout à bout, 50 salariés pourraient être sauvés ainsi qu’une quinzaine d’agences. Les effets de la pondération des critères de départs pourraient encore être revus d’ici début juillet. Les représentants du personnel ne baissent donc pas les bras… 

Marie-Aude Grimont

ArcelorMittal : les élus CSE réclament informations et perspectives industrielles

14/05/2025

Les sidérurgistes de la CGT, Gaetan Lecocq (CGT), Jean-Charles Spillmaecker (FO), Pedro Pires (CFDT), Franck Remacly (FO)

Suite à l’annonce d’un PSE de 600 postes en France, le siège d’ArcelorMittal à Saint-Denis a accueilli hier la réunion du CSE central. Les syndicats en ont profité pour faire une démonstration de force et mettre la pression aussi bien sur la classe politique que la direction du groupe. Les élus de CSE se plaignent du manque d’information et réclament un véritable plan industriel français et européen.

Les autocars ont déversé des brassées de militants à l’appel de la CGT devant le siège français du sidérurgiste ArcelorMittal, hier à Saint-Denis, dans le nord de la banlieue parisienne. Venus de Dunkerque, Florange, Fos-sur-Mer, Nantes, Basse-Indre, avec casques, fumigènes, pétards et tenue de travail, leur intention était de mettre la pression sur la direction du groupe et sur les services de l’Etat en réclamant la suppression pure et simple du plan de sauvegarde de l’emploi de 636 postes annoncé par la direction.

Si la CGT s’est présentée en masse, nous avons pu également interroger des élus de CSE de la CFDT et de Force Ouvrière. Tous accusent ArcelorMittal de vouloir liquider son activité en Europe pour la relocaliser au niveau mondial. Ils s’opposent au PSE mais déplorent un défaut d’information des élus du personnel, en particulier sur l’organisation d’une véritable activité industrielle rénovée par le plan de décarbonation financé par l’État. Qu’ils soient titulaires au CSE central ou sur les différents sites d’Arcelor, ils oscillent entre amertume, espoir et combativité.

“On n’attend pas grand-chose du CSE central”

La réunion du CSE central au siège était l’occasion de frapper un grand coup, marquer les esprits et mobiliser la classe politique. Plusieurs représentants de La France Insoumise se sont présentés écharpe tricolore en bandoulière, comme Éric Coquerel, Manon Aubry ou Manuel Bompard. Fabien Gay, du Parti communiste, a également fait le déplacement pour soutenir la mobilisation. Une occasion en or pour les personnalités politiques d’afficher des préoccupations sociales, alors que les élus de CSE, en particulier à la CGT, se disent pour l’instant réservés sur les apports de la réunion du jour.

“On n’en attend pas grand-chose, ça va être une belle mascarade car on ne sait même pas quels postes vont être concernés. Il semble que les fonctions support et maintenance soient visées alors que nous sommes déjà en déficit de maintenance”, a affirmé Gaëtan Lecocq, élu CGT au CSE de Dunkerque, l’un des plus touchés par le plan social.

Laurent (qui a souhaité rester anonyme), est élu CGT au CSE sur le site de Nantes qui perdrait 20 % de ses postes sur 340 salariés. Il “attend de voir” ce qui peut sortir du CSE central et déplore l’absence d’information : “Ils nous tiennent dans le flou artistique. On sentait depuis plusieurs mois que cela allait venir et à chaque réunion du CSE, ils n’avancent pas, ils piétinent”. A Nantes, l’élu dénonce aussi le manque d’informations dans la base de données économiques et sociales.

À Florange, 113 postes seraient visés. Pour Pedro Pires, élu au CSE pour la CFDT, “on va essayer de l’annuler ce PSE, mais ce sera très compliqué. Au minimum, on veut limiter la casse sociale”.

Une présentation des postes concernés

Elu au CSE central d’Arcelor pour Force Ouvrière, et également au CSE du site de Mouzon, dans les Ardennes, Franck Remacly a participé à cette fameuse réunion du CSE central : “On a eu une présentation détaillée et remodelée des postes qui seraient supprimés. Ils souhaitent rassemblr deux secteurs pour n’en faire qu’un seul et toutes les activités seraient concernées”. Selon lui, la première réunion de négociation du PSE avec les délégués syndicaux se tiendrait entre fin mai et début juin. Mais négociation ou pas, il revendique “un plan industriel à la hauteur, pour donner une pérennité à la filière “. Il déplore également les normes européennes qui pénalisent la production d’acier tout en permettant l’importation de produits étrangers pouvant être plus polluants. Selon lui, le CSE reste un levier permettant de faire pression sur la direction et la classe politique.

Pour Jean-Charles Spillemaecker, élu FO au CSE central et au CSE de Dunkerque, “la réunion n’a pas donné beaucoup d’informations car il nous manquait des documents pour le livre 1 et 2”. Il précise que les suppressions concernent des postes et non des salariés directement licenciés. D’ailleurs, les représentants FO du personnel envoient un tract pour alerter les salariés que les managers ne peuvent pas leur annoncer leur licenciement : “C’est lors des négociations que sont définies les catégories d’emploi. La suppression de votre emploi ne signifie pas automatiquement que vous serez licencié”.

Sur le site de Dunkerque, la réunion du CSE doit se tenir ce vendredi 16 mai, après une première annulation faute de documents. “Dans notre CSE local, il n’y a rien dans la BDESE, ils sont incapables de donner les informations au niveau central, donc forcément on ne les a pas au niveau local”, déplore-t-il.

La nationalisation dans tous les esprits

Le 29 avril, le ministre de l’industrie Marc Ferraci s’est opposé à la revendication CGT d’une nationalisation d’Arcelor. Mais les élus continuent d’y penser. Christophe Paré, élu CGT au CSE du site de Florange défend ce projet malgré le refus du ministre : “La nationalisation, on la demande parce qu’on connaît Mittal. On sait que c’est un prédateur et qu’il va aller jusqu’au bout pour dégommer la sidérurgie en France”. David Blaise, délégué syndical central au Centre de services d’Arcelor et en charge de la politique industrielle pour la fédération de la métallurgie, s’accommoderait aussi d’une prise de contrôle de l’État au capital : “En Grande-Bretagne, ils ont mis 500 millions d’euros pour entrer au capital et conditionner le sauvetage de leurs hauts fourneaux au maintien des emplois. Cela a aussi été fait en Italie et je pense que ça peut être une solution”.

Histoire d’enfoncer le clou, la CGT de Dunkerque a fait travailler deux économistes sur une étude des plus sérieuses intitulée “Nationaliser les sites français d’ArcelorMittal”. Dans ce document d’une trentaine de pages, Tristan Auvray et Thomas Dallery, tous deux maîtres de conférence en économie, détaillent les causes des suppressions d’emploi et la configuration du marché mondial de l’acier. Selon eux, la nationalisation “pourrait n’avoir aucun impact budgétaire” grâce à l’action de la Banque publique d’investissement. L’opposition à la nationalisation serait selon eux “idéologique”. Pour la CGT de Dunkerque, nationaliser devrait coûter entre 5 et 10 % de la capitalisation boursière d’Arcelor. Selon Gaëtan Lecocq, élu au CSE de Dunkerque, “cela coûterait entre 500 millions et un milliard d’euros alors que les indemnités chômage des salariés d’Arcelor représenteraient 1,5 milliards d’euros à l’année”.

Paul Ribeiro, secrétaire fédéral à FO Métaux apporte cependant un point de vue différent : “J’ai l’impression qu’on se détourne des vrais sujets. Nous à FO, nous n’avons pas d’échéance électorale… Il faut un projet politique français et européen comme pour l’électricité ou le transport ferroviaire. Les questions sont les suivantes : que veut-on veut faire ? Garder des hauts fourneaux ? Pourquoi se retrouve-t-on avec des salariés au bord de la crise de nerfs à cause des plans sociaux ?”. Il émet également des doutes sur le bien-fondé de la décarbonation qui selon lui signifierait la fin de l’activité : “C’est une hypocrisie généralisée. Bien sûr nous voulons tous que nos enfants grandissent dans un environnement sain, mais la décarbonation cela signifie la disparition des hauts fourneaux, depuis les techniciens en aval jusqu’à l’aciérie”.

Les représentants syndicaux auditionnés à l’Assemblée nationale
Mardi 13 mai était aussi une journée marathon pour les représentants du personnel d’Arcelor, auditionnés à partir de 16h30 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la défaillance des pouvoirs publics en matière de plans sociaux.

Selon Jean-Marc Vécrin, coordinateur CFDT, “les restructurations ont commencé bien avant l’annonce du PSE sur Nantes, ou au Centre de services. Le CE européen n’a pas été informé à ce sujet. L’année dernière ils ont annoncé à Fos-sur-Mer un plan de 10 % des effectifs. Ce n’est qu’une première étape, on s’attend à des annonces en fin d’année. Il y a en réalité plusieurs procédures de restructuration, notamment une au niveau des fonctions support du groupe (1 500 emplois en Europe), une en France avec le plan “Réac” qui touche la production. Arcelor organise des consultations au coup par coup sans visibilité claire aux partenaires sociaux (…) avec pour les représentants du personnel l’impossibilité d’anticiper”.

David Thourey, délégué syndical central FO d’Arcelor a lui aussi souligné que le plan actuel “n’est que la partie visible de l’iceberg, d’autres plans sont en cours ou annoncé. Ils suppriment 308 postes à Fos, et ce n’est que la première vague”, avant d’ajouter que “la décarbonation, c’est l’arrêt des hauts fourneaux, un changement radical du processus de fabrication pour passer à des aciéries électriques. Mais quand on arrête un haut fourneau, c’est tout un écosystème industriel qui s’effondre”.

Xavier Le-Coq (CFE-CGC) a relevé que Marc Ferracci, ministre de l’industrie, a annoncé se rendre prochainement à Dunkerque. Le coordinateur CFE-CGC a aussi appelé à réunir toutes les parties prenantes : “À un moment, il faut réunir pouvoirs publics, syndicats, élus et direction. Il faudrait au moins le grand patron pour l’Europe car les centres de décision ne sont plus en France”.

Marie-Aude Grimont

Un montage frauduleux pour bénéficier indûment de l’activité partielle est sanctionnable pénalement

14/05/2025

Le chef d’entreprise qui, alors que son activité est à l’arrêt en raison de la pandémie de Covid-19, embauche en plein confinement des salariés et les place aussitôt en activité partielle se rend coupable de fraude en vue d’obtenir des prestations indues, passible de sanctions pénales.

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, début 2020, plusieurs millions de salariés français ont été placés en activité partielle, une procédure simplifiée de recours à ce dispositif ayant été mise en place. Rapidement, le ministère du travail a publié un communiqué pour rappeler aux entreprises les sanctions encourues en cas de recours frauduleux à l’activité partielle, par exemple pour des salariés pouvant télétravailler, ou en cas de déclaration de salariés fictifs. Cinq ans plus tard, la chambre criminelle de la Cour de cassation est saisie de contentieux relatifs à la responsabilité pénale de chefs d’entreprise déclarés coupables de fraude.

Des embauches pendant le confinement, avec placement immédiat en activité partielle

Dans cette affaire, en raison du confinement lié à la crise sanitaire, la société gérée par le prévenu a placé ses salariés en activité partielle, son activité professionnelle étant à l’arrêt. Mais entre le 1er mars et le 30 juin 2020, il a recruté 14 personnes, qu’il a immédiatement placées en activité partielle en demandant une indemnisation à ce titre. Selon lui, il s’agissait de recruter des salariés en attente de mission, afin de “se tenir prêt pour la reprise de l’activité post-confinement”. Or la convention collective des bureaux d’études, dont relevait l’entreprise, interdisait le recours à l’activité partielle pour les salariés en attente de mission.

Le délit de perception indue de prestations sociales

Pour la cour d’appel de Paris, saisie du litige, le chef d’entreprise a, en connaissance de cause, mis en œuvre un montage frauduleux pour s’attacher les services de salariés auxquels il n’allait fournir aucune activité immédiate, sans avoir à les rémunérer pendant la période de confinement, en les plaçant en activité partielle indemnisée par des allocations indues. Le délit de fraude en vue d’obtenir des prestations indues, réprimé par l’article L.5124-1 du code du travail, est donc caractérisé dans ses éléments matériel et intentionnel. La Cour de cassation approuve ce raisonnement, et confirme ainsi la condamnation du chef d’entreprise à une peine de 20 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal.

► Rappelons qu’au plan pénal, si une escroquerie est caractérisée, le prévenu peut en outre être condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (article 313-1 du code pénal). Le chef d’entreprise encourt en outre des sanctions administratives : remboursement des sommes perçues au titre de l’activité partielle et interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de cinq ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation (article L 8272-1 du code du travail). Par ailleurs, une proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques est actuellement en cours de discussion au Parlement.

La rédaction sociale

Le portail RSE se dote d’une fonctionnalité de comparaison fondée sur l’IA

14/05/2025

La Direction générale des entreprises (DGE) a développé, en lien avec l’incubateur d’Etat beta.gouv et la Direction interministérielle du numérique (DINUM), un portail gratuit qui permet aux entreprises de connaître et de répondre à leurs obligations réglementaires en matière de RSE. Le portail RSE est un outil de pilotage pour accompagner les entreprises dans leur mise en conformité avec les réglementations RSE, dont la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Concrètement il permet aux entreprises de :

  • s’informer sur leurs réglementations RSE applicables, grâce à une simulation pour connaître neuf obligations RSE ;
  • piloter leurs déclarations, en complétant directement leurs déclarations sur le portail ou sur les sites adéquats ;
  • faciliter la mise en conformité avec leurs réglementations RSE, les déclarations des entreprises étant pré-remplies avec les données déjà disponibles au sein de l’administration, dans la logique du “dites-le nous une fois”.

Le portail a également développé une nouvelle fonctionnalité qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour permettre aux entreprises de comparer leur situation actuelle avec une situation cible conforme aux normes européennes. 

Source : actuel CSE

Les chiffres de l’épargne salariale en 2023

15/05/2025

En 2023, 8,9 millions de salariés, dont 8,5 millions travaillent dans des entreprises de plus de 10 personnes, ont reçu une prime d’épargne salariale (participation, intéressement, abondement) pour un montant total de 26,7 milliards d’euros.

Sur 19,5 millions de salariés du secteur privé, 45,2 % d’entre eux, soit 8,9 millions, ont bénéficié en 2023 d’une prime d’épargne salariale, selon les dernières données de la Dares, la direction des statistiques et de la recherche du ministère du travail. Ce chiffre est en recul de 1,1 point par rapport à l’année précédente alors que le montant total distribué continue lui de progresser. Les primes, qu’il s’agisse d’intéressement (résultant des performances de l’entreprise), de participation (résultant des bénéfices de l’entreprise), d’abondement du plan d’épargne d’entreprise ou du plan d’épargne retraite collectif, ont atteint 26,7 milliards d’euros brut en 2023, soit 400 millions d’euros de plus en un an.

La part des salariés bénéficiaires est bien sûr plus importante dans les entreprises de 10 salariés et plus (53,6 %) que dans celles de moins de 10 salariés (9,4 %), mais ces chiffres ne permettent pas de savoir si la loi de 2023 aura incité ou non les PME de moins de 50 salariés à proposer de la participation à leurs salariés. 

Progression des montants 

Si l’on prend les seules entreprises de 10 salariés et plus (voir le tableau détaillé en fin d’article), le nombre de bénéficiaires d’une prime d’épargne salariale continue de progresser pour atteindre 8,5 millions (+ 1,5 % sur un an). Dans cette catégorie, le montant distribué atteint : 

  • 11,6 milliards d’euros pour l’intéressement (+  0,7 % en un an après + 3,4 % en 2022). Ces primes ont été versées à 5,6 millions de salariés (+ 0,7 % de bénéficiaires en un an après  + 3,4 % en 2022). Soit un montant moyen par bénéficiaire de 2 088€ ; 
  • 11,5 milliards d’euros pour la participation (+ 7,3 % en un an après + 10 % en 2022). Ces primes ont été versées à 5,8 millions de salariés (- 1,6 % de bénéficiaires en un an). Soit un montant moyen par bénéficiaire de 1 961€. A noter que 80 % des entreprises (et même 91 % des PME de 100 à 249 salariés) appliquent la formule légale pour le calcul de la participation ;  
  • 2 milliards d’abondement sur les plans d’épargne d’entreprise (PEE), bénéficiant à 2,5 millions de salariés, pour un montant moyen par bénéficiaire de 815€ ;
  • 800 millions sur les Perco (plan d’épargne retraite collectif) bénéficiant à 1,2 millions de salariés, pour un montant moyen par bénéficiaire de 657€. 

Au total, la moyenne des compléments de rémunération issu des dispositifs de l’épargne salariale a représenté, dans les entreprises de 10 salariés et plus, un montant de 3 039€ par bénéficiaire en 2023, après 2 920€ en 2022. 

Si les salariés ont la possibilité de percevoir sans tarder certaines sommes distribuées au titre de la participation et de l’intéressement, il faut noter que ces sommes ne représentent “que” 8,2 milliards d’euros (4,1 milliards pour l’intéressement et même montant pour la participation). En revanche, les sommes placées représentent 12,6 milliards (dont 6,2 pour l’intéressement et 6,4 pour la participation), soit une forte progression. La hausse de l’épargne sur un plan d’épargne d’entreprise (13,4 milliards, soit + 10,4 % en 2023 après + 17%  en 2022) se retrouve aussi sur le plan d’épargne retraite collectif (2,9 milliards, soit + 9 %).

Quelles évolutions en 2024 après la loi de 2023 ?

Il faudra suivre le prochain bilan de l’année 2024 pour voir si l’évolution du cadre légal de l’épargne salariale a déjà produit quelque influence. Rappelons que la loi du 29 novembre 2023 (transposant un accord national interprofessionnel du 10 février 2023) a prévu plusieurs changements comme, notamment : 

  • permettre aux entreprises de moins de 50 salariés de mettre en place un régime de participation volontaire dérogeant à la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) dans un sens moins favorable aux salariés. Les entreprises avaient jusqu’au 30 novembre 2023 pour conclure un accord de participation volontaire expérimental, cette expérimentation n’étant prévue que pour 5 ans, jusqu’en novembre 2028 ;
  • des modifications sur la participation comme l’extension des possibilités d’avances ;
  • des changements sur l’intéressement comme la légalisation des avances et d’un plancher et plafond de l’intéressement ; 
  • des nouveautés sur les plans d’épargne salariale et les plans retraite ;  
  • une nouvelle négociation en cas de bénéfice exceptionnel, etc. 

Source : actuel CSE

Travail temporaire : nouvelle dégradation en mars

15/05/2025

En mars 2025, l’emploi intérimaire, incluant les contrats de travail temporaires et les CDI intérimaires, s’établit à 670 000 équivalents temps plein (ETP) soit une diminution de 50 000 ETP par rapport à mars 2024, correspondant à un repli de 6,9 %. Cette tendance baissière s’inscrit dans la continuité des mois de janvier (-7,1 %) et février (-7,4 %), portant la moyenne trimestrielle à -7,1 %.

La baisse de l’emploi intérimaire touche l’ensemble des secteurs d’activité, avec toutefois des disparités notables. L’industrie et le BTP enregistrent une contraction identique de 3,5 % tandis que le tertiaire connaît des ajustements beaucoup plus marqués : -8,6 % pour le commerce, -9,6 % pour les services, -15,3 % pour le transport et la logistique.

Côté qualification, le recul de l’intérim impacte plus sévèrement les cadres et les professions intermédiaires (-10,1 %) ainsi que les employés (-17,9 %) tandis que les ouvriers, qu’ils soient qualifiés (-5,8 %) ou non qualifiés (-3 %), sont relativement moins affectés.

Source : actuel CSE

Bernard Domergue