Astrid Panosyan-Bouvet, une macroniste au ministère du Travail

23/09/2024

Ancienne conseillère d’Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Économie, Astrid Panosyan-Bouvet a quitté le Parti Socialiste pour cofonder le mouvement En Marche du futur Président de la République. Cette macroniste de la première heure a cependant montré son opposition à la réforme de l’assurance chômage.

Plus de trois mois après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, Michel Barnier a nommé, samedi soir, son gouvernement de 39 ministres dont l’équilibre se situe autour de la majorité présidentielle (13 personnes) et du parti Les Républicains (13 également ainsi que 3 qui en sont issus mais n’en font plus partie). Par ailleurs, 2 appartiennent au camp Horizons, 3 au parti UDI (Union des démocrates et indépendants, placé au centre-droit). Enfin, 3 viennent des rangs du Modem, un du Parti Radical et un du Parti Socialiste (voir la liste en fin d’article). On note également que l’ancien “super-ministère” de Catherine Vautrin, regroupant le travail, la santé et les solidarités, est cette fois-ci découpé entre plusieurs ministres. Le ministère du Travail revient à Astrid Panosyan-Bouvet, celui de la santé à Geneviève Darrieussecq. La nouvelle ministre du Travail a connu les meilleures écoles et les grandes entreprises.

Surdiplômée et passée par de grandes entreprises

Astrid Panosyan-Bouvet a 53 ans. Députée Ensemble pour la République (majorité présidentielle) dans la 4e circonscription de Paris de juin 2022 à juin 2024, elle a figuré d’emblée sur la liste proposée par Michel Barnier jeudi 19 septembre au Président de la République. Issue du Parti Socialiste qu’elle quitte dans les années 2000, elle conseille Emmanuel Macron lorsqu’il occupe le ministère de l’Économie de 2014 à 2016. Fidèle depuis les débuts donc, elle se tient à ses côtés lors de la fondation d’En Marche, son “mouvement” créé spécialement pour l’élection présidentielle de 2022.

On ne pourra pas l’accuser d’être restée au chaud dans les couloirs de l’administration : Astrid Panosyan-Bouvet a aussi forgé son profil dans de grandes entreprises. Cette surdiplômée s’est formée à HEC (Haute École de Commerce), à SciencesPo et à la Harvard Kennedy School of Government. Elle occupe ensuite des postes de direction dans des groupes majeurs, notamment dans le secteur des assurances (Axa, Groupama) et de l’immobilier (Unibail). Voilà de quoi lui coller une étiquette “DRH compatible”. Il reste à voir si elle s’entendra avec les syndicats qui revendiquent toujours l’abrogation de la réforme des retraites et l’abandon de la réforme de l’assurance chômage. Sur ce point, la nomination d’Astrid Panosyan-Bouvet pourrait leur fournir un appui. Elle devra aussi reprendre les dossiers de la formation professionnelle alors que l’ébauche de budget prévoit une baisse des crédits de son ministère (- 2,3 milliards d’euros).

Une ministre du Travail opposée à la réforme de l’assurance-chômage

Peu connue du grand public, elle s’était cependant détachée de la philosophie de Renaissance en s’exprimant contre le projet de réforme de l’assurance-chômage. On retrouve facilement ses prises de position puisque Astrid Panosyan-Bouvet les a publiés sur les réseaux sociaux. Dans une série de tweets du 6 avril 2024, elle indique :

  • “Une nouvelle réforme de l’assurance chômage ne semble pas être le levier pour augmenter le taux d’activité aujourd’hui. Il y va aussi de la formation, de la rémunération, de l’attractivité des métiers, des seniors”.
  • “L’urgence n’est pas de réformer l’assurance chômage mais de rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas”.

Elle défend donc une “approche globale” de la question du chômage mais montre souvent son opposition farouche aux 35 heures et semble méfiante sur la semaine de quatre jours. On peut lire dans l’un de ses tweets du 29 mars 2024 : “Expérimentons la semaine en / sur / de 4 jours comme en Grande-Bretagne ou en Irlande, mais n’en faisons pas une application uniforme comme les 35h. Et elle n’exonère pas d’une réflexion sur l’organisation du travail : le diagnostic sur un besoin d’autonomie, d’écoute et de reconnaissance est partagé”.

Une inconnue demeure : quelles seront les véritables marges de manœuvre de la ministre ? Elle rencontrera sans aucun doute les représentants des confédérations mais devra choisir sur quels dossiers lâcher du lest et sur lesquels rester dans les bottes des réformes précédentes. Pour l’instant, Michel Barbier a confirmé au Journal de 20 heures dimanche soir sa volonté de “compromis”, affirmant “je vais faire confiance aux partenaires sociaux pour améliorer la loi sur les retraites sur la pénibilité, les mères de famille et les carrières longues”.

Les autres portefeuilles du social

Les syndicats auront aussi maille à partir avec Guillaume Kasbarian, nommé ministre de plein exercice de la fonction publique, alors que les sujets du licenciement des fonctionnaires, de leurs salaires, de l’application de la réforme des retraites et du statut unique de la fonction publique avaient déjà créé de nombreuses tensions avec le ministre précédent, Stanislas Guérini. Considéré comme très libéral, Guillaume Kasbarian risque de fermer davantage de portes qu’Astrid Panosyan-Bouvet alors que les mécontentements grondent, en particulier dans les écoles, les transports et hôpitaux publics.

On note également deux grandes premières dans ce gouvernement. Marie-Agnès Poussier-Winsback est nommée ministre déléguée chargée de l’économie sociale et solidaire mais également de l’intéressement et de la participation. Ces dispositifs seraient-ils remis sous les projecteurs après la loi sur le partage de la valeur du 29 novembre 2023 ? Cette création pourrait également passer pour une volonté de pousser ces mesures au détriment des hausses de salaires.

Autre nouveauté, une secrétaire d’État chargée de l’intelligence artificielle :  Clara Chappaz. L’IA ne manque pas d’agiter le monde du travail, elle pose questions sur son organisation, le remplacement des tâches, le dialogue social technologique. Issue du monde des start-up, elle a notamment dirigé la mission “French Techs” de Bercy ces dernières années.

Marc Ferracci est nommé ministre délégué en charge de l’industrie. Cet ami personnel d’Emmanuel Macron était député Renaissance des Français de la Suisse et du Liechtenstein depuis 2022. Économiste de formation et spécialiste du travail, c’est aussi un ancien conseiller de Muriel Pénicaud, ministre du Travail de 2017 à 2020, et de Jean Castex, Premier ministre de 2020 à 2022. Marc Ferracci a donc participé à l’élaboration des ordonnances travail et de la première réforme de l’assurance-chômage. Parmi ses prises de positions récentes, il a défendu une prime à l’emploi pour les seniors et des testings anti-discrimination à l’embauche.

Enfin, le président de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Paul Christophe, a quitté son poste pour devenir ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes (Il est assisté sur ces dernières missions par la secrétaire d’État Salima Saa). Il lui reviendra donc de se pencher sur les modifications de l’index d’égalité professionnelle promises par Élisabeth Borne lors de la conférence sociale d’octobre 2023. Paul Christophe a par ailleurs indiqué samedi soir qu’il s’occuperait également des sujets relatifs au handicap.

Il reste désormais à observer les propos échangés lors des passations de pouvoir entre les ministres qui vont avoir lieu aujourd’hui. Un Conseil des ministres est également prévu à 15 heures. Enfin, Michel Barnier devrait prononcer son discours de politique générale début octobre. Rappelons que le gouvernement a devant lui une épreuve du feu : l’examen du budget devant l’Assemblée nationale repoussée au 9 octobre.

► Les ministres de plein exercice

  • Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice ;
  • Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation ;
  • Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur ;
  • Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale ;
  • Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ;
  • Rachida Dati, ministre de la Culture et du Patrimoine ;
  • Sébastien Lecornu, ministre des Armées et des Anciens combattants ;
  • Agnès Panier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques ;
  • Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ;
  • Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins ;
  • Paul Christophe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes ;
  • Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine ;
  • Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt ;
  • Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi ;
  • Gil Avérous, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative ;
  • Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;
  • Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique ;
  • François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer ;
  • Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics.

► Les ministres délégués

Auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : Benjamin Haddad, chargé de l’Europe ;

Auprès du Premier ministre :

  • Nathalie Delattre, chargée des Relations avec le Parlement ;
  • Maud Bregeon, porte-parole du Gouvernement ;
  • Marie-Claire Carrère-Gée, chargée de la Coordination gouvernementale ;

Auprès de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation :

  • Françoise Gatel, chargée de la Ruralité, du Commerce et de l’Artisanat ;
  • François Durovray, chargé des Transports ;
  • Fabrice Loher, chargé de la Mer et de la Pêche ;

Auprès du ministre de l’Intérieur : Nicolas Daragon, chargé de la Sécurité du quotidien ;

Auprès de la ministre de l’Éducation nationale : Alexandre Portier, chargé de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel ;

Auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : Sophie Primas, chargée du Commerce extérieur et des Français de l’étranger ;

Auprès de la ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques : Olga Givernet, chargée de l’Énergie ;

Auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie :

  • Marc Ferracci, chargé de l’Industrie ;
  • Marie-Agnès Poussier-Winsback, chargée de l’Économie sociale et solidaire, de l’Intéressement et de la Participation ;
  • Marina Ferrari, chargée de l’Économie du tourisme ;

Auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes : Agnès Canayer, chargée de la Famille et de la Petite enfance.

► Les secrétaires d’État

Auprès du ministre de l’Intérieur : Othman Nasrou, chargé de la Citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations ;

Auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : Thani Mohamed Soilihi, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux ;

Auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie : Laurence Garnier, chargée de la Consommation ;

Auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes : Salima Saa, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes ;

Auprès du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : Clara Chappaz, chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique.

Marie-Aude Grimont

Harcèlement : le Défenseur des droits rappelle les règles à respecter au cours de l’enquête

23/09/2024

Dans une décision du 11 juillet 2024, le Défenseur des droits reproche à une entreprise de n’avoir pas respecté les règles en matière d’enquête en cas de suspicion de harcèlement sexuel. L’occasion pour l’institution de souligner les éléments indispensables à la réalisation d’une telle enquête tout en respectant les prescriptions du code du travail.

Le Défenseur des droits est compétent pour traiter les réclamations des victimes de harcèlement sexuel au titre de sa mission de lutte contre les discriminations. Il peut demander une autorisation à instruire au procureur de la République pour des faits donnant lieu à une enquête préliminaire ou de flagrance ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours. C’est dans ce cadre que le Défenseur des droits est intervenu dans l’affaire qui a donné lieu à la décision du 11 juillet 2024. 

Harcèlement et agression sexuels

Une salariée engagée en tant que juriste au sein d’une grande entreprise exerce également des fonctions syndicales en tant que juriste au siège du syndicat. C’est dans le cadre de ses fonctions syndicales qu’elle estime avoir été victime de faits de harcèlement sexuel de la part d’un salarié travaillant à la trésorerie du syndicat. Ce dernier aurait tenu des propos à caractère sexuel “faisant référence à sa jupe en présence d’un autre collègue”. La salariée affirme également avoir été agressée sexuellement fin juillet 2019 par ce même salarié dans le local courrier mis à disposition du syndicat. Un fait qui lui sera rappelé par une collègue à laquelle elle s’était confiée alors qu’elle avait ensuite été victime “d’amnésie traumatique”.

Lancement d’une enquête interne

Dans un premier temps, la salariée informe de ces faits le secrétaire général du syndicat qui décide d’éviter tout contact entre les deux salariés. Il estime toutefois que la salariée n’apporte pas d’éléments au soutien de ses accusations et ne donne pas d’autre suite. 

Dans un second temps, la salariée se tourne vers sa société employeur et adresse un courrier à la direction de l’éthique. 

Le 20 mai 2021, l’entreprise lance une enquête interne qu’elle confie à la direction de l’éthique et à une psychologue experte agréée auprès de la cour d’appel de Versailles. Sept auditions ont lieu en juin 2021. A l’issue de l’enquête, la société estime que le harcèlement sexuel allégué par la salariée n’a pas pu être prouvé. Elle décide néanmoins que les deux salariés ne doivent plus être en contact. 

Des manquements relevés lors de cette enquête

Toutefois, le Défenseur des droits estime que l’entreprise n’a pas respecté les règles applicables à une telle enquête.

La première faille est de taille puisque l’entreprise a procédé à une inversion de la charge de la preuve. En effet, aux termes de l’article L.1154-1 du code du travail, le salarié doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement. “L’application de l’aménagement de la charge de la preuve doit conduire à rechercher des éléments de présomption d’un harcèlement et non des preuves irréfutables lesquelles peuvent être impossibles à rapporter par la victime”, souligne le Défenseur des droits.

Or, l’entreprise retient que la salariée “n’apportait aucune preuve tangible (ex. SMS, emails…) à l’appui de son signalement contrairement à celles produites par [le salarié objet de l’accusation] pour remettre en cause la version des faits de la plaignante”. L’entreprise “persiste à demander une preuve tangible à une salariée s’estimant victime de harcèlement sexuel en violation du principe d’aménagement de la charge de la preuve et en dépit des éléments recueillis lors de l’enquête interne”, constate le Défenseur des droits.

Par ailleurs, la manière dont l’enquête a été menée pose problème. Des “extraits du rapport montrent que l’approche adoptée par les enquêteurs a été d’ôter toute valeur probante aux témoignages, d’en ignorer purement et simplement certains passages, et de se focaliser sur une recherche de preuve au lieu des éléments de présomption, c’est-à-dire d’indices qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement sexuel. Ces indices doivent être appréciés de façon globale et non séparément”. De potentiels témoins n’ont pas été entendus. 

Une durée excessive

Autre reproche adressé à l’entreprise : “les conclusions de l’enquête ne sont pas cohérentes avec le contenu des auditions menées”. En effet, le fait de décider que les deux salariés concernés ne devaient plus “être en proximité” et que le syndicat devait “rappeler les bonnes pratiques relationnelles” est en contradiction avec l’absence de harcèlement sexuel constaté. 

En outre, l’enquête a été déclenchée en mai 2021 avec des auditions menées en juin 2021 mais les conclusions n’ont été rendues qu’en février 2022. “Cette durée pourrait être considérée comme excessive en application de la jurisprudence…”.

Enfin, les conclusions de l’enquête auraient été données oralement lors d’une réunion. 

Au vu de tout cela, le Défenseur des droits estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Il appelle à “une amélioration des pratiques [de la société] compte tenu du nombre de ses salariés et de la gravité des faits”. En outre, en ne sanctionnant pas les salariés concernés l’entreprise a manqué à son obligation de sanction issue de l’article L.1153-6 du code du travail.

Florence Mehrez

Paul Bazin nommé conseiller social à Matignon

23/09/2024

Par arrêté publié au Journal officiel de vendredi 20 septembre, Paul Bazin est nommé conseiller travail, emploi, insertion et retraites, chef de pôle auprès du Premier ministre Michel Barnier. Paul Bazin était jusqu’à présent directeur général adjoint de France Travail, l’organisme qui a remplacé Pôle Emploi. Conseiller départemental du Val-de-Marne (Les Républicains) et conseiller municipal au Perreux-sur-Marne, ce diplômé de HEC (Haute école de commerce), de SciencesPo et de l’Ena (École nationale d’administration) fut également inspecteur général des finances de 2013 à 2017. Il rejoint Jérôme Fournel (directeur de cabinet de Michel Barnier) et Jérôme Marchand-Arvier, directeur adjoint, qui était depuis décembre 2023 Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Est également nommé au poste de conseiller santé, autonomie et protection sociale, Cédric Arcos qui a été le conseiller santé d’Élisabeth Borne lorsqu’elle était Première ministre.

Source : actuel CSE

La CFE-CGC et FO s’inquiètent pour l’Afpa

23/09/2024

Créée en 1949 sous la forme d’une association dans le but de former une main d’œuvre qualifiée, l’Afpa a été transformée en établissement public industriel et commercial en janvier 2017. Elle se dénomme depuis lors Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes. Son changement de statut et les réorganisations du marché de la formation ont gravement nui à ses finances depuis plusieurs années. De crises financières en audits de la Cour des comptes, sa situation empire et inquiète désormais salariés et syndicats. Car l’Afpa a déjà fait l’objet d’une restructuration en 2018. Le Conseil d’État avait retoqué le plan de sauvegarde de l’emploi en mars 2023.

Un nouvel épisode vient perturber les syndicats de l’Agence : en juillet 2024, la Cour des comptes a refusé de publier son rapport relatif à l’Afpa (courrier en pièce jointe) au motif qu’il contiendrait des “secrets protégés par la loi”. La CFE-CGC de l’Afpa (majoritaire) a alors adressé à son tour un courrier (en pièce jointe) au président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Le syndicat suppose que ” les enquêteurs ont donc très bien fait leur travail avec objectivité, mais que cette objectivité est tout simplement insupportable pour les décideurs que sont l’État, le gouvernement et la direction générale, y compris le conseil d’administration de l’Afpa, qui ont tous failli collectivement à piloter correctement ce dit plan de redressement”. Le président du syndicat, André Thomas souligne les subventions “exceptionnelles” perçues par l’Afpa en compensation de ses pertes financières, “sans aucun lien avec une activité commandée par l’État” et “qui n’apparaissent pas au projet de loi de finances chaque année”. Il pointe également l’absence d’étude d’impact lors de la création de l’Agence en 2017 et prévient que le prochain gouvernement sera informé de la situation.

Jeudi dernier, Force Ouvrière s’est à son tour alarmée du sort de l’Afpa (communiqué en pièce jointe). D’une part, FO estime que les salariés étaient légitimes à avoir connaissance du rapport de la Cour des comptes. D’autre part, “si les informations contenues dans ce rapport pouvaient perturber les salariés, la communication de ces éléments à l’ensemble des organisations syndicales représentant les salariés est alors plus que nécessaire afin de protéger les travailleurs de l’Agence et d’améliorer durablement le fonctionnement de l’Afpa”. FO note qu’un récent rapport de l’Afpa “permet à ce jour de démontrer financièrement l’utilité publique de l’Agence et surtout les gains générés par ses activités dans le cadre du service public de l’emploi, sur la dépense publique lorsqu’elle permet le retour à l’emploi de 70% des bénéficiaires qu’elle accueille annuellement”.

Source : actuel CSE

Les emplois liés à l’IA doivent répondre aux normes de travail décent

23/09/2024

À l’occasion d’une visite à Astana, capitale du Kazakhstan, le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Gilbert F. Houngbo, a souligné “la nécessité d’une gestion efficace de l’intelligence artificielle (IA) pour promouvoir une transformation numérique inclusive et équitable”. 

En effet, lors de la conférence tripartite “Faire progresser la justice sociale à l’ère de l’économie du savoir et de l’IA”, le directeur de l’OIT a mis en avant “le potentiel de l’IA de transformer le monde du travail”. Toutefois, il a alerté sur l’importance de “protéger les impacts négatifs potentiels de la révolution numérique”. Il exige que “les emplois liés à l’IA répondent aux normes de travail décent”. Pour cela, “une participation active des travailleurs et des employeurs à la conception et à la mise en œuvre des technologie de l’IA” est essentielle.

Trois stratégies ont été identifiées pour réaliser cette transition numérique du monde professionnel. Elles consistent à :

  • identifier les compétences nécessaires et développer l’apprentissage des adultes ;
  • sauvegarder les droits des travailleurs et privilégier le dialogue social ;
  • vérifier que la transition se base sur des principes de justice sociale.

M. Houngbo a également mis en avant les progrès du Kazakhstan dans le développement de l’IA. Le pays a notamment adopté le Concept pour le développement de l’IA 2024-2029 et a rejoint la Coalition pour la justice sociale.

Source : actuel CSE

Astrid Panosyan-Bouvet promet un ministère du travail ne se résumant pas à l’objectif du plein emploi

24/09/2024

Lors de la passation de pouvoir au ministère du travail et de la santé, Astrid Panosyan-Bouvet a vanté hier l’art du compromis. Elle a promis aux partenaires sociaux un changement de méthode et une “restauration des liens qui s’étaient distendus” avec les organisations syndicales. Elle a évoqué la pénibilité et la réforme des retraites, en assurant que le ministère du travail ne devait pas se résumer à l’objectif de plein emploi…

A quoi ressemble une passation de pouvoirs ministériels dans un nouvel exécutif aux allures de remaniement et dont l’assise parlementaire paraît fragile ? A un exercice de style mariant, plus ou moins subtilement, promesse de changement et continuité. Le changement, tout d’abord, est celui du périmètre des ministères sociaux. Si la passation de pouvoirs entre Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet a eu lieu hier matin à Paris au ministère de la santé, avenue Duquesne, et non au ministère du travail rue de Grenelle (des locaux qui vont faire l’objet de travaux pour deux ans), le nouveau gouvernement met bel et bien fin au “ministère XXL”, selon les mots de l’ancienne ministre : le travail et la santé sont désormais bien séparés.

Rendre la réforme des retraites “plus soutenable pour tous”

Le changement, c’est aussi le ton employé par Astrid Panosyan-Bouvet pour sa première prise de parole. L’ex-députée Renaissance, qui a cofondé En Marche et qui fait donc partie des personnalités historiques du macronisme, n’a pas craint de parler de “pénibilité”, un mot honni par le président de la République, tout en se montrant très prudente sur le fond, ne s’exprimant pas, par exemple, sur l’assurance chômage.

 Répondre aux anxiétés suscitées par la réforme des retraites

Comme s’il s’agissait de marquer, sinon une rupture, du moins sa marque, Astrid Panosyan-Bouvet a dit vouloir rendre la réforme des retraites “plus soutenable pour tous” et “répondre aux anxiétés qu’elle a pu générer, notamment chez les femmes”.

Travailler “deux ans de plus dans un pays où passé 55 ans on a le sentiment de ne plus avoir tout à fait sa place dans le monde du travail ou quand le métier qu’on exerce est pénible, cela peut apparaître comme anxiogène”, a-t-elle expliqué.

La question des bas salaires

Côté continuité, la nouvelle ministre s’inscrit dans la recherche du plein emploi, “car la bataille n’est pas gagnée pour les jeunes, ni pour les femmes qui ont du mal à trouver des modes de garde, ni pour les personnes éloignées de l’emploi par les aléas de la vie, ni pour les seniors”.

Il faut donc, dit la ministre, poursuivre “les efforts de la réforme de France travail et de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA”.

Le plein emploi n’est pas le travail 

Mais, là encore, la petite musique qui accompagne le discours s’avère quelque peu différente de ces prédécesseurs : le plein emploi, dit l’ancienne DRH de Groupama, ne doit pas être la seule priorité, comme en écho aux éphémères assises du travail qui devaient remettre dans le débat public la qualité du travail et les conditions de travail. “Le plein emploi n’est pas le travail, il ne dit rien de sa réalité individuelle et subjective. Le travail, c’est un lieu de construction de l’estime de soi et du lien social, c’est la possibilité de se construire une meilleure vie pour soi et ses enfants”, vante la ministre, comme un retour aux promesses macronistes d’émancipation individuelle par le travail de 2017. 

Et la ministre d’insister : “Le travail doit payer”. Car si le Smic peut être “un salaire d’entrée dans la vie active”, il ne peut être “un salaire à vie” et “il nous faut regarder la question des bas salaires”.

La nouvelle ministre souhaite également lever “les freins” à la mobilité professionnelle grâce à un travail interministériel (logement, etc.). Car, dit-elle, le ministère du travail et de l’emploi ne doit pas seulement être celui des crises, mais il doit être aussi celui de l’anticipation, et des sujets au temps long, “comme l’adaptation des métiers à l’intelligence artificielle et à la transition écologique, la montée en gamme de notre économie vers la réindustrialisation et le numérique”.

Je crois à la démocratie sociale 

Enfin, la ministère du travail et de l’emploi souhaite aussi incarner un changement de méthode : “Personne n’a le pouvoir seul de relever les défis qui s’imposent à tous. La réussite viendra de l’engagement de tous et de la volonté de chacun de trouver un chemin commun. En bonne scandinave d’origine que je suis, je reste convaincue que le compromis n’est pas la compromission”.

Des paroles suivies par une profession de foi “dans la démocratie sociale et les partenaires sociaux, organisations syndicales comme patronales” : “Sur tout le territoire, ils ont des choses à dire sur la réalité du monde du travail, ils ont un rôle prépondérant à jouer. Les liens se sont parfois distendus ces dernières années, je m’emploierai à les restaurer et à les consolider”.  

Une écoute qu’elle promet également aux parlementaires afin de trouver des “majorités de compromis”. De quoi renouer le dialogue avec le monde syndical ? La réponse sera connue très bientôt, puisque les organisations syndicales attendent le discours de politique générale de Michel Barnier le 1er octobre pour envisager la suite de l’intersyndicale nouée au moment des retraites…

Faire changer les réalités vécues par les travailleurs

De façon assez habile, la nouvelle ministre du travail et de l’emploi demande à n’être jugée ni sur sa capacité à obtenir des crédits supplémentaires, ni sur une loi à laquelle elle laisserait son nom. Elle souhaite que les changements politiques qu’elle compte impulser soient évalués au prisme de la réalité des changements vécus par les travailleurs. Il faut dire que le ministère du travail et de l’emploi est promis à des économies budgétaires présentées comme inéluctables par Bercy.

Un peu à la manière d’une Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du travail s’est décrite comme une femme “venant du monde de l’entreprise”, l’entreprise devant être “un producteur de prospérité et de fierté collective avec ses opportunités et ses contraintes que je connais bien”.  Mais elle a aussi évoqué, via des parcours de personnes qu’elle a rencontrées, des éléments plus humains et sociaux, comme la quête d’un nouvel emploi d’une femme de plus de 50 ans, la difficulté de deux aides à domicile de vivre de leur métier, ou encore le collectif contre les morts au travail fondé par des proches d’un jeune salarié…

Catherine Vautrin fait son bilan

Auparavant, Catherine Vautrin, qui n’aura donc été que 8 mois ministre du travail, de l’emploi et de la santé, a dit sa “fierté” du travail accompli. Un peu à l’image du discours de Gabriel Attal, mais de façon plus humble, elle a rappelé quelques actions conduites ou initiées par son ministère :

  • le lancement et l’extension de l’expérimentation de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA (47 départements concernés) ;
  • la bonne tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris notamment, a-t-elle souligné, « grâce à France Travail » ;
  • l’acquis de la charte sociale des JO, “qui a permis d’éviter des accidents du travail et qui sera une référence pour les grandes manifestations” ;
  • la poursuite de l’augmentation du nombre d’apprentis en France, l’objectif d’un million d’apprentis en 2027 lui semblant toujours “atteignable” (malgré la baisse des aides de l’Etat aux entreprises) ;
  • le lancement du chantier d’une plus juste rémunération du travail “et la lutte contre la stagnation salariale” ;
  • la lutte contre les accidents du travail ;
  • la réforme de l’assurance chômage “pour contribuer au plein emploi en améliorant le taux d’emploi des seniors”, etc.
Du côté de la santé et de l’égalité F/H…
La nouvelle ministre de la santé, le médecin Geneviève Darrieussecq a fait sienne la priorité donnée à la santé mentale par Michel Barnier, et a insisté sur l’accès au soin. Tout en prévenant : “Le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), nous allons nous y atteler, mais je vous le dis tout de suite, je ne suis pas une fée, je ne ferai pas de miracle (…) Tout le monde doit travailler ensemble pour relever les défis”.

Paul Christophe, qui venait d’être élu président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée dont il était membre depuis 7 ans, est donc le nouveau ministre des solidarités et de l’égalité entre femmes et hommes, ce dossier étant confié à la secrétaire d’Etat Salima Saa

Il a affirmé vouloir poursuivre “la stratégie nationale des proches aidants 2023-2027” et a insisté sur le fait que son ministère serait aussi celui du handicap : “Les progrès réalisés dans l’accessibilité des personnes en handicap lors des jeux paralympiques doivent être un tremplin pour l’avenir”.

Concernant l’égalité F/H, dans une allusion au procès de Mazan et à la soumission chimique, Salima Saa a évoqué la nécessité de combattre les violences sexistes et sexuelles, et a assuré vouloir travailler pour une égalité réelle dans le monde de l’entreprise entre les femmes et les hommes, y compris dans les instances de direction . “Je serai intraitable dans la lutte contre les stéréotypes, a-t-elle promis. J’y ai souvent été confrontée, pendant ma jeunesse dans le Nord, dans l’entreprise en région parisienne, dans les quartiers prioritaires quand j’étais présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, ou lorsque j’étais préfète en Lozère”.

Bernard Domergue

64 % des salariés craignent de plus grandes difficultés à être augmentés en 2025

24/09/2024

Le climat social risque d’être tendu dans les entreprises à l’approche des NAO, les négociations annuelles obligatoires ! En effet, selon une enquête du cabinet Robert Half auprès de 1 000 salariés français et 500 dirigeants, 64 % des salariés estiment qu’il sera plus difficile d’obtenir une augmentation en 2025 qu’en 2024. Or, le coût de la vie reste le principal critère invoqué pour demander une augmentation (36 %), quelle que soit leur tranche d’âge. Viennent ensuite l’acquisition de nouvelles compétences ou qualifications (29 %) et la gestion de nouveaux projets ou une charge de travail accrue (25 %).

De fait, les employeurs constatent que les candidats à l’embauche sont de plus en plus exigeants sur les questions de rémunération. Cette perception est particulièrement marquée pour les jeunes générations.

Pour les employeurs, les critères principaux des employeurs pour décider d’une augmentation sont en grande partie basés sur la performance et l’atteinte des objectifs pour 31 % d’entre eux. Viennent ensuite la crainte de ne pas rester compétitif sur le marché (23 %) et le besoin de fidéliser les talents (17 %).

Source : actuel CSE

L’intelligence artificielle représente une opportunité pour les cadres, sous conditions…

25/09/2024

L’intelligence artificielle (IA) a commencé son grand bouleversement du monde du travail et les cadres n’y échappent pas. S’ils la voient de moins en moins comme une menace, ils devront se former à cette nouvelle technologie pour en tirer tous les bénéfices, sous peine de décrocher en termes d’employabilité. Autre condition pour une IA sereine : que les directions des entreprises impliquent les syndicats et les élus de CSE dans un dialogue social constructif.

Selon un sondage de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) en mai 2024, 50 % des cadres réclament des formations en IA. Parmi les cadres de moins de 35 ans, 53 % ont déjà utilisé des outils d’intelligence artificielle dans le cadre de leurs missions professionnelles et le chiffre baisse à mesure que l’âge augmente : les 35-54 ans ne sont que 38 % dans ce cas, et les plus de 55 ans ne sont que 31 %.

Les cadres identifient également des bénéfices aux systèmes d’IA :

  • Des gains de productivité et d’efficacité (90 %) ;
  • Une amélioration de la qualité du travail (82 %) ;
  • Le fait de trouver de nouvelles idées (79 %) ;
  • Le fait de réaliser de nouvelles tâches (62 %).

L’Apec note également une baisse de l’inquiétude des cadres au sujet de l’IA : en mai 2023, 30 % d’entre eux considéraient l’IA comme un danger contre 21 % en mai 2024.

L’IA représente-t-elle aujourd’hui un atout ou une menace pour l’emploi et le travail des cadres ? Quels seront ses effets sur leurs tâches ? L’IA fait-elle peser un risque de discrimination à l’embauche des cadres qui ne seront pas parvenus à s’adapter ? De quelle manière l’IA impactera-t-elle les missions des directions de ressources humaines dans le recrutement et/ou le licenciement des cadres ?

Une table ronde organisée par l’Ajis (association des journalistes de l’information sociale) a proposé un tour d’horizon de ces sujets avec Claire Abate, avocate chez AC Legal Avocats, Eric Peres, secrétaire général de la fédération des cadres Force ouvrière, et Cyril Cuenot, associé au cabinet Sia Partners et responsable de l’activité RH et Transformation. Tous les trois l’affirment : l’IA représente une opportunité pour les cadres à condition de s’y former et de développer un dialogue social encore trop limité pour l’instant.

Un recentrement du rôle du cadre

Comme pour les métiers peu qualifiés, l’IA va moderniser les tâches. Elle conduira à l’effacement de certains métiers et à la création de nouvelles perspectives d’emploi.

Concernant les cadres, selon Cyril Cuenot, “l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée constituera sans conteste une opportunité, elle va apporter du prédictif dans l’activité et réduire le reporting au profit des missions de management, d’encadrement d’équipes”. Pour le consultant de Sia Partners, l’IA pourra également fournir des données plus fiables, ce qui alimentera la capacité à prendre de meilleures décisions. Certes, l’emploi en termes de marché connaîtra des bouleversements mais “pour l’instant, l’IA constitue un appui, une aide, un accélérateur. On n’en est pas encore à la substitution. Il faut cependant une prise de conscience, en particulier dans les PME et entreprises de taille intermédiaire”.

Pour FO, il faut définir sa finalité, sa proportionnalité et sa loyauté

Eric Peres, secrétaire général de la fédération des cadres de Force Ouvrière, considère également l’IA comme une opportunité, y compris au niveau syndical car “c’est l’occasion de construire de nouveaux outils de défense des salariés”. Il développe par ailleurs une réflexion sur les questions à se poser sur l’implémentation des systèmes d’IA dans l’entreprise : “Il faut impérativement s’interroger sur la finalité de l’outil : s’agira-t-il d’accaparer l’expertise des cadres, d’intensifier le travail, de rechercher toujours plus de rentabilité ? On voit ici les capacités d’éviction de l’IA. Les cadres devraient par ailleurs avoir accès aux paramètres de l’outil afin de l’utiliser tout en valorisant ou en annulant certains de ses aspects. La deuxième question à se poser portera sur la proportionnalité : l’outil permet-il ou non de remplir de manière proportionnelle l’objectif de départ ? Enfin, il faudra en examiner la loyauté car on ne peut envisager un dispositif intégré dans l’entreprise sans présentation ni travail en commun avec les salariés et leurs représentants. Si on retrouve ces trois points, alors on pourra développer une IA éthique, responsable et liée au travail réel”.

Un cadre juridique suffisant pour l’instant

Claire Abate adopte aussi une vision de l’IA comme opportunité, d’autant que le droit français lui semble pour l’instant suffisant : “Le cadre juridique existe déjà : le code du travail prévoit des règles pour éviter par exemple la discrimination à l’embauche par des systèmes d’IA. En revanche, il faudrait peut-être revoir les échéances de l’entretien professionnel tous les deux ans vue la vitesse de déploiement de l’IA”.

À ce jour, l’avocate n’observe pas d’émergence de nouvelles clauses du contrat de travail relatives à l’IA mais reconnaît que l’intelligence artificielle pourrait créer un contentieux nouveau dans les prochaines années, notamment autour du licenciement pour mutation technologique.

Le criant besoin de formation

Les cadres ne demandent qu’à se former sur l’intelligence artificielle, mais faut-il viser des contenus purement informatiques ? Non, selon Cyril Cuenot : “Les cadres ont besoin d’une sensibilisation poussée aux impacts de l’IA, sur ce qu’elle va générer dans l’entreprise et sur les métiers, sur l’évolution de ses compétences”. Le consultant observe une forte hausse des demandes de formation à l’IA, notamment en formations spécifiques à certains outils comme CoPilot, l’IA développée par Microsoft. Il note également une autre tendance : “Les entreprises veulent former les salariés à partir de cas d’usage, à savoir apprendre à structurer des pratiques dans l’environnement de l’entreprise auprès des salariés et sur leurs tâches opérationnelles, la logistique ou des fonctions support par exemple”.

Sur le terrain de la formation syndicale, Eric Peres recommande également des formations répondant à un usage précis et pointe les besoins aussi bien chez les salariés que chez les dirigeants d’entreprise : “C’est l’une des raisons pour lesquelles il est très difficile de développer un dialogue social sur ces sujets aujourd’hui, y compris au Medef pour les négociations interprofessionnelles. L’IA figure à l’agenda autonome des partenaires sociaux mais nous observons une grande fragilité des directions et un manque de maîtrise des sujets”.

Seulement 7 CSE sur 10 sont consultés sur l’IA

Pour Cyril Cuenot, le fait que les entreprises se mettent en veille sur le sujet de l’IA constitue déjà un point positif. “Mais il faudrait aller plus loin pour l’intégrer dans le dialogue social dans les relations entre directions, managers, syndicats et salariés. Dans chaque processus d’information consultation, l’IA devait être intégrée de manière visible et structurée, c’est essentiel vu les niveaux de rupture qu’elle va créer sur les organisations”.

Seulement voilà, Eric Peres pointe que seulement 7 CSE sur 10 sont consultés régulièrement sur l’intelligence artificielle. “De plus, l’employeur a tendance à présenter l’IA comme une nouvelle couche logicielle, une évolution normale des outils existants qui ne nécessite pas de consultation du CSE”. Il recommande donc de lier les informations consultations du CSE au cycle de vie des données et donc tout au long de l’intégration de l’innovation technologique. “Il n’est plus question aujourd’hui de consulter au point d’entrée et au point de de sortie à un instant T puisque l’IA évolue tout le temps. Nous revendiquons donc à Force Ouvrière dans notre plaidoyer des comités de supervision en amont et en aval du déploiement de l’IA, ainsi qu’une étude d’impact systématique et une réversibilité de l’IA dans l’entreprise”.

Le DRH remplacé par l’IA ? Pas si vite !
Cyril Cuenot, responsable de l’activité RH et Transformation au cabinet SIA Partners, ne croit pas à l’hypothèse d’un DRH qui serait remplacé par des systèmes d’IA effectuant à sa place la gestion des ressources humaines : “Certes, pour lire entre les lignes d’un CV et prévoir les évolutions de compétences, l’IA est redoutable. Elle peut également mieux planifier les effectifs d’une usine, mais le DRH va être la tour de contrôle pour en maîtriser les impacts. Son rôle va se développer dans les comités exécutifs et les comités de direction où il va devenir un partenaire stratégique beaucoup plus important”. En revanche, dans l’équipe du DRH, le consultant observe que les collaborateurs craignent pour leur emploi. D’où le nécessaire investissement en formation selon Claire Abate, avocate chez AC Legal Avocats : “Ça ne sert à rien de se cacher derrière son petit doigt. Il vaut mieux s’emparer du sujet et le maîtriser plutôt que de se laisser dépasser”.  

 Marie-Aude Grimont

L’Orse dévoile sa feuille de route pour 2025

25/09/2024

L’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) dévoile son programme pour l’année 2025. Avec en ligne de mire, l’accompagnement des entreprises “dans leur transition vers des pratiques plus durables et responsables”. Dans le détail, l’Orse souhaite apporter son soutien aux entreprises dans la mise en œuvre des réglementations européennes et françaises, notamment la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la CS3D. Avec à la clef, des ateliers trimestriels, des outils de reporting et une plateforme d’échanges. Par ailleurs, l’Orse poursuivra ses actions autour du dialogue social et environnemental. L’accent sera mis sur la formation portant sur la transition et la sensibilisation aux enjeux de diversité et de santé mentale.

L’organisation compte également déployer des ateliers sur les risques RSE (responsabilité sociale et environnementale) et les contentieux tout en encourageant le développement de la finance durable avec un focus sur l’analyse des agences de notation ESG (environnement, social et gouvernance) et la réglementation spécifique de ces indicateurs.

Source : actuel CSE

Un taux d’absentéisme de 4,8 % en 2023

25/09/2024

Mercer Marsh Benefits, cabinet de conseil et du courtage en santé et prévoyance, a publié hier son baromètre sur l’absentéisme en France, issu de son portefeuille clients.

Les constats sont les suivants : 

  • le taux d’absentéisme est de 4,8 % en 2023, contre  5,2 % en 2022 et 4,8 % en 2021 ; 
  • les arrêts de courte durée (entre 6 et 15 jours) ont diminué de 51 % en 2023 ;
  • un salarié sur trois s’est absenté au moins une fois en 2023 (contre 48 % en 2022) ; 
  • l’écart moyen d’absence entre les salariés non-cadres et les cadres est de +4 jours ; 
  • l’évolution de la durée moyenne d’un arrêt de travail en 2023 est de 34 jours (contre 26 jours en 2022) ; 
  • le taux d’absentéisme chez les femmes est de 6,5 % contre 3,6 % chez les hommes ; 
  • les secteurs d’activité les plus touchés par l’absentéisme en 2023 sont le commerce/distribution, les centres d’appel et les services à la personne.

Source : actuel CSE

Le Défenseur des droits préconise un soutien psychologique et financier des lanceurs d’alerte

26/09/2024

Le rapport 2022-2023 sur la protection des lanceurs d’alerte vient d’être publié par le Défenseur des droits. Ce dernier se félicite des améliorations apportées dans le droit des lanceurs d’alerte et de leur protection, mais l’institution demande à ce que certaines lacunes dans la réglementation et l’action publique soient corrigées. Parmi les 11 propositions du rapport, figurent :

  • la création d’un régime de protection pour les personnes morales en tant que lanceur d’alerte.

Explication du Défenseur des droits : “Les personnes morales sont susceptibles de pâtir de décisions, tels un refus de subvention, d’agrément, ou voir leur responsabilité civile ou pénale engagées, en lien avec une alerte qu’elles auraient pu lancer. L’extension de la définition du lanceur d’alerte permettrait de prévenir ce type d’actes et d’actions. Elle conférerait en outre un caractère collectif au signalement et serait ainsi de nature à rompre la solitude dans laquelle se trouve souvent le lanceur” ;

  • l’amélioration du soutien financier et psychologique des lanceurs d’alerte par, notamment, la création d’un fonds de soutien des lanceurs d’alerte et la mise en place d’un accompagnement psychologique ;

Précision du Défenseur : “La création d’un fonds de soutien des lanceurs d’alerte, permettant qu’une aide financière soit accordée à la personne auteure du signalement remplissant les conditions pour bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alerte, pourrait être alimenté par les sanctions financières prononcées en cas de manquement à l’obligation de mettre en place des procédures de signalement, s’il était décidé d’instaurer de telles sanctions, ou par une dotation propre. Un soutien psychologique doit, en second lieu, être proposé dans un cadre qui reste lui aussi à déterminer. Ce soutien pourrait se traduire par la prise en charge du coût de séances avec des professionnels (psychologues…) ou la mise à disposition d’un service gratuit, directement pris en charge par la puissance publique”.

  • l’évaluation du taux des entreprises et administrations à jour de leurs obligations de mise en place d’un dispositif de recueil des alertes internes”, etc.

Source : actuel CSE

Télétravailler depuis l’étranger sans autorisation peut justifier un licenciement pour faute grave

27/09/2024

Dans un jugement rendu cet été, le conseil de prud’hommes de Paris a admis qu’une salariée télétravaillant depuis le Canada sans l’accord de son employeur avait commis une faute grave. Quels enseignements tirer de cette décision ?

Dans cette affaire, une salariée embauchée en CDI en mai 2019 en qualité d’analyste flux et conformité obtient, à l’issue de ses congés payés d’été 2020 passés au Canada, l’accord de son employeur pour télétravailler provisoirement depuis ce pays dans l’attente d’un nouveau vol retour, son vol initial ayant été annulé. Souhaitant s’installer définitivement au Canada, elle sollicite une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui lui est refusée, avant d’informer son employeur de son intention de démissionner avec une date de fin de contrat au 31 décembre 2020. La salariée est alors autorisée, dans l’attente de son départ et toujours de manière provisoire, à télétravailler depuis le Canada.

La salariée décide de continuer à  télétravailler depuis le Canada sans l’accord de l’employeur

Puis, invoquant une situation financière difficile, la salariée demande à poursuivre son contrat de travail, toujours en télétravail, depuis le Canada jusqu’à la mi-février 2021. Malgré l’absence de réponse favorable, la salariée ne démissionne pas.

En parallèle, en octobre 2020, dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, l’entreprise impose un télétravail total à l’ensemble de son personnel et autorise le télétravail depuis l’étranger à condition que le lieu de télétravail soit situé dans le même fuseau horaire que Paris à + /- 2 heures de décalage.

Début février 2021, l’employeur annonce le retour progressif en présentiel pour la fin du mois de février et demande à ses salariés à l’étranger de continuer à communiquer leur résidence provisoire à l’étranger, ce que la salariée ne fait pas.

Interrogée par son supérieur hiérarchique en mars 2021 sur son activité réduite en matinée, la salariée l’informe finalement qu’elle se trouve au Canada et demande à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas.

Faute d’accord, l’employeur peut licencier la salariée pour faute

La salariée est alors licenciée pour faute grave. Elle conteste son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Paris.

Ce dernier donne raison à l’employeur et retient la faute grave de la salariée. Pour ce faire, il mobilise des arguments de deux ordres :

  • en premier lieu, et c’est là l’originalité et l’intérêt majeur de cette décision, le conseil  s’appuie sur les risques encourus par la société du fait de l’activité de la salariée sur le territoire canadien (lire notre encadré). Les juges du fond relèvent en effet que cette activité s’exerçait sans aucune autorisation des autorités canadiennes et en violation des règles sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) ;
  • en second lieu, il retient qu’un certain nombre de faits constituent, de la part de la salariée, une violation des obligations résultant de son contrat de travail : le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail depuis ce pays et de ne pas avoir repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure en ce sens.

Quelle portée accorder à cette décision ?

Même si les risques pour l’employeur soulevés dans cette affaire par les juges du fond sont réels, il faut faire attention à ne pas surestimer la portée de cette décision.

Tout d’abord, ces risques nous semblent circonscrits à une situation de télétravail régulier hors Union européenne. En effet, le respect du RGPD s’applique sur tout le territoire de l’UE (il n’y a donc pas de problématique de transfert de données hors UE), et les travailleurs européens peuvent s’établir et travailler librement sur ce territoire.

Ensuite, il est difficile de savoir ce qui, dans les faits de l’espèce, a été décisif pour les juges du fond : quand bien même ils ont mis en avant les risques pour l’employeur dans la motivation de leur décision, on peut se demander si le seul comportement de la salariée (manquements évoqués ci-dessus) n’aurait pas suffi à retenir la faute grave ou, à tout le moins, une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

► Dans tous les cas, il ne peut être que conseillé aux employeurs d’encadrer très précisément les pratiques qu’ils autorisent ou non en matière de télétravail (possibilité de télétravailler depuis un autre lieu que le domicile ; information de l’employeur sur le lieu de télétravail ; possibilité ou non de télétravailler depuis l’étranger et, si oui, dans quelles conditions ; obligation de se rendre disponible pour revenir sur site dans un certain délai ; etc.).

Quels sont les risques pour l’employeur visés par le conseil de prud’hommes de Paris ?
Il s’agit tout d’abord des règles de droit applicables au travail des étrangers dans le pays où s’exerce le télétravail. De nombreux pays exigent en effet que les travailleurs étrangers disposent d’une autorisation administrative pour exercer une activité sur leur sol. Le fait, pour l’employeur, de ne pas avoir demandé/obtenu cette autorisation peut l’exposer à des sanctions.

Il s’agit ensuite du non-respect des règles issues du RGPD. Ce règlement européen encadre, sur le territoire de l’Union européenne (UE), la protection des données utilisées par les travailleurs. La dissimulation d’une activité s’exerçant hors UE emporte un risque de non-conformité par l’employeur. En effet, les responsables de traitement peuvent transférer des données hors de l’UE à condition d’assurer un niveau de protection des données suffisant et approprié. Ils doivent encadrer ces transferts en utilisant les différents outils juridiques définis par le RGPD. Or, en l’espèce, l’employeur n’étant pas au courant du télétravail hors UE n’avait pas pu prendre les précautions nécessaires et on peut penser que la salariée, qui exerçait le métier d’analyste flux et conformité, manipulait des données personnelles de clients.

Enfin, bien que les juges du fond ne l’évoquent pas, il pourrait aussi y avoir d’autres risques, notamment en matière de sécurité sociale (règles d’affiliation, difficultés en cas d’accident du travail, etc.).

Muriel Gien

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Aides aux entreprises, nominations, Parlement, représentativité

27/09/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 20 septembre au jeudi 26 septembre inclus.

Aides aux entreprises 

  • Un arrêté du 12 septembre 2024 porte attribution de l’aide financière exceptionnelle prévue par l’article 5 du décret n° 2024-717 du 5 juillet 2024 (entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques résultant de la crise en Nouvelle-Calédonie)

Nominations

Parlement

  • Programme des commissions du Sénat
  • Programme des commissions de l’Assemblée nationale

Représentativité

  • Décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1103 QPC sur l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches regroupant les établissements d’enseignement privés et d’enseignement agricole privés 

Source : actuel CSE