Utilisation des heures de délégation hors temps de travail : à l’élu de prouver les nécessités du mandat

09/09/2024

Le seul fait pour un représentant du personnel de travailler la nuit ne suffit pas à prouver l’existence des nécessités du mandat permettant de prendre ses heures de délégation hors temps de travail.

L’affaire commence en 2019 devant le conseil de prud’hommes de Paris. A l’initiative du contentieux : le représentant du personnel d’une société de sécurité privée, engagé en qualité d’agent des services de sécurité incendie. Il est notamment en désaccord avec son employeur sur la rémunération de ses heures de délégation et de ses temps de déplacement pour se rendre aux réunions plénières. Il réclame un rappel de majoration d’heures supplémentaires correspondant à toutes les heures de délégation qu’il a prises en dehors de son temps de travail habituel entre septembre 2016 à février 2020.

En fait, le salarié revendique l’application d’une règle de droit du travail en vertu de laquelle les heures de délégation prises en dehors de l’horaire de travail en raison des nécessités du mandat doivent être payées comme heures supplémentaires (voir par exemple, Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.049).

Un travail de nuit

Pour cela, il fait valoir que la circonstance de travailler exclusivement la nuit dans une société en activité 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, sur différents sites ne lui permettait pas de rencontrer ses collègues comme il le souhaitait sur son temps de travail. Il en conclut alors que les nécessités du mandat l’ayant conduit à prendre l’ensemble de ses heures de délégation en dehors de son horaire de travail étaient bien établies. Et bien non !

Comme le rappelle la cour d’appel dans son arrêt du 13 juin 2024, “il appartient … au salarié représentant syndical et/ou représentant du personnel de rapporter la preuve des nécessités du mandant l’ayant conduit à prendre ses heures de délégation en dehors de son horaire de travail”.

Or, dans cette affaire, le salarié s’était contenté d’affirmer qu’il travaillait la nuit et qu’il ne pouvait donc pas rencontrer ses collègues des différents sites de travail comme il le souhaitait. Cet argument est inopérant car, pour les juges, le seul fait d’être planifié de nuit ne suffisait pas à démontrer que les nécessités du mandat avaient contraint le salarié à prendre toutes ses heures de délégation hors temps de travail.

Manque d’éléments

Le salarié n’ayant apporté “aucun élément de nature à étayer son allégation et à permettre à la cour d’apprécier concrètement l’existence des nécessités du mandat alléguées”, sa demande en paiement des heures de délégation en heures sup’ devait donc être rejetée.

Remarque : le fait d’invoquer la perturbation du fonctionnement de l’entreprise et l’agacement des collègues chargés de remplacer le représentant du personnel lorsque les heures de délégation sont prises sur le temps de travail ne prouve pas l’existence des nécessités du mandat et ne permet pas de justifier des délégations les dimanches et jours fériés (Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.049).

 Frédéric Aouate

Michel Barnier promet d’ouvrir le débat sur “l’amélioration de la loi sur les retraites”

09/09/2024

Lors de sa première interview comme Premier ministre, vendredi 6 septembre au journal de 20h de TF1, Michel Barnier a annoncé qu’il s’exprimera devant l’Assemblée nationale et le Sénat “dans les prochaines semaines”. Il a déclaré être prêt à faire évoluer la réforme des retraites. Considérant qu’il ne fallait pas augmenter la dette, il a déclaré ne pas s’interdire “une plus grande justice fiscale”, tout en insistant sur la nécessité de “revaloriser le travail” et “les bas salaires”, le Premier ministre s’en prenant “à l’inflation normative” qui handicape selon lui les entreprises.

Sur les retraites, le Premier ministre a promis “d’ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi, pour les personnes les plus fragiles”. “Je le ferai avec les partenaires sociaux”, a-t-il ajouté en invoquant le nécessaire respect des syndicats de notre pays : “Il y a un besoin de syndicats forts”. Interrogé sur une possible remise en cause du départ à 64 ans, le Premier ministre a répondu : “Ne me demandez pas où nous allons aboutir, je veux engager une amélioration (…) mais en n’augmentant pas la dette de notre pays”.

Le Premier ministre, qui a par ailleurs promis de maîtriser les flux migratoires et qui n’a pas écarté d’aller vers un scrutin à la proportionnelle que réclame notamment l’extrême-droite, a répété “vouloir dire la vérité”. Il a assuré qu’il gouvernerait autrement “en respectant” chaque citoyen comme “toutes les forces politiques”, car “plein d’idées viennent des gens du terrain”. 

Dimanche 8 septembre sur France Inter, Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, a invité le gouvernement à renoncer à un nouveau durcissement de l’assurance chômage, envisagée par Gabriel Attal pour le 1er décembre prochain, en suggérant à Michel Barnier de reprendre l’accord des partenaires sociaux trouvé en novembre 2023 sur le régime, accord que le gouvernement Attal avait refusé d’agréer.

Source :actuel CSE

Salariés protégés : panorama de jurisprudence (mars à juillet 2024)

10/09/2024

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois, par la Cour de cassation comme par le Conseil d’Etat, apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux salariés protégés. Tableau récapitulatif de jurisprudence.

La protection des représentants du personnel donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois mars à juillet 2024.

► Rappel des abréviations : Cass. soc : Chambre sociale de la Cour de cassation. CE : Conseil d’Etat.

ThèmeContexte (avec la source de la règle : code du travail, jurisprudence, etc.)Solution dégagée par les juges
Bénéfice du statut protecteur  Dans chaque branche professionnelle, une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation doit être mise en place par convention ou accord (C. trav., art. L. 2232-9). Les salariés qui en font partie ne sont pas directement visés par le code du travail comme bénéficiant du statut protecteur.    Le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles, créées par accord professionnel, la protection prévue à l’article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement. Ces dispositions sont d’ordre public en raison de leur objet. Elles s’imposent à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 ayant créé ces commissions. (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-15.857)   ► Nature de la solution : confirmation  
Un salarié bénéficiant d’un mandat extérieur à l’entreprise, comme un conseiller du salarié notamment, ne peut se prévaloir de sa protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance (jurisprudence).   L’information de l’employeur ne peut résulter de l’arrêté préfectoral publié inscrivant le salarié sur la liste des conseillers du salarié. Elle ne peut pas non plus résulter du seul fait que le salarié ait assisté un salarié de l’entreprise lors de l’entretien préalable au licenciement de ce dernier. (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 23-10.753)   ► Nature de la solution : précision
Détournement du statut protecteurÀ l’issue du délai de protection, l’employeur retrouve la liberté de licencier le salarié selon les règles de droit commun.
Sous réserve, toutefois, que le licenciement prononcé n’ait pas un caractère abusif ou discriminatoire. Dans ce cas, le licenciement encourt la nullité car prononcé en violation du statut protecteur (jurisprudence).       
  Est nul, un licenciement, prononcé à l’expiration de la période de protection, pour un motif économique précédemment invoqué devant l’autorité administrative, et qui a donné lieu à une décision de refus d’autorisation de licenciement. (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-11.602)   ► Nature de la solution : précision  
  Il y a détournement du statut protecteur lorsque le salarié protégé est licencié 3 jours après l’expiration de la période de protection, pour le même motif que celui ayant donné lieu à la décision de refus d’autorisation par l’inspection du travail, la société reconnaissant, en outre, dans la lettre de licenciement, maintenir le contrat de travail jusqu’à l’expiration de la période de 6 mois de protection consécutive à la démission de son mandat. (Cass. soc., 26 juin 2024, n ° 23-11.601)   ► Nature de la solution : illustration  
  Il y a détournement du statut protecteur lorsque le licenciement était déjà prévu avant l’expiration de la période de protection, dès lors que le refus d’accepter la mutation, qui justifiait la demande d’autorisation du licenciement, demeurait toujours 7 mois plus tard, à l’issue de cette période de protection, le seul motif du licenciement économique, et qu’à l’exclusion des salariés protégés dont la protection était en cours, les autres employés placés dans la même situation étaient déjà licenciés depuis un an. (Cass. soc., 26 juin 2024, n°23-11.602). ► Nature de la solution : illustration  
Durée de la protectionLe respect de la procédure protectrice de licenciement d’un ancien représentant du personnel s’impose lorsque le salarié bénéficie de cette protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement, peu important que le courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l’expiration de la période de protection (jurisprudence).      L’annulation de la désignation d’un représentant de la section syndicale, quel qu’en soit le motif, n’ayant pas d’effet rétroactif, la perte du statut protecteur n’intervient qu’à la date à laquelle le jugement d’annulation est prononcé.  Ainsi, l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable, peu importe que celui-ci soit notifié après l’expiration de la période de protection. (Cass. soc., 26 juin 2024, n ° 23-13.564)   ► Nature de la solution : confirmation  
Modification du contrat de travailAucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé. Il importe peu à cet égard que la modification soit justifiée par un motif disciplinaire ou par un motif économique. Cependant, la situation est différente selon qu’il s’agit d’une modification du contrat de travail (ne pouvant pas être imposée au salarié protégé) ou un changement des conditions de travail (dont le refus par le salarié protégé peut constituer une faute) (jurisprudence).   Le retour aux conditions prévues par le contrat de travail après dénonciation d’un usage ne constitue pas une modification du contrat de travail.  Ne constitue une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail, le changement d’équipe et de supérieur hiérarchique d’une salariée protégée n’ayant entraîné aucune modification de ses fonctions, de son niveau de responsabilité ou de sa rémunération. (Cass soc., 2 mai 2024, n° 22-23.049).   ► Nature de la solution : précision et illustration  
  Peuvent empêcher la poursuite du contrat de travail, et justifier la prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, les pressions exercées par l’employeur en vue d’échapper à l’intervention de l’inspection du travail.  Dans cette affaire, suite au refus du salarié protégé de signer l’avenant à son contrat de travail prévoyant la remise d’un matériel de géolocalisation, au motif qu’il portait atteinte à sa personne et à ses liberté, l’employeur avait convoqué celui-ci à un entretien préalable, en le dispensant d’activité avec maintien de la rémunération, avant de renoncer à cette procédure disciplinaire. Mais il l’avait alors mis en demeure de reprendre son poste et de respecter la nouvelle organisation de contrôle du temps de travail. (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-13.129). ► Nature de la solution : illustration  
TransfertLorsqu’un représentant du personnel est compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, par application de l’article L. 1224-1 du code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail. Celui-ci s’assure que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire (C. trav., art. L. 2421-9).     Lorsqu’un salarié protégé refuse son transfert malgré l’autorisation de l’administration, son mandat prend fin à la date où l’entité est transférée au nouvel employeur. C’est donc aussi le point de départ de la protection de 6 mois après la fin de son mandat. (Cass. soc., 2 mai 2024, n° 22-17.377).   ► Nature de la solution : précision  
Entretien préalableLe délai qui doit séparer la convocation du salarié de l’entretien préalable est de 5 jours ouvrables (C. trav., art. L. 1232- 2). Ce délai est décompté selon les dispositions de l‘article 641 du code de procédure civile et de l’article R. 1231- 1 du code du travail.   Le délai de 5 jours ouvrables commence à courir le jour ouvrable suivant la présentation de la lettre recommandée et pas à la date à laquelle le salarié a retiré le pli. (CE, 4 avr. 2024, n° 475386). ► Nature de la solution : confirmation  
Licenciement pour fauteLorsque la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi (jurisprudence).  Constituent une faute d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement, des absences injustifiées, hors heures de délégation, d’un salarié protégé, s’inscrivant dans la suite de nombreuses absences injustifiées (et retards) ayant donné lieu à deux avertissements et un courrier de “mise au point” au cours des années (2008 pour des absences de 2006, 2007 et 2008, 2013 pour des retards de 2012-2013, et 2015 où le salarié est finalement licencié) (CE, 12 juin 2024, n° 456990).  ► Nature de la solution : illustration  
Licenciement économiqueL’inspecteur du travail doit rechercher si la situation justifie le licenciement du salarié protégé, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées des effectifs. Il appartient à l’employeur de fournir à l’inspecteur tout élément probant dès la présentation de la demande d’autorisation de licenciement, ainsi qu’au cours de l’enquête, notamment en réponse aux demandes d’informations et de documents de l’inspecteur. Ce dernier doit refuser l’autorisation de licenciement si l’ensemble des éléments ainsi recueillis ne permet pas de conclure au bien-fondé de la cause économique invoquée. (Guide DGT sur les salariés protégés, 20 sept. 2019, fiche 7a).    Pour que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, y compris lorsqu’il s’agit d’une association à but non lucratif, puisse constituer un motif économique, la réalité de la menace pour la compétitivité de l’entreprise doit être établie, laquelle s’apprécie, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité dont relève l’entreprise en cause au sein du groupe.   Constitue un motif valable de licenciement économique l’absence de renouvellement du marché conclu par l’association avec plusieurs clients, le chiffre d’affaires ayant diminué de 54 % pour la région concernée, et l’excédent d’exploitation au niveau national ayant baissé de 83 %, alors qu’il n’existait alors pas de perspectives pour l’association d’obtenir d’autres marchés dans d’autres régions. (CE, 3 avr. 2024, n°471271)   ► Nature de la solution : précision et illustration  
Cessation d’activitéDans le cas d’une cessation d’activité de l’entreprise, invoquée à l’appui d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé présenté par une société faisant partie d’un groupe, il n’appartient pas à l’autorité administrative d’examiner la situation économique des autres entreprises dudit groupe. En effet, dès lors que la demande d’autorisation de licenciement est fondée sur la cessation d’activité de l’entreprise, elle n’a pas à être justifiée par l’existence d’un motif économique (difficultés économiques, mutations technologiques ou menaces pesant sur la compétitivité de l’entreprise). L’inspecteur du travail doit en revanche vérifier que la cessation de cette activité est totale et définitive (jurisprudence).  Le licenciement ne saurait être autorisé s’il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s’il est établi qu’une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié. (CE, 24 juill. 2024, n° 463816)   ► Nature de la solution : précision
Plan de départs volontaires (PDV)Est exclu tout contrôle de l’inspecteur du travail sur la cause économique et la suppression de poste en cas de rupture amiable (RCC ou rupture conventionne collective, congés de mobilité, plan de départs volontaires ou PDV). En effet, dans le cas de la résiliation d’un contrat de travail résultant de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un accord collectif soumis aux représentants du personnel ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), la cause économique de la rupture ne peut, sauf fraude ou vice du consentement être contestée (jurisprudence).  Le bien-fondé du motif économique est sans influence sur la légalité d’une décision de l’autorité administrative se prononçant sur une demande d’autorisation de la rupture d’un commun accord d’un contrat de travail dans le cadre d’un PDV assortissant un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) homologué par l’administration (CE, 3 avr. 2024, n° 469694)    
DiscriminationL’inspecteur du travail doit examiner, notamment, si la rupture envisagée du contrat de travail d’un salarié protégé est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l’intéressé (C. trav., art. R. 2421-7 et R. 2421-16). Il en va ainsi quel que soit le motif de rupture invoqué par l’employeur.    Il appartient en toutes circonstances à l’autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Le fait que l’inaptitude du salarié résulte d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l’existence d’un tel rapport. Dans ce cas, l’autorisation de licenciement doit être refusée. (CE, 5 juin 2024, n° 470898)   ► Nature de la solution : confirmation et illustration    
L’autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de porter à sa connaissance l’ensemble des mandats détenus par l’intéressé, et, le cas échéant, à l’autorité administrative saisie de recueillir les éléments de fait de nature à établir, ou non, compte tenu de chacun des mandats du salarié concerné, le caractère discriminatoire de la mesure envisagée (jurisprudence).  L’autorité administrative doit vérifier l’absence de discrimination pour chacun des mandats pour lesquels le salarié bénéficie de la protection à la date de l’envoi par l’employeur de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement. Peu importe qu’à la date à laquelle l’autorité administrative s’est prononcée, le salarié ne bénéficie plus de la protection en cause. (CE, 12 juin2024, n° 468918).    ► Nature de la solution : précision
Recours contre la décision administrativeLa décision de l’inspecteur du travail, ou celle du ministre, autorisant ou refusant le licenciement d’un représentant du personnel, peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.  À moins qu’elle soit fondée sur le constat que le salarié concerné n’a pas la qualité de salarié protégé, la décision par laquelle l’autorité administrative refuse d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé, n’apporte en principe, par elle-même, aucune modification à la situation de ce salarié. Une telle décision ne fait, dès lors, pas grief au salarié protégé qui n’est pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir. (CE, 17 juin 2024, n° 468580).   ► Nature de la solution : illustration.  
Réintégration et indemnisationL’employeur a l’obligation de réintégrer un salarié protégé (visé par l’article L.2422-1 du code du travail) qui le demande lorsque son licenciement a été prononcé : soit en violation de son statut protecteur, c’est-à-dire sans autorisation ou malgré un refus d’autorisation de l’inspecteur du travail ; soit lorsque l’autorisation de licenciement a été ultérieurement annulée ou retirée à la suite d’un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux du salarié.  Les salariés exerçant le mandat d’administrateur d’une mutuelle, union ou fédération ou ayant cessé leur mandat depuis moins de 6 mois, ne sont pas visés dans la liste des salariés protégés bénéficiant du droit à réintégration. Mais l’article L. 114-24 du code de la mutualité soumet leur licenciement à l’article L. 2411-3 du code du travail relatif à la protection du délégué syndical, auquel l’article L. 2422-1 est applicable. Ils bénéficient donc du droit à la réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent ainsi qu’au paiement de l’indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans les conditions prévues à l’article L. 2422-4 du code du travail. (Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-24.492)   ► Nature de la solution : précision  

Séverine Baudouin

L’association Anticor retrouve son agrément

10/09/2024

Par arrêté du 5 septembre, l’association Anticor, qui a pour objet la lutte contre la corruption, a reçu un nouvel agrément en vue de l’exercice des droits de la partie civile. 

Après plusieurs mois d’attente, l’ancien Premier Ministre, Gabriel Attal, a en effet considéré que l’association remplissait les conditions prévues par le décret du 12 mars 2014 pour obtenir un tel agrément dont la durée est de 3 ans. 

Source : actuel CSE

Pourquoi les entreprises les plus influentes au monde ne respectent-elles pas les attentes sociétales fondamentales ?

11/09/2024

Alors que la directive sur le devoir de vigilance vient d’entrer en vigueur, la World Benchmarking Alliance (WBA) a dévoilé les résultats inquiétants d’un rapport évaluant les 2 000 entreprises les plus influentes au monde sur leur responsabilité en matière de respect des droits de l’homme, d’offre d’un travail décent et d’action éthique. Eclairages.

Les chiffres sont alarmants : 90 % des 2 000 entreprises les plus influentes dans le monde (les « SDG2000 ») n’atteignent pas la moitié des attentes sociétales fondamentales. Et parmi elles, 30 % obtiennent un score entre 0 et 2 sur 20, ce qui démontre qu’elles reconnaissent peu ou pas leur impact sur la vie des gens. C’est ce que révèle la première étude de la World Bencharming Alliance publiée en juillet dernier.  

Moins de 10 % des entreprises ont anticipé leur conformité à la directive CS3D 

Premier constat : 91 % des entreprises évaluées ne consultent pas les parties prenantes. Un chiffre qui reflète le manque de compréhension des enjeux du programme de développement durable pour 2030 adopté par les Etats membres des Nations-Unies en 2015. Plus encore, ce résultat signifie qu’à peine 10 % des entreprises ont anticipé leur conformité à la directive CS3D qui impose, parmi d’autres obligations, d’échanger avec les parties prenantes pour l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action sur le devoir de vigilance. Pourtant, selon la WBA, le dialogue améliore les droits de l’homme et les pratiques de travail décent des entreprises. Et pour cause, l’étude révèle que les entreprises qui engagent des échanges ont une meilleure performance :

  • sur chaque indicateur de référence, et plus précisément concernant les engagements en matière de droits de l’homme et de diligence raisonnable ; 
  • sur l’offre d’un travail décent (notamment en matière de respect de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi que sur l’égalité des sexes et l’empouvoirement des femmes).  

Pour atteindre leurs objectifs, la WBA invite les entreprises à agir en donnant la priorité à la collaboration avec les parties prenantes les plus susceptibles d’être affectées par leurs activités et leurs représentants légitimes (syndicats, organisations de défense des droits humains et des droits des femmes, etc.). Par ailleurs, elle appelle les gouvernements à exiger des entreprises qu’elles mettent en œuvre un engagement significatif des parties prenantes à toutes les étapes du processus de diligence raisonnable. Et ce pour garantir qu’elles identifient et traitent efficacement leurs risques en matière de droits de l’homme.  

Un décalage entre ce que les entreprises publient et les attentes de la société 

Deuxième constat : plus de 60 % des entreprises publient des informations sur les salaires décents et plus de 45 % sur les heures de travail. Pour autant, seuls 4 % s’engagent à verser ou versent actuellement un salaire décent à leurs employés et seulement 3 % ont une politique d’horaires de travail conforme aux normes de l’Organisation internationale du travail. 

En d’autres termes, « il existe un décalage entre ce que les entreprises divulguent sur le travail décent et les attentes de la société à leur égard », estime la WBA.  

Pour remédier à cela, l’organisation internationale appelle les Etats à donner la priorité à la réduction de l’écart entre le salaire minimum et le salaire vital en mettant en œuvre des politiques garantissant des révisions et des ajustements réguliers du salaire minimum pour l’aligner sur le coût de la vie. Elle suggère également de favoriser des processus inclusifs de fixation des salaires, de promouvoir la négociation collective, de mettre en œuvre des politiques sociales complémentaires ou encore de fournir un soutien aux PME.  

5 % des SDG2000 divulguent leurs dépenses de lobbying 

Autres chiffres : 11 % des SDG2000 ont mis en place une politique qui expose publiquement une approche de lobbying et à peine 5 % divulguent le coût que cela représente. Ainsi, en moyenne, les dépenses relatives au lobbying s’élèvent à 14,4 millions de dollars par an, « ce qui démontre l’investissement substantiel des entreprises dans l’influence politique », précise la WBA.  

Or, selon l’organisation internationale, faire preuve de transparence en la matière est loin d’être une question marginale. En effet « Les parties prenantes ne disposent pas des informations dont elles ont besoin pour demander des comptes aux entreprises sur la question de savoir si leurs engagements et leurs efforts sont en décalage avec leurs pratiques de lobbying », estime la WBA. « En outre la pression législative s’accroît. La réglementation européenne sur le reporting de durabilité des entreprises exige que les entreprises qui y sont assujetties (75 % des SDG2000) divulguent des informations sur leurs activités de lobbying, y compris les dépenses ».  

Des résultats 60 % plus élevés dans les pays dotés d’une législation sur les droits de l’homme 

Ainsi, « réglementation, orientation et pression sont essentielles pour favoriser le changement », conclut la WBA. Selon le rapport, les entreprises dont le siège se trouve dans les pays dotés d’une législation sur les droits de l’homme obtiennent des résultats 60 % plus élevés en matière de diligence raisonnable. Pourtant seules 6 % des entreprises ont pleinement mis en œuvre ces réglementations. Parmi elles, la WBA indique que deux tendances se dégagent. Les entreprises :   

  •  « sont principalement issues de régions dotées de solides directives gouvernementales et de cadres réglementaires en matière de droits de l’homme » ; 
  • « ont tendance à opérer dans des secteurs à fort impact qui ont fait l’objet d’un examen public plus approfondi et sont mieux équipées en outils et directives détaillés sur les droits de l’homme ».  

Sans surprise, la WBA appelle ainsi les gouvernements à introduire et appliquer des normes juridiques minimales clarifiant la responsabilité des entreprises, indépendamment de leur taille et de leurs activités, afin de mener une démarche efficace en matière de respect des droits de l’hommes conformément aux principes directeurs de l’ONU et aux lignes directrices de l’OCDE.  

Joséphine Bonnardot

Les députés esquissent le débat sur la politique économique et budgétaire

11/09/2024

L’audition, par la commission des finances de l’Assemblée nationale présidée par Éric Coquerel (LFR, NFP), des ministres démissionnaires de l’économie Bruno Le Maire et des comptes publics Thomas Cazenave, préfigure des débats tendus à l’occasion des projets de budget des finances et de la sécurité sociale.

Pas très habituelle cette situation, ce lundi 9 septembre, qui voit des députés entendre des ministres de l’ancien gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, alors même que vient d’être nommé le nouveau Premier ministre Michel Barnier ! Cette audition, a justifié Eric Coquerel, s’explique par le souci de la commission des finances de l’Assemblée de préparer au mieux un éventuel projet de budget rectificatif des finances pour 2024 et surtout le projet de loi des finances pour 2025, alors même que l’examen de ce projet de budget ne devrait intervenir qu’à partir du 1er octobre prochain. Surtout, la communication par le gouvernement d’informations sur l’état des finances publiques inquiète les députés.

“Les finances publiques, premier défi”

“La situation des finances publiques est le premier défi que devra relever le gouvernement de Michel Barnier”, a d’emblée estimé Bruno Le Maire, ministre de l’économie d’Emmanuel Macron depuis 7 ans, et qui ne retrouvera pas son poste. En dépit de la récente dégradation des recettes fiscales, ce dernier estime que la France peut revenir sous la barre des 3,5% de déficit public du PIB (produit intérieur brut) en 2027, “si nous tenons la ligne de réduction des dépenses publiques”, en commençant par limiter le déficit public à 5,1% en 2024.

Avant d’expliquer comment cela serait possible, le ministre, qui revendique les baisses d’impôts des entreprises ainsi que les mesures d’économies opérées depuis 2017, a défendu son bilan et donc sa politique économique et financière.

Après avoir fait baisser le niveau du déficit, Bruno Le Maire a expliqué avoir dû ensuite faire face en 2018 à la crise des Gilets jaunes, “avec des demandes légitimes de meilleure rémunération du travail qui ont conduit à des dépenses supplémentaires comme la prime d’activité, la baisse de l’impôt sur le revenu et la mise en place de la prime Macron”, puis à la crise économique provoquée en 2020 par le Covid, avec un recul du PIB de 7,5% : “Nous avons protégé nos entreprises et nos salaires (…) avec l’activité partielle et les aides aux entreprises qui ont augmenté de 12 points notre dette publique”. L’autre crise, liée à la guerre en Ukraine, a également entraîné un choc économique avec une forte inflation et des mesures liées au coût de l’énergie.

Les mesures déjà engagées

Aujourd’hui, soutient Bruno Le Maire, “il faut débrancher les mesures exceptionnelles et revenir à la normale et à l’équilibre des finances publiques, ce que la France n’est jamais capable de faire en sortie de crise”.

Ce mouvement a été initié :

  • en janvier 2024 avec le retour d’une partie de la taxe intérieure sur la consommation d’électricité (qui avait été supprimée lors de la crise énergétique) ;
  • en février avec un décret annulant 15 milliards d’euros de crédits, “sans toucher à la sécurité sociale”, a précisé Thomas Cazenave ;
  • en avril, avec 10 milliards d’économies supplémentaires, soit 25 milliards de coupes au total ;
  • en juillet, avec des notes de “cible d’exécution” d’économies budgétaires envoyées aux ministres (pour 16 millions de crédits).

Cela peut-il suffire pour “tenir” le déficit public à 5,1% en 2024, et respecter l’engagement de la France auprès de l’Union européenne dans le cadre du programme de stabilité ? La note budgétaire de l’été, que Bercy a transmis aux députés, évoque en effet un possible déficit de 5,6% pour 2024, du fait des dépenses des collectivités territoriales et de moindres recettes fiscales (avec notamment des rentrées de la TVA et de l’impôt sur les sociétés inférieures aux prévisions), la croissance ne devant au final qu’être de 1,1% au lieu des 1,4% prévu.

“Les baisses de rendement de ces impôts ne s’expliquent par aucune baisse de leur taux”, a précisé Thomas Cazenave, ministre démissionnaire en charge des comptes publics.

Des coupes et des recettes supplémentaires

Comment donc, tenir le déficit en 2024 ? Réponse de Bruno Le Maire en trois points. Il faut, selon lui, : 

  1. annuler tout ou partie des réserves budgétaires (16,7 milliards de crédits gelés) ;
  2. réunir le haut conseil des finances publiques locales ;
  3. mettre en place une loi de finances rectificative pour 2024 “pour avoir des recettes supplémentaires” (avec une taxation des rachats d’action et une contribution des énergéticiens).

Eric Coquerel, le président (Nouveau Front populaire, LFI) de la commission des finances, a réagi en regrettant que ces données sur la situation budgétaire n’aient pas fait l’objet d’un débat parlementaire avant l’été autour d’un projet rectificatif des finances, qu’Emmanuel Macron a d’ailleurs refusé à Bruno Le Maire. 

L’Assemblée doit jouer pleinement son rôle 

Tout comme Charles de Courson, le rapporteur général du budget, le président de la commission des finances a appelé le nouveau gouvernement à respecter les délais de transmission aux parlementaires d’un projet de budget avant le 1er octobre : “L’Assemblée nationale doit jouer pleinement son rôle en prenant le temps des débats. Or nous savons qu’un budget a été préparé cet été à Bercy, il ne devrait donc pas être expliqué d’accélérer les choses”.

Et Éric Coquerel et Charles de Courson de demander la communication des lettres de plafonds envoyés cet été aux différents ministères.

“Attention à l’austérité et à la récession !”

Sur le fond, le président de la commission des finances juge que le manque de recettes fiscales, à l’origine de la croissance du déficit public, est due à des décisions politiques de la précédente majorité : “Baisse de l’impôt sur les sociétés, cadeaux fiscaux au capital”, sans oublier, a rappelé le député PS Philippe Brun, “les 28 milliards de recettes qu’apportait la taxe d’habitation dont la suppression a constitué la promesse électorale la plus chère de la Ve République”.

Si toutes ces baisses et suppressions n’avaient pas été décidées, estime le président de la commission, “nous serions en dessous de 3% de déficit”.

Supprimer des dépenses peut avoir un effet récessif sur la croissance 

Et Éric Coquerel d’exprimer la crainte que les réductions de dépenses budgétaires envisagées n’entraînent “une austérité” voire “un effet récessif sur la croissance” : “Si en 2024 nous annulions intégralement les 16 milliards de crédits gelés, en les ajoutant aux 10 milliards déjà supprimés, cela entraînerait une baisse des budgets du sport de 18,9%, de l’asile immigration de 17,5%, de l’écologie de 14%, du travail et de l’emploi de 7,6%, avec par exemple 1,1 milliard d’euros en moins pour l’éducation, 1,3 milliard de moins pour la recherche et l’enseignement supérieur…”

Éric Coquerel a conclu en affirmant que le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a doublé depuis 2017. “Croyez-vous vraiment que les cadeaux fiscaux au capital a un tel effet positif sur la croissance et l’emploi ?” a-t-il ensuite demandé à Bruno Le Maire.

Des usines rouvrent en France 

“Depuis 7 ans, la France a une croissance cumulée supérieure à celle de l’Allemagne. L’emploi et le chômage ne sont plus un problème en France. Pour la première fois depuis 40 ans, nous rouvrons des usines dans notre pays. La France est devenu le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en France”, a répondu le ministre en se réjouissant que “la richesse augmente en France”, tout en observant qu’aucun pays de l’OCDE ne redistribue autant que la France.

Sur les économies, Bruno Le Marie a observé : “Le budget de l’Etat a augmenté de 100 milliards depuis 2019. Quand on me dit que c’est insurmontable de faire 10 milliards d’économie, j’observe que cela représente seulement 10% de l’augmentation depuis 2019 (..) Il faut faire des choix, tout n’est pas possible. Gouverner, c’est choisir”.

Un bilan enjolivé ?

Parmi les échanges, parfois vifs avec les députés de la commission (le député LFI Aurélien Lecoq a ainsi traité Bruno Le Maire de “voleur”), signalons cette apostrophe d’Emmanuel Maurel (groupe communiste et apparentés) : “Je peux comprendre que lorsqu’on quitte un poste qu’on occupe depuis longtemps, on enjolive un peu les choses, mais là, vous exagérez carrément ! La France connaîtrait une situation économique florissante ? Mais le chômage de masse reste une réalité, on a dépassé cette année les 50 000 faillites d’entreprise, le déficit commercial reste préoccupant (…) Peut-on avoir un vrai débat sur les aides aux entreprises, et par exemple sur l’efficacité du crédit d’impôt recherches…. “.

Des remarques balayées par Bruno Le Maire : “Reconnaissons que le travail a été fait sur l’emploi. Le vrai sujet devant nous, c’est l’écart entre le salaire brut et le salaire net. Les allègements de charges conduisent à un effet couperet”. Une remarque qui s’est attirée cette réponse d’Éric Coquerel, qui préfigure sûrement de nombreux échanges ultérieurs : “Nous pensons tous qu’il faut augmenter les salaires, mais certains pensent que c’est en allégeant les charges, d’autres pensent que ce ne doit pas être sur le dos des salaires socialisés, ce que vous appelez vous les charges”.

Bernard Domergue

CSE : panorama de jurisprudence récente (avril 2023 à juillet 2024)

12/09/2024

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives au CSE, concernant notamment les élections, le fonctionnement du comité, ses attributions et le crédit d’heures de ses membres.

La représentation du personnel est un sujet qui donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces décisions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent pas une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois d’avril 2023 à juillet 2024 concernant le CSE, de sa mise en place à son fonctionnement, en passant par ses attributions. Comme vous le remarquerez, nous vous avons déjà parlé de certaines de ces jurisprudences.

ThèmeContexteSolution
  Élections professionnelles  
Protocole préélectoral (PAP)La validité du protocole d’accord préélectoral conclu entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2314-6).Lorsque le protocole préélectoral a été adopté à la double majorité prévue par l’art. L. 2314-6 du code du travail et que sa régularité n’a pas été remise en cause, il s’impose à tous. En conséquence, même si elle n’avait pas été écartée par l’employeur, la candidature déposée avec 9 minutes de retard sur le calendrier prévu par le protocole préélectoral (PAP), sans précision du collège et du scrutin concernés, est bien irrégulière. (Cass. soc., 10juill. 2024, n° 23-13.551). D ans ce cas, le PAP doit donc être respecté à la lettre et l’employeur n’est pas dans l’obligation d’écarter la liste en cause lors de son dépôt, il peut agir après l’élection.   ► Nature de la solution : précision  
Campagne électoraleIl est interdit à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale. Cela signifie notamment que l’employeur et ses représentants doivent respecter une stricte neutralité en matière de propagande électorale. (C. trav., art. L. 2141-7)Il est possible d’agir avant l’élection afin de faire interdire à l’employeur, jusqu’à la fin des opérations électorales, de diffuser des communications ou de tenir des propos oraux aux salariés ayant pour objet ou pour effet de porter une appréciation qualitative, favorable ou défavorable, sur les membres du CSE ou sur les organisations syndicales constituées dans l’entreprise, et ce sous astreinte (1000€ par manquement constaté). En effet, les violations de l’obligation de neutralité syndicale au sens de l’art. L. 2141-7 du code du travail, compte tenu de la perspective prochaine d’élections au CSE, constituent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. (TJ Beauvais,2 mai 2024, n° 24/00058)   ► Nature de la solution : illustration  
Parité des listes  de  candidatsLa sanction en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles est l’annulation de l’élection des élus du sexe surreprésenté, conformément à l’article L. 2314-32. Ce contentieux est donc postérieur aux élections. La Cour de cassation a toutefois admis la possibilité de saisir le tribunal judiciaire en amont, pour contester la composition des listes de candidats et déclarer la liste de candidats irrégulière, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation. (Cass. soc.,11 déc. 2019, n° 18-26.568)  Si le tribunal statue après le scrutin et n’est saisi d’aucune demande d’annulation des élections, celles-ci sont purgées de tout vice, et la demande de retrait de la liste de candidat est devenue sans objet. (Cass. soc.,14 févr. 2024, n° 23-15.206)   ► Nature de la solution : précision
Outre la proportion d’hommes et de femmes composant le collège, les listes de candidats doivent respecter la règle de présentation en alternance d’un candidat de chaque sexe. A défaut, la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect de cette règle entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions (C. trav., art. L. 2314-32).  Le code du travail n’exclut pas le cumul des deux sanctions. Ainsi, il est possible de voir annuler l’élection de candidats au titre du sexe surreprésenté, et au titre du non-respect de l’alternance. (Cass.soc., 3 avr. 2024, n° 23-60.083)   ► Nature de la solution : précision
  Comité social et économique (CSE)  
Frais de déplacementL’employeur peut fixer des conditions à la prise en charge des frais de déplacement des représentants du personnel, sous réserve qu’elles soient compatibles avec l’exercice des mandats, n’imposent aucune sujétion injustifiée et ne laissent subsister aucune dépense à la charge du salarié. Si tel est le cas, le représentant du personnel doit s’y conformer. (Cass. soc., 11 sept. 2019, n°17-14.623)  À défaut d’accord ou de stipulations conventionnelles applicables aux déplacements de représentants du personnel, leurs frais de déplacement doivent leur être remboursés si la solution adoptée pour se rendre aux réunions du CSE n’est pas abusive. (Cass. soc., 29 mai 2024,n° 22-16.433)   ► Nature de la solution : précision
Heures de délégationLes heures de délégation prises par le représentant du personnel sont présumées avoir été utilisées conformément à l’objet du mandat représentatif (C. trav., art. L. 2315-10). Mais l’employeur peut en contester l’utilisation, après avoir payé ces heures utilisées. Sous peine de poursuites en justice, le représentant du personnel doit répondre à cette demande. Si l’employeur conteste l’usage qui a été fait des heures de délégation, l’employeur doit intenter une action en remboursement devant le conseil de prud’hommes.  L’employeur ne peut obtenir le remboursement des heures de délégation que s’il prouve que ces heures ont été utilisées pour exercer des activités non conformes à l’objet du mandat. (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-17.329) ► Nature de la solution : précision
Les heures de délégation prises au-delà du crédit mensuel (pour “circonstances exceptionnelles”) dont dispose le délégué syndical (ou le membre du CSE), en application de la loi ou d’un accord collectif, ne bénéficient ni de la présomption de bonne utilisation des heures de délégation, ni du paiement de plein droit de ces heures. Il revient donc au salarié, avant paiement de ces heures, d’établir l’existence des circonstances exceptionnelles ainsi que de prouver que les heures en question ont bien été utilisées conformément à l’objet du mandat détenu.  Le paiement indu par l’employeur d’heures de délégation dépassant le crédit d’heures légal dont dispose le représentant du personnel, en l’absence de justification des circonstances exceptionnelles autorisant ce dépassement du crédit d’heures de délégation, ne constitue pas une avance sur salaire. Ainsi, la retenue sur salaire pratiquée par l’employeur n’était pas illicite sous la condition de respecter la fraction saisissable du salaire. (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 23-11.770)   ► Nature de la solution : précision
Local du CSEL’article L. 2315-25 du code du travail prévoit que l’employeur a l’obligation de mettre à la disposition du CSE “un local aménagé et le matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions”. Mais il n’est pas prévu de taille minimum.Cependant, la superficie du local mis à la disposition du CSE doit lui permettre de se réunir et de recevoir des personnalités extérieures. Ainsi, un local destiné aux réunions d’un CSE de 20 personnes et à l’invitation de personnalités extérieures devait disposer d’une surface d’au moins 30 m2. (CA Versailles, 6e ch., 30 nov. 2023, n° 22/02217)   ► Nature de la solution : illustration  
Ordre  du jourL’ordre du jour de chaque réunion du CSE est établi par le président et le secrétaire (C. trav., art. L. 2315-29).  L’ordre du jour résulte du seul accord commun entre l’employeur et le secrétaire du comité. Ces derniers ne peuvent donc recevoir d’injonction quant au contenu de cet ordre du jour. Ndlr : dans cette affaire, les membres du CSE exigeaient une retranscription fidèle et sans aucune reformulation de leurs questions. (Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 22-10.716).   ► Nature de la solution : précision  
Délai de consultation du CSEPour l’ensemble des consultations mentionnées dans le code du travail pour lesquelles la loi n’a pas fixé de délai spécifique, le délai de consultation du CSE est de 1 mois et court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la BDESE, la base de données économiques, sociales et environnementales. (C.trav., art.R. 2312-5 et s.)  Dès lors que les informations fournies ont mis le CSE en mesure d’apprécier l’importance du projet, le délai de consultation commence à courir dès la première réunion d’information. Impossible de voter une expertise le jour où le comité doit rendre son avis. (Cass. soc.,6 déc. 2023, n° 22-17.921). ► Nature de la solution : confirmation
Informations dans le cadre d’une consultationLorsqu’il est consulté sur un projet, le CSE doit disposer “d’informations précises et écrites” (C. trav., art.
L. 2312-15
).
Cette information doit être “utile et loyale au regard de la nature et des implications du projet en cause”. (Cass. soc., 7mai 2014, n° 13-13.307).  
Lorsqu’il est consulté sur un projet dont la mise en œuvre repose sur le volontariat, le CSE peut demander la communication de la liste des salariés volontaires afin de pouvoir vérifier la réalité du volontariat et la faisabilité du projet. (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 22-24.488). ► Nature de la solution : illustration  
Action judiciaire relative à la consultation du CSELe CSE qui n’a pas été consulté, ou qui s’estime irrégulièrement consulté, peut agir au pénal au titre du délit d’entrave, ainsi qu’au civil pour demander la suspension du projet voire la remise en l’état de la situation, et également demander des dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Le CSE peut aussi demander l’ouverture d’une consultation obligatoire.   Cependant, le manquement de l’employeur à l’obligation d’information et de consultation des instances représentatives du personnel n’est pas de nature à causer au salarié un préjudice personnel et direct, lequel n’a donc pas qualité à agir en justice. (Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 20-23.640). ► Nature de la solution : précision  
Lorsque le CSE a eu connaissance en amont des démarches exploratoires du groupe sur la cession d’une partie de son activité, et qu’il n’a pas alors entamé de procédure pour exiger d’être consulté, la recherche d’un repreneur étant désormais terminée, la consultation en cause portant sur l’offre devenue irrévocable, la suspension de la cession ne peut être obtenue (de même que la demande de communication des offres et derniers plans d’affaires des candidats non retenus). (Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 22-12.845). ► Nature de la solution : illustration  
La mise en place d’une commission d’approfondissement par l’employeur en vue de discuter d’un projet soumis à consultation du CSE au titre de la marche générale de l’entreprise n’est pas en soi illégale dès lors que la procédure d’information/consultation est respectée (ce qui était le cas dans cette affaire : nombre important de documents communiqués, participation des membres du CSE à cette commission, réponses aux questions, nombreuses réunions…) (Cass. soc., 6 déc. 2023, n° 22-16.814). ► Nature de la solution : illustration  
Consultation du CSE au titre de la marche générale de l’entreprise La consultation du CSE au titre de la marche générale de l’entreprise (C. travail, art. L. 2312-8) n’est obligatoire que s’il s’agit d’une mesure collective et non individuelle et qu’elle présente un caractère important et pérenne. Ne donne pas lieu à consultation au titre de la marche générale de l’entreprise dix notes d’information, dont il est établi qu’il s’agissait de mesures individuelles n’affectant ni le volume ou la structure des effectifs, ni les conditions de travail ou la durée du travail.  Ces notes ne concernaient qu’une trentaine de salariés sur un effectif total de 10 522 salariés dans l’entreprise.  Elles ne prévoyaient que des évolutions horaires et des affectations d’agents pour un nombre limité d’entre eux, et la plupart des notes ne concernaient qu’un seul salarié, ou un nombre limité de salariés tous repositionnés.  Il s’agissait d’une évolution horaire d’une trentaine de salariés ne portant pas atteinte à la durée du travail et consistant en une modification des roulements des horaires de travail posté faisant ressortir qu’il n’y avait pas d’introduction de nouveaux horaires de travail. (Cass. soc., 20 déc. 2023, n° 22-16.613). ► Nature de la solution : illustration  
  Comité social et économique central d’entreprise (CSEC)  
Droit d’alerte économiqueLorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupation la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications et, le cas échéant, déclencher la procédure d’alerte économique (C. trav., art. L. 2312-63 et s.).  Dans les entreprises divisées entre établissements distincts, l’exercice du droit d’alerte économique prévu à l’article L.2312-63 du code du travail étant subordonné à l’existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, les CSE d’établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul CSE central. (Cass. soc., 20 sept. 2023, n° 22-13.391). ► Nature de la solution : précision  
Expertise au niveau du CSECUn accord d’entreprise permet notamment de définir les niveaux auxquelles les consultations récurrentes sont conduites et, le cas échéant, leur articulation (C. trav., art. L. 2312-19). Dans ce cas, la répartition des compétences en matière de consultation, mais aussi d’expertises dans ce cadre, dépendent du contenu dudit accord.   Lorsqu’en vertu d’un accord d’entreprise, les consultations récurrentes ressortent au seul CSE central, le CSE d’établissement ne peut procéder à la désignation d’un expert à cet égard. (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-23.690). ► Nature de la solution : confirmation 

Séverine Baudouin

L’emploi des seniors progresse mais la France reste à la traîne

12/09/2024

Selon la dernière étude de la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, le taux d’emploi des seniors s’est amélioré en 2023. Depuis 2014, la part des seniors en emploi a grimpé de 10,4 points, notamment sous l’effet de la réforme des retraites. La situation reste cependant préoccupante pour les 60-64 ans et la France reste mauvaise élève au niveau européen.

L’étude tombe à pic pour Michel Barnier et son futur ministre du Travail. Syndicats et partis d’opposition mettant la pression pour revoir la dernière réforme des retraites, l’exécutif pourra utiliser les derniers chiffres de la Dares pour défendre le report de l’âge légal. Le taux d’emploi des seniors s’améliore en effet en 2023 : 58,4 % des 55-64 ans ont un emploi, contre 56,9 % en 2022. En revanche, la France confirme sa mauvaise position parmi ses voisins européens où la moyenne atteint 63,9 %. L’étude de la Dares, en s’appuyant également sur les travaux de Michaël Zemmour relatifs aux effets de la dernière réforme des retraites, revient également sur un autre écueil français : le taux d’emploi des femmes seniors.

L’embellie progressive de l’emploi des seniors

La Dares dresse un constat indéniable : la situation de l’emploi des seniors s’améliore au fil des années. Rien qu’entre 2022 et 2023, leur taux d’emploi a progressé de 1,5 point. Les seniors actifs restent évidemment moins nombreux que la moyenne des actifs : à hauteur de 58,4 % contre 82,6 %. Presque trente points d’écart donc. Malgré tout, selon la Dares, “les taux d’emploi et taux d’activité des seniors sont au plus haut depuis 1975. L’emploi des seniors augmente quasi continûment depuis 2000”.

La France progresse donc, surtout si l’on prend un horizon de long terme. Le taux d’emploi diminue cependant avec l’âge : en 2023, 82,6 % des 25-49 ans sont en emploi. Le taux baisse à 77 % chez les 55-59 ans et chute à 38,9 ans pour les 60-64 ans. La Dares pointe une situation inversée par rapport à 2022 : alors que l’année précédente, l’emploi augmentait plus chez les 55-59 ans que pour les 60-64 ans, ces constats se sont retournés en 2023.

Les effets de la dernière réforme des retraites

Ainsi, l’emploi des 60-64 ans augmente davantage en 2023 qu’en 2022 (de 2,7 points). La direction statistique explique ce phénomène par les réformes des retraites allongeant les durées de cotisation et reculant l’âge d’ouverture des droits. Elle renvoie notamment aux travaux de l’économiste spécialiste de la protection sociale Michaël Zemmour. Selon ce dernier, “le taux d’emploi [des personnes ni en emploi ni en retraite, les “NER”] avant et après 60 ans a bien augmenté sensiblement du fait de la réforme, mais essentiellement du fait du maintien en emploi des personnes qui prennent leur retraite depuis l’activité. En revanche, on n’observe qu’une faible baisse du taux de NER avant 60 ans et une forte hausse de celui-ci au-delà de 60 ans, ce qui signifie que la période “sans emploi ni retraite” s’allonge bien plus qu’elle ne se décale du fait de la réforme”.

Depuis la réforme de 2023, la génération née à partir du 1er septembre 1961 peut prétendre à la retraite à 62 ans et 3 mois au lieu de 62 pour la génération précédente. La loi Touraine de 2014 a aussi augmenté la durée nécessaire pour partir en retraite sans décote.

Cet effet des réformes des retraites est cependant bien antérieur pour la Dares : “Le taux d’emploi des seniors diminue de 1975 aux années 1990, et particulièrement à partir de 1983 grâce à la possibilité de partir à la retraite avec un taux plein dès 60 ans en ayant cotisé 37,5 années”.

Le cumul emploi-retraite atteint un pic à 66 ans

Comme son nom l’indique, ce dispositif permet de percevoir à la fois un revenu tiré d’un emploi salarié et une pension de retraite. La Dares constate que cet état se concentre à hauteur de 6,3 % des seniors âgés de 66 ans. À 55 ans, elle ne touche que 1 % des seniors.

Autre enseignement de l’étude : une polarisation du cumul emploi-retraite : “Jusqu’à 55 ans environ, la majorité des personnes qui touchent déjà une pension de retraite ou de préretraite occupent aussi un emploi (51,1 % à 56 ans), mais une minorité de celles qui sont en emploi perçoivent une pension ; à l’inverse, à partir de 65 ans environ, une minorité des personnes bénéficiant d’une pension de retraite sont en emploi, mais la majorité des personnes en emploi jouissent également d’une pension de retraite : ces dernières sont ainsi près de 50 % à être retraitées à 66 ans, et plus de 80 % à 69 ans”.

Les femmes plus souvent sans emploi sans être retraitées

Le taux d’emploi des femmes de 55 à 64 ans (57,2 %) est plus bas que celui des hommes (59,7 %). Il en va de même de leur taux d’activité, rapport entre le nombre d’actifs et la population correspondante (60,4 % contre 63,1 %). Si les femmes sont un peu moins au chômage que les hommes (5,2 % au lieu de 5,5 %), elles sont plus souvent inactives sans être pour autant retraitées. Elles subissent davantage de temps partiel que les hommes (31,7 % contre 11,1 %) et plus souvent en sous-emploi (6,2 % contre 2,6 %). Le sous-emploi recouvre les personnes ayant un emploi à temps partiel qui souhaitent travailler plus d’heures et qui sont disponibles pour le faire, qu’elles recherchent ou non un emploi. Sont aussi incluses les personnes ayant involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple, qu’elles travaillent à temps plein ou à temps partiel.

La France au 17e rang de l’Union européenne

“En 2023, le taux d’emploi des seniors en France [58,4 %] se situe 5,5 points sous la moyenne de l’UE [63,9 %]”, indique la Dares. A titre d’exemple, les seniors suédois sont en emploi à 78 %, les Allemands à 74,6 %, les Portugais à 67,1 %, les Espagnols à 59,5 %. Derrière la France se trouvent la Belgique (57,8 %) et l’Italie (57,3 %).

L’écart entre la France et l’UE reste cependant stable, les deux taux ayant augmenté en moyenne de 1,5 point en 2023. Le taux d’emploi des Français de 60 à 64 ans apparaît cependant en décrochage, inférieur de 12 points à la moyenne européenne.

Marie-Aude Grimont

Jérôme Fournel, directeur de cabinet de Michel Barnier

12/09/2024

Matignon hérite donc du dircab de Bercy ! Un arrêté daté du 9 septembre a nommé Jérôme Fournel directeur de cabinet de Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, qui a confié hier pouvoir annoncer son gouvernement la semaine prochaine.

Jérôme Fournel était, depuis janvier 2024, directeur de cabinet de Bruno Le Maire au ministère de l’économie et des finances, après avoir occupé pendant 5 ans la direction générale des finances publiques. Diplômé de l’ENA et d’HEC, cet inspecteur des finances a également été, entre 2004 et 2007, conseiller des Premiers ministre Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, et responsable de la cellule économique de Matignon. Cette nomination intervient alors que le nouveau gouvernement dispose de très peu de temps pour présenter au Parlement les deux textes budgétaires concernant l’Etat et la sécurité sociale.

Par ailleurs, Michel Cadot a été nommé conseiller auprès du Premier ministre. Michel Cadot était, depuis 2020, le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques, mais aussi président de l’Agence nationale du sport. Il a été notamment préfet de police de Paris et préfet de la région Ile-de-France. Michel Cadot a également dirigé le cabinet de Michel Barnier quand l’ancien commissaire européen était ministre de l’agriculture.

Source : actuel CSE

Les dossiers sociaux qui attendent le nouveau gouvernement

13/09/2024

Alors que le gouvernement pourrait être connu la semaine prochaine, nous récapitulons, dans une synthèse, les principaux sujets et dossiers qui attendent le Premier ministre et son futur ministre du travail : protection sociale, assurance chômage, emploi des seniors et retraites, pouvoir d’achat, égalité F/H, financement de la formation professionnelle, etc.

Du fait de la dissolution et des résultats des législatives cet été, la rentrée est inhabituelle sur le plan politique, social et économique. C’est en effet un nouveau gouvernement fragile, faute de majorité absolue, et susceptible de tomber en cas de censure conjointe de la gauche et de l’extrême droite, qui va devoir présenter et défendre devant une assemblée nationale très divisée les textes aussi importants que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Le projet de loi de finances détermine la politique fiscale de l’État et le projet de financement de la sécu établit les prévisions de dépenses et de recettes des cinq branches de la sécurité sociale (maladie, famille, accidents du travail, retraites, autonomie), ces textes ayant donc des conséquences importantes pour les entreprises, leur politique RH, et donc les salariés.

Ces textes budgétaires, dont la préparation aura été écourtée par la longue attente du nouveau gouvernement (Michel Barnier a annoncé sa composition pour la semaine prochaine) et l’absence pour l’instant d’une session extraordinaire du parlement en septembre, devront tendre vers un équilibre compliqué. En effet, ils devront s’inscrire dans une équation budgétaire tendue (avec de possibles coupes dans les budgets de l’emploi et du travail) et donner à voir des changements par rapport au gouvernement précédent, l’opinion attendant des mesures en faveur du pouvoir d’achat mais aussi un certain redressement des services publics comme la santé. Le gouvernement trouvera-t-il une majorité pour les voter ou à tout le moins pour éviter une censure en cas d’engagement de sa responsabilité ? 

Par ailleurs, le gouvernement doit affronter une baisse de la croissance économique, de moindres recettes fiscales, et une légère dégradation du marché de l’emploi avec une remontée des défaillances d’entreprises. 

Le cadre général des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS)

► Enjeu : redresser les comptes au regard de la  baisse de recettes fiscales, de l’augmentation du déficit (peut-être 5,6% du PIB pour 2024), la France se voit rappelée à l’ordre par l’Union européenne), et de l’augmentation des dépenses d’arrêt maladie, tout en apportant un début de solution au problème de pouvoir d’achat et à la situation du secteur de la santé (hôpitaux, Ephad…).  

► Pistes envisagées ou envisageables :

  • des coupes budgétaires (Gabriel Attal a envoyé cet été des lettres plafonds aux ministères comprenant des coupes de crédits comme -11% pour les crédits emploi et travail de 2024 au ministère du travail, et l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection des finances préconisent de réaliser 610 millions d’euros d’économies sur les crédits de l’accompagnement à l’emploi dès 2025 et 1,8 milliards d’économie sur la période 2025-2027) ;
  • une possible remise en cause de l’absence d’augmentation des impôts (Michel Barnier a dit ne pas s’interdire davantage de justice fiscale) afin de bénéficier de davantage de rentrées fiscales. Bruno Le Maire a suggéré deux mesures urgentes : la taxation des rachats d’action et une nouvelle contribution des énergéticiens. D’autres pistes pourraient être débattues : taxation des ménages les plus aisés, augmentation de l’impôt sur les sociétés, etc. A suivre…
  • des changements en matière d’arrêts de travail afin d’en limiter la croissance (voir ci-dessous) ;
  • une refonte des cotisations sociales afin de permettre une hausse du revenu net sur les feuilles de paie (voir ci-dessous), etc.

► Débat parlementaire : si la droite devrait insister sur la maîtrise et la réduction des déficits et sur la revalorisation du travail, la gauche devrait mettre en avant son programme : refonte de l’impôt sur le revenu, conditionnement des aides aux entreprises, hausse du Smic, conférence sociale sur les salaires, etc.

Les arrêts maladie

 Enjeu : l’assurance maladie s’inquiète d’une très forte progression du nombre des arrêts maladie en 2024, dont le coût pourrait atteindre 16 milliards d’euros cette année. L’an dernier, le projet de budget de la sécurité sociale avait déjà limité la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation.

► Pistes envisagées : renforcement des contrôles des arrêts de travail, imposition de jours de carence supplémentaire (autrement dit, un délai supplémentaire entre le jour de déclaration de l’arrêt et le début de son indemnisation). Le directeur de la Cnam plaide aussi, dans une interview aux Echos, en faveur d’un nouveau système d’indemnisation des arrêts de travail “plus soutenable financièrement mais aussi plus juste”. Et Thomas Fâtome de s’interroger : “Est-il normal qu’aujourd’hui un salarié soit moins bien couvert parce qu’il n’a pas six mois d’ancienneté ? Est-il normal que les jours de carence soient la plupart du temps couverts pour les salariés dans les grandes entreprises mais pas dans les petites ?” Dans l’immédiat, la Cnam va renforcer ses contrôles.

► Débat parlementaire : si un texte voit le jour sur ce sujet au sein du PLFSS, nul doute que le débat sera vif au parlement, certains députés pouvaient relayer le constat des organisations syndicales selon lesquelles c’est l’intensification du travail qui est à l’origine de la hausse du nombre d’arrêts, avec en outre le débat sur le caractère soutenable pour certaines professions de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite. 

Les accidents du travail

► Enjeu : la situation française reste préoccupante quant aux nombres d’accidents du travail, et notamment des accidents de travail mortels.

► Pistes envisagées : jusqu’à présent, les gouvernements Borne et Attal avaient annoncé une campagne de communication (réalisée en 2023) ainsi qu’un plan d’action afin de prévenir ces accidents à élaborer après une conférence sociale. A noter que les partenaires sociaux ont proposé, en juin 2024, de nouvelles règles de réparation des accidents de travail et maladies professionnelles, à la suite de la controverse sur l’article 39. En résumé, si aucun changement n’est à prévoir pour le préjudice professionnel, l’incapacité personnelle serait évaluée selon le barème du concours médical et une nouvelle indemnisation serait calculée selon le référentiel Mornet, utilisé par les juges civils dans le contentieux de la réparation du dommage corporel. Le législateur reprendra-t-il ces pistes dans le prochain PLFSS ?

► Débat parlementaire : là encore, le clivage droite-gauche pourrait se manifester. Si l’exécutif met en pratique le plan d’action promis par Gabriel Attal lors des législatives, la gauche pourrait relancer son idée de restaurer un CHSCT indépendant et d’inscrire les risques psychosociaux dans le tableau des maladies professionnelles reconnues. 

L’assurance chômage

► Enjeu : Le gouvernement Barnier prendra-t-il de nouvelles orientations sur l’assurance chômage ? Après plusieurs semaines d’hésitation, Gabriel Attal avait décidé de suspendre sa réforme de l’assurance chômage censée entrer en vigueur le 1er décembre 2024.

 Pistes envisageables : Les organisations syndicales étant fermement opposées à ce projet, elles feront savoir au gouvernement leurs revendications, par exemple un abaissement de la condition d’affiliation côté CFDT et l’agrément de l’accord négocié au sein de l’Unédic en novembre 2023 pour Force Ouvrière. Pour l’instant, un décret a prorogé le régime antérieur au projet de réforme jusqu’au 31 octobre. Il pourrait être de nouveau suspendu le temps d’y voir plus clair et de rencontrer les partenaires sociaux.

Se posera également la question du régime de bonus-malus sur les cotisations chômage des employeurs utilisant des contrats courts. Le dispositif a lui aussi été reconduit jusqu’au 31 octobre mais le précédent gouvernement prévoyait de revoir les secteurs concernés après des rencontres avec les syndicats. Rappelons également qu’un pan de la réforme a consisté à supprimer les allocations chômage aux salariés abandonnant leur poste. Le gouvernement Attal avait également annoncé la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (AS) pour les chômeurs en fin de droit avant de finalement y renoncer. Enfin, les inspections des finances et des affaires sociales ont rendu un rapport préconisant de réaliser 610 millions d’économies sur les crédits de soutien aux demandeurs d’emploi dès 2025.

► Débat parlementaire : A défaut d’ouverture en septembre d’une session d’extraordinaire, la nouvelle session de l’Assemblée débutera le 1er octobre, journée choisie par la CGT, la FSU et Solidaires pour leur mobilisation pour une autre politique concernant le pouvoir d’achat, l’assurance chômage, les retraites (lire plus bas).

L’emploi des seniors

► Enjeu : améliorer le taux d’emploi des seniors pour permettre aux plus âgés de quitter le marché du travail au moment de la liquidation de leur retraite à taux plein. Pour ce faire, les partenaires sociaux, Medef et U2P en tête, sont partants pour relancer les négociations sur les salariés expérimentés après l’échec des discussions sur le pacte de la vie au travail, en avril dernier. L’U2P souhaite également élargir la discussion à l’allègement du coût du travail. Reste toutefois deux inconnues : quel sera le sort réservé à cette négociation, si un compromis se dessine et quid des projets d’accords finalisés, en mai 2024, sur le compte épargne-temps universel (Cetu) et les transitions professionnelles, sans l’aval du Medef et de la CPME, l’U2P ayant mené seul ces discussions ? Le gouvernement Attal avait prévu d’inscrire ces trois sujets dans une future loi travail, qui devait être présentée à l’automne à l’Assemblée nationale. Le nouvel exécutif devra trancher.

► Pistes envisagées :  Plusieurs axes de discussion pourraient être au menu des prochains échanges sur l’emploi des seniors, à savoir le vieillissement de la population active, la pénibilité, les fonds de péréquation en matière d’inaptitude notamment ou encore les carrières longues.

► Débat parlementaire :  si le sujet semble assez consensuel, plusieurs partis politiques, notamment la gauche et le RN, pourraient profiter de cette porte ouverte pour relancer le débat sur l’abrogation de la réforme des retraites et réaffirmer leur opposition à l’allongement de la vie active. Quant au Cetu (compte épargne-temps universel), il ne figure pas au programme du Nouveau front populaire mais il pourrait être défendu par Renaissance.

Les retraites

► Enjeu : Après la dernière réforme de 2023 qui a rencontré une forte opposition syndicale et populaire pendant 6 mois de mobilisation, le gouvernement devra trancher entre un statu quo, qui a les faveurs du patronat, et une réouverture explosive du dossier. Les organisations syndicales vont demander à Michel Barnier une abrogation de la réforme, à savoir principalement la suppression de l’âge légal de départ à 64 ans et de l’allongement de la durée de cotisation. Le nouveau Premier ministre a d’ailleurs précisé en interview qu’il était prêt à “améliorer” le texte et qu’il souhaitait rencontrer les centrales syndicales à ce sujet.

► Pistes envisageables : Il est cependant peu probable qu’il tente de revenir sur les fondamentaux de la réforme, à savoir l’âge légal de départ à 64 ans. Le sujet sera sans doute inflammable pour le gouvernement si différentes forces politiques décident d’unir leurs forces à l’Assemblée en ce sens.

► Débat parlementaire : Ce sujet pourrait mettre le gouvernement en difficulté devant l’Assemblée nationale. Le 31 octobre, le Rassemblement national consacrera sa journée de niche parlementaire au réexamen de la réforme des retraites, une réforme que la gauche et le groupe Liot souhaitent aussi abroger.

Les salaires, le Smic, le pouvoir d’achat

► Enjeu : Les salaires et le pouvoir d’achat figurent en haut des préoccupations des Français en raison de l’inflation. Il sera difficile pour le gouvernement de ne pas y répondre. Parmi les revendications de l’intersyndicale figure la question de l’augmentation des salaires grignotés par l’inflation. Alors que les primes Macron se font une place dans les sujets de négociation dans les entreprises, les syndicats sont déterminés à œuvrer en commun pour le pouvoir d’achat des salariés. Ils pousseront également en faveur d’une augmentation du Smic au-delà de la seule revalorisation automatique liée à l’inflation.

► Pistes envisageables : S’il y a peu de chances que le gouvernement Barnier accède aux vœux du nouveau Front Populaire et des syndicats en matière de salaires, le gouvernement Attal a laissé à Michel Barnier un projet de refonte des exonérations patronales de cotisations autour du Smic. Les dispositifs existants seraient fusionnés en un système unique et dégressif à hauteur de 3 Smic au lieu de 3,5. Une mesure inspirée par le rapport Bozio-Wasmer demandé en son temps par Élisabeth Borne. Enfin, pendant la campagne des élections législatives, Gabriel Attal avait évoqué des évolutions de la prime de partage de la valeur (“prime Macron”). Il proposait de porter son plafond à 10 000 euros annuels (au lieu de 6 000) et de pouvoir en mensualiser le versement. Reste à voir si Michel Barnier reprendra l’idée.

► Débat parlementaire : Si le Nouveau Front Populaire poussera en faveur de hausses de salaires et d’un Smic à 1 600 euros net par mois, le gouvernement sera peut-être attiré par les propositions de l’ex-majorité et de la droite autour de primes défiscalisées.

La réforme du code du travail 

► Enjeu : la précédente majorité relative et son gouvernement avaient relancé l’idée d’une nouvelle simplification des obligations des entreprises mais aussi, pour l’automne, d’un nouvel acte de la réforme du code du travail après les ordonnances de 2017. Un rapport parlementaire suggérait même un relèvement des seuils sociaux qui aurait eu de fortes conséquences sur les prérogatives des CSE. Le projet avait aussi repris la demande de la CPEM d’un test PME avant toute législation concernant les petites entreprises, une disposition écartée par le Conseil d’État. Autre idée évoquée par l’ancien ministre de l’économie, dont le directeur de cabinet Jérôme Fournel dirige aujourd’hui le cabinet de Michel Barnier : réduire le délai dont dispose un salarié pour contester son licenciement. Enfin, Gabriel Attal avait évoqué l’idée de confier davantage de négociations au niveau de l’entreprise. 

► Pistes envisagées : Michel Barnier reprendra-t-il ces idées ? Nul ne le sait. Mais dans sa première interview à TF1, le 6 septembre, il a évoqué “l’inflation normative” qui pénalise selon lui l’entreprise. La dissolution a en tout cas mis un coup d’arrêt à l’examen par l’Assemblée d’un projet de loi sur la simplification qui comprenait notamment la réduction de deux à un mois du délai d’information préalable des salariés en cas de vente de fonds de commerce.

► Débat parlementaire : c’est peu de dire que la droite, l’ancienne majorité et l’extrême droite d’un côté, qui pourraient s’accorder sur des mesures de simplification pour les entreprises, et la gauche de l’autre, qui a porté par exemple lors des législatives un élargissement du droit d’intervention des salariés dans l’entreprise et un rétablissement du CHSCT, s’opposent sur ces questions. 

Le temps de travail et la semaine de 4 jours

► Enjeu : permettre davantage de souplesse dans l’organisation du temps de travail, de façon aussi à attirer les candidats vers les entreprises, via une politique incitative. 

► Pistes envisagées : L’idée avait été avancée par Gabriel Attal, lors des législatives, d’une expérimentation dans le privé de la semaine de 4 jours de travail, pour permettre ” aux salariés qui ne peuvent pas télétravailler de bénéficier eux aussi d’un jour de repos supplémentaire”. Le président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée mène une mission sur le sujet. 

► Débat parlementaire : si un tel projet était présenté, on peut s’attendre à des débats sur la facilitation de la vie quotidienne, côté positif, mais aussi, côté négatif, sur le risque d’intensification du travail liée à la suppression d’un jour de travail sans aménagement des objectifs ni recrutements.

Le congé parental 

► Enjeu : annoncé mi-janvier par le chef de l’Etat, le projet de congé de naissance, destiné aux deux parents, devait encourager plus de pères à prendre un congé et réduire l’impact sur la carrière professionnelle des mères. En 2021, seulement 0,8% des pères avaient pris ce congé, contre 14% des mères.

► Pistes envisagées : le projet propose un nouveau congé mieux rémunéré mais plus court, chaque parent percevrait 50% du salaire plafonné à 1 900 euros par mois pour une période de trois mois. Des concertations ont été lancées en mai dernier, avec les syndicats, les élus et les associations familiales sur la future réforme. Mais plusieurs questions restent à trancher : devra-t-il remplacer l’actuel congé parental ou être une alternative ?

► Débat parlementaire : Le dispositif pourrait trouver sa traduction juridique dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS). Si la gauche pourrait reprendre à son compte les critiques syndicales, tant sur le montant de l’indemnisation que sur sa durée, le Rassemblement national et Les Républicains n’en font pas mention dans leur programme.

Le financement de la formation professionnelle

 Enjeu : juguler le déficit de France compétences, estimé à plus d’un milliard d’euros, en 2024.

► Pistes envisagées : dans le cadre de la revue des dépenses, transmis aux parlementaires le 4 septembre, les inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) identifient 1,5 milliard d’euros d’économies potentielles et 421 millions de recettes supplémentaires.

Parmi les propositions chocs :

  • la suppression de l’aide à l’apprentissage pour les niveaux 6 (licence) et 7 (master) ;
  • la taxation des revenus des apprentis ;
  • une réforme systémique des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage ;
  • une redynamisation de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (pour les entreprises de plus de 250 salariés qui embauchent moins de 5% d’apprentis) ;
  • un meilleur ciblage du FNE-formation (Fonds National pour l’Emploi-Formation).

► Débat parlementaire : si aucun projet de loi ne semble se profiler en matière de formation professionnelle, des ajustements pourraient se fondre dans le PLF pour 2025. Les partis politiques se sont peu exprimés sur cette question pendant la campagne des élections législatives, hormis Renaissance. Le Nouveau front populaire insistait, lui, davantage sur un droit “renforcé” et “non bradé à l’entreprise”, c’est-à-dire sur une remise en cause probable du co-financement entreprise/salarié du compte personnel de formation (CPF).

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 

 Enjeu : Á l’issue de la conférence sociale du 16 octobre 2023, la Première ministre, Élisabeth Borne, avait annoncé son intention de construire un Index de l’égalité professionnelle “plus ambitieux, plus transparent, plus fiable”. Ce projet devait permettre d’anticiper la transposition de la directive européenne du 10 mai 2023. Laquelle prévoit l’obligation de communiquer des données sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes d’ici le 7 juin 2026.

► Pistes envisagées : la Première ministre avait donc donné 18 mois aux partenaires sociaux pour réviser ce dispositif. Parmi les axes de réforme : 

  • créer un nouvel indicateur sur la répartition femmes-hommes des 10 % des rémunérations les moins élevées ;
  • retravailler l’indicateur sur le taux de promotion des salariés ;
  • réviser la marge de tolérance de 5% admise pour calculer les écarts de rémunération entre les sexes ;
  • renforcer les sanctions aux entreprises ou encore utiliser les pénalités pour abonder un fond de promotion de l’égalité.

► Débat parlementaire : si le Nouveau front populaire (NFP) veut mettre l’égalité professionnelle en avant, il n’a pas mentionné dans son programme un nouveau texte législatif, insistant pour que les lois existantes soient d’abord appliquées, avec notamment 10 milliards d’euros de budget pour cette politique. Le RN s’érige lui aussi en défenseur des droits des femmes. Mais en mai 2023, selon Le Monde, les eurodéputés avaient choisi de s’abstenir ou avaient voté contre la directive européenne sur la transparence et l’égalité des rémunérations, arguant que ces nouvelles règles ajoutaient une charge supplémentaire pour les petits employeurs. Ce même argument avait été repris par François-Xavier Bellamy (Les Républicains, LR) qui s’y était également opposé.

L’immigration de travail

 Enjeu : le nouveau Premier ministre s’était prononcé en faveur d’une maîtrise des flux migratoires, voire d’un gel de ces flux. Voudra-t-il aller plus loin que la dernière loi sur l’immigration ? C’est ce qu’attend de lui l’extrême droite, la droite réclamant également un texte législatif reprenant les dispositions de la dernière loi censurées par le Conseil constitutionnel. 

► Pistes envisagées : une reprise des textes censurés par le Conseil constitutionnel pourrait être envisagée par l’exécutif, mais le débat promet d’être très tendu.

► Débat parlementaire : alors que la loi sur l’immigration avait grandement fragilisé la majorité relative dont disposait, avant la dissolution, Emmanuel Macron, les échanges pourraient être indécis en cas de nouveau projet législatif. Roland Lescure, l’ancien ministre de l’industrie, s’est déclaré, dans Libération, favorable à une immigration de travail et hostile à tout gel migratoire.

Et aussi….

♦ Toujours sur les sujets sociaux, d’autres projets de loi et propositions de loi lancés ou évoqués avant la dissolution pourraient, ou non, resurgir comme :

  • le projet d’un bulletin de salaire simplifié dans le cadre du projet de loi sur la simplification critiqué par les syndicats ;
  • la proposition de loi visant à davantage recourir au testing pour prévenir les discriminations ;
  • la proposition de loi visant à interdire les discriminations capillaires ;
  • la proposition de loi visant à “reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail”;
  • le projet de loi sur la fusion de l’audiovisuel public ;
  • le projet de loi sur l’aide à mourir ;
  • une loi sur le grand âge, etc. 

Anne Bariet, Bernard Domergue, Marie-Aude Grimont

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : nominations, privatisation

13/09/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du samedi 7 septembre au jeudi 12 septembre inclus. Une semaine encore calme en raison de l’absence de nomination du gouvernement, le nouveau Premier ministre Michel Barnier ayant annoncé sa composition pour la semaine prochaine.

CESE

Entreprises publiques

Nominations

Source : actuel CSE

La plateforme “Mon emploi en Île-de-France après les Jeux” est ouverte

13/09/2024

Pour assurer la réussite des Jeux olympiques et paralympiques, 181 000 emplois ont été mobilisés dans plusieurs secteurs d’activités tels que la sécurité privée, le tourisme ou la restauration, dont 82 % en Île-de France. A cette occasion, près de 30 000 demandeurs d’emploi ont pu acquérir un diplôme ou un titre professionnel. Comment valoriser cette expérience et les compétences acquises ? La région, l’État et France travail ont mis en place lundi la plateforme “Mon emploi après les Jeux en Île-de-France” afin de “rendre visibles opportunités d’emploi, formations et services, mais aussi de candidater auprès d’une entreprise qui recrute”.

Concrètement, les personnes ayant travaillé en tant que salariés ou bénévoles pendant les Jeux peuvent par ce biais se voir proposer des offres en lien avec leurs compétences, un parcours de formation si nécessaire, et peuvent déposer leur CV pour entrer en contact avec les entreprises partenaires. “Depuis 2020 nous avons formé 50 000 personnes pour répondre à la demande des jeux, avec une ligne de crête cardinale : que ces opportunités ponctuelles se transforment à l’issue en opportunités pérennes” a déclaré la présidente de la région Île-de France, Valérie Pécresse, à l’occasion du lancement. C’est désormais chose faite puisque, selon la région, plus de 10 000 offres d’emplois et parcours de formation sont d’ores et déjà disponibles.

Source : actuel CSE

L’illettrisme, un défi pour les entreprises puisque 55 % des concernés sont en emploi

13/09/2024

Une infographie de France Travail met un coup de projecteur sur des phénomènes souvent invisibilisés, en particulier en entreprise, de l’illettrisme et l’innumérisme. L’illettrisme se définit comme l’incapacité de déchiffrer un texte simple. L’innumérisme désigne l’incapacité d’une personne à manier les nombres et le calcul dans les situations de la vie courante.

Quelques chiffres sur la situation aujourd’hui en France :

  • 4 % des 18-64 ans sont en situation d’illettrisme (1,4 million d’adultes) ;
  • 9 % ont de graves difficultés avec le calcul ;
  • 10,5 %, soit 3,7 millions d’adultes, éprouvent d’importantes difficultés avec au moins une des quatre compétences dites « de base » que sont l’identification des mots, la compréhension d’un texte, l’écriture et le comptage.

Et, France Travail insiste, “les personnes seniors ne sont pas les seules concernées !”. L’illettrisme est d’ailleurs qualifié de “défi majeur dans le monde du travail” puisque plus de la moitié des personnes en grandes difficultés avec les compétences de bases travaillent, notamment comme ouvriers (30 %) ou employés (40 %). Or, “des situations d’illettrisme au travail mal évaluées et/ou non résolues peuvent représenter un frein réel pour le développement économique et social des entreprises et des organisations”.

France Travail rappelle donc les outils existants pour mieux appréhender la situation, tout en s’engageant de son côté à sécuriser les parcours socioprofessionnels des 18 % de demandeurs d’emploi illettrés.

Source : actuel CSE