Devoir de vigilance : la directive définitivement

10/06/2024

Le 24 mai, le Conseil de l’Union européenne (UE) a définitivement approuvé la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Quels en sont les points essentiels ?

En France, depuis 2017, le devoir de vigilance fait partie du droit français puisque les grandes entreprises doivent mettre en œuvre un plan de vigilance. Au niveau de l’Union européenne après plusieurs années de parcours législatif, la directive « CSSD » (Corporate Sustainability Due Diligence) a été approuvée par le Parlement européen le 24 avril 2024, puis par le Conseil, le 24 mai 2024.

Pour rappel, c’est en 2022 qu’avait été publiée la proposition de directive (avec ensuite des prises de position du côté des ONG, entreprises et organisations syndicales.

Concrètement, après signature par le président du Parlement européen et le président du Conseil, la directive sera publiée au Journal Officiel de l’UE et entrera en vigueur le vingtième jour suivant sa publication. Les États membres auront alors 2 ans pour transposer la directive.

Qui est concerné par la directive européenne ?

Seront concernées par cette nouvelle réglementation :

  • les entreprises et sociétés mères européennes qui emploient plus de 1 000 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 M € ;
  • les franchises dans l’Union européenne réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 M € si au moins 22,5 M € ont été générés par des redevances ;
  • les entreprises non européennes, les sociétés mères et les franchises de pays tiers atteignant les mêmes seuils de chiffre d’affaires dans l’UE.

Par rapport aux critères de législations nationales, davantage d’entreprises seront concernées.

Devoir de vigilance 

Comme son nom l’indique, ce texte européen porte principalement sur le devoir de vigilance. Il impose donc aux entreprises des exigences par rapport aux incidences négatives sur les droits humains et sur l’environnement (réelle ou potentielles) par rapport à leurs activités, mais aussi par rapport aux activités des filiales et des partenaires commerciaux en amont et en aval dans les chaînes de valeur. 

Les entreprises devront notamment :

  • intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques ;

    • le texte précise le contenu de la politique en matière de devoir de vigilance, celle-ci doit contenir une description de l’approche de l’entreprise, un code de conduite (notamment pour les partenaires commerciaux) et une description des procédures pour la mise en œuvre du devoir de vigilance) ;
  • avoir une approche d’évaluation et de prévention des risques (proche conceptuellement de toute gestion des risques), incluant de:

    • recenser et évaluer les incidences négatives réelles ou potentielles et les hiérarchiser (art. 8 et 9) ;
    • prévenir et atténuer les incidences négatives potentielles, mettre un terme aux incidences négatives réelles et en atténuer l’ampleur (art. 10 et 11) ;
    • réparer les incidences négatives réelles (art. 12) ;
  • mener des échanges constructifs avec les parties prenantes (art. 13) ;
  • établir et maintenir un mécanisme de notification et une procédure relative aux plaintes (art. 14) ;
  • contrôler l’efficacité de leur politique et de leurs mesures de vigilance (art. 15) ;
  • communiquer publiquement sur le devoir de vigilance (art. 16).

Selon une « obligation de moyens (cité en introduction), pour respecter ces grandes mesures, il s’agira notamment (art. 10 et 11) :

  • de réaliser les investissements nécessaires pour limiter les atteintes aux droits humains et à l’environnement ;
  • d’obtenir des garanties contractuelles de la part des partenaires commerciaux ;
  • d’améliorer leur plan de gestion ou d’apporter leur soutien aux PME partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations.

Les États membres doivent déterminer le régime des sanctions, notamment les sanctions pécuniaires, qui devront être effectives, proportionnées et dissuasives. Lorsque des sanctions pécuniaires seront imposées, elles seront fondées sur le chiffre d’affaires net au niveau mondial de l’entreprise (jusqu’à 5%).

Lutte contre le changement climatique

Les entreprises ont aussi des obligations pour mettre en œuvre un plan de transition pour rendre leur modèle économique compatible avec la limite de 1,5°C de réchauffement climatique, fixée par l’accord de Paris. Ce plan doit notamment contenir  (art. 22) :

  • des objectifs (avec des échéances) basés sur des données scientifiques concluantes ;
  • une description des leviers de décarbonation et des mesures prévues pour atteindre les objectifs, comme des modifications du portefeuille de produits et de services de l’entreprise ou l’adoption de nouvelles technologies ;
  • une explication et une quantification des investissements et des financements prévus par rapport à la mise en œuvre de ce plan de transition.

Le calendrier

Cette réglementation sur le devoir de vigilance sera mise en œuvre progressivement :

  • en 2027 : par les entreprises de plus de 5 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 1 500 M € ;
  • en 2028 : par les entreprises de plus de 3 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 900 M € ;
  • en 2029 : par les autres entreprises relevant du champ d’application de la directive (y compris celles de plus de 1 000 salariés et un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros).

Clémence Andrieu

Congés payés et maladie : le site du ministère du travail est mis à jour

10/06/2024

Le site du ministère du travail a mis à jour le 31 mai 2024 sa page dédiée aux congés payés. Elle tient ainsi désormais compte des nouvelle règles applicables depuis le 24 avril 2024 en application de la loi du 22 avril 2024. 

Le ministère du travail revient notamment sur l’application rétroactive des nouvelles règles.

Source : actuel CSE

La dissolution de l’Assemblée suspend les travaux en cours sur le travail

11/06/2024

Au-delà de la déflagration politique de la décision d’Emmanuel Macron, la dissolution de l’Assemblée nationale entraîne une conséquence immédiate : la suspension de ses travaux. Les projets et propositions de loi en cours de discussion ne peuvent plus être débattus. En matière de travail, l’adoption de plusieurs textes se trouve donc pour l’instant interrompue. Une intersyndicale s’est par ailleurs constituée hier soir.

“J’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l’Assemblée nationale”. A la suite des résultats des élections européennes de dimanche 9 juin, marqués par un score inédit du Rassemblement national de plus de 31 %, Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée. Le décret de dissolution et le décret appelant les électeurs aux urnes ont été publiés au JO hier (textes en pièces jointes), officialisant l’interruption de la session ordinaire. De ce fait, il est mis un terme aux mandats électifs des députés. L’adoption des projets et propositions de loi ne peut donc pas se poursuivre. 

Un effet direct sur le processus parlementaire

La session ordinaire étant interrompue, l’Assemblée nationale ne peut plus siéger tant que de nouveaux députés n’auront pas été élus. Il faut donc attendre la fin des élections législatives pour que les processus reprennent leur cours. L’issue des débats dépendra donc du profil du nouveau gouvernement et de la majorité relative ou absolue dont il disposera à l’Assemblée. “Lors de l’élection de la nouvelle Assemblée, ce sera au nouveau gouvernement de reprendre ou non les textes dans la continuité au jour de la dissolution ou de repartir à zéro”, indique Aurélie Dort, maître de conférences en droit public à l’Université de Lorraine.

Le gouvernement projetait à l’automne un “projet de loi travail 2” au sujet duquel il s’abstenait de communiquer dans le détail. Tout au plus pouvait-on y anticiper une seconde mouture des ordonnances travail de 2017. Le texte aurait pu porter des mesures relatives au travail des seniors, notamment en termes de pénibilité et de reconversion afin de tirer les conséquences de la réforme des retraites qui contraint les salariés à travailler deux ans de plus, mais aussi de l’échec de la négociation interprofessionnelle du printemps. Ce projet de loi aurait pu voir renaître les dispositions évoquées dans le rapport parlementaire “Rendre des heures aux Français” qui proposait une refonte des seuils de CSE et de BDESE (base de données économique sociale et environnementale).

Ce rapport parlementaire pouvait également irriguer le projet de loi simplification soumis pour l’instant au Sénat. Les syndicats auditionnés par les sénateurs s’étaient opposés à ce texte qui prévoyait par exemple des mesures en matière de bulletin de paie et d’information préalable des salariés en cas de projet de cession de l’entreprise. En principe, la dissolution de l’Assemblée nationale n’affecte pas les mandats ni l’activité des sénateurs qui peuvent continuer de siéger. La tradition parlementaire veut cependant qu’il cesse ses travaux jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée. Si techniquement les travaux internes des commissions par exemple peuvent se poursuivre, les projets de loi se trouve suspendus du fait de l’interruption de la navette parlementaire. Lundi 10 juin dans l’après-midi, le Sénat a tenu une conférence des Présidents et décidé de suspendre ses travaux. La séance d’aujourd’hui consacrée aux débats sur le projet de loi simplification est donc annulée (lire l’ordre du jour sur le site du Sénat).

La réforme de l’assurance chômage poursuit son chemin

Les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord en novembre 2023. Un texte non agréé par l’exécutif qui avait décidé de reprendre la main après l’échec des négociations sur les seniors. Une proposition de loi du groupe Liot devait perturber l’adoption du décret gouvernemental. Sa discussion en séance publique de l’Assemblée était prévue ce jeudi 13 juin. Avec la dissolution, l’adoption de ce texte est suspendue comme les autres. Le gouvernement n’a donc plus d’obstacle face à lui pour publier son décret. La ministre Agnès Pannier-Runacher l’a confirmé dans a soirée. Une partie entrera en vigueur le 1er juillet pour la continuité du régime d’assurance chômage, l’autre partie incluant la réforme entrera en vigueur le 1er décembre 2024. Plusieurs organisations syndicales dont Force Ouvrière et la CFDT ont déjà annoncé leur intention de saisir le Conseil d’État contre le décret. Une action qui avait déjà retardé l’entrée en vigueur de la réforme de 2019. C’est pour l’heure le seul rempart plausible à la réforme du gouvernement. Aurélie Dort nous le confirme : “Le gouvernement n’avait pas besoin de l’Assemblée avant la dissolution pour promouvoir son décret. Si la proposition de loi avait suivi son chemin et avait été adoptée, il aurait dû en respecter le cadre législatif. Désormais, avec la dissolution, il peut donc tout à fait rédiger et publier les textes relevant de son pouvoir réglementaire”. Pour mémoire, on attend aussi des décrets de transposition de la loi partage de la valeur (transposant un accord national interprofessionnel), notamment pour y ajouter des mentions supplétives relatives à la déclaration publique “pays par pays” en matière d’optimisation fiscale.

Les travaux parlementaires reprendraient autour du 18 juillet puis le 1er octobre

Selon Aurélie Dort, l’article 12 de la Constitution prévoit qu’après une dissolution, l’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours. Si l’on calcule l’application de ces délais, la future Assemblée se réunira de plein droit le deuxième jeudi après le 7 juillet, date du second tour des élections législatives, soit le 18 juillet. “La session ordinaire ayant été interrompue par la dissolution, une nouvelle session de quinze jours s’ouvrira, soit jusqu’au 1er août. A l’issue, la session ordinaire reprendra comme prévu par l’article 28 de la Constitution le premier jour ouvrable d’octobre”, c’est-à-dire le mardi 1er octobre, précise la spécialiste du droit public. Quoiqu’il en soit, les syndicats devront s’adapter à un nouveau (ou nouvelle) ministre du travail, alors que des concertations devaient commencer cet été sur l’élargissement du bonus-malus de cotisations chômage à de nouveaux secteurs.

Une intersyndicale appelle à manifester ce weekend

Les numéros un des 8 organisations syndicales de salariés étaient réunis hier soir au siège de la CGT. A l’issue, une déclaration commune a été rédigée, constituant une intersyndicale à cinq composée de la CFDT, la CGT, l’Unsa, la FSU et Solidaires. Le communiqué appelle à un “sursaut démocratique et social” et à “manifester le plus largement possible ce weekend pour porter la nécessité d’alternatives de progrès”. Force Ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC n’en sont pas signataires. Conformément à ses statuts, revendiquant son indépendance et l’absence de toute consigne de vote, Force Ouvrière a publié son propre communiqué à l’issue de son bureau confédéral. Elle acte que la dissolution constitue un aveu d’échec des politiques menées doublé d’un déni de démocratie sociale”. Elle réaffirme “son opposition à toute forme de racisme et de rejet de l’autre, ainsi que son attachement fondamental aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité”. FO portera ses revendications “sur le terrain syndical” uniquement et non sur le terrain politique. Pour la CFE-CGC, il faut appeler les Français “à la vigilance et au discernement nécessaires et à imposer par leur vote une restauration des équilibres entre le pouvoir politique et les corps intermédiaires”.

Dissolution, l’article 12 de la Constitution à la loupe
Sous la Ve République, le Président dispose de pouvoirs de décision plus importants que ses prédécesseurs des Républiques précédentes. En matière de dissolution, il lui suffit de consulter le Premier ministre, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. On note qu’il s’agit d’une simple consultation : le Président de la République n’a pas à recueillir leur accord. Dissoudre l’Assemblée fait partie de ses “pouvoirs propres” avec la nomination du Premier ministre (art. 8), le recours au référendum (art. 11), la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels (art.16*), le droit de message aux Assemblées parlementaires (art. 18), la nomination de trois membres du Conseil constitutionnel et de son président (art. 56) et la saisine du Conseil constitutionnel (art. 54 et 61).

“Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution”, poursuit l’article 12 de la Constitution”. Emmanuel Macron a donc choisi le délai le plus court de cette fourchette, sans doute dans le but d’installer une nouvelle Assemblée nationale avant les Jeux Olympiques qui se tiendront du 26 juillet au 11 août. Aucune autre dissolution ne peut intervenir pendant un an.

Ajoutons que le décret de dissolution bénéficie d’une immunité juridictionnelle : il est impossible de l’attaquer en justice devant le Conseil d’État (CE, 20 février 1989 n° 98538) ni devant le Conseil constitutionnel (Cons. Const., 13 juillet 1988 n° 88-1040/1054).

Voici un récapitulatif des précédentes dissolutions, de leurs causes officielles et de leur issue :



Date / Président / Cause
9 octobre 1962 / Charles de Gaulle / Motion de censure
30 mai 1968 / Charles de Gaulle / Mai 68
22 mai 1981 / François Mitterrand / Majorité contraire
14 mai 1988 / François Mitterrand / Majorité contraire
21 avril 1997 / Jacques Chirac / Situation économique et Euro  

De 1962 à 1988, la dissolution a conduit à renforcer la majorité présidentielle. En revanche, en 1997, Jacques Chirac a dû ouvrir une cohabitation avec Lionel Jospin.

(*) Les pouvoirs exceptionnels ne sont accordés que si “les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu”. Pendant l’exercice de ces pouvoirs exceptionnels, l’Assemblée nationale ne peut pas être dissoute.

Marie-Aude Grimont

Que retenir du début du second quinquennat d’Emmanuel Macron ?

12/06/2024

Quel bilan peut-on faire de l’action des deux chefs de gouvernement d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, depuis la réélection du président de la République pour un second mandat en 2022 ? Retour sur l’adoption de quelques textes et mesures en matière sociale, avec le rappel de leur contexte.

Jusqu’alors ministre du travail, Élisabeth Borne hérite du poste de Premier ministre le 16 mai 2022, après la victoire au second tour, face à Marine Le Pen (RN), d’Emmanuel Macron, élu pour la première fois en 2017. Mais l’action de cette haut-fonctionnaire, polytechnicienne, sera limitée d’une part par son faible poids politique personnel et surtout, d’autre part, par la majorité relative acquise aux législatives par Renaissance (ex En Marche), d’où un recours important à l’article 49 alinéa 3 pour faire passer des projets.

Les premiers pas d’Élisabeth Borne

A l’époque, le contexte socio-économique est marqué par la forte reprise économique suivant la crise sanitaire, qui commence à engendrer des difficultés de recrutements en France, mais aussi par des tensions géopolitiques : la guerre entre la Russie et l’Ukraine entraîne une inflation élevée et une forte hausse du coût de l’énergie, un contexte qui pèse sur le niveau de vie des salariés.

Le gouvernement met alors en place, ou prolonge, une série de mesures : prime transport, bouclier tarifaire dans l’énergie, poursuite de la prime de pouvoir d’achat, prime de 6 000 € pour les contrats en alternance, facilitation de l’usage du titre restaurant, etc. Il s’agit de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs sans pour autant peser sur la masse salariale des entreprises. Tout en gérant la décrue des aides à l’activité partielle, Élisabeth Borne va s’attacher à construire et piloter depuis Matignon une politique de transition énergétique et climatique en associant les filières économiques.

Elle pose aussi les bases d’une politique de plein emploi qui va aboutir à la création de France travail coiffant tous les opérateurs de l’emploi, sans oublier la mise en œuvre d’un outil dit de “bonus-malus” faisant varier les cotisations sociales des entreprises selon leur recours aux emplois précaires ou encore l’obligation faite aux employeurs de signaler un abandon de poste d’un salarié afin que celui-ci n’ait pas droit aux indemnités chômage.  

La question salariale

La forte demande d’augmentation des salaires, notamment pour la revalorisation des travailleurs de deuxième ligne exposés durant la crise sanitaire, n’est cependant pas toujours satisfaite dans les entreprises. La Première ministre, et son ministre du travail Olivier Dussopt, en appellent à la responsabilité des branches pour faire en sorte que les minima conventionnels soient revalorisés régulièrement pour ne pas être rattrapés par le Smic. Mais la sanction financière pour les branches ne négociant pas sur les minima conventionnels évoquée par la PM lors de la conférence sociale d’octobre 2023, après une première menace de fusion autoritaire des branches n’ayant pas d’activité de négociation, ne sera pas mise en œuvre.

De la même façon, Élisabeth Borne et son ministre, en dépit de toute une série de rapports et d’études sur le sujet, écartent toute remise en cause ou adaptation importante des ordonnances de 2017 qui ont créé le comité social et économique (CSE). En dépit de l’organisation d’assises du travail, les demandes des syndicats, médecins et experts portant sur une action plus vigoureuse afin de lutter contre les accidents du travail et de mieux appréhender les risques psychosociaux se heurtent également à une grande prudence, le gouvernement finissant toutefois par lancer une campagne de communication sur le sujet. De même, le gouvernement, qui n’entend pas reconnaître le statut de salariés aux travailleurs des plateformes, préfère opter pour des négociations spécifiques dans le secteur des plateformes numériques.

En revanche, des droits nouveaux sont offerts aux salariés aidants, aux parents d’enfants malades, aux femmes devant effectuer une interruption médicale de grossesse (suppression du délai de carence de 3 jours de 3 jours en cas d’arrêt maladie). En outre, les modalités de la loi Rixain fixant des quotas de femmes dans les comités de directions sont fixées.

Le conflit des retraites

Mais ce qui restera sans doute du mandat d’Élisabeth Borne et du début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, outre l’embellie de l’emploi, le cap mis sur le plein emploi et les émeutes urbaines de 2023, est la réforme des retraites. Malgré une forte mobilisation intersyndicale et une opinion hostile, le projet est adopté grâce au 49.3. Publiée le 15 avril 2023, la loi prévoit le relèvement de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Le texte organise l’augmentation progressive (43 ans dès 2027) de la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein, et il s’accompagne d’autres mesures sociales comme un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle.

Sur le plan politique et social, cet épisode va laisser des traces, les syndicats dénonçant une absence d’écoute du gouvernement. Le rabibochage entre l’exécutif et les syndicats, qui perdent sur ce dossier mais gagnent de nouveaux adhérents avec ce mouvement social, sera pour le moins éphémère.

Mais il sera marqué par la retranscription, dans une loi assez fidèle, de l’accord des partenaires sociaux du 13 février 2023 concernant le partage de la valeur dans l’entreprise. Entre une partie des partenaires sociaux et l’exécutif, tout se passe comme si le partage des profits pouvait constituer un terrain d’entente, au contraire de l’approche très clivante sur les rémunérations ou le financement de la protection sociale.

La loi prévoit des mesures sur la participation, dont un élargissement à terme pour les petites entreprises, une négociation obligatoire en cas d’augmentation exceptionnelle du résultat fiscal net, des mesures sur l’actionnariat salarié et l’intéressement, sans oublier une forme de pérennisation de la prime de partage de la valeur, qui peut désormais être versée deux fois par an dans l’entreprise, ou encore des nouveautés sur l’épargne retraite.

Pour autant, ce texte ne constitue pas une révolution, et cette embellie sera d’ailleurs de courte durée. Élisabeth Borne laisse entendre qu’elle va revenir sur le caractère social favorable pour le salarié et l’entreprise de la rupture conventionnelle (cette piste sera abandonnée), et le ministre de l’économie parle de réduire à 2 mois la durée légale pour contester un licenciement ! Cerise sur le gâteau, l’approche du projet de loi immigration par le gouvernement, qui visait au départ à régulariser certains travailleurs immigrés sur des métiers en tension avant d’être beaucoup plus restrictif au point de subir plusieurs censures constitutionnelles, sera fustigée par le tissu associatif et syndical.

La gestion par le gouvernement de l’assurance chômage va accentuer ce dialogue de sourds. A l’automne 2023, le gouvernement, après avoir décidé qu’un CDD pourra perdre ses droits à indemnisation s’il refuse deux offres de CDI, demande aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention sous une contrainte budgétaire forte, mais il refusera ensuite d’agréer l’accord qui en résulte faute de garanties d’économies suffisantes.

A l’automne 2023, le gouvernement d’Élisabeth Borne est également confronté au changement de jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’acquisition de congés pendant un arrêt maladie. L’exécutif entreprend de légiférer, guidé par le souci d’éviter de voir grossir de coûteux contentieux pour les entreprises, avec de nouvelles règles à compter d’avril 2024.

L’approche de Gabriel Attal

Fragilisée par le conflit social sur les retraites, Élisabeth Borne est finalement “démissionnée” le 9 janvier 2024 par le chef de l’Etat qui choisit, pour la remplacer, un jeune ministre de 34 ans, Gabriel Attal, censé redonner de la popularité à l’exécutif en vue des européennes de juin 2024.

Soucieux de s’imposer, l’ancien secrétaire d’Etat aux comptes publics, qui aura été pendant 5 mois ministre de l’Éducation nationale, multiplie déplacements et déclarations. Il reçoit son baptême du feu en affrontant la colère des agriculteurs, qu’il règle en lâchant du lest sur les questions environnementales. Mais Gabriel Attal, à qui le président laisse peu d’espace, n’aura guère le temps d’agir du fait de l’annonce surprise de la dissolution par Emmanuel Macron le 9 juin, soit 5 mois à peine après sa nomination. Dans son discours d’investiture, il avait promis de “simplifier”, “débureaucratiser” et “désmicardiser” la France, et avait annoncé dans le prochain budget des mesures de baisses d’impôt pour les classes moyennes.

Sur le plan social, le jeune ministre est accompagné par Catherine Vautrin pour les dossiers de la santé et du travail, mais ce dernier portefeuille semble moins investi par la ministre qui doit s’atteler au déficit de la Sécurité sociale comme au projet de loi sur l’aide à mourir, qu’elle n’aura pas non plus l’occasion de mener à terme. Quoi qu’il en soit, Gabriel Attal, confronté à une détérioration de la croissance et à une hausse des déficits publics, ne met guère d’huile dans les rouages du dialogue avec les organisations syndicales : l’heure est aux économies. Après avoir demandé aux syndicats et au patronat de renégocier sur l’assurance chômage, il finit rapidement par annoncer une reprise en main pure et simple par l’Etat.

Un climat social tendu

Au nom de l’objectif de plein emploi, le projet de décret de l’assurance chômage, que le gouvernement devrait publier d’ici le 30 juin en expédiant les affaires courantes (*), prévoit un durcissement de l’indemnisation à compter de décembre prochain, ainsi qu’une généralisation du bonus-malus.  Mais pour les syndicats comme pour nombre d’observateurs, il s’agit surtout pour l’Etat de diminuer les dépenses publiques. Sous l’impulsion du ministre de l’économie, le gouvernement a d’ailleurs coupé dans ses dépenses pour 2024, tant dans les lignes budgétaires de la transition climatique que dans les dépenses du ministère du travail (fin de l’aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation, baisse des crédits pour l’accompagnement dans l’emploi, par ex.).

Confronté au sous-financement de sa politique de formation, le gouvernement a également imposé aux salariés un reste à charge de 100 € lorsqu’ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF), et prévu une simplification du bulletin de paie, une mesure très critiquée par les syndicats et d’ailleurs rejetée par les sénateurs lors de l’examen récent du projet de loi de simplification mais qu’une mesure réglementaire pourrait néanmoins toujours imposer.

Il faut dire que les partenaires sociaux s’étaient eux-mêmes fragilisés face à l’exécutif en ne trouvant pas de terrain d’entente sur le thème de l’emploi des seniors (alors que nombre d’accords favorisent encore leur départ), des reconversions et de l’usure professionnelle, dans la négociation interprofessionnelle souhaitée par le gouvernement, même si un autre accord a été trouvé in fine avec l’U2P sur le compte épargne-temps universel.

Sorties de la loi retraite parce que considérées comme des cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel, ces mesures potentielles, comme un index seniors, un CDI senior ou autres (Gabriel Attal a dit souhaiter qu’un senior au chômage acceptant de reprendre un emploi moins payé que le précédent puisse continuer de recevoir une indemnisation pendant un temps), devaient faire l’objet d’un projet de loi à la rentrée.

Les sujets en suspens

Du fait de la dissolution, se retrouvent également dans les limbes plusieurs textes non adoptés définitivement, ainsi que plusieurs projets : 

  • le projet de loi de simplification en cours d’examen au Parlement (le projet comprenait la réduction de deux à un mois du délai d’information préalable des salariés en cas de vente de fonds de commerce) ; 
  • l’annonce de la fin de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les demandeurs d’emploi en fin de droits ;
  • l’annonce pour l’automne d’une nouvelle réforme du code du travail (qui aurait pu aborder la question des prérogatives et des seuils pour le CSE mais aussi la négociation collective, Gabriel Attal voulant permettre aux entreprises de négocier davantage de règles à leur niveau) ; 
  • l’annonce, faite lors de la conférence sociale d’octobre 2023, d’une modification de l’index de l’égalité F/H pour le début 2025 ; 
  • l’annonce de la transformation du congé parental en un congé de naissance de 6 mois ;
  • le projet de fusion de l’audiovisuel public ;
  • le projet de loi sur l’aide à mourir en cours d’examen, etc. 

Rappelons que 2024 sera marquée par la nouvelle mesure de l’audience des organisations syndicales avec, en fin d’année, le scrutin sur les très petites entreprises (TPE).

Surtout, les mois qui viennent s’annoncent incertains sur le plan économique. Alors que l’exécutif mène, depuis 7 ans sous la baguette d’Emmanuel Macron, une politique de l’offre assumée au nom de l’emploi et de l’attractivité des investisseurs étrangers en France (réduction des risques juridiques pour les entreprises avec le barème d’indemnités de licenciements, allègements des impôts sur les entreprises et refus de tout conditionnement des aides publiques, simplification des instances représentatives, etc.), cette stratégie sera-t-elle poursuivie par le gouvernement de la majorité qui sortira des urnes lors du scrutin des 30 juin et 7 juillet ? Quoi qu’il en soit, le prochain gouvernement ne pourra sans doute pas éviter de se pencher sur la question des basses rémunérations, sur le financement pérenne d’une protection sociale de plus en plus dépendante de l’impôt, mais sans doute aussi sur la santé au travail, les problématiques environnementales et le niveau des déficits publics et donc des recettes fiscales, une équation pas facile à résoudre.  A suivre…

(*) Ce décret devrait proroger au-delà du 1er juillet la convention actuelle, et instaurer de nouvelles règles à compter du 1er décembre prochain.

Depuis 2022, très peu de changements sur le CSE
Depuis la réélection d’Emmanuel Macron, jurisprudence mise à part, peu de choses ont changé concernant le CSE instauré en 2017. L’exécutif a refusé les demandes syndicales d’évolution importante du comité social et économique, tant sur le rétablissement du CHSCT ou l’abaissement du seuil de la commission santé, sécurité et environnement (CSSCT), que sur la fin de la limitation à trois mandats. 

Parmi les changements introduits par l’exécutif, signalons néanmoins :

– le décret imposant à l’employeur de mentionner certaines informations dans l’invitation à négocier le protocole préélectoral (PAP) ;

– l’obligation pour l’employeur d’une entreprise de 11 à 20 salariés d’organiser des élections même en l’absence de candidat, avec un nouveau Cerfa où l’employeur doit préciser les dates prévues des deux tours ;

– la participation à l’élection du CSE du cadre dirigeant (depuis la loi d’octobre 2022 prise à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel) ;

– de nouvelles informations liées à la durabilité, à partir de 2025 pour certaines entreprises du fait d’une transposition d’une directive européenne sur la responsabilité sociale et environnementale.

Et demain ? Tout dépendra bien sûr du programme du vainqueur des élections, sachant que les entreprises et les services RH n’aiment guère les changements radicaux. Pour résumer, disons que la droite et le centre sont plutôt dans le prolongement et l’accentuation des ordonnances de 2017 tandis que la gauche souhaite les modifier ou les rééquilibrer (en 2022, le programme de la Nupes promettait le rétablissement du CHSCT).

Quant à l’extrême droite, elle a infléchi son discours sur le dialogue social et les syndicats depuis la présidentielle de 2022. Alors qu’en 2017, le programme de Marine Le Pen prévoyait d’instaurer “une véritable liberté syndicale par la suppression du monopole de représentativité”, en 2022, la candidate d’extrême droite s’était bornée à souhaiter “faire émerger, à côté de la démocratie politique, une démocratie sociale qui s’appuierait sur les corps intermédiaires pour mieux les associer aux grandes réformes sociales”.

Par ailleurs, le législateur devra sans doute s’intéresser au régime social et fiscal des activités sociales et culturelles (ASC) du CSE. C’est un serpent de mer, car on sait que le régime d’exonération très favorable dont bénéficient les CSE auprès des Urssaf repose sur une base juridique fragile. Après la décision de la Cour de cassation écartant tout critère d’ancienneté pour l’attribution de ces ASC, une mise au clair du régime ne serait-elle pas bienvenue ?  

Bernard Domergue

Dissolution et extrême-droite : quel rôle politique pour le Medef et la CGT ?

13/06/2024

Réunis en débat aux Assises du social (1) mardi 11 juin 2024, les représentants de la CGT et du Medef ont débattu du “monde qui vient”. Des échanges prévus de longue date mais nécessairement empreints d’une nouvelle gravité liée à la dissolution de l’Assemblée annoncée par Emmanuel Macron l’avant-veille. Sophie Binet et Patrick Martin ont ainsi mis en avant des points de vue convergents sans masquer leurs désaccords de principe.

“C’est un scandale démocratique” a d’emblée martelé Sophie Binet au sujet de la dissolution de l’Assemblée nationale. “Le Medef ne se laissera pas instrumentaliser”, a prévenu quant à lui Patrick Martin. Les deux numéros un aux aspirations fondamentalement opposées partagent cependant une vision commune : la vie politique est trop sérieuse pour être laissée à l’extrême-droite.

Une commune inquiétude face à la dissolution

Sophie Binet (CGT) assume ce qu’elle qualifie elle-même du “rôle de l’insolente”. Mais sa bonne humeur ne masquait ni son inquiétude ni sa colère. “C’est juste honteux”, réagit-elle à la dissolution en se replaçant dans la perspective du programme social du Conseil national de la Résistance, un “fil rouge” consistant comme aujourd’hui selon elle à “reprendre le pouvoir sur les forces de l’argent”. Patrick Martin a bien-sûr réagi immédiatement à ces propos, s’interrogeant sur “ce que sont les puissances de l’argent”. Sophie Binet réplique immédiatement : “Je rappelle que l’hallali lancé contre le CNR est venu de Denis Kessler, ancien vice-président du Medef”. Ambiance…

Après cette légère tension, Patrick Martin a rejoint Sophie Binet sur la gravité de la situation : “Dans un contexte économique mondial exigeant, nous avons besoin de visibilité et de stabilité. La situation ne va pas dans ce sens, donc c’est très perturbant pour nous”. Le Président du Medef alerte également sur “une fracturation progressive mais rapide du pays à laquelle les partenaires sociaux ne sauraient contribuer et dont l’entreprise doit se protéger”.

Défendre la place des corps intermédiaires

Les deux leaders syndicaux se rejoignent sur leur volonté de défendre la place des syndicats dans la démocratie sociale, notamment dans leur rôle de gestionnaires paritaires. “Mon organisation réunit 200 000 militants chefs d’entreprise. Aujourd’hui, le risque est de nous voir sortis du champ social pour des raisons idéologiques dans un mouvement d’étatisation dangereuse alors que l’État ne se montre pas comme le meilleur gestionnaire”. Allusion aux volontés de reprise en main de l’assurance chômage que l’État rêve de financer par l’impôt. Il ajoute : “Nous gérons 250 milliards d’euros au titre de l’assurance chômage, des accidents du travail, des groupes de protection sociales, des retraites complémentaires, du logement entre autres. Tous ces régimes sont équilibrés. Il serait grave de marginaliser les partenaires sociaux”.

Sophie Binet s’inscrit dans ses propos et se déclare “tout à fait d’accord avec Patrick Martin, cela nous arrive”. Elle pointe encore une fois le “scandale démocratique” par lequel Emmanuel Macron s’est affranchi du contrôle de l’Assemblée nationale, lui permettant de publier le décret réformant l’assurance chômage : “L’Assemblée a été dissoute avant la séance publique alors que la proposition de loi Liot a été adoptée la semaine dernière en commission des affaires sociales”. Selon la secrétaire générale, Emmanuel Macron accentue ainsi “la verticalité du pouvoir”. Elle souligne également que les protections sociales permettent aux salariés de “rompre avec la peur”. Le détricotage de ces régimes crée selon elle des angoisses de fond qui pousseraient justement les Français à voter en faveur du Rassemblement National.

“Nous avons notre mot à dire sur la marche du pays”

Pour Sophie Binet, aucun doute : une organisation syndicale peut et doit s’impliquer dans le champ politique, au-delà de la seule défense syndicale de ses adhérents. Avec une nuance cependant : “Il ne s’agit pas de politique au sens politicien mais de défendre l’intérêt général. 90 % des Français étant salariés, si l’on ajoute les retraités qui sont d’anciens salariés, et les jeunes qui sont de futurs salariés, les défendre revient à défendre tout le monde”. Pas question en revanche de remplacer le personnel politique : “Nous n’avons pas le même rôle mais en tant que syndicats nous avons notre mot à dire sur la marche du pays, les organisations syndicales sont des marqueurs de la démocratie, avec la liberté de la presse et l’indépendance de la justice”.

Rappelons qu’au début de son mandat, le dernier jour du congrès de Clermont-Ferrand pendant lequel elle a été élue, Sophie Binet avait indiqué sa volonté de “normaliser les relations avec les partis politiques” et ne cache pas cultiver de bonnes relations avec François Ruffin (France Insoumise).

“Nous ne serons pas les idiots utiles de telle ou telle formation”

Patrick Martin ne rechigne pas à placer son organisation dans une perspective politique, sous condition : “Nous ne revendiquons pas de rôle politique mais nous l’avons de fait”, pose celui qui dénonce “le fascisme d’extrême gauche autant que d’extrême droite” car “la violence se trouve des deux côtés”. Le président du Medef montre également sa fermeté et prévient les futurs gouvernants que “nous ne serons pas les idiots utiles de telle ou telle formation politique, le Medef ne se laissera pas instrumentaliser”. Même s’il reconnaît l’existence de “sensibilités diverses dans [leurs] rangs”, Patrick Martin veut maintenir son organisation dans le cadre de la légitimité des champs économique et social.

En fin de débat, un étudiant en sciences politiques lui pose cette question : “quel métier n’auriez-vous pas aimé faire ?”. La réponse fuse : “Homme politique”. Rires et applaudissements dans la salle. Patrick Martin en profite pour déplorer “un appauvrissement du personnel politique dans sa capacité à assumer ses convictions”, ajoutant que les hommes politiques sont de surcroît “mal payés” alors “qu’on a besoin de politiques de haut niveau sur le plan intellectuel, des gens de talent”. Il conclut : “C’est très grave pour le pays”.

(1)  Association dédiée aux acteurs des ressources humaines et organisatrice de la journée

Marie-Aude Grimont

Pour Emmanuel Macron, “le travail doit mieux payer”

13/06/2024

Lors d’une conférence de presse hier, Emmanuel Macron a justifié sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui interrompt tous les travaux parlementaires. Les résultats des européennes ne peuvent pas être ignorées, a-t-il expliqué, en ajoutant : “Nos compatriotes ont exprimé leurs inquiétudes sur les questions de sécurité, d’immigration, de pouvoir d’achat. Ils ont dit leur difficulté à s’en sortir, même quand on travaille, leur sentiment de ne pas être écoutés (..) Il fallait apporter une réponse politique qui ne pouvait pas procéder d’un changement de gouvernement ou de coalition, les derniers jours ont d’ailleurs montré que c’était impossible au Parlement. Seule la dissolution permet la clarification des choses (..) C’est un acte de confiance dans notre peuple”. 

Le président de la République a également lancé quelques pistes pour le futur programme de Renaissance pour les législatives. Alors que Gabriel Attal avait évoqué, dans son discours d’investiture, le projet de baisser les impôts des classes moyennes dans le prochain budget, le chef de l’Etat est revenu sur le pouvoir d’achat : “Le travail doit mieux payer. Beaucoup a été fait mais il faut être plus ambitieux, pour mieux partager les revenus du travail et de la richesse”, a-t-il lancé.

Le président de la République a suggéré un élargissement aux indépendants des allègements sociaux et fiscaux, et a semblé favorable à une accentuation de la prime de partage de valeur (PPV). Il a souhaité “rouvrir le grand sujet du temps partiel subi des emplois rémunérés sous le Smic”. Rappelons que la question des minima conventionnels inférieurs au Smic se pose régulièrement depuis la reprise en France de l’inflation. 

Par ailleurs, Emmanuel Macron s’est prononcé contre la désindexation des retraites sur l’inflation. “Les économies ne se feront pas sur le dos des retraités”, a-t-il déclaré.

Source : actuel CSE

Métiers émergents ou en particulière évolution : nouvel appel à contributions de France compétences

13/06/2024

Après un premier appel à contribution du qui a été clôturé le 30 avril 2024, France compétences lance une deuxième vague de travaux à destination des branches et syndicats professionnels pour compléter la liste 2024 des métiers en émergence ou en particulière évolution.

Les contributeurs devront notamment répondre aux grandes orientations nationales : transition écologique, énergétique et environnementale ; transformation numérique ; modernisation des réseaux et des infrastructures ; services à la personne et relocalisation d’activités productives en France. Les résultats permettront d’actualiser la liste en début d’année 2025.

Les certifications professionnelles correspondant à ces métiers feront l’objet d’une procédure dérogatoire d’enregistrement au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Les contributions devront être envoyées au plus tard le 30 septembre 2024, à l’adresse dédiée : contribution-metiers@francecompetences.fr.

Source : actuel CSE

CDD et contrat d’intérim multi-remplacements : trois nouveaux secteurs intégrés à l’expérimentation

14/06/2024

Un décret du 10 juin 2024 ajoute trois nouveaux secteurs dans la liste de ceux autorisés à expérimenter le CDD multi-remplacement, expérimentation renouvelée jusqu’au 13 avril 2025.

L’article 6 de la loi Marché du travail du 21 décembre 2022 a réactivé pour deux ans une expérimentation déjà menée du 20 décembre 2019 au 31 décembre 2020 permettant, dans certains secteurs seulement, de ne conclure qu’un seul CDD ou qu’un seul contrat d’intérim pour remplacer plusieurs salariés. On parle de « CDD multi-remplacements » ou de “contrats de travail temporaire multi-remplacements”.

Cette nouvelle expérimentation a débuté le 14 avril 2023 et prendra fin le 13 avril 2025.

Les premiers secteurs autorisés à mener l’expérimentation ont été listés par un décret d’application du 12 avril 2023.

Trois nouveaux secteurs

Un nouveau décret en date du 10 juin 2024 ajoute à cette liste trois nouveaux secteurs :

  • la branche ferroviaire ;
  • la branche des réseaux de transports publics urbains ;
  • et le statut de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Ce texte entre en application le 13 juin 2024.

Anne Bariet

Des propos racistes tenus lors du repas de Noël du CSE laissent supposer une discrimination

14/06/2024

Des propos racistes tenus par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël avec des collègues de travail, organisé par le comité social et économique, relèvent de la vie professionnelle de la salariée et constituent des éléments laissant supposer une discrimination en raison des origines.

Une salariée saisit le conseil de prud’hommes en vue notamment d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle souhaite que cette résiliation produise les effets d’un licenciement nul car dû à un harcèlement moral discriminatoire. Elle se plaint en effet d’avoir subi des quolibets et clichés racistes de la part de sa supérieure hiérarchique, à son égard et vis-à-vis des noirs en général, spécialement lors du repas de Noël organisé par le comité d’entreprise. 

Un contexte “festif”

Elle est déboutée en appel. Les juges constatent que la référence à la couleur de peau de la salariée a été évoquée par la supérieure hiérarchique dans le contexte très particulier d’un repas festif, organisé non par l’employeur mais par le comité d’entreprise, en dehors de l’entreprise et du temps de travail. 

En outre, aux yeux des juges, il n’est pas démontré que les faits dénoncés, se rapportant à des avantages que la salariée expliquait pouvoir obtenir de la part de commerçants dans le cadre de réclamations (par exemple un surclassement ou des “miles” par une compagnie aérienne), se rattachent à la vie professionnelle de l’intéressée et à celle de l’entreprise. Ils en déduisent que ces faits, indépendants de la vie professionnelle de la salariée, ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Des faits non établis

Devant la cour d’appel, la salariée a également invoqué un certain nombre de faits pour démontrer la discrimination raciale subie : absence de double écran informatique ou de ligne téléphonique dédiée alors que tous les autres salariés en disposaient, apparition de ses noms et fonctions au plus bas de l’organigramme, attribution d’un CDI à un jeune stagiaire d’un poste équivalent au sien alors qu’elle avait exprimé le souhait de bénéficier d’un tel contrat, etc.

Mais aucun de ces faits n’était établi. En revanche, les propos tenus lors du repas de Noël étaient, eux, corroborés par le témoignage de plusieurs salariés figurant dans le compte-rendu de l’enquête menée par le CHSCT  (CA Versailles 27-1-2022 n° 20/01577).

Des propos tenus en présence de collègues de travail

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis que les juges de la cour d’appel. Elle casse l’arrêt d’appel, considérant que les propos à caractère raciste, tenant à la couleur de peau de la salariée, avaient été tenus par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël avec des collègues de travail, organisé par le comité d’entreprise, ces propos relevaient donc de la vie professionnelle de la salariée et constituaient des éléments laissant supposer une discrimination en raison de ses origines.

De la même façon, la Cour de cassation juge qu’une faute ayant eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail peut justifier un licenciement disciplinaire lorsqu’elle est susceptible de se rattacher à la vie professionnelle du salarié.

Ainsi, par exemple, est justifié le licenciement pour faute grave du salarié, cadre de l’entreprise, ayant donné un violent coup de pied au visage d’un autre salarié au cours d’une réunion du personnel organisé dans les locaux de l’entreprise et en dehors des heures de travail par le CSE, ce comportement relevant de la vie professionnelle du salarié, quand bien même le litige à l’origine de la rixe était d’ordre personnel (Cass. soc. 12-1-1999 n° 96-43.705).

De même, se rattache à la vie professionnelle du salarié et peut justifier son licenciement disciplinaire le fait de proférer des injures racistes et de violer l’interdiction de fumer dans l’entreprise après la journée de travail (Cass. soc. 16-10-2023 n° 12-19.670).

En l’espèce, en application du régime probatoire de la discrimination (C. trav. art. L 1134-1), il appartient désormais à l’employeur de démontrer devant la cour d’appel de renvoi que la situation alléguée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ce qui, au cas présent, paraît difficile.

Ndlr : à l’époque des faits, c’était un comité d’entreprise, mais la décision est transposable au CSE, d’où notre titre. 

Violaine Magnier

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : dissolution, formation, nominations, outre-mer, protection sociale, transports, indépendants

14/06/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 7 juin au jeudi 13 juin inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.

Dissolution

  • Proclamation des résultats de l’élection des représentants au Parlement européen
  • Décret du 9 juin 2024 portant dissolution de l’Assemblée nationale
  • Décret du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale (les 30 et 7 juillet) 
  • Décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique du 10 juin 2024 de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique relative au temps d’émission attribué aux formations politiques représentées par un groupe dans l’une ou l’autre des assemblées du Parlement et aux organisations syndicales et professionnelles représentatives à l’échelle nationale pour l’année 2024

Formation

  • Une décision du 5 juin 2024 porte enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles et au répertoire spécifique

Nominations

  • Un arrêté du 22 avril 2024 porte nomination à la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières

Outre-mer

  • Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2024-534 du 12 juin 2024 portant adaptation des dispositions de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon
  • Ordonnance n° 2024-534 du 12 juin 2024 portant adaptation des dispositions de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Protection sociale

  • Un arrêté du 7 juin 2024 fixe le montant du financement de l’État pour le maintien de la prise en charge des jeunes majeurs par l’aide sociale à l’enfance
  • Un arrêté du 7 juin 2024 fixe le montant du financement de l’État pour le maintien de la prise en charge des jeunes majeurs par l’aide sociale à l’enfance

Transports

  • Un décret du 10 juin 2024 modifie le décret n° 2023-263 du 12 avril 2023 définissant les secteurs autorisés à mettre en œuvre l’expérimentation prévue par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire (lire notre article dans cette même édition)

Travailleurs indépendants

  • Un arrêté du 10 juin 2024 précise les modalités de candidature des organisations professionnelles de travailleurs indépendants dans le cadre de l’établissement de leur représentativité en 2025

Source : actuel CSE

Recul des droits de l’Homme dans le monde : la CSI et FO s’inquiètent

14/06/2024

La Confédération Syndicale Internationale (CSI) a publié mardi 12 juin son indice annuel des droits humains dans le monde. Si la France conserve un score de 2 sur 5+ en matière de respect des droits de l’Homme (le même que l’année dernière), la CSI relève qu’en 2023, les manifestations contre la réforme des retraites ont été “violemment réprimées” (“violently repressed”, pages 8 et 44 du rapport en pièce jointe) par la police. La CSI note également les poursuites de l’État français à l’égard des membres du bureau confédéral de la CGT Sébastien Menesplier et Myriam Lebkiri. 

Force Ouvrière note par ailleurs que la CSI met en lumière “les pressions exercées sur les bourses du travail ou sur les locaux syndicaux en France”. La confédération “continue de se mobiliser sur tous les terrains, y compris devant les tribunaux, pour défendre les droits fondamentaux des travailleurs et des syndicats en France, notamment contre les réquisitions abusives, pour l’exercice du droit de grève ou encore contre les atteintes à la liberté de réunion”, tant sur le plan français qu’européen et international.

Plus globalement au niveau mondial, le droit de grève serait bafoué dans 87 % des pays, et le droit à la négociation collective dans 79 % des pays.

Source : actuel CSE