Deux médias condamnés pour déploiement d’outils d’IA sans consultation du CSE

28/07/2025

Le tribunal judiciaire de Créteil vient de condamner deux médias filiales du groupe Infopro Digital. Motif : avoir déployé en interne des outils d’intelligence artificielle sans avoir consulté les élus du personnel. Nouveauté : le juge affirme que l’IA peut affecter les conditions de travail des journalistes.

Un courant de jurisprudence est-il en train de se construire ? Malgré des textes clairs dans le code du travail, des entreprises imposent des outils d’intelligence artificielle à leurs salariés, et ce, sans consulter les CSE. Un nouveau couperet vient de tomber à l’égard du Groupe Moniteur et de GISI, deux filiales du groupe de presse Infopro Digital. Saisi sur demande du CSE de faire cesser un trouble manifestement illicite, la réponse du juge ne laisse aucune place à l’ambiguïté et les sociétés sont condamnées.

La société a porté atteinte aux prérogatives du CSE et aux conditions de travail

Selon l’ordonnance du tribunal judiciaire de Créteil, le CSE du Groupe Moniteur a sollicité l’ouverture d’une négociation de cadrage et de méthodologie sur l’usage de l’intelligence artificielle. La direction avait en effet implanté des outils d’IA dans l’intranet et proposait un accès payant à ChatGPT. Le juge relève que “Ces applications permettent, par un processus automatisé, de créer du contenu par l’amélioration stylistique des articles, la transcription d’enregistrement audio, la synthèse de texte et la rédaction d’articles à partir de ces transcriptions”.

Malgré les demandes du CSE, ce dernier s’est heurté à “des refus réitérés de la direction de la société”. Pourtant, le juge lui rappelle ses obligations : selon l’article L.2312-8 (4°) du code du travail, le CSE est informé et consulté sur l’introduction de nouvelles technologies. Or, il ne fait pas de doute pour le juge que l’IA rentre dans cette catégorie : “Il n’est pas sérieusement contestable que l’intelligence artificielle est une technologie nouvelle dont le déploiement dans le secteur de la presse est susceptible d’affecter les conditions de travail de ses salariés”.

Ce dernier point est à notre connaissance inédit : le jugement rendu par le tribunal de Nanterre en février ne le mentionnait pas. Par ailleurs, l’ordonnance de février rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre concernait une information consultation déjà ouverte mais pas terminée. Cette ordonnance du TJ de Créteil constitue donc une première sur un cas d’information-consultation refusée par la direction.

Le tribunal rappelle également que lorsque la mesure s’inscrit dans une procédure complexe comportant des décisions échelonnées, le CSE doit être consulté à l’occasion de chacune d’elles.

Une suspension des outils d’IA jusqu’à l’avis du CSE

De plus, la consultation du CSE doit être préalable aux décisions de l’employeur (sauf en matière d’offre publique d’acquisition (article L.2312-14 du code du travail). Le juge pointe donc que l’information et la consultation préalables du CSE “en temps et effet utile à la démarche, tendant à aboutir à un accord des représentants des salariés n’a pas été permis”.  

Une fois cela posé, tout comme le tribunal judiciaire de Nanterre en février 2025, celui de Créteil acte qu’un “trouble manifestement illicite” est caractérisé. Pour mémoire, cette expression désigne toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Cette définition est issue d’un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 1996 (n° 94-15.935).

L’arsenal juridique est complété par l’article 835 du code de procédure civile qui permet au président du tribunal judiciaire “de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite”. Cette notion permet donc de faire cesser rapidement une atteinte évidente au droit.

Dans cette affaire, le juge décide que l’absence d’information-consultation du CSE sur les outils d’IA constituant un trouble manifestement illicite, “il convient de faire cesser en ordonnant à la société la suspension de l’utilisation des outils informatiques d’intelligence artificielle, jusqu’à la clôture du processus de consultation du CSE”.

Attention donc, ouvrir la procédure avec le CSE ne suffit pas : les outils d’IA doivent être suspendus jusqu’à ce que le CSE rende son avis. Pour mémoire, ce délai peut être fixé par accord avec l’employeur. À défaut, l’article R.2312-6 prévoit que le CSE est sensé avoir rendu un avis négatif à expiration d’un délai d’un mois. Ce délai court à compter de la communication par l’employeur des informations nécessaires à l’information-consultation (article R.2312-5). Si le CSE a recours à un expert, ce qui est le cas en l’occurrence, ce délai est porté à 2 mois.

Les sociétés sont condamnées à suspendre l’utilisation des outils d’IA jusqu’à la fin de l’information consultation (les groupes de travail pouvant poursuivre leurs travaux), avec astreinte de 1 000 euros par jour pendant trois mois en cas d’infraction. Le juge a ajouté 5 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice du CSE, et 2 000 euros au titre des dépens (frais de procédure de l’article 700 du code de procédure civile).

Ces contentieux montrent-ils qu’une réforme de l’article L.2312-8 est nécessaire pour inclure l’intelligence artificielle comme mutation technologique ? Non, selon Savine Bernard, avocate du CSE du Groupe Moniteur, car les textes sont suffisamment clairs.

En parallèle, au niveau national, le document émis par le gouvernement sur le projet de budget de François Bayrou contient une section relative à l’intelligence artificielle. Il demande aux partenaires sociaux de favoriser l’accès à la formation et à la reconnaissance des compétences en IA, mais également de trouver les moyens de créer en entreprise un cadre favorisant une adoption plus rapide de l’IA”. l’idée globale est de faire de l’IA “un levier de performance sociale et économique”. Pour avancer dans ce sens, encore faudra-t-il que ce qui est déjà prévu par le code du travail soit respecté… 

“Nous déplorons qu’il ait fallu en passer par la justice”
Un communiqué de presse intersyndical SNJ, CGT, FO et Unsa a salué cette décision de justice : “Nous avons eu gain de cause sur toute la ligne” avant de déplorer “qu’il nous ait fallu en passer par la justice pour obtenir l’exercice normal du dialogue social dans l’entreprise”.

Selon Pablo Aiquel, élu au CSE et secrétaire général du SNJ-CGT, “c’est une décision importante et un jugement exemplaire, cela faisait un an que nous insistions auprès de la direction mais elle prétendait que les outils étaient simplement mis à disposition des salariés et non obligatoires. Soit on accepte de se faire écraser soit on va en justice”.

À FO, le trésorier adjoint du CSE et délégué syndical Jérôme Ribault se réjouit également de l’issue de cette première instance mais regrette lui aussi être contraint de saisir le juge : “Cela nous épuise alors que c’est juste pour obtenir ce que prévoit le code du travail”. Il n’appréhende pas pour autant la prochaine réunion du CSE : “Les réunions sont déjà animées, et le climat se dégrade d’année en année…”.  

Marie-Aude Grimont

France compétences actualise la liste 2025 des métiers émergents ou en particulière évolution

28/07/2025

La commission de la certification professionnelle de France compétences a actualisé, le 17 juillet 2025, la liste des métiers en particulière évolution ou en émergence pour 2025

Les certifications correspondant à ces métiers bénéficieront d’une procédure d’enregistrement dérogatoire au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles), afin de répondre rapidement aux évolutions et besoins du monde du travail.

Les trois nouveaux métiers inscrits jusqu’au 31 décembre 2027 sont les suivants : 

  • responsable de la conformité règlementaire PRRC ;
  • spécialiste en jumeau numérique ;
  • superviseur de production virtuelle. 

Source : actuel CSE

Donald Trump impose sa volonté à l’Europe avec 15 % de droits de douane

29/07/2025

Certes, le président américain a fait planer une menace bien plus lourde de 30 % de droits de douane sur les produits européens. Sur ce point, l’Europe a échappé à la moitié de la peine mais devra se satisfaire des 15 % imposés par Donald Trump à l’issue d’une négociation tendue avec la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen. Pour autant, cet accord risque de mettre en difficulté bon nombre d’exportateurs français. Si les vins et spiritueux échappent au couperet (leur sort n’est pas totalement réglé mais ils ne se verraient pas appliquer les 15 %, une bonne nouvelle par exemple pour les producteurs de cognac), ce nouveau taux s’appliquera par exemple à l’automobile, aux produits pharmaceutiques et aux semi-conducteurs informatiques.

Pire : l’accord entérine un investissement de 600 milliards de dollars aux États-Unis, auxquels s’ajoutent 750 milliards d’achats de produits énergétiques (à savoir par exemple du pétrole ou du gaz, c’est-à-dire des énergies fossiles qui contribuent au réchauffement climatique), alors que l’Europe souffre de sous-investissement dans ses propres industries et dans l’écologie. L’acier et l’aluminium européens resteront soumis au taux de 50 %.

En contrepartie, la négociatrice européenne n’a presque rien obtenu du géant américain, en dehors d’une absence de taxe pour les avions et leurs pièces détachées, certains produits chimiques et agricoles et d’un maintien des normes européennes en matière phytosanitaire et numérique.

Sur la station de radio RTL, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a réagi en ces termes : “C’est un accord qui a le mérite d’apporter de la stabilité à nos industriels mais qui reste déséquilibré. Certaines filières comme l’aéronautique ou les spiritueux devraient être exemptés. Des négociations techniques auront lieu cette semaine. Nous devrons aller plus loin sur le rééquilibrage commercial et faire en sorte que les grandes entreprises américaines contribuent plus lorsqu’elles exportent des services numériques en Europe. J’insiste : ça n’est pas la fin de l’histoire”.

Du côté de Bercy, le ministre de l’Économie Éric Lombard réunira mercredi 30 juillet les organisations patronales et les fédérations représentant les filières industrielles impactées par les droits de douanes américains. Ils aborderons les conséquences et les suites de cet accord.

Source : actuel CSE

Activité économique : l’Insee observe un léger mieux au 2e trimestre 2025, sauf dans l’industrie

31/07/2025

Alors que les craintes sur un ralentissement de l’activité ont redoublé avec l’annonce de taxes américaines de 30 % sur les importations en provenance de l’Union européenne, l’Insee vient de publier des chiffres plutôt positifs pour le deuxième trimestre 2025. 

Après une baisse de la consommation au premier trimestre (- 0,3 %), celle-ci se redresse pour redevenir légèrement positive (+ 0,1%), mais ce redressement pourrait aussi être dû au fait que Pâques cette année se situe fin avril, donc au second trimestre ! 

Le produit intérieur brut, après une quasi stagnation en début d’année (+ 0,1 % ), repart également en légère hausse (+ 0,3 %). Un motif de soulagement pour le gouvernement qui devrait voir sa prévision de croissance (+ 0,7 % en 2025) au moins réalisée ( les + 0,5 % sont déjà acquis) ou dépassée. 

Reste que la balance commerciale française reste largement déficitaire. Si nos exportations progressent (+ 0,2 %), les importations accélèrent (+ 0,8 %). La production de l’industrie manufacturière stagne en France sur le dernier trimestre ( + 0,1 % après + 0, 5 %) et le chiffre d’affaires baisse à nouveau fortement dans l’industrie en mai 2025 (- 1,8 %).

Source : actuel CSE

Le CSE central de France Travail s’inquiète de l’utilisation d’outils IA

31/07/2025

Lors d’une séance du comité social et économique central de France Travail le 24 juillet, les élus du personnel se sont inquiétés des expérimentations, en cours dans quatre régions, de nouveaux outils d’intelligence artificielle.

Ces outils, appelés Neo (sorte de conseiller virtuel), Match FT (pour proposer des candidatures aux employeurs), Oscar (un portail pour les partenaires du réseau national de l’emploi), Chat FT ou Ft’s (des chats spécialisés sur certaines tâches), vont impacter toutes les tâches métiers des conseillers, s’inquiète la CGT

Ainsi Neo serait capable d’extraire des données, d’établir le diagnostic d’un usager en quelques secondes, de rédiger des conclusions d’entretien et d’élaborer des préconisations, le tout, ironise la CGT, “sans aucune empathie” : “Neo représente un des plus grands dangers pour nos métiers, en lien avec l’IA, puisqu’il prétend effectuer des tâches dévolues à un agent, à part un aspect qui est pour nous essentiel, l’aspect humain”. 

Le syndicat demande “l’ouverture au plus vite d’une négociation en vue d’un accord pour encadrer l’utilisation de l’IA à France Travail”. 

Source : actuel CSE

Jurisprudence : les arrêts importants du premier semestre 2025

01/08/2025

Depuis le début de l’année, les juges ont pris de nombreuses décisions intéressant directement le CSE, vos mandats et les droits des salariés que vous représentez, sans oublier le droit syndical. Voici notre récapitulatif synthétique des principales solutions à retenir avec notre sélection d’une quarantaine d’arrêts brièvement résumés.

Action en justice du CSE
  • Action en justice : le comité social et économique ne peut agir que pour défendre ses intérêts propres

Le comité social et économique (CSE) ne peut pas s’opposer à l’application d’un accord de groupe supprimant les titres-restaurants au profit des salariés en télétravail.

  • Droit d’alerte en cas de danger grave et imminent : précisions sur les actions en justice du CSE

fa Cour de cassation rend un avis concernant les actions en justice ouvertes et leurs modalités en cas de désaccord entre les représentants du personnel et l’employeur dans le cadre de l’exercice du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent.

► L’info à connaître : un CSE obtient une consultation préalable à l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle

Ceci n’est pas un arrêt, mais une intéressante ordonnance de référé rendue le 15 juillet 2025 au sujet de l’intelligence artificielle, et dont il faudra suivre d’éventuels développements.

Saisi par le CSE du Moniteur (filiale du groupe Infopro Digita), le tribunal judiciaire de Créteil ordonne à l’entreprise de cesser d’utiliser des outils d’intelligence artificielle pour le travail rédactionnel tant que le comité social et économique n’a pas été consulté sur ce projet. 
  • Même indirectement, le comité social et économique ne peut pas remettre en cause le transfert des salariés

Sous couvert de demandes d’information et de production de documents, le CSE ne peut pas s’opposer au transfert des contrats de travail des salariés dans le cadre d’une filialisation des fonctions support du groupe.

Activités sociales et culturelles 
  • La Cour de cassation interdit une modulation de la valeur d’un bon d’achat en fonction de l’ancienneté

Il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles” (ASC) mais “l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté, rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mars 2025 qui prolonge donc l’arrêt du 3 avril 2024 interdisant le critère d’ancienneté pour les ASC.

► L’info à connaître : nos ressources sur les ASC 

Au sujet de la gestion des activités sociales et culturelles, vous pouvez vous référer à : le guide CSE de l’Urssaf
  • Les titres-restaurant sont une activité sociale et culturelle dont le CSE peut revendiquer la gestion

Le comité social et économique (CSE) a le droit de récupérer les économies réalisées par l’employeur après la dénonciation de l’usage qui permettait aux salariés de bénéficier de titres-restaurant.

  • ASC : les économies réalisées par l’employeur doivent être reversées au CSE

En raison du monopole de gestion des activités sociales et culturelles (ASC), décide un arrêt de la cour d’appel de Versailles, l’employeur qui réalise des économies sur une activité qu’il a conservée en gestion doit reverser ces sommes au CSE, qui les affectera à d’autres ASC.

Comité social et économique central (CSEC)
  • Un membre titulaire du CSE central est remplacé dans les mêmes conditions que les titulaires du CSE

A défaut de remplacement possible par un suppléant au CSE central du même établissement, on va en priorité chercher un suppléant d’un autre établissement de la même liste syndicale et de la même catégorie professionnelle.

  • Un accord de dialogue social peut confier au seul CSE central le recours à l’expertise sur la politique sociale

La Cour de cassation décide que les partenaires sociaux peuvent librement choisir par accord de réserver l’expertise portant sur la politique sociale au seul CSE central, quand bien même les CSE d’établissements sont aussi consultés sur cette politique sociale. Au grand dam de la CFE-CGC d’Orange qui contestait cette disposition, ainsi que d’autres points (rôle des représentants de proximité et de la CSSCT), de l’accord de l’entreprise sur le dialogue social.

  • L’employeur ne peut pas toujours se contenter de consulter le comité social et économique central

Dès que le déploiement d’un nouvel outil logistique nécessite des mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement et relevant du pouvoir de décision du chef d’établissement, le CSE d’établissement doit être consulté.

Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)
  • La commission santé, sécurité et conditions de travail doit comprendre un représentant du collège cadre

Lorsqu’un troisième collège existe au sein d’un comité social et économique (CSE), la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit être composée d’au moins un membre issu de ce collège spécifique.

► L’info à connaître : la prévention du risque lié aux grandes chaleurs

Parmi les nouveautés réglementaires du premier semestre figurent deux textes traitant des grandes chaleurs et de la prévention des risques professionnels, un thème dont le CSE peut saisir la commission santé, sécurité et conditions de travail.
Consultations du CSE
  • Consultation sur les orientations stratégiques : l’employeur doit fournir des informations prévisionnelles décentralisées

Les informations relevant de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPP) sont bien nécessaires pour analyser les conséquences des orientations stratégiques sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences.

  • Un CSE obtient la suspension du déploiement d’outils IA

Dans une ordonnance en date du 14 février, le tribunal judiciaire de Nanterre enjoint à une entreprise de suspendre le déploiement d’outils d’intelligence artificielle (IA) tant que le CSE n’aura pas été consulté. Ce type de contentieux va-t-il se multiplier ?

Droit syndical
  • Désignation d’un DS d’établissement : le seuil d’effectif s’apprécie au regard du champ catégoriel du syndicat

Un syndicat catégoriel peut désigner un délégué syndical (DS) d’établissement si l’effectif de la catégorie qu’il représente dans ce périmètre le permet. Lorsque cet effectif n’autorise la désignation que d’un seul DS, la désignation simultanée d’un DS d’établissement et d’un DS central issus du même établissement est irrégulière.

  • Liste commune de candidats aux élections du CSE : précision jurisprudentielle sur la désignation d’un DS supplémentaire

Comment procéder à la désignation d’un délégué syndical supplémentaire en cas de liste commune des syndicats aux élections ? La Cour de cassation nous apporte une précision importante.

  • Précisions sur la contestation de la désignation du représentant syndical au CSE

Les conditions de validité de la désignation du représentant syndical au CSE s’apprécient à la date de cette désignation. Et les requêtes en contestation sont recevables dans les 15 jours suivant cette désignation, quel que soit le motif fondant l’irrégularité invoquée.

  • Action syndicale : la Cour de cassation réaffirme la distinction entre intérêt collectif et intérêt individuel

Un arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2025 réaffirme le droit d’un syndicat à obtenir des dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif, sans pouvoir demander la régularisation des situations individuelles des salariés, y compris dans le cadre d’une grève visant à assurer le respect de leurs droits essentiels.

► L’info à connaître : le champ de l’action de groupe est élargi

L’article 16 de la loi du 30 avril 2025 (dite “DDAUE”) élargit le champ de l’action de groupe à l’ensemble des manquements de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles. Jusqu’alors, ce champ était limité en matière sociale à la lutte contre les discriminations et à la protection des données personnelles.

De nouveaux leviers en perspective pour les organisations syndicales, avec une procédure préalable qui implique le CSE.  Rappel : L’action de groupe se définit comme une action en justice exercée par une association ou un syndicat pour le compte d’un ensemble de personnes victimes de dommages de même nature causés par un même auteur en raison d’un manquement de ce dernier à ses obligations légales ou contractuelles.
  • Un accord collectif ne peut pas octroyer des modes de communication spécifiques aux seuls syndicats représentatifs

Tous les syndicats ayant constitué une section syndicale peuvent diffuser des informations syndicales dans l’entreprise. Réserver, par voie d’accord collectif, certains modes de communication aux seuls syndicats représentatifs, est contraire au principe d’égalité de traitement.

  • Sans audience électorale personnelle, impossible de se faire désigner délégué syndical supplémentaire

Le délégué syndical supplémentaire ne peut être choisi que parmi les candidats à l’élection du CSE qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour. Pas question d’aller le chercher ailleurs.

  • Quand l’absence de transmission d’un programme de formation laisse supposer une discrimination syndicale

L’absence de transmission des programmes de formation santé/sécurité à seul représentant du personnel laisse bien supposer une discrimination syndicale.

Élections du CSE
  • Répartition du personnel et des sièges entre les collèges : le juge doit se prononcer

Si le Dreets (directeur régional du travail) ne se prononce pas dans le délai imparti sur la demande de répartition entre les collèges électoraux, le juge doit procéder lui-même à cette répartition. A cette fin, il doit déterminer si les éléments d’information demandés par les organisations syndicales existent et lui sont nécessaires pour procéder à cette répartition et, dans l’affirmative, en ordonner la production.

  • Vote des salariés mis à disposition : la communication du nom des entreprises extérieures ne suffit pas

L’employeur doit fournir aux syndicats les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et de l’électorat. S’agissant des travailleurs mis à sa disposition, il ne peut pas se contenter de transmettre la liste des entreprises extérieures.

  • Élections du CSE : la méthode de la Cour de cassation pour apprécier le respect de la règle d’alternance H/F

La Cour de cassation statue en faveur d’une méthode permettant de s’assurer que les listes de candidats présentées par les syndicats lors des élections du CSE respectent bien la règle d’alternance entre les candidatures féminines et masculines. Elle juge ainsi que le respect de cette règle doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste.

  • Représentation équilibrée des femmes et des hommes : le retrait d’une candidature n’a pas d’incidence

La régularité d’une liste, au regard du nombre de femmes et d’hommes qu’elle doit comprendre, est appréciée au moment de son dépôt. Le retrait ultérieur d’une candidature ne permet pas de contester cette régularité.

  • Attention à la proclamation des résultats des élections professionnelles

Lorsque l’entreprise n’établit pas la date à laquelle les résultats du scrutin ont été proclamés, le délai de recours contentieux ne commence pas à courir, peu importe la date à laquelle le syndicat agissant en nullité des élections a été informé de la liste des élus.

  • Protocole préélectoral : renvoi à la négociation en cas de manquement à l’obligation de loyauté

Lorsque l’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral, la décision de rejet implicite de l’autorité administrative relative à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges est confirmée et l’entreprise doit être renvoyée à la négociation.

  • Mixité des listes de candidats : le salarié conserve son score électoral même si son élection a été annulée

L’annulation de l’élection d’un salarié en raison d’une violation des règles de proportionnalité entre les femmes et les hommes ne lui fait pas perdre son score électoral. Il conserve donc son mandat de délégué syndical.

  • Le PAP ne peut pas imposer un ordre d’alternance F/H des candidats sur les listes électorales

L’article L. 2314-30 du code du travail, d’ordre public absolu, n’imposant pas d’ordre d’alternance des candidats femmes et hommes pour l’établissement des listes électorales, le protocole d’accord préélectoral (PAP) ne peut pas l’imposer aux organisations syndicales.

Expertise
  • L’expert assistant le CSE dans le cadre d’un projet important ne peut pas exiger une évaluation de la charge de travail

L’expert désigné par le CSE dans le cadre de ses attributions consultatives ne peut pas exiger la communication de documents n’existant pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise.

  • Un accord de dialogue social peut confier au seul CSE central le recours à l’expertise sur la politique sociale

La Cour de cassation décide que les partenaires sociaux peuvent librement choisir par accord de réserver l’expertise portant sur la politique sociale au seul CSE central, quand bien même les CSE d’établissements sont aussi consultés sur cette politique sociale. Au grand dam de la CFE-CGC d’Orange qui contestait cette disposition, ainsi que d’autres points (rôle des représentants de proximité et de la CSSCT), de l’accord de l’entreprise sur le dialogue social.

► L’info à connaître : la négo contre les prérogatives des CSE d’établissement ?

Cette jurisprudence sur le champ laissé à la négociation concernant les prérogatives du CSE nous semble importante dans la mesure où elle interprète de façon large les textes de 2017 concernant le CSE.

Nous avons consacré à ce thème, le 30 juin 2025, une interview d’un juriste spécialiste des IRP, Luc Bérard de Malavas, de Secafi :   

« L’arrêt sur le CSE fragilise les dispositions légales d’ordre public »
  • Le transfert de plusieurs salariés au sein d’une société du groupe ne justifie pas forcément une expertise

En l’absence de modification des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, le projet de transfert de contrats de travail au sein d’une autre société du groupe ne peut être qualifié de projet important. Pas d’expertise pour le CSE.

  • L’expert-comptable du CSE a accès aux informations sur le groupe auquel appartient l’entreprise

La mission de l’expert-comptable chargé d’assister le comité social et économique (CSE) peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient.

► L’info à connaître : PSE, PDV, RCC…

Sans même parler du plan Bayrou, l’automne s’annonce mouvementé sur le front de l’emploi et des plans sociaux compte-tenu de la conjoncture économique. Au sujet de la gestion des restructurations par les entreprises, un expert, Christian Pellet (Sextant expertise) et un avocat, Roger Koskas (Brihi Koskas), ont mis en garde les représentants du personnel lors d’une conférence en juin 2025 à Paris :  “Quand on vous fait discuter en vue d’un accord de ruptures conventionnelles collectives (RCC), d’un plan de départs volontaires autonome (PDV) ou d’un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des parcours professionnels (GEPP) qui peut intégrer un accord de performance collective (APC) ou prévoir le cadre d’une future RCC, ayez bien à l’esprit que l’on vous fait discuter en fait de l’abandon des règles d’égalité de traitement et du reclassement que prévoit un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)”. Et Roger Koskas d’insister : “Votre rôle comme représentant du personnel est toujours de mettre en lumière ce qui est caché, un peu comme une caméra dans un commissariat. L’arbitraire a peur de la lumière !”   

“Attention aux accords qui permettent à l’entreprise de s’affranchir des règles d’égalité et de reclassement du PSE”
  • Calcul du délai 10 jours dont dispose l’employeur pour contester l’expertise du CSE : à vos calendriers !

Quand arrive-t-il à expiration, le délai de 10 jours dont dispose l’employeur pour contester l’expertise votée par le CSE ? Réponse de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 2025.

  • L’employeur peut contester une expertise votée par le CSE mais pas pour n’importe quel motif

L’existence d’une prétendue discrimination raciale au sein du CSE ne peut pas servir d’argument à l’employeur pour contester la délibération par laquelle le comité a décidé de se faire assister par un expert-comptable.

  • Expertise sur la situation économique et financière de l’entreprise : il y a des limites à ne pas franchir !

L’expertise relative la situation économique et financière a pour objet la compréhension des comptes de l’entreprise et l’appréciation de sa situation économique. Elle porte sur l’année en cours et les deux années précédentes.

  • Expertise pour risque grave : des témoignages anonymisés par le CSE peuvent servir d’éléments de preuve

Parmi les éléments destinés à prouver l’existence un risque grave et justifier une expertise, le CSE peut recourir à des témoignages qu’il a anonymisé pour protéger leurs auteurs d’éventuelles représailles.

Heures de délégation
  • L’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel

A l’issue de ses heures de délégation, le représentant du personnel doit bénéficier du temps habituel de repos quotidien dans les mêmes proportions que s’il s’était trouvé sur son poste de travail.

  • Le représentant du personnel en repos compensateur de remplacement un dimanche ne travaille pas

Le représentant du personnel qui a pris des heures de délégation hors temps de travail et qui utilise son repos compensateur de remplacement un dimanche ne peut prétendre au paiement d’une indemnité horaire pour travail du dimanche.

  • Garantie d’évolution de rémunération : les promotions doivent être prises en compte

Certains représentants du personnel bénéficient d’une garantie d’évolution de leur rémunération égale à la moyenne des augmentations individuelles. En l’absence de salarié relevant de la même catégorie professionnelle que celle de l’élu du personnel, la moyenne de ces augmentations doit prendre en compte les augmentations consécutives à une promotion professionnelle.

Protection des représentants du personnel
  • En l’absence de contestation de la désignation d’un représentant syndical en surnombre, le salarié reste protégé

Lorsqu’un salarié était présent à une réunion du CSE en qualité de représentant désigné par un syndicat en surnombre, et en l’absence de toute contestation de l’employeur, le salarié est protégé.

  • Pas de consultation du CSE en cas de licenciement d’un candidat aux élections professionnelles

Un avis du Conseil d’État précise que le licenciement envisagé d’un candidat aux fonctions de membre élu du CSE ne requiert pas la consultation préalable du comité. La portée de cette décision sur d’autres situations reste à préciser.

  • La mise en disponibilité provisoire d’un salarié protégé est possible

L’employeur peut prendre, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées, telles qu’une mise en disponibilité provisoire d’un salarié protégé, pourvu qu’il n’en résulte pas, sans l’accord du salarié, une modification durable de son contrat.

  • Même autorisé par l’administration, le licenciement d’un salarié protégé peut être jugé nul

Le juge prud’homal ne peut pas se prononcer sur la légitimité du licenciement économique d’un salarié protégé, autorisé par l’administration. Il peut en revanche se prononcer sur les fautes commises par l’employeur avant la rupture et sur leurs conséquences pour le salarié.

  • Pas de démission présumée du salarié protégé sans autorisation de l’inspecteur du travail

Si le Code du travail ne prévoit aucune disposition spécifique de demande d’autorisation administrative en cas de démission présumée d’un salarié protégé, ce mode de rupture du contrat de travail, qui fait intervenir l’employeur, ne dispense pas ce dernier de solliciter l’inspection du travail.

  • L’employeur doit-il réintégrer le salarié protégé soupçonné de harcèlement sexuel ?

Même si la demande de réintégration du salarié protégé dont le contrat de travail a été irrégulièrement rompu s’impose en principe à l’employeur, les juges du fond doivent rechercher si le refus de ce dernier de réintégrer l’intéressé ne résulte pas de son obligation de sécurité en lien avec un risque de harcèlement sexuel.

Règlement intérieur du CSE
  • Le règlement intérieur du CSE ne peut pas aggraver les obligations pesant sur l’employeur

Le CSE ne peut pas imposer à l’employeur de verser aux élus une indemnité de grand déplacement, alors qu’ils n’ont pas à en bénéficier et que leurs frais de déplacement sont pris en charge.

Représentants de proximité
  • Quelle indemnisation pour le représentant de proximité dont la rupture du contrat est nulle ?

Comme tout salarié protégé, le représentant de proximité dont le contrat de travail a été irrégulièrement rompu a droit au versement d’une indemnité au titre de la méconnaissance par l’employeur de son statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l’expiration de la période de protection, dans la limite de 30 mois de salaire.

► L’info à connaître : la procédure de contestation des RP

Un décret du 8 juillet 2025 a fixé les modalités de la contestation en justice de la désignation des représentants de proximité. Rappelons que les RP ne peuvent être instaurés que par accord d’entreprise et que la Cour de cassation avait décidé que la juridiction compétente est le tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet (Cass. soc. 1-2-2023 n° 21-13.206 FS-B). Cette décision ne semble pas remise en cause par le décret.

Le texte réglementaire précise que le tribunal judiciaire :

– est saisi par requête, laquelle n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les 15 jours suivant cette désignation ;

– statue dans les 10 jours de sa saisine sans frais ni forme de procédure et sur avertissement qu’il donne 3 jours à l’avance à toutes les parties intéressées ;

– notifie par le greffe la décision dans les 3 jours par lettre recommandée avec avis de réception.

La décision du tribunal est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de 10 jours.
  • Un accord peut limiter la qualité de représentant de proximité aux seuls membres du CSE élus

Si l’accord d’entreprise instituant les représentants de proximité (RP) prévoit qu’ils sont désignés uniquement parmi les membres du CSE, le représentant syndical au CSE ne peut pas être désigné représentant de proximité.

► L’info à connaître : la négo contre les prérogatives des CSE d’établissement ?

Cette jurisprudence sur le champ laissé à la négociation concernant les prérogatives du CSE nous semble importante dans la mesure où elle interprète de façon large les textes de 2017 concernant le CSE.

Nous avons consacré à ce thème, le 30 juin 2025, une interview d’un juriste spécialiste des IRP, Luc Bérard de Malavas, de Secafi :   

« L’arrêt sur le CSE fragilise les dispositions légales d’ordre public »

Frédéric Aouate (encadrés : BD)