Le transfert de plusieurs salariés au sein d’une société du groupe ne justifie pas forcément une expertise

19/05/2025

En l’absence de modification des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, le projet de transfert de contrats de travail au sein d’une autre société du groupe ne peut être qualifié de projet important. Pas d’expertise pour le CSE.

En septembre 2023, la direction de SFR engage un processus d’information-consultation de l’un de ses CSE dans le cadre d’un projet de transfert de l’activité assurance de la société SFR à une autre société du groupe, la société Intelcia France. Peu de temps après, le comité social et économique décide d’enclencher une expertise en invoquant l’existence d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. La mission est confiée au cabinet Sextant.

Rappel sur l’expertise en cas de projet important 

Le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 2315-94 du code du travail).

Cette l’expertise n’a rien d’automatique. Car ce qui détermine l’importance d’un projet, ce sont ses incidences sur les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Si l’employeur conteste, le CSE devra prouver que le projet envisagé par la direction rentre bien dans la catégorie des projets importants compte tenu des incidences qu’il est susceptible d’avoir pour les salariés (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-20.476).

Aux élus donc d’analyser le plus possible le projet en amont pour essayer d’anticiper les changements qu’il pourrait entraîner pour les salariés. Ce travail d’analyse est important car, si l’employeur conteste en justice la nécessité de l’expertise, il faudra convaincre le juge avec des éléments concrets. A défaut, la délibération du CSE sera annulée et il n’y aura pas d’expertise.

SFR veut faire annuler la délibération du CSE

Estimant que cette expertise n’était pas justifiée, la direction SFR décide de porter l’affaire en justice en vue de faire annuler la délibération du CSE.

Tout en admettant que le transfert des contrats de travail des 24 salariés concernés par la réorganisation envisagée n’aura pas d’effet immédiat sur les contrats de travail et le statut collectif, et n’entraînera ni changement de lieu de travail, ni modification dans l’organisation du travail de l’équipe, le tribunal judiciaire refuse d’annuler la délibération du CSE.

Car, pour le juge, “un changement d’employeur comporte en germe une modification des conditions de travail”. Ainsi, dès lors que “l’employeur ne s’est pas donné la peine de réaliser une étude de l’impact sur la santé des salariés”, le CSE pouvait légitimement s’appuyer sur l’expert en vue de “recueillir des informations auprès de la société pour compléter le document d’information”.

La Cour de cassation casse le jugement

Sans surprise, la Cour de cassation casse le jugement du tribunal judiciaire. Elle en profite pour rappeler “qu’il n’y a pas un droit général à l’expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L. 2315-94 du code du travail sont réunies”.

Autrement dit, pas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, pas d’expertise.

Dans notre affaire, en l’absence de modification des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, le projet de transfert des contrats de travail 24 salariés au sein d’une autre société du groupe ne pouvait donc être qualifié de projet important au sens de l’article L. 2315-94, 2°, du code du travail justifiant le recours à une expertise. Comme le faisait valoir l’employeur, le CSE aurait donc dû “identifier de façon précise et concrète les modifications importantes découlant du transfert des contrats de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail“.

Frédéric Aouate

La trésorière d’un CSE condamnée à 2 ans de prison avec sursis

20/05/2025

Pour avoir détourné les fonds du CSE, une élue, trésorière de l’instance, a été condamnée par le tribunal judiciaire de Pontoise à deux ans de prison avec sursis et à rembourser plus de 600 000€ au comité social et économique. La salariée, en situation dépressive, aurait multiplié les achats compulsifs.

Malgré l’obligation de transparence qui s’impose aux élus du personnel (lire notre encadré), des affaires de détournement de l’argent du CSE, cela existe. Mais peu paraissent aussi accablantes et désolantes que celle-ci, qui concerne l’Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) du Val d’Oise. Avec plus de 900 salariés pour 2 550 personnes accueillies dans 23 établissements, l’Apajh se présente comme “la plus importante association intervenant dans le champ du handicap au Val-d’Oise”.

L’ancienne trésorière du comité social et économique de l’association, élue CFDT, a été condamnée le 14 mai par le tribunal judiciaire de Pontoise à une peine de 2 ans de prison avec sursis (Ndlr : le jugement n’a pas encore été édité). Elle devra aussi rembourser 630 000€ au CSE et payer 118 000€ à l’Urssaf, un redressement sur les cotisations sociales liées à ces achats, soit plus de 740 000€.

L’expert-comptable du CSE, qui avait validé les comptes, écope pour sa part de 5 mois de prison avec sursis pour faux et à 5 ans d’interdiction d’exercice de sa profession, rapporte le Parisien

Des achats compulsifs avec la carte du CSE

Jusqu’à ce que l’affaire soit révélée à l’occasion d’un contrôle de l’Urssaf, contrôle dont le résultat a conduit la directrice de l’association à porter plainte en juin 2022, les détournements opérés par cette salariée de 49 ans, comptable de profession et trésorière du CSE, ont duré 4 ans, de 2018 à 2022, pour atteindre un montant global de 630 000€, sans susciter visiblement de réactions internes alors que le CSE compte 14 élus titulaires. D’autres élus ou salariés auraient-ils bénéficié de ces détournements ? L’enquête n’a pas permis de l’établir.

Pourtant, selon Jane Peissel, l’avocate de la salariée que nous avons joint par téléphone vendredi 16 mai, les détournements opérés n’avaient “rien de très sophistiqué” : l’élue faisait de très nombreux achats en réglant directement avec la carte bancaire ou le chéquier du CSE sur des sites marchands, qu’il s’agisse de vêtements, de bijoux, de séjours touristiques, quand elle ne procédait pas directement à des retraits de liquidités.

C’est donc le cumul de ces dépenses qui aboutit à un montant aussi impressionnant. L’avocate voit d’ailleurs mal comment sa cliente pourrait être en mesure de procéder à ces remboursements. Après son licenciement, elle vit aujourd’hui d’une allocation d’adulte handicapée. D’autre part, ces ardoises s’ajoutent à celle du fisc, qui considère comme autant de salaires non déclarés les dépenses qu’elles a faites via ces détournements.

Une dépression ?

Lorsqu’elle procédait à ces achats, la salariée, selon son avocate, était souvent en arrêt maladie, car soignée pour dépression, celle-ci étant consécutive, selon sa défenseure, à une situation de souffrance au travail. L’avocate évoque également une expertise psychiatrique laissant entendre que sa cliente souffrait de bipolarité : la conscience de la salariée aurait donc été altérée au moment des faits.

Une lecture des faits qui ne convainc pas Arlette Giraud, la présidente de l’association, jointe lundi 19 mai au téléphone. La présidente du CSE explique avoir eu des doutes depuis longtemps sur la gestion du CSE : “Je ne comprenais pas comment, en versant 300 000€ de dotation par an pour le budget d’activités sociales et culturelles du CSE, les salariés recevaient aussi peu, de l’ordre d’un chèque-vacances de 80€ par an”. 

Ces doutes ont été renforcés, nous explique-t-elle, par le manque d’informations et de données comptables lors du passage d’une mandature du CSE à une autre, alors qu’un bilan précis de gestion est requis, mais, dit-elle, “l’inspection du travail à laquelle j’en ai parlé m’a objecté que l’employeur n’avait pas accès aux comptes du CSE”. L’employeur saisit alors l’opportunité d’un contrôle Urssaf de son association pour faire part de ses doutes à l’inspectrice, qui met alors au grand jour les faits de détournements, ce qui incite Arlette Giraud, dont l’association reçoit des fonds publics, à porter plainte pour détournement de fonds publics et abus de biens sociaux. 

700€ à 800€ de moins pour chaque salarié

“Les détournements, cela représente au total 700 à 800€ en moins pour chaque salarié”, calcule Arlette Giraud qui aurait aimé que la peine prononcée par le tribunal soit plus forte et qu’elle soit assortie d’un strict contrôle judiciaire.

Cette affaire pose une fois de plus la question des règles collectives que se donne l’instance pour l’engagement des dépenses, notamment celles liées aux activités sociales et culturelles, et la question des contrôles de ces dépenses, le CSE devant présenter chaque année un rapport de gestion. 

Obligations comptables du CSE : un rapport annuel et un rapport en fin de mandature
► Chaque année, tout CSE, quel que soit le niveau d’obligations comptables auquel il est soumis (*), doit établir un rapport “présentant des informations quantitatives sur ses activités et sa gestion financière, de nature à éclairer l’analyse des comptes par les membres élus du comité et les salariés de l’entreprise” (art. L. 2315-69 du code du travail).

La présentation de ce rapport de gestion peut être définie dans le règlement intérieur du CSE. Il vise donc à informer élus et salariés sur l’utilisation des budgets de fonctionnement et d’activités sociales et culturelles de l’instance mais aussi sur l’organisation du comité. 

► Les comptes annuels du CSE doivent, d’autre part, faire l’objet d’une approbation en réunion, dans une réunion exclusivement consacrée à ce thème, et ce au plus tard 6 mois après la clôture de l’exercice.

► Par ailleurs, le CSE doit établir un bilan de sa gestion sur les 4 années écoulées à destination des nouveaux élus (art. R. 2315-39). : l’évolution des ressources, des dépenses et de l’éventuel patrimoine du CSE, changements d’activités, etc. 

Même si aucun délai légal n’est prévu, ce compte-rendu de fin de mandat est généralement présenté au cours de la première réunion du CSE. Cette présentation peut se dérouler ainsi : le trésorier sortant, qui aura été convié à la réunion s’il n’est plus membre du nouveau comité, expose au nouveau comité la situation financière du comité d’entreprise budget par budget et répond aux éventuelles demandes d’éclaircissements des membres du CSE ; s’il n’y a aucune difficulté particulière, le nouveau comité approuve les comptes et donne quitus à l’ancien CSE. Il existe peu de jurisprudence sur cette question. Notons néanmoins qu’en cas de carence totale du précédent comité ou encore si le compte rendu semble insuffisant, un nouvel élu pourrait demander en justice la désignation d’un expert judiciaire afin d’examiner la gestion passée (Cass. soc., 13 déc. 1994, n° 91-13.026). Par ailleurs, cette obligation de remise des documents à l’occasion de la reddition des comptes ayant été édictée au profit du comité lui-même pour assurer la continuité de son fonctionnement, l’employeur, président du comité, ne peut donc pas intenter une action en justice pour forcer l’ancien trésorier à fournir ces pièces sans mandat spécial du comité d’entreprise pour agir en son nom (Cass. soc., 1er juin 2010, n° 09-12.758, n° 1135 FS – P + B).  

(*) Les CSE modestes (- de 153 000€ de budget) peuvent se contenter d’une comptabilité très simplifiée, contrairement aux CSE moyens (au moins 153 000€ de ressources et 1,5 M€ de bilan ou 50 salariés employés) et aux gros comités (3,1 M€ de ressources, 50 salariés, 1,5 M€ de bilan).   

Bernard Domergue

“Dans les plans sociaux récents, le nombre de salariés licenciés augmente nettement”

20/05/2025

De gauche à droite, Jade Castaner, et Antoine Rémond, respectivement Chargée d’études en économie et Responsable du Pôle Etudes & Prospective au Centre Etudes & Data du Groupe Alpha

Plans de sauvegarde de l’emploi plus concentrés, dispositifs de partage de la valeur peu efficients, incertitude sur les seniors : Antoine Rémond et Jade Castaner, respectivement responsable du Pôle Etudes & Prospective et chargée d’études économiques au Centre Etudes & Data du Groupe Alpha, analysent à travers leur dernière note de conjoncture les grandes tendances du marché du travail.

Votre dernière note de conjoncture met en avant une croissance économique fragile et un ralentissement de l’emploi. L’année 2025 annonce-t-elle le retour des plans sociaux ?

Antoine Rémond : C’est déjà le cas car après avoir atteint en 2022 son plus bas niveau, le nombre de plans de sauvegarde pour l’emploi est reparti à la hausse en 2023 (400 PSE validés ou homologués par l’administration) et 2024 (564 PSE).

 Le nombre de PSE est reparti à la hausse en 2023 et 2024

Ce chiffre est le plus élevé depuis 2017, excepté en 2020 et 2021 en raison de la crise liée au Covid, mais il reste inférieur à celui des années 2014-2016, qui affichaient plus de 700 PSE par an. Depuis la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, la diversification des outils juridiques à disposition des entreprises a, en effet, considérablement modifié le paysage des restructurations : on assiste à un recul des PSE au profit de procédures négociées à l’instar des plans de départs volontaires, des ruptures conventionnelles individuelles et collectives, même si ces dernières sont plus marginales (entre dix et trente par trimestre).

En revanche, et c’est ce qui est nouveau, si le nombre de PSE reste contenu, leur ampleur s’accroît significativement : on observe une nette augmentation du nombre de salariés licenciés lors de ces PSE, avec près de 100 personnes en moyenne.  Si l’on met de côté l’année 2021, en raison du contexte particulier lié à la pandémie de Covid – ce nombre avait alors atteint 103 – c’est un record.

Les seniors constituent-ils toujours la variable d’ajustement de ces PSE ?

Antoine Rémond : On ne peut que le déplorer. Deux ans après la réforme des retraites, alors que l’âge d’ouverture des droits a été relevé de neuf mois, les grandes orientations sur l’emploi des seniors n’ont toujours pas été précisées, laissant les entreprises dans une incertitude persistante.

Il aurait été plus judicieux de discuter des questions d’emploi des seniors avant la réforme des retraites 

La méthode pose question. Il aurait été plus judicieux de discuter des questions d’emploi des seniors avant la réforme des retraites, quitte à faire celle-ci quelques mois plus tard. Il n’y a pas aujourd’hui de politique publique visant à favoriser l’emploi des seniors. Il faudra donc attendre le vote du projet de loi transposant l’accord interprofessionnel du 14 novembre 2024 (l’examen débutera au Parlement le 5 juin) pour que le cadre évolue.

Qu’attendez-vous de ce texte ? Et plus particulièrement du CDI seniors ? 

Antoine Rémond : Le CDI senior apparaît peu différent du CDD seniors, instauré par l’Accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005. D’une durée initiale de 18 mois, renouvelable une fois, ce contrat, ouvert aux demandeurs d’emploi âgés de plus de 57 ans (soit trois ans avant l’âge légal d’alors), est resté très confidentiel.

Un engagement plus fort des entreprises en faveur de l’emploi des seniors pourrait alors engendrer un recours plus important à ce type de contrat 

Le CDI seniors présente pourtant les mêmes caractéristiques : il est accessible, dès 60 ans (57 ans avec accord de branche), soit trois ans avant l’âge légal de départ à la retraite en vigueur (quatre ans avant une fois son relèvement achevé). Il y a très peu de différences. Du point de vue de sa conception même, rien ne permet donc d’anticiper un plus grand succès. Le contexte peut toutefois jouer. Un engagement plus fort des entreprises en faveur de l’emploi des seniors pourrait alors engendrer un recours plus important à ce type de contrat.

Vus notez une augmentation des salaires réels. Toutefois, vous observez que cette hausse ne compense pas les pertes cumulées de pouvoir d’achat. Pourquoi ?

Jade Castaner : La décrue de l’inflation ne signifie pas que les prix baissent. Après une période historique d’inflation de 2021-2022, la croissance des salaires a légèrement dépassé celle des prix, depuis 2024, ce qui ramène le pouvoir d’achat des salariés en territoire positif. Mais ce rattrapage reste insuffisant pour compenser les pertes passées et relancer la consommation.

Ce rattrapage reste insuffisant pour compenser les pertes passées 

De plus, la croissance reste fragile (avec une prévision de 0,7 % en 2025). Elle est freinée par le ralentissement des investissements et par la rigueur budgétaire, ce qui ne plaide pas pour rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés. Ainsi, même si l’inflation baisse, les marges de manœuvre des entreprises restent limitées pour augmenter les salaires.

La loi sur le partage de la valeur du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, n’a pas permis de soutenir le pouvoir d’achat des salariés ? Que constatez-vous ?

Antoine Rémond : Ce texte a joué à la marge. D’autant qu’en 2024, le gouvernement, qui avait jusqu’ici cherché avec la prime de partage de la valeur (PPV) à favoriser le pouvoir d’achat immédiat et la consommation, a décidé d’aligner son régime fiscal et social sur celui de l’intéressement/participation, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il y a donc une forme de redondance entre ces dispositifs. Pourquoi, dans ce cas, recourir à une telle prime quand les entreprises peuvent verser des suppléments d’intéressement/participation déconnectés des formules de calcul des accords ?

 La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 porte d’ailleurs un nouveau coup à cette PPV, qui pourrait s’avérer fatal

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 porte d’ailleurs un nouveau coup à cette prime, qui pourrait s’avérer fatal avec son intégration dans l’assiette de calcul de la réduction générale des cotisations sociales. Cette mesure aura un coût significatif pour les entreprises car nombreuses sont celles qui n’ont pas eu connaissance de ce changement, étant donné les conditions chaotiques de l’adoption du budget et la faible publicité faite à cette mesure. Il eût été plus opportun – en tous cas moins douloureux pour les entreprises – de supprimer directement la PPV en l’annonçant suffisamment en amont pour qu’elles aient le temps d’anticiper cette extinction et de modifier leurs pratiques de rémunération en conséquence. Cela aurait été l’occasion d’en profiter pour valoriser les suppléments d’intéressement et de participation.

Jade Castaner : Notre étude sur les rémunérations de février dernier confirme cette décroissance : 22 % des entreprises de l’échantillon des 630 accords ont intégré cette PPV, contre 30 % lors des NAO 2024. De plus, les montants sont plus faibles : 660 euros en 2025, contre 862 euros en 2024. Cette tendance est similaire parmi les accords analysés début 2025.

Mais quid dans ce cas des PME ne disposant pas de tels accords ?

Jade Castaner : Il est important, en revanche, de pérenniser la PPV dans les entreprises de moins de 50 salariés. Deux raisons à cela : tout d’abord, la part des entreprises de moins de 50 salariés couvertes par un accord d’intéressement ou de participation stagne à un niveau inférieur à celui du début des années 2000 malgré plusieurs mesures de simplification pour y favoriser le développement de ces dispositifs.

 Il est important de pérenniser la PPV dans les entreprises de moins de 50 salariés

Ensuite, les petites entreprises sont celles qui négocient le moins sur les NAO, ne serait-ce que parce que les organisations syndicales y sont moins présentes. Or, les hausses de salaires sont plus fortes dans les entreprises ayant conclu des accords.

Anne Bariet

Investissements étrangers en France : des annonces record mais une baisse de 14 % des projets en 2024

20/05/2025

À l’occasion du sommet “Choose France” organisé hier par l’Elysée à Versailles, plusieurs annonces d’investisseurs étrangers en France ont eu lieu pour un montant total de 37 milliards d’euros (dont 17 milliards pour la seule intelligence artificielle), correspondant à 13 000 emplois. Exemples : l’américain Prologisp promet 6,4 Mds€ pour la construction d’entrepôts et datas centers, Microsoft évoque 4 Mds€ pour un data center à Mulhouse et des agrandissements de sites à Paris et Marseille, Amazon avance 1,2 Mds€ et 3 000 emplois, Sanofi (qui vient d’annoncer 20 Mds d’investissement aux USA d’ici 2030) promet 1,1 Md€ pour une nouvelle usine à Vitry-sur-Seine, etc. 

Si le montant total de ces annonces représente un record, il reste que l’environnement politique hexagonal et surtout international semble changer la donne.

Ainsi, si la France reste, pour la sixième année consécutive, la première destination européenne pour les projets d’investissements (avec 1 025 projets en 2024) selon le baromètre EY, les investissements étrangers en France et en Europe ont diminué pour la deuxième année consécutive et sont désormais à leur niveau le plus bas depuis neuf ans : 5 383 projets ont été annoncés en Europe en 2024, soit une baisse de 5 % par rapport à 2023, la baisse atteignant 14 % en France, une baisse encore plus forte pour le nombre d’emplois créés par ces investissements (- 23 %, avec seulement 30 emplois créés par projet en France en 2024, contre 48 en Allemagne et 125 en Espagne). La France bénéficie toujours d’atouts importants (“taille du marché, innovation, compétences, infrastructures et qualité de vie”), mais ces atouts se heurtant, analyse EY qui brocarde aussi le coût du travail et un code du travail jugé encore trop protecteur, “aux impératifs du court terme (rentabilité, stabilité, énergie et moyens disponibles pour la transition écologique)”. 

Selon ce baromètre, l’Europe est distancée par les Etats-Unis. “Le nombre d’emplois créés par ces investissements étrangers en Europe a diminué de 16 %. Dans le même temps, ils ont progressé d’environ 20 % aux Etats-Unis, les investisseurs étant attirés par les conditions du programme IRA et les « promesses » pro-business formulées par Donald Trump. Le nombre de projets annoncés par les investisseurs américains en Europe a diminué de 11 % par rapport à 2023 et de 46 % par rapport à 2021”, note EY.

Source : actuel CSE

Stellantis Poissy : la direction remet un plan d’activité aux élus de CSE

21/05/2025

Brahim Aït Athman, BrahimLoujahdi, Jean-Pierre Mercier, Laurent Oechsel, Jonathan Dos Santos

Après plusieurs mobilisations syndicales pour alerter sur la situation du site de Stellantis à Poissy (Yvelines), la direction a présenté hier un plan d’activité de moyen terme en CSE extraordinaire. Tour d’horizon de cette proposition et réactions syndicales.

Le site est issu du constructeur Ford, installé en 1937. Les historiens de l’automobile affirment que Poissy a vu passer neuf marques différentes, de Simca à Peugeot, en passant par Chrysler. Une association retrace même les différentes collections de véhicules et les propose en location. C’est dire si ce site présente une forte identité dans le monde auto. Pour Brahim Aït Athmane, élu au CSE local et au CSE central chez FO (majoritaire avec 35 % de représentativité), c’est même “une fierté ouvrière” qui lui fait dire : “Poissy, c’est un territoire qui respire”.

Le représentant du personnel a même organisé le 15 mai dernier un “barbecue solidaire” dans la pure tradition, réunissant salariés et personnalités politiques afin d’alerter sur l’avenir de Stellantis Poissy. Sur l’immense parking, la maire de la ville, Sandrine Berno Dos Santos, le député renaissance Karl Olive et le président du Conseil départemental Pierre Bédier ont répondu présents. Objectif de ces prises de parole : réclamer un avenir industriel pour le site de Poissy et ses 2 500 salariés. La direction de l’entreprise semble avoir entendu cet appel et celui des autres syndicats du site : en CSE extraordinaire ce mardi 20 mai, elle a présenté un plan d’activité de moyen terme.

Ferrage, emboutissage, recyclage

Jusqu’à présent, l’inquiétude des salariés et représentants du personnel se nourrissait de l’annonce d’un arrêt de la production de l’Opel Mokka. Autre motif d’inquiétude : des échos sur la fin de la DS3 dont la version électrique serait construite en Espagne.

Et pour ne rien arranger à ce climat anxiogène, une rumeur (que certains qualifient de “fake news”) largement relayées dans la presse selon lesquels le club de football du Paris Saint-Germain, géographiquement proche, lorgnerait sur les 104 hectares de l’usine pour installer son futur stade en lieu et place des chaînes de montage.

L’idée ne rebute pourtant pas la CFTC, 2e syndicat du site (autour de 21 %). Selon Brahim Loujahdi qui en préside le syndicat, “si cela engendre des emplois en plus, pourquoi pas”. La direction de Stellantis ne serait cependant pas revenue hier sur cette hypothèse.

Elle a en revanche précisé ses intentions et présenté aux élus de CSE une liste des activités étudiées :

  • Augmentation des activités d’emboutissage avec intégration de nouvelles gammes ;
  • Accroissement de l’activité dédiée à la préparation de véhicules neufs ;
  • Activité de pièces et services avec emboutissage, ferrage, préparation au montage et “hub batteries” ;
  • Augmentation de l’activité de véhicules dédiés au “parc presse” (des véhicules spécialement conçus pour l’activité des journalistes) ;
  • Une nouvelle activité d’économie circulaire avec démontage de véhicules pour valoriser des pièces détachées.

Selon l’élu de CSE Brahim Aït Athmane (FO), les coûts de production seraient réduits de 30 % et Poissy deviendrait le site de Stellantis le plus performant en termes d’absence de défauts par véhicule. Il ajoute que les cadences seraient fixées à deux fois 30 véhicules par heure jusqu’à fin 2025. L’élu attend désormais la nomination officielle du nouveau CEO (Chief Executive Officier, le principal dirigeant) qui devra fixer des chiffres très attendus : le nombre de salariés et de postes équivalents créés pour ces activités. Ces données sont espérées pour fin octobre 2025.

Les syndicats entre “fierté du chemin parcouru” et déception

À FO, l’élu de CSE Brahim Aït Athmane se dit “fier du chemin parcouru” et considère la réunion d’hier comme “une étape décisive” : “Aujourd’hui, une transformation est engagée et le cap affirmé, le scénario d’une reconversion industrielle est désormais officiellement étudié”. L’élu compte sur un objectif de 50 embauches en 2025, une rationalisation des bâtiments et la modernisation des installations, le tout dynamisé par un investissement stratégique de 70 à 80 millions d’euros pour réaliser la peinture d’un nouveau véhicule. Il vise même ce qu’il appelle “l’après 2027” avec les activités d’emboutissage, la production de pièces et l’économie circulaire.

En revanche, la réunion du CSE ne donne satisfaction “qu’à moitié” au délégué syndical CFTC Brahim Loujahdi : “Nous demandons ces choses depuis plusieurs années, elles répondent en partie à nos préoccupations mais pas à 100 % car le directeur du site, Éric Ann, n’a pas donné de date et on ignore le nombre de postes concernés”. En revanche, le dirigeant aurait laissé comprendre que d’ici trois mois, le CSE serait de nouveau convoqué et se verrait informé de nouveaux détails.

À la CFE-CGC, première organisation chez les cadres, le délégué syndical central Laurent Oeschel semble aussi en demi-teinte : “Nous saluons cette étape clé mais nous avons exprimé des attentes claires, notamment le maintien durable des activités industrielles, leur diversification avec des investissements concrets, la transparence totale sur les projets et un accompagnement solide pour les salariés”.

Les représentants Sud ne l’entendent cependant pas de cette oreille. Pour Jean-Pierre Mercier (ex-CGT), la direction a au contraire “reconnu que le PSG est un client potentiel et n’a annoncé aucun projet après l’Opel Mokka”. Il en déduit que le projet de fermeture de l’usine est sur les rails et a demandé une audition à la maire de Poissy, Sandrine Berno Dos Santos, lundi 26 mai à 11h30.

Côté CGT, Jonathan Dos Santos, secrétaire du syndicat du site, juge que la direction “n’a pas vraiment fait d’annonce officielle, ils ne sont qu’en train d’y réfléchir”. La CGT de Poissy vise la construction d’un petit véhicule hybride comme le revendique aussi la fédération CGT de la métallurgie. Mais pour l’heure, Jonathan Dos Santos nous assure préparer des mobilisations, des actions et des débrayages. Il estime que les activités annexes ne pourvoiront pas autant d’emploi que la production pure.

Selon Brahim Aït Athmane, le personnel cadre a été informé hier des nouveaux projets. Les lignes de montage ont également été arrêtées pendant 14 minutes afin de transmettre les informations aux salariés. Il faudra sans doute attendre quelques mois pour vérifier les annonces des dirigeants. Salariés et élus du personnel, eux, semblent bien déterminés à obtenir un avenir automobile pour leur usine. Comme l’a conclu le secrétaire fédéral FO Olivier Lefebvre : “Ici, c’est Poissy et rien d’autre”.

Marie-Aude Grimont

Les seuils dissuadent-ils les entreprises de créer des emplois ? Pas sûr du tout !

21/05/2025

Les seuils légaux qui imposent de nouvelles obligations sociales, comme celui du CSE dès 11 et 50 salariés, dissuadent-ils les employeurs de créer des emplois ? France Stratégie tente de répondre à cette question par la voie statistique. Réponse : si effet il y a, celui-ci serait modeste.

Depuis le 1er janvier 2020, sous l’effet de la loi Pacte, les principaux seuils d’effectifs sont regroupés sur trois niveaux : 11, 50 et 250 salariés. En outre, un délai est donné à l’employeur pour s’adapter. Par exemple, lorsqu’une entreprise ayant un CSE dépasse 50 salariés, le CSE ne peut exercer ses nouvelles attributions qu’au bout de 24 mois (art. L. 2312-2 du code du travail), idem pour les obligations CSE liées au passage à 300 salariés. Pour d’autres obligations, la loi Pacte a même porté ce délai à 5 ans.

Il est néanmoins régulièrement question dans le débat public de relever ces seuils afin de lever des freins à la croissance des entreprises, comme on l’a vu avec le rapport parlementaire sur la simplification, qui proposait un net relèvement des obligations liées au CSE. Mais ces seuils d’effectifs, qui correspondent à des obligations sociales (création d’un CSE dès 11 salariés, passage à un CSE doté d’un budget dès 50 salariés, etc.) ont-ils réellement un effet dissuasif sur la croissance des sociétés ? C’est pour répondre à cette question que France Stratégie, un service d’évaluation et de prospective rattaché au Premier ministre, a mené une enquête statistique, dont les résultats sont parus le 22 avril 2025. 

En exploitant les liasses fiscales des entreprises, France Stratégie décèle un effet de seuil visible autour de 10 salariés, effet qui s’amplifierait autour de 20 et 50 salariés : par exemple, des nombreuses entreprises emploieraient 48 ou 49 salariés, et très peu 50 ou 51 salariés. Mais, tempère tout de suite l’organisme, cet effet de seuil parait contestable car “les chiffres émanant des déclarations fiscales sont de qualité médiocre, leur déclaration étant facultative, ils ne sont pas vérifiés”. Ces chiffres font d’ailleurs défaut dans un tiers des déclarations. Les déclarations sociales fournissent pour leur part des chiffres exhaustifs et vérifiés. Et ces données conduisent elles au constat opposé : aucune anomalie n’apparaît liée aux seuils.  

Un moindre dynamisme

Cependant, France Stratégie met en évidence “un moindre dynamisme des entreprises de 36 à 39 salariés à passer le cap des 40 salariés” ainsi que “des entreprises de 40 à 45 salariés et de 46 à 49 salariés à passer le cap des 50 salariés”.  L’organisme suppose que le seuil de 50 salariés ne serait pas seulement dissuasif pour les entreprises proches du seuil, mais aussi pour celles ayant des tailles éloignées, comme 30 salariés. Autrement dit, il y aurait “trop” d’entreprises de 30 à 49 salariés, et pas assez au-dessus de 50 salariés : “Si on compare la distribution des entreprises par effectifs à une distribution théorique attendue, on décèle un surnombre d’entreprises sont la taille se situe entre 30 et 50 salariés”.

Une analyse qui semble toutefois nuancée par ce constat : “Sur les périodes 2018-2021 et 2019-2022, un nombre important d’entreprises atteint la dizaine (de salariés, Ndlr) supérieure par rapport aux périodes précédentes. Plus que la modification des la législation sur les seuils avec la loi Pacte, c’est le dynamisme du marché de l’emploi qui fournit l’explication la plus probable”. Autrement dit, si effet du seuil il y a sur la croissance des entreprises de 30 à 50 salariés, il serait “modeste” par rapport à la déterminante du marché de l’emploi.

France Stratégie tente ensuite de voir si les entreprises mettent en œuvre des stratégies de contournement des seuils, par exemple en créant une filiale, en robotisant davantage pour éviter la création d’emplois, ou en recourant davantage à des contrats n’entrant pas dans le calcul des effectifs permanents. 

Pas de contournement avéré

Premier point : il ne semble pas exister de tendance à filialiser entre 30 et 50 salariés, peut-être “du faut des limites juridiques au contournement des seuils par la filialisation”, une décision de justice pouvant ordonner la création d’une unité économique et sociale (UES).

Deuxième point : l’étude ne décèle aucune tendance à substituer du capital (des machines) au travail.

Troisième point : le recours aux stages, apprentissages et emplois aidés ne semble pas augmenter à l’approche des seuils ni dans la tranche de 30 à 50 salariés. 

En conclusion, France Stratégie estime qu’il n’existe pas de stratégie de contournement des entreprises pour éviter les seuils mais qu’il pourrait se produire un effet freinant la croissance des entreprises dès 30 salariés, “même après la mise en place de la loi Pacte”. Toutefois l’organisme reste prudent : “Ces effets mériteraient une nouvelle étude qualitative approfondie pour en comprendre les raisons”. Voilà une conclusion très prudente qui n’apportera guère d’eau au moulin des partisans d’une nouvelle simplification des obligations pesant sur les entreprises. À ce propos, le projet de loi dit de simplification revient à l’Assemblée le 30 mai…

Bernard Domergue

Pas de consultation du CSE en cas de licenciement d’un candidat aux élections professionnelles

22/05/2025

Un avis du Conseil d’État précise que le licenciement envisagé d’un candidat aux fonctions de membre élu du CSE ne requiert pas la consultation préalable du comité. La portée de cette décision sur d’autres situations reste à préciser.

En 2008, une recodification du code du travail a été opérée. Certaines dispositions ont disparu, mais le principe de la “recodification à droit constant” impliquait le maintien de ces dispositions. En effet, la recodification était censée être une simple réorganisation du code du travail. En 2017, les ordonnances Macron ont à leur tour largement remanié le code du travail, et en particulier les parties relatives au droit collectif, fusionnant le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, dans le CSE. Et cette fois-ci il s’agissait bien d’une réforme, modifiant les dispositions du code du travail. On a donc pu se demander si les dispositions disparues en 2008, et qui ne sont pas réapparues en 2017 restaient bien applicables conformément à ce principe du “droit constant”.

Le Conseil d’État apporte un élément de réponse à cette question dans un avis du 16 mai 2025 mentionné aux tables du recueil Lebon et publié au Journal officiel du 21 mai 2025, au sujet de la consultation du CSE dans le cadre de la procédure applicable au licenciement du candidat aux élections professionnelles.

Plus de texte après la fusion des IRP

Le Conseil d’État est saisi par une cour administrative d’appel d’une demande d’avis, conformément à l’article L. 113-1 du code de justice administrative. Il lui est demandé si “les dispositions de l’article L. 2421-3 du code du travail dans leur rédaction issue des ordonnances n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, lesquelles procèdent notamment à la fusion des instances représentatives du personnel, requièrent-elles toujours, pendant le délai de six mois prévu à l’article L. 2411-7 du code du travail, la consultation préalable du comité social et économique avant qu’un employeur ne demande à l’inspection du travail l’autorisation de licencier un salarié candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel de ce comité, à l’instar de celles en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2018, telles qu’issues de la recodification, à droit constant, des dispositions de l’article L. 436-1 du code du travail abrogées par l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007″.

En d’autres termes : la réforme des institutions représentatives du personnel issue des ordonnances Macron a-t-elle “écrasé” les anciennes dispositions du code du travail, recodifiées à droit constant ?

Et la réponse est oui : “S’il est vrai qu’une telle consultation était exigée sous l’empire des dispositions antérieures à la réforme des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise à laquelle les ordonnances prises en application de l’article 2 de la loi du 15 septembre 2017 ont procédé, aucune des dispositions citées ci-dessus, ni aucune autre du code du travail, ne prévoit désormais que le licenciement envisagé par l’employeur des salariés visés à l’article L. 2411-7 du code du travail, c’est-à-dire le candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, requiert la consultation préalable de ce comité”.

Ainsi, il n’est point besoin de consulter le CSE en cas de licenciement d’un candidat aux élections professionnelles, aucune disposition du code du travail ne prévoyant plus cette consultation après l’intervention de la fusion des IRP opérée par les ordonnances Macron. Plus de consultation du CSE non plus pour les anciens élus du CSE .

Cette solution n’est pas une entière surprise. Un arrêt d’une cour administrative d’appel s’était déjà prononcé en ce sens concernant la rupture conventionnelle d’un ancien délégué du personnel ayant démissionné de son mandat (CAA Nantes, 6 e ch., 15 sept. 2020, n° 18NT03136). L’arrêt visait déjà l’absence de ces dispositions dans le code du travail dans sa version applicable au litige. Les articles L. 2421-3 et L. 2321-4 du code du travail prévoyant la consultation du CSE ne visent ni les candidats aux élections, ni les anciens élus, lesquels restent protégés pendant 6 mois. Or, avant la recodification de 2008, c’était bien le cas. Ainsi, la consultation du CSE ne serait plus requise dans ces deux cas.

► Remarque : il devrait en aller de même pour l’ancien représentant syndical au CSE, lequel n’est pas non plus visé. Concernant l’ancien représentant de proximité, il a été institué par les ordonnances Macron, et celles-ci n’ont jamais prévu une telle consultation dans le cadre de son licenciement.

L’avis ne vise que la consultation du CSE dans le cadre du licenciement du candidat

L’avis rendu par le Conseil d’Etat ne vise donc que le cas de la consultation du CSE dans le cadre du licenciement du candidat. Cependant, le principe qui sous-tend cet avis apparaît plus général. En effet, si l’avis ne vise jamais directement le principe du “droit constant”, il confirme que cette consultation s’imposait bien avant l’intervention des ordonnances Macron, alors qu’elle avait déjà disparu du code du travail suite à la recodification.

Puis le Conseil d’État explique que la réforme de 2017 n’a pas repris ces dispositions, et qu’ainsi, elles ne s’appliquent plus depuis l’entrée en vigueur du CSE.

La recodification à droit constant : une fiction ?

Le rapporteur du Conseil d’État, dans ses conclusions, fait référence à la jurisprudence de la Cour de cassation, faisant primer le principe du “droit constant”, soulevant qu’un tel principe d’interprétation n’est pas sans soulever de difficulté. A la suite de quoi il se demande combien de temps encore “la fiction de la codification à droit constant” peut-elle raisonnablement prévaloir sur la lettre du code du travail ?

C’est alors qu’il propose au Conseil d’État une réponse : ce principe s’applique “tant que la règle réputée avoir été codifiée à droit constant n’est pas substantiellement modifiée”. Et, pour lui, les motifs justifiant de garantir la continuité entre les dispositions de l’ancien code et les nouvelles semblent “disparaître lorsque le législateur est à nouveau intervenu pour les modifier”. Il en conclut que c’est le cas en l’espèce : les ordonnances Macron, lesquelles ont modifié notamment l’article L. 2421-3, n’ont pas repris les anciennes dispositions.

Afin d’assurer la sécurité juridique, il faut donc s’en tenir désormais à ce qui figure dans le code du travail, tel que réécrit par lesdites ordonnances. On notera que le Conseil d’État n’a pas repris dans son avis cette notion de “modification substantielle”, laquelle reste à définir. Faut-il comparer les différentes versions du texte pour déterminer s’il s’agit d’une modification “substantielle”, laquelle met fin à l’application du principe du “droit constant” pour l’application des dispositions effectivement présentes dans le code du travail ? Ou bien la simple intervention du législateur dans la réécriture de ces articles suffit-elle ?

En d’autres termes, si le législateur a réécrit ces articles, quelle que soit l’ampleur de cette intervention, ce sont les nouveaux articles qui s’appliquent ? Les juges devront apporter des précisions à cet égard afin de préserver la sécurité juridique.

La question du statut protecteur des anciens conseillers du salarié

Depuis la recodification de 2008, les anciens conseillers du salarié (C. trav., art. L. 2411-3), ainsi que les conseillers du salarié en CDD (C. trav., art. L. 2412-1), ne sont plus visés par le code du travail comme salariés protégés. Or, la Cour de cassation a jugé en 2010 que “sauf dispositions expresses contraires, la recodification du code du travail est intervenue à droit constant. Il en résulte que s’appliquent au conseiller du salarié les dispositions de l’article L. 2411-3 du code du travail relatives à la durée de la protection d’un délégué syndical” (Cass. soc., 27 janv. 2010, n° 08-44.376).

Ainsi, l’ancien conseiller du salarié est protégé pendant 12 mois après la fin de son mandat s’il l’a exercé pendant un an. Cependant, les ordonnances Macron sont intervenues depuis cet arrêt, et elles n’ont pas repris les dispositions octroyant le statut protecteur à l’ancien conseiller du salarié. Il en va de même concernant le conseiller du salarié sous CDD : il ne fait plus partie depuis 2008 de la liste des bénéficiaires de la protection (C. trav., art. L. 2412-1). Et dans ce cas également, les ordonnances Macron n’ont pas rétabli ces dispositions. Or, ici encore, la Cour de cassation retient la même lecture : la recodification étant intervenue à droit constant, le conseiller du salarié bénéficie de la protection prévue à l’article L. 2421-8 du code du travail imposant que, lorsque le CDD arrive à son terme, l’inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel (Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19- 23.989). 

► Remarque : à noter, comme pour tous les salariés protégés, qu’il n’y a plus lieu désormais de saisir l’inspecteur du travail pour qu’il contrôle l’absence de discrimination en cas d’arrivée à échéance du CDD d’un conseiller du salarié sans clause de renouvellement, et qui n’a pas la nature d’un contrat saisonnier ou d’usage (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 22-21.856). La Cour de cassation tient donc compte de la modification législative intervenue dans la procédure protectrice pour les salariés en CDD, mais continue d’arguer de la recodification à droit constant concernant le bénéfice du statut protecteur des salariés conseillers du salarié titulaires de CDD. Le rapporteur fait d’ailleurs référence à cette jurisprudence pour en déduire que l’approche qu’il propose est en ligne avec l’orientation que semble prendre la Cour de cassation, s’agissant de la portée à donner au principe de recodification à droit constant en cas d’intervention postérieure du législateur. Il ne soulève toutefois pas, dans ce cadre, la partie de la décision qui maintient le statut protecteur du conseiller du salarié conformément au principe du “droit constant”. 

On peut donc se demander si ces jurisprudences de la Cour de cassation vont perdurer suite à l’avis du Conseil d’État du 16 mai 2025. Dans ce cas, il ne s’agit pas seulement de la consultation, ou non, du CSE dans le cadre de la procédure protectrice (et donc d’une question de procédure), mais de savoir si la procédure protectrice s’applique, ou non. C’est pourquoi il faut rester très vigilant en attendant d’autres décisions dans ce cadre. Dans cette attente, il nous semble donc nécessaire pour les entreprises de respecter la procédure protectrice dans tous ces cas. 

Séverine Baudouin

L’accord sur la révision de la directive prévoit des moyens pour les CE européens

22/05/2025

Le Parlement européen et les Etats membres ont trouvé un accord sur un texte révisant la directive du comité d’entreprise européen. Cet accord doit maintenant être adopté formellement au Parlement et par le Conseil, les Etats membres ayant ensuite deux ans pour transposer la directive. 

Selon la Commission, ce texte, “qui vise à renforcer le dialogue social au niveau européen”, prévoit plusieurs dispositions visant à : 

  • rendre obligatoire une réponse motivée aux membres du comité avant que l’entreprise ne prenne des décisions transnationales ;
  • rendre obligatoire les explications sur les restrictions apportées au partage d’information au nom de la confidentialité ; 
  • préciser la notion de questions transnationales ;
  • donner aux CEE des ressources financières, “y compris budget, soutien d’expert et formation” ;
  • favoriser l’accès à la justice des CEE.

Source : actuel CSE

Masse salariale, embauches, redressements : les derniers chiffres de l’Urssaf

22/05/2025

Trois enseignements tirés des derniers chiffres de l’Urssaf publiés hier :

  • au premier trimestre 2025, la masse salariale soumise à cotisations sociales du secteur privé augmente de 0,4 %, après + 0,6 % au trimestre précédent, selon Sur un an, la masse salariale progresse de 2 % au premier trimestre 2025 (après + 3 % au quatrième trimestre 2024 et + 3 % au troisième trimestre 2024) ; 
  • les déclarations d’embauche en CDI de plus d’un mois enregistrées en avril 2025 progressent de 6 %, celles en CDD de plus d’un mois augmentant quant à elles de 3 %. Sur un an, les déclarations d’embauche en CDI croissent de 3,8 %. A noter, alors que vient de se tenir le sommet sur l’attractivité française, la mauvaise orientation dans l’industrie : dans ce secteur, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois diminue de 0,3 % en avril après la hausse de 0,8 % en mars ; 
  • malgré un ralentissement trimestriel, sur un an, les redressements et les liquidations judiciaires progressent respectivement de 7,5 % et de 6,8 %, après + 9,4 % et + 8,5 % au trimestre précédent. Les effectifs salariés concernés par un redressement judiciaire augmentent sensiblement sur un an tandis que ceux associés aux liquidations judiciaires diminuent légèrement.

Source : actuel CSE

Le partage de la richesse produite en France a-t-il évolué sur une longue période ?

23/05/2025

Entre 1990 et 2023, la répartition de la valeur ajoutée est restée relativement stable, estime une étude de la direction générale du Trésor qui porte sur les sociétés non financières. Environ deux tiers de la richesse produite ont rémunéré le travail, un tiers le capital.

Les parts du gâteau sont presque les mêmes que 33 ans plus tôt malgré des évolutions passagères. En 1990, la valeur ajoutée produite en France se répartissait en 66,1 % pour rémunérer le travail, 32,5 % pour rémunérer le capital et 1,4 % pour les impôts de production (nets des subventions d’exploitation hors Cice). En 2023, cette répartition s’élève respectivement à 67,3 %, 32,7 % et 0 % (voir la méthodologie ci-dessous). Tel est le principal enseignement d’une étude de la direction générale du Trésor qui concerne les sociétés non financières lesquelles représentaient, en 2023, environ 58 % de la valeur ajoutée brute de l’économie (*).

Comment est évalué le partage de la richesse produite en France

Cette étude, qui se concentre sur les sociétés non financières, se base sur les comptes nationaux élaborés par l’Insee. Dans ce contexte, les dépenses liées au travail correspondent à la rémunération dite super-brute des salariés (salaire de base + cotisations employeurs + cotisations salariales + CSG/CRDS + variables de rémunération) et aux impôts sur les salaires et la main d’œuvre, diminués du montant du Cice (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). 

La rémunération du capital est basée sur l’excédent brut d’exploitation. Les impôts de production incluent la cotisation foncière des entreprises, la contribution sociale de solidarité des sociétés et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ils sont calculés nets des subventions d’exploitation hors Cice.

Source : Le partage de la richesse produite en France entre le travail et le capital, direction générale du Trésor

Cette relative stabilité sur cette longue période cache des phases distinctes. Entre 1990 et 2007, la part revenant au travail a diminué, “les entreprises compensant notamment la hausse des impôts de production en modérant salaires et emploi” dans l’objectif, semble-t-il, de préserver leur taux de marge, analysent les auteurs de l’étude. Entre 2007 et 2017, elle a augmenté, “le choc d’activité lié à la crise financière affectant davantage l’excédent brut d’exploitation des entreprises que la masse salariale, plus rigide. De 2017 à 2023, elle a baissé de façon limitée, ce qui s’explique surtout par le retard avec lequel les salaires se sont ajustés au choc inflationniste de 2022”, est-il relevé.

Stabilité de la part allouée aux salaires nets

Sur l’ensemble de la période, “la légère hausse de la part des dépenses liées au travail dans la valeur ajoutée reflète celle des prélèvements assis sur le travail alors que la part revenant aux salaires nets (avant impôt sur le revenu) est restée stable. Au sein de la part du capital, les dividendes nets ont augmenté entre 1990 et 2023 tandis que les intérêts versés ont diminué”, détaille l’étude.

(*) L’étude ne définit pas ce que sont les sociétés financières exclues de cette recherche. Selon l’Insee, le secteur des sociétés financières regroupe l’ensemble des sociétés et quasi-sociétés dont la fonction principale consiste à fournir des services d’intermédiation financière (banque et assurance) et/ou à exercer des activités financières auxiliaires (auxiliaires financiers). 

Ludovic Arbelet

Outre-mer : l’Igas propose de recentrer les dispositifs d’exonération sur les plus bas salaires

23/05/2025

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a mis en ligne mardi 20 mai 2025 un rapport sur l’évaluation des mesures d’exonération de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer daté de novembre 2024.

L’Igas propose de recentrer les dispositifs d’exonération dits Lodéom sur les plus bas salaires. “Une évolution paramétrique visant à recentrer les dispositifs Lodéom sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC permettrait de cibler les niveaux de rémunérations pour lesquels la baisse du coût du travail est la plus efficace pour améliorer l’emploi, tout en contenant la croissance du coût budgétaire du dispositif”.

Elle recommande également de simplifier le dispositif des exonérations spécifiques à l’outre-mer afin de le rendre plus lisible en réduisant le nombre de régimes et de critères d’éligibilité. “Les dispositifs Lodéom sont caractérisés par leur complexité du fait de la coexistence de différents barèmes et des nombreuses conditions d’éligibilité. Il en découle des difficultés variables d’application par les acteurs économiques et de vérification pour les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) chargées d’en assurer le contrôle”, explique l’Igas.

Source : actuel CSE