Transparence salariale et index F/H : un projet de loi attendu d’ici à septembre 2025

10/03/2025

Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre chargée du travail et de l’emploi

La ministre chargée du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a annoncé la transposition de la directive européenne sur les rémunérations d’ici à la fin de l’année. Un projet de loi sera soumis au Parlement à l’automne, à l’issue d’un cycle de concertations avec les partenaires sociaux qui devrait débuter dans les prochaines semaines.

Le temps presse : d’ici à juin 2026, les entreprises françaises de plus de 100 salariés devront avoir transposé la directive européenne du 10 mai 2023 leur imposant davantage de transparence salariale. L’objectif affiché ? L’équité des rémunérations entre les salariés. Pour tenir les délais, la ministre chargée du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a annoncé, vendredi 7 mars, la veille de la journée des droits des femmes, lors d’un colloque sur l’égalité professionnelle, l’ouverture d’un cycle de concertations avec les partenaires sociaux en vue de boucler un projet de loi dédié d’ici à l’automne. L’objectif est que tout soit prêt pour la fin de l’année, en fonction du planning des parlementaires mobilisés durant cette période par les textes budgétaires.

La refonte de l’Index égalité professionnelle dans le viseur

L’occasion aussi de réformer de l’Index égalité F/H, en remplaçant les cinq indicateurs actuels par les sept figurant dans la directive (voir notre encadré). Aux yeux de la ministre, cet index très critiqué par les organisations syndicales garde quelques mérites  : “Il a permis de donner de la visibilité aux sujets de l’égalité salariale en entreprise, d’apporter un peu plus de transparence, de donner des objectifs chiffrés et de mesurer des progrès à l’échelle des entreprises”, soutient la ministre en précisant que “ce que l’on ne mesure pas n’existe pas”. Mais cette prise de conscience reste “insuffisante”. Il reste du chemin à faire. “Le salaire moyen des femmes est toujours largement inférieur à celui des hommes, y compris à travail égal, et certaines études montrent que l’écart peine à se résorber”.

“Je pense qu’aujourd’hui la transposition de la directive des salaires nous donne l’occasion de l’améliorer considérablement, d’augmenter le niveau d’ambition et de travailler beaucoup plus finement les écarts de rémunération”.

La directive va, de fait, un cran plus loin. Contrairement à l’Index, les entreprises devront ici renseigner les temps partiels, la proportion de femmes et d’hommes dans chaque quartile de rémunération ou encore le delta de rémunération entre les sexes par catégorie de travailleurs, à la fois pour les salaires de base et variable.

Surtout, alors que l’Index permettait de neutraliser les écarts de rémunération inférieurs à 5 % pour le premier indicateur, la directive prévoit que ce différentiel devra “faire l’objet d’une évaluation par les acteurs de l’entreprise et [apporter] des mesures correctives”.

Les sept indicateurs de la directive
L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables et complémentaires

L’écart de rémunération médian

L’écart de rémunération médian au niveau des composantes variables et complémentaires

La proportion de femmes et d’hommes bénéficiant de composantes variables et complémentaires.

La proportion de femmes et d’hommes dans chaque quartile de rémunération

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire et par composantes variables ou complémentaires.

Révision des classifications

Les branches professionnelles seront aussi mises à contribution. Ce sera à elles qu’incombera la tâche de réviser leurs classifications. Or, selon Astrid Panosyan-Bouvet, “50 % d’entre elles n’ont pas réactualisé leurs classifications depuis plus de plus ans”.

Ce travail sera impératif : la directive suppose, en effet, d’établir des grilles de rémunération comprenant l’ensemble de la rémunération, en regroupant les emplois de valeur équivalente. “Autrement dit, les emplois qui exigent le même diplôme, les mêmes compétences et les mêmes responsabilités, en vertu de l’article L 3221-4 du code du travail”, rappelle Olivia Guilhot, avocate au sein du cabinet Voltaire avocats. Soit un véritable travail de fourmi.

Ces informations ne figurent pas dans l’Index qui se focalise sur les postes équivalents, ni même dans les classifications des conventions collectives plus généralistes.

Des données accessibles via la DSN

Face à ce nouveau chantier redouté par de nombreux DRH, la ministre du travail a cherché à rassurer en indiquant que ce travail pourra être automatisé pour au moins six des sept indicateurs (hormis l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs), via la DSN, afin que les entreprises se concentrent non pas sur la “constitution des données” mais plutôt sur les axes d’amélioration et les corrections à prendre en compte…

Le ministre a même ajouté que la Direction du travail travaillait actuellement à cet objectif. Sans préciser toutefois la faisabilité d’un tel projet.

L’Index égalité professionnelle fait encore du surplace en 2025
En 2025, l’Index égalité professionnelle affiche une note moyenne de 88,5 sur 100 en 2025, contre 88 sur 100 en 2024. Elle a augmenté de 4 points depuis 2020 (84/100). L’augmentation est comparable pour toutes tailles d’entreprises. 94 % des entreprises ont une note égale ou supérieure à 75/100, en progression de 1 point. 

Des progrès restent cependant à faire, car, comme l’an passé, seules 2 % des entreprises ont une note de 100/100 (soit 560 entreprises).

Par ailleurs, 1001 mises en demeure ont été prononcées soit parce que ces entreprises n’avaient pas publié leur score, soit parce que les mesures de correction n’étaient pas mises en place. Au total, 101 pénalités ont été notifiées. Mais le ministère n’a pas précisé leurs montants.

Les notes de l’Index, entreprise par entreprise, se trouvent sur le site Internet dédié (entreprises de plus de 250 salariés).

Les entreprises d’au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif ont également l’obligation, depuis 2022, de publier annuellement sur leur site internet les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi, d’une part, les cadres dirigeants et, d’autre part, les membres des instances dirigeantes, en vertu de la loi Rixain du 24 décembre 2021. En 2025, 73 % des entreprises comptent moins de 40 % de femmes parmi leurs cadres dirigeants (contre 76 % en 2022) et 64 % ont moins de 40 % de femmes dans les instances dirigeantes (contre 72 % en 2022). 

 Anne Bariet

Inégalités hommes femmes au travail : les six raisons du malaise

10/03/2025

Sylvie Bernard, Christelle Toillon, Béatrice Clicq, Sophie Binet, Marylise Léon, Karen Henry, Catherine Greniou, Pierre Burban,

L’égalité n’a toujours pas cours entre hommes et femmes dans le monde du travail, comme le montrent les résultats de l’index d’égalité professionnelle. Syndicats et patronat en ont débattu vendredi 7 mars dans une table ronde organisée par le ministère du travail. Certaines réalités sont crument apparues et on peut en retirer les six raisons du malaise qui s’installe années après années autour des inégalités dont souffrent les femmes.

Faut-il se satisfaire des progrès réalisés quand ils sont minimes ? La question s’est posée, vendredi 7 mars, quand Pierre Ramain, Directeur Général du Travail, a présenté les résultats du nouvel index d’égalité professionnelle. En 2024, la note moyenne des entreprises était de 88 sur 100. En 2025, elle n’a augmenté que de 0,5 point, à 88,5. Certes, elle n’était que de 85 en 2021. Par ailleurs, seulement 2 % des entreprises rapportent une note de 100 sur 100. 98 % d’entre elles doivent donc progresser…

Est-ce à dire qu’en six ans, l’égalité hommes femmes a réellement progressé, ou les entreprises se sont-elles montrées plus agiles dans le calcul de l’index ? Et ce, en toute légalité ? Car les organisations syndicales et autres experts ont maintes fois décrié les coefficients de pondération et autres jeux de chiffres permettant aux employeurs de tourner les calculs à leur avantage.

C’est un fait, l’égalité hommes femmes reste minée, et les échanges entre syndicats et patronat lors de cette matinée organisée à la veille de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, a jeté une lumière crue sur les six raisons de cette stagnation. Il en existe d’ailleurs peut-être d’autres, mais celles-ci sont clairement ressorties des joutes verbales instaurées entre patronat et syndicats. Les interventions des représentantes syndicales ont été largement applaudies par la salle.

1 / Les femmes doivent encore réclamer l’égalité

Ce prisme culturel continue de choquer les numéros un des cinq syndicats représentatifs. Un poste de “secrétaire général” qui s’est d’ailleurs sensiblement féminisé depuis les élections de Marylise Léon (CFDT) et Sophie Binet (CGT) en 2023. Pour cette dernière, interrogée sur l’apport de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes pour la performance économique de l’entreprise, la secrétaire générale de la CGT a répondu par un missile : “Je n’ai juste pas envie de répondre. Pourquoi est-ce qu’on devrait expliquer ce qu’apporte l’égalité femmes-hommes à la société ? En fait, on ne devrait pas avoir à l’expliquer. C’est une mesure de justice, c’est notre dû”.

Béatrice Clicq (Force Ouvrière) a complété par la nécessité de justice sociale que représente l’égalité dans le monde du travail, et ajouté que “la performance, ce n’est pas le sujet, en fait : ça doit être acquis parce que nous sommes égales aux hommes”.

Christelle Toillon (CFE-CGC)  a répliqué en termes on ne peut plus professionnels : “Pourquoi parler de performance économique au sujet de l’égalité ? Je suis une femme, je suis cadre ingénieure, et à l’école j’étais aussi performante que mes camarades masculins. Pourquoi une fois passée la porte de l’entreprise serais-je moins performante ?”.

2 / Les femmes assument toujours les charges du ménage

Les organisations syndicales ont vertement réagi à certains propos tenus par les représentants patronaux. Après avoir rappelé que dans les très petites entreprises, 42 % des dirigeants sont des femmes selon une enquête interne, Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P a indiqué que “ce que je dis c’est très caricatural et c’est sans doute contestable, mais les hommes ont construit leur vie autour de leur vie professionnelle. C’est vrai que les femmes, et encore une fois c’est très caricatural, ont plus organisé leur vie privée”.

La réplique est alors venue de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, en ces termes : “Ce que je viens d’entendre me gratouille. A partir du moment où les femmes doivent assumer 80% de la charge domestique, on peut effectivement regretter qu’elles ne soient pas plus concentrées sur la question professionnelle. C’est que par défaut, elles font ce que les hommes ne veulent pas faire. Monsieur Burban a pris les précautions d’usage, en disant que c’était un peu caricatural, je me permets de le confirmer”.

3 / Les employeurs avancent, mais trop lentement

Prenons donc soin de ne pas caricaturer non plus la position des employeurs. Karen Henry, représentant le Medef, a reconnu que l’égalité hommes femmes “est favorables au monde de l’entreprise et aujourd’hui elles y sont d’autant plus sensibles qu’on a des candidats qui sont très attentifs aussi en termes de marque employeur”. En effet, une entreprise avec une bonne note à l’index pourrait recruter plus facilement des candidats éveillés à ces questions. Il s’agit, comme sur l’environnement, d’un argument à l’embauche et à la fidélisation des salariés.

Catherine Greniou (CPME) a d’ailleurs rejoint Marylise Léon sur un point : “Je suis d’accord avec la CFDT qu’il s’agit d’un sujet de gouvernance. Une femme n’est pas là pour faire de la performance, on est plutôt sur une économie durable. Une femme, comme un homme, doit être efficace dans son métiers. La richesse produite n’est pas genrée…”.

Malheureusement, les nouvelles perspectives d’évolution sont faibles. Plus tôt dans la matinée, le chercheur Camille Landais a présenté les résultats de ses travaux pour le Conseil d’analyse économique (CAE). Il en résulte que l’essentiel des gains réalisés aujourd’hui en matière d’égalité professionnelle sont liés à la forte présence de la proportion de femmes sur le marché du travail qui a joué en leur faveur depuis les années cinquante. Mais depuis 2010 selon l’économiste, la réduction des écarts de revenus ralentit. Entre 1990 et 2010, il s’est réduit de 15 points, mais de seulement 5 points entre 2010 et 2020.

Camille Landais analyse les raisons de cette stagnation : les interruptions de carrières liées aux grossesses, les temps partiels plus fréquents chez les femmes que chez les hommes, les différences salariales qui perdurent dès l’embauche et ne se résorbent pas au fil des progrès des femmes dans leurs carrières.

4 / L’égalité professionnelle est mise de côté dans le dialogue social

Les syndicats ont aussi fait leur mea culpa. Selon Marylise Léon, les militants syndicaux sont trop peu formés au sujet. Sylvie Bernard (CFTC) pense également que “la formation des élus de CSE devrait systématiquement intégrer un module dédié à la négociation de l’égalité” sur l’appropriation de l’index par les élus). La syndicaliste a cependant pointé le décalage de “récompenser des entreprises qui respectent simplement la loi”.

Au-delà de ces évolutions nécessaires, les chiffres relatifs à l’expertise le montrent : l’égalité professionnelle reste le parent pauvre du secteur (lire notre article). Autre aspect montré par la table ronde : la négociation de branche qui patine sur le sujet. Selon les chiffres officiels de bilan de la négociation collective rappelés par karen Henry (Medef), “en 2023, 11 accords de branche ont été signés sur l’égalité professionnelle, au lieu de 6 en 2022”.

Pas de motifs de fierté donc, surtout si l’on en croit Sophie Binet qui a accusé les organisations patronales de “blocage violent” sur les négociations de branche relatives aux classifications. Sur ce point, les représentants de l’U2P, de la CPME et du Medef n’ont pas tenté de se défendre.

Béatrice Cliq (FO) a également regretté le manque de transversalité dans les négociations au niveau de l’entreprise : “Il ne faut pas que ce soit seulement traité dans le cadre d’un accord d’égalité pro. Il faut que l’égalité pro’, ce soit tout le temps le sujet sur n’importe quel accord”.

5 / Les inégalités professionnelles ne sont pas sanctionnées

C’est là encore une revendication largement partagée mais sur laquelle la CGT et FO ont mené les échanges. Et Pierre Ramain avait donné peu de temps plus tôt les derniers chiffres de l’index : depuis 2019, donc en six ans, seulement 1 001 entreprises ont été mises en demeure de respecter leur obligation par l’inspection du travail. Une centaine ont été effectivement pénalisées.

Selon Sophie Binet, “c’est une hypocrisie majeure, c’est comme si on appliquait le code de la route sans radars, sans amendes et sans gendarmes”. Chez FO, Béatrice Clicq déplore également l’absence de sanctions : ” Environ cent entreprises sanctionnées, c’est dérisoire. De ce fait, il n’y a aucune raison que ça bouge. Si vous ne risquez rien, pourquoi se fatiguer à réaliser des actions en faveur de l’égalité ?”.

6 / Un stéréotype persiste : “C’est de la faute des femmes”

Un autre moment de lutte verbale entre syndicats et patronat s’est instauré à la suite des propos relatifs au temps partiels. Selon Karen Henry (Medef), dont les propos ont fait bondir les représentantes syndicales : “Parfois le temps partiel n’est pas que subi, il est aussi choisi. On fait des choix parce que le mari gagne plus et que c’est moins intéressant. On fait le choix de travailler à temps partiel pour un équilibre de vie pro-perso, y compris chez les cadres et chez les hauts cadres”.

Bien qu’elle reconnaisse que “il nous faut aussi agir sur cette étape là au niveau de l’organisation du travail”, Marylise Léon n’a pu s’empêcher de réagir : “Je voudrais juste qu’on fasse attention collectivement lorsqu’on aborde la question de l’égalité, à ne pas culpabiliser les femmes. Je ne sais pas si c’est ce que vous avez dit, mais quand on dit que les jeunes filles se mettent à mettre des freins, qu’elles se dévalorisent, c’est un discours que j’entends de plus en plus, en fait…”.

En conclusion de cette matinée, la ministre du travail a annoncé ouvrir auprès des partenaires sociaux des concertations relatives à la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale. Ce texte contraindrait la France à modifier certains critères de l’index. Astrid Panosyan-Bouvet souhaite ensuite un projet de loi à l’automne pour une adoption au Parlement fin 2025. Pour l’instant, FO et la CGT nous ont confié en marge de la table ronde leur peu d’enthousiasme. Selon Sophie Binet, le sujet doit être traité par le Haut Conseil à l’égalité hommes femmes et non par le Haut Conseil aux rémunérations comme la ministre le propose. Elle souhaite de plus une réelle concertation entre les cinq syndicats de salariés et les trois organisations patronales. 

Pour Béatrice Clicq (FO), il faudra auparavant déterminer s’il s’agit également de savoir jusqu’où les syndicats pourront aller : une simple modification de l’index ou sa suppression pure et simple. “Rien que l’indicateur n° 1 peut devenir un vrai levier, à condition de pouvoir s’en saisir vraiment”. 

Journée du 8 mars : le cas pratique soumis aux syndicats

Pour changer des traditionnelles interviews, nous avons imaginé un cas pratique d’une salariée recevant une remarque sur les droits des femmes pendant son temps de travail. Nous l’avons soumis au syndicalistes dans le carré de tête de la manifestation parisienne dédiée à la journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

► Je suis magasinière dans un hypermarché. Alors que je remets des produits dans les rayons, un collègue s’arrête à côté de moi et me dit : “C’est le 8 mars, profites-en car le reste de l’année tes droits sont en promotion !”. Que lui répondre ? Voici les réponses des syndicalistes :

► Marylise Léon (CFDT) : “Le droit des femmes, c’est tous les jours. Et ce serait bien toi en tant qu’homme tu te mobilises car les inégalités de salaire, ça concerne tout le monde. En tout cas, je n’attendrai pas 100 ans pour que ça bouge”

► Sophie Binet (CGT) : “Le 8 mars c’est la journée internationale des droits des femmes, c’est pas le jour où nous offrir des fleurs ou des mauvaises blagues. On ne se laisse pas faire, on est debout et fières”

► Christelle Thieffinne (CFE-CGC) : “Mais même le 8 mars nos droits sont en promotion ! Aujourd’hui c’est tous les jours qu’on constate des inégalités. Tu as des enfants ? Une fille peut-être ? Une conjointe ? L’égalité pour les femmes ça concerne aussi les hommes”

► Laurent Escure (UNSA) : “Quelque part tu as raison, hélas, le reste de l’année, l’inégalité demeure. Le 8 mars, c’est l’occasion de l’exprimer au moins une fois, mais ça vaut pour tous les jours”

► Murielle Guilbert (Solidaires) : “Pour les femmes, l’inégalité salariale, le harcèlement et les remarques sexistes c’est toute l’année. D’ailleurs, je vais peut-être signaler ce que tu viens de dire au référent”

De leur avis unanime, la remarque est encore pire si elle vient du manager ou du directeur du magasin qui est censé donner l’exemple et faire appliquer la loi dans l’entreprise.

Marie-Aude Grimont

La branche “Syntec” renforce le dialogue social et cherche à valoriser les parcours des porteurs de mandats

10/03/2025

Les deux organisations patronales, la Fédération Syntec, qui regroupe les bureaux d’études techniques, les ingénieurs-conseils et les sociétés de conseils, et le Cinov, ont signé, le 18 décembre 2024, avec les quatre organisations syndicales représentatives (CFDT, CFTC, CFE-CGC et CGT), un accord relatif au dialogue social. Parmi les mesures phares, il adapte la charge de travail pour permettre aux représentants du personnel d’exercer leur mission et cherche à préserver l’évolution de leur rémunération, pour éviter tout préjudice aux porteurs de mandat.

Surtout, il vise à valoriser leurs parcours, via l’obtention d’un certificat de Compétences professionnelles. Enfin, il prévoit de faciliter l’accès à la formation, aux salariés et aux représentants de l’employeur, avec l’aide financière de l’opérateur de compétences Atlas. L’objectif est de “disposer d’un socle commun de connaissances en favorisant une compréhension partagée des règles et des enjeux de la régulation sociale”.

“Face aux réformes récentes du droit du travail, il était essentiel d’accompagner les évolutions des instances représentatives”, souligne la fédération Syntec, dans un communiqué.

Source : actuel CSE

[Loi de finances 2025] Trois mesures en matière d’actionnariat salarié

11/03/2025

Nouveau régime pour les gains de sortie des “management packages”, interdiction d’inscrire des bons de souscription de créateurs d’entreprise à un plan d’épargne salariale et nouvelle taxe sur les rachats de titres par les grandes entreprises. Telles sont les mesures de la loi de finances pour 2025 en matière d’actionnariat salarié.

Un nouveau régime pour les gains de sortie des “management packages” (article 93)

L’article 93 de la loi de finances pour 2025 aménage et codifie, dans un nouvel article 163 bis H du CGI, un régime fiscal applicable aux gains issus d’instruments de “management package”.

Le nouveau régime s’applique au gain net réalisé sur les titres souscrits ou acquis par des salariés ou des dirigeants (ou qui leur sont attribués) en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant dans la société émettrice des titres, une société fille ou une société mère.

Dans un double objectif de clarification du cadre applicable à ces plans et de limitation des abus, le législateur consacre le principe d’un découpage de l’assiette de l’imposition des gains entre la catégorie des traitements et salaires et celle des plus-values de cession de valeurs mobilières, en fonction d’un seuil calculé à partir de données objectives définies par le nouveau dispositif.

Le dispositif prévoit que le gain net régi par les dispositions de l’article 163 bis H du CGI, quel que soit le régime fiscal qui lui est applicable, est expressément exclu de l’assiette de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité (article L.136-1-1, III-3°-a bis nouveau du code de la sécurité sociale), ainsi que de celle des cotisations de sécurité sociale (article L.242-1, II-8° nouveau du code de la sécurité sociale).

► Une telle exclusion expresse était nécessaire puisqu’elle déroge à la règle légale selon laquelle l’assiette de ces cotisations et contributions comprend “toutes les sommes, ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail” (article L.136-1-1, I du code du travail). Or l’article 93 de la loi définit les outils de “management package” dont elle réglemente le régime fiscal et social comme étant ceux “acquis en contrepartie des fonctions de salarié” (ou de dirigeant). Notons que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation considérait jusqu’à présent que, dès lors qu’ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d’actions (BSA) génèrent un avantage qui entre dans l’assiette des cotisations sociales (arrêt du 4 avril 2019 ; arrêt du 28 septembre 2023).

Lorsqu’il est imposé comme une plus-value de cession de valeurs mobilières conformément aux dispositions de l’article 163 bis H, II du CGI, le gain de cession est soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de solidarité) en tant que revenu du patrimoine (article L.136-6, I-e) modifié du code de la sécurité sociale).

Lorsqu’il est imposé suivant les règles de droit commun des traitements et salaires, le gain net régi par les dispositions de l’article 163 bis H du CGI est soumis à une nouvelle contribution salariale spécifique, codifiée à l’article L.137-42 du code de la sécurité sociale. Cette contribution salariale libératoire est égale à 10 % du montant du gain net imposé en traitements et salaires (qu’il s’agisse donc, à notre avis, du gain d’acquisition ou du gain de cession). Versée au profit de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les règles prévues pour les revenus du patrimoine, c’est-à-dire selon les mêmes règles que l’impôt sur le revenu.

L’interdiction d’inscrire des BSPCE à un plan d’épargne salariale est inscrite dans la loi (article 92)

Les bons de souscription de créateurs d’entreprise (BSPCE) confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire des titres représentatifs du capital de leur entreprise à un prix définitivement fixé au jour de l’attribution des bons par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires. La loi de finances aménage le régime fiscal de ce dispositif, prévu par l’article 163 bis G du CGI, pour les bons souscrits à compter du 1er janvier 2025, afin de faire une distinction entre le gain d’exercice des bons, dont la nature d’avantage salarial s’accompagne d’une imposition spécifique, et le gain de cession des titres issus des bons, traité comme une plus-value sur valeurs mobilières ordinaire. 

Dans ce cadre, l’article L.3332-15 du code du travail, qui concerne l’affectation des sommes recueillies par un plan d’épargne d’entreprise (PEE), est complété afin de prévoir que ni les BSPCE ni les titres souscrits en exercice de ces bons ne peuvent être inscrits sur ce plan. Par application des articles L.3333-1 et L.3334-1 du code du travail, cette règle vaut également pour le plan d’épargne interentreprises (PEI) et le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco).

Cette interdiction concerne les bons attribués ou exercés depuis le 10 octobre 2024. S’agissant des titres souscrits en exercice de BSPCE figurant dans un plan d’épargne salariale avant cette date, le titulaire du plan peut les en retirer en effectuant sur celui-ci, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de ce retrait, un versement compensatoire en numéraire d’un montant égal à la valeur de ces titres appréciée à cette même date.

Ce versement compensatoire n’est pas pris en compte pour l’appréciation du plafond des versements autorisés sur ce plan prévu à l’article L.3332-10 du code du travail.

► Rappelons que la doctrine administrative prévoyait que, en raison de leur nature, les BSPCE ne pouvaient figurer ni sur un PEA ni sur un plan d’épargne salariale, notamment sur un PEE, et qu’il en était de même des titres acquis en exercice de ces bons (BOI-TVA-RSA-ES-20-40-20 n° 30, 27 mars 2024). Cette doctrine avait été rapportée le 16 mai 2024 après la décision du Conseil d’Etat du 8 décembre 2023. Le présent article réactive cette interdiction en l’inscrivant dans la loi.

Une nouvelle taxe sur les rachats de titres par les grandes entreprises, mais excluant les opérations d’actionnariat salarié (article 95) 

L’article 95 de la loi de finances pour 2025 instaure une nouvelle taxe à la charge des grandes entreprises ayant leur siège en France et dont le chiffre d’affaires excède 1Md€ au cours du dernier exercice clos sur les opérations de réduction de capital par annulation de titres qu’elles réalisent, consécutives au rachat de leurs propres titres.

Egale à 8 % du montant de la réduction de capital et d’une fraction des primes liées au capital, cette nouvelle taxe, codifiée à l’article 235 ter XB du CGI, s’applique aux opérations réalisées à compter du 1er mars 2025. Afin de faire contribuer les grandes entreprises qui ont réalisé de telles opérations à compter du 1er mars 2024, une taxe temporaire, à déclarer dès le mois d’avril 2025, frappe les opérations réalisées entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2025.

Le nouvel article 235 ter XB, II du CGI exclut expressément du champ de la taxe les opérations de réduction de capital effectuées dans le cadre des dispositifs en faveur de l’actionnariat salarié prévus aux articles :

  • L.225-177 à L.225-184 et L.22-10-56 du code de commerce (options de souscription ou d’achat d’actions) ;
  • L.225-197-1 à L.225-197-5 et L.22-10-59 du code de commerce (attributions gratuites d’actions aux salariés et mandataires sociaux) ;
  • L.3332-18 à L.3332-24 du code du travail et L.3344-1 du code du travail (augmentations de capital réservées aux adhérents d’un plan d’épargne d’entreprise ou de groupe) ;
  • ou dans les conditions prévues par une réglementation étrangère équivalente.

Sont ainsi exclues les opérations de réduction de capital par annulation de titres réalisées en vue de compenser une augmentation de capital résultant des émissions de titres attribués dans le cadre de ces dispositifs.

Sont également exclues les opérations de réduction de capital par annulation de titres non cotés qui sont rachetés :

  • aux termes d’un contrat conclu avec les salariés (ou, le cas échéant, les dirigeants ou les mandataires sociaux) dans le cadre de ces dispositifs ;
  • ou auprès d’un FCPE visé à l’article L 214-164 du code monétaire et financier (ou d’un organisme de placement collectif présentant des caractéristiques similaires constitué sur le fondement d’un droit étranger), en application d’un mécanisme garantissant la liquidité des titres prévu à l’article L.3332-17, 1° du code du travail (ou d’un mécanisme similaire prévu par une réglementation étrangère équivalente) ;
  • ou à une entité qui assure le mécanisme susvisé de liquidité des titres.

La rédaction sociale

Avantage en nature véhicule : les précisions de l’équipe du Boss

11/03/2025

Un arrêté du 25 février 2025 modifie les règles d’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature véhicule à partir du 1er février 2025. Il prolonge également jusqu’au 31 décembre 2027 les règles de faveur concernant les véhicules électriques. L’équipe du Boss que nous avons sollicitée a apporté quelques précisions :

“Pendant quelques temps, deux régimes d’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature véhicule vont co-exister, l’un pour le « stock » (véhicule mis à disposition avant le 1er février 2025), l’autre pour le « flux » (véhicule mis à disposition à partir du 1er février 2025). C’est bien la date de mise à disposition du véhicule (thermique, hybride ou électrique) auprès du salarié bénéficiaire qui doit être prise en compte pour appliquer le bon régime social. L’avantage en nature sous forme d’un véhicule mis à la disposition de salariés avant le 1er février 2025 est évalué selon les anciennes règles mentionnées au A du III de l’article 3 de l’arrêté, et ce jusqu’à la restitution de ce véhicule et sa réattribution à un autre salarié. Ainsi, un véhicule attribué à un salarié A de janvier 2025 à avril 2025 puis à un salarié B à compter de mai 2025 est évalué selon deux barèmes différents du fait d’une nouvelle attribution après le 31 janvier 2025. Concernant le véhicule loué, ces règles sont prévues par la doctrine administrative dans le Boss et n’ont pas vocation à évoluer. La rubrique du Boss relative aux avantages en nature sera prochainement mise à jour pour préciser l’ensemble de ces points”.

Source : actuel CSE

Projet de loi simplification : l’Assemblée reçoit de nouveau les partenaires sociaux

12/03/2025

Après la dissolution du gouvernement Attal puis la censure du gouvernement Barnier, les travaux sur le projet de loi simplification de la vie économique avaient été suspendus.

Hier, la commission spéciale de l’Assemblée Nationale a reçu les partenaires sociaux qui s’étaient déjà exprimés sur ce texte en mai 2024 devant la commission spéciale du Sénat. Ils avaient notamment visé l’article 2 permettant au gouvernement de légiférer par ordonnances, et l’article 7 présentant un bulletin de paie simplifié. Le questionnaire remis aux représentants syndicaux par la commission de l’Assemblée comprenait de nouveau ces articles. Les syndicats redoutent donc que ces mesures soient de nouveau adoptées par l’Assemblée nationale

Ces deux dispositions ont été supprimées en première lecture au Sénat et les syndicats auditionnés ne souhaitent pas voir ces articles rétablis par l’Assemblée nationale. Selon Thomas Vacheron (CGT), “c’est une ligne rouge pour toutes les organisations syndicales”. Patrick Privat (FO) est également revenu sur la labellisation du bulletin de paie qu’il préfère à sa simplification, et sur la législation par ordonnances : “Passer par ordonnances au lieu de l’article L1 du code du travail, cela me semble un peu rapide”. Nicolas Blanc (CFE-CGC) a rappelé que “ces mesures sont issues du rapport parlementaire ‘Rendre des heures aux Français’ qui nous avait inquiétés car il portait des propositions au détriment des salariés”.

La proposition de labellisation du bulletin de paie portée par FO consiste dans l’ajout de mentions obligatoires pour tous les salariés : le salaire brut cumulé, le net à payer cumulé et le cumul du prélèvement à la source. “Ces mentions n’existent pas aujourd’hui, elles permettraient au salarié de voir les cotisations qu’il paie et dont il retire des droits en termes de protection sociale. Le Gip-MDS l’imposerait à tous les éditeurs de fiches de paie”, nous a détaillé Patrick Privat. Cette idée avait d’ailleurs retenu devant le Sénat l’attention du président de la commission spéciale, Rémy Pointereau, sans qu’aucune proposition n’ait été faite depuis mai 2024 en ce sens.

Les syndicats ont unanimement décrié la hausse des seuils de CSE et les atteintes qu’elle porterait à la représentation des salariés et au dialogue social issue également du rapport parlementaire mais non repris dans le projet de texte.

Après une première lecture au Sénat, le projet de loi doit désormais poursuivre son parcours devant l’Assemblée nationale mais aucune date d’examen en séance publique n’a encore été fixée, bien que le président de la commission ait oralement évoqué la date du mercredi 19 avril 2025.

Source : actuel CSE

France Travail et Prism’emploi renforcent leur coopération

12/03/2025

Face aux mutations du marché de l’emploi et aux défis croissants de l’insertion professionnelle, France Travail et Prism’emploi, la fédération patronale du travail temporaire, ont signé une convention-cadre d’une durée de trois ans.

Ce partenariat vise notamment à “faciliter le retour à l’emploi des publics qui en sont les plus éloignés, en particulier les travailleurs handicapés, les jeunes, les seniors et les bénéficiaires du RSA”.

Concrètement, cette nouvelle convention repose sur quatre axes. Le premier tend à renforcer les synergies territoriales. Le deuxième vise à agir sur les offres d’emploi difficiles à pourvoir, en activant notamment la méthode de recrutement par simulation et la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle. Le troisième axe ambitionne d’apporter une attention particulière aux publics prioritaires, à l’instar des travailleurs handicapés et des bénéficiaires du RSA. Enfin, le développement des compétences ainsi que la construction de parcours de formation pour accélérer le retour à l’emploi complètent cette feuille de route.

Source : actuel CSE

La pérennisation du télétravail, une exception devenue une exigence pour les cadres

12/03/2025

La page des confinements et des couvre-feux de la crise sanitaire est tournée, mais cinq ans après l’épidémie de Covid (et du variant Omicron), les habitudes sont bien ancrées : le télétravail s’est durablement installé dans le paysage professionnel, selon une étude de l’Apec publiée hier. Deux tiers des cadres du secteur privé télétravaillent désormais au moins une fois par semaine, soit quatre points de plus qu’en 2021 et la quasi-totalité des cadres et managers (95 %) se disent favorables au télétravail. Surtout, 82 % d’entre eux sont opposés à sa suppression. À tel point qu’ils envisageraient même de changer d’entreprise en cas de diminution ou de suppression du télétravail.

De fait, ils ont trouvé leurs marques : 91 % d’entre eux estiment que leurs managers leur accordent la même confiance en télétravail qu’en présentiel. Et 75 % indiquent adapter leurs jours de télétravail à leurs missions, dont 41 % la plupart du temps (+11 points par rapport à décembre 2023). 

Côté entreprises, 70 % d’entre elles considèrent l’absence de télétravail comme un frein au recrutement, contre seulement 43 % en septembre 2021. 

Source : actuel CSE

L’employeur doit informer le salarié de sa priorité de réembauche au plus tard au moment de son adhésion au CSP

13/03/2025

Lorsqu’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) est proposé à un salarié, l’employeur doit l’informer, dans un document écrit énonçant le motif économique de la rupture, qu’il bénéficie d’une priorité de réembauche au plus tard au moment de son adhésion au dispositif. L’information tardive de cette priorité permet seulement au salarié, justifiant d’un préjudice, d’obtenir des dommages-intérêts.

L’employeur qui envisage de licencier pour motif économique un salarié en CDI doit lui proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dont le but est de lui permettre de retrouver rapidement un emploi. Outre l’obligation de lui indiquer la cause économique de la rupture, l’employeur doit également l’informer qu’il dispose d’une priorité de réembauche, d’une durée d’un an à compter de la date de rupture du contrat de travail s’il en fait la demande au cours de ce même délai. C’est sur ce dernier point que la Cour de cassation se prononce dans un arrêt du 26 février 2025 publié au bulletin.

L’information sur la priorité de réembauche délivrée après l’adhésion de la salariée au CSP, est tardive

Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, une pharmacienne assistante est convoquée à un entretien préalable fixé au 22 juin, au cours duquel lui sont remis un dossier relatif au CSP et un document d’information sur les motifs économiques de la rupture envisagée.

Après réflexion, elle adhère au dispositif le 11 juillet. Le même jour, son employeur lui adresse un courrier recommandé intitulé “Rupture d’un commun accord suite à adhésion au CSP” l’informant de la priorité de réembauche dont elle bénéficie.

Contestant la légitimité de son licenciement, elle saisit la juridiction prud’homale. La procédure suit son cours et l’affaire est portée devant la cour d’appel qui considère le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la salariée n’avait pas été informée de sa priorité de réembauche avant d’avoir accepté le dispositif.

L’employeur se pourvoit en cassation et obtient gain de cause. La Cour de cassation se prononce au visa des articles L. 1233-45 du code du travail, énonçant la priorité de réembauche dont bénéficie tout salarié licencié pour motif économique et ses conditions de mise en œuvre, et L. 1233-16 du même code, précisant que cette priorité de réembauche doit être mentionnée dans la lettre de licenciement justifiant les motifs économiques. 

En se basant sur ces textes, elle rappelle que “lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation”.

► Cette solution ne change pas de cap. Elle conserve la ligne jurisprudentielle afférente à la convention de reclassement personnalisé (CRP) et étendue au CSP. Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un CRP/CSP, l’employeur doit en énoncer le motif économique et mentionner le bénéfice de la priorité de réembauche : – soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement ;
– soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par le code du travail ;
– soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation (
arrêt du 30 novembre 2011arrêt du 22 septembre 2015).

Dans la présente affaire, le document d’information sur les motifs économiques de la rupture envisagée communiqué par l’employeur lors de l’entretien préalable ne comportait pas d’information sur la priorité de réembauche. Cette information délivrée à la salariée postérieurement à son acceptation au CSP, dans un courrier recommandé à part, est donc tardive.

L’information tardive de la priorité de réembauche ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse

Elle rappelle également que le défaut d’information de cette priorité de réembauche, au salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle, ne prive pas la rupture du contrat de cause réelle et sérieuse mais permet seulement au salarié qui justifie d’un préjudice d’obtenir des dommages-intérêts. Ce préjudice n’est pas automatique. En cas d’absence ou d’information tardive sur la priorité de réembauche, le salarié doit alors démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui qui résulte du licenciement lui-même (arrêt du 30 janvier 2019). Seul le défaut d’information du motif économique prive la rupture de cause réelle et sérieuse. En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel et cassé et l’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.

Jean-David Favre

Précisions sur le statut protecteur du travailleur temporaire en cas de rupture anticipé du contrat de mission

14/03/2025

L’interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d’un salarié temporaire salarié protégé par l’entrepreneur de travail temporaire (ETT) ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail (art. L. 2413-1 du code du travail). Mais quelles sont les obligations de l’employeur en cas de rupture amiable du contrat de mission entre l’ETT et le travailleur temporaire protégé ? Dans quels cas l’autorisation de l’inspecteur du travail est-elle requise ? Un arrêt publié du 12 mars 2025 apporte la réponse à ces questions, pour la première fois à notre connaissance.

Dans cette affaire, un travailleur temporaire a signé un contrat de mission le 1er novembre 2010 pour pourvoir au remplacement d’une salariée pendant la durée de son congé parental d’un an prenant fin le 1er novembre 2011. Mais le salarié se plaint d’un harcèlement moral subi dans l’entreprise utilisatrice. L’entrepreneur de travail temporaire (ETT) et le travailleur temporaire décident, le 4 mai 2011 de signer un protocole de rupture amiable de ce contrat de mission.

Un nouveau contrat de mission est signé le 5 mai 2011, avec avis d’aptitude du médecin du travail, pour que le salarié soit affecté sur un autre site de la même entreprise utilisatrice. Ce contrat est conclu au motif d’un accroissement temporaire d’activité et doit expirer le 1er novembre 2011. Le 22 avril 2011, le salarié s’est déclaré candidat aux élections professionnelles, et à compter du 30 août 2011, il est titulaire de divers mandats de représentation du personnel et syndicaux.

Il est donc protégé au titre de sa candidature lors de la signature du protocole de rupture, conformément à l’article L. 2413-1 du code du travail. Le 12 juin 2013, le salarié saisit le conseil de prud’hommes de diverses demandes envers l’ETT, et notamment la nullité de cette rupture amiable intervenue, selon lui, en violation de son statut protecteur. Il est débouté par les juges du fonds sur ce terrain, au motif que la rupture était conclue d’un commun accord, et non unilatéralement par l’employeur.

La Cour de cassation confirme la solution, mais elle justifie différemment ce résultat, se fondant sur l’article L. 1251-26 du code du travail relatif à la rupture anticipée du contrat de mission par l’ETT.

La rupture anticipée de la mission 

La Cour de cassation commence par rappeler que, selon l’article L. 2413-1, l’interruption ou la notification du non-renouvellement par l’ETT de la mission d’un salarié temporaire protégé ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

Puis elle fait référence à sa propre jurisprudence, laquelle précise les deux cas dans lesquels l’ETT doit saisir l’inspecteur du travail lorsque le contrat de mission du travailleur temporaire protégé est interrompu ou non renouvelé : 

  • lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission ;
  • lorsque l’entreprise de travail temporaire a notifié au salarié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission (Cass. soc., 11 sept. 2019, n° 18-12.293). 

Pas d’autorisation de l’inspecteur du travail si…

Enfin, la chambre sociale détaille les dispositions de l’article L. 1251-26 du code du travail relatif à la rupture anticipée du contrat de mission par l’ETT. Ainsi, l’ETT qui rompt le contrat de mission du salarié avant le terme prévu lui propose, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure :

  • un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables ;
  • ce nouveau contrat de mission ne peut comporter de modifications d’un élément essentiel en matière de qualification professionnelle, de rémunération, d’horaire de travail et de temps de transport ;
  • à défaut, ou si le nouveau contrat de mission est d’une durée inférieure à celle restant à courir du contrat précédent, l’entrepreneur de travail temporaire assure au salarié une rémunération équivalente à celle qu’il aurait perçue jusqu’au terme du contrat, y compris l’indemnité de fin de mission ;
  • lorsque la durée restant à courir du contrat de mission rompu est supérieure à 4 semaines, les obligations du présent article peuvent être satisfaites au moyen de trois contrats successifs au plus

Puis la Cour vérifie que ces conditions sont bien remplies. C’est le cas dans cette affaire. En effet, un nouveau contrat de mission a été signé à la date d’effet de la rupture amiable du premier contrat, soit le 5 mai 2011, après avis d’aptitude du médecin du travail au poste délivré le même jour, pour être affecté à un autre site de la même entreprise utilisatrice, ce contrat de mission, conclu au motif d’un accroissement temporaire d’activité, devant expirer le 1er novembre 2011 (même date que le contrat interrompu).

La chambre sociale en conclut que le nouveau contrat de mission répond bien aux conditions de l’article L. 1251-26 du code du travail, excluant toute décision de l’ETT de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission. La saisine de l’inspecteur du travail d’une demande d’autoriser la rupture amiable du contrat de mission du 1er novembre 2010 n’est donc pas requise. 

D’autres points traités dans cet arrêt…
Avec cet arrêt, la Cour de cassation valide également la rupture amiable du contrat de mission, laquelle n’est pas prévue par le code du travail, sachant que doivent être respectées les conditions de la rupture anticipée par l’employeur, prévues à l’article L. 1251-26 du code du travail.

Attention, si cette rupture amiable ne répond pas à ces conditions, ou si elle précise la décision de l’ETT de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission, l’autorisation de l’inspecteur du travail est requise.

Notons encore que la Cour de cassation étend l’application de l’article L. 1251-26 à la rupture anticipée d’un contrat de mission à terme imprécis. Ainsi, dans le cas d’un tel contrat, rompu à la fin de la période minimale alors que l’objet du contrat (fin de l’absence de la salariée remplacée) n’est pas réalisé, l’ETT doit également proposer un nouveau contrat prenant effet dans un délai maximum de 3 jours ouvrables en application de ces dispositions. À défaut, l’ETT est également redevable d’une rémunération équivalente à celle que le salarié aurait perçue jusqu’au terme du contrat, y compris l’indemnité de fin de mission (Cass. soc., 13 avr. 2023, n° 21-23.920).

On peut penser donc penser que la Cour de cassation adoptera la même solution concernant l’autorisation de l’inspecteur du travail en cas de contrat de mission à terme imprécis d’un travailleur temporaire protégé.

Mais qu’en est-il lorsque c’est l’entreprise utilisatrice qui rompt le contrat avant le terme de la mission ? Un arrêt de la Cour de cassation décide qu’il n’y a alors pas rupture anticipée entraînant l’application de l’article L. 1251-26. La Cour en déduit que l’ETT n’est pas tenue de proposer au salarié un nouveau contrat (Cass. soc., 9 juill. 2003, n° 01-41.326). La transposition de cette jurisprudence au travailleur temporaire protégé est plus incertaine. N’y a-t-il alors pas d’autorisation administrative à demander, sauf à ce que l’ETT notifie sa décision de ne plus faire appel à lui pour de nouveaux contrats de mission ? Une confirmation de la Cour de cassation serait la bienvenue.

Séverine Baudouin

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : environnement, formation, nominations, protection sociale, sociétés

14/03/2025

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 7 mars au jeudi 13 mars inclus.

► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.

Environnement

  • Un décret du 7 mars 2025 porte déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle à La Réunion

Formation

  • Un arrêté du 10 janvier 2025 modifie l’arrêté du 21 mai 2021 relatif à la transmission au système d’information du compte personnel de formation des informations relatives aux titulaires des certifications enregistrées aux répertoires nationaux

Nominations

  • Un arrêté du 3 mars 2025 porte nomination d’un membre U2P du conseil d’orientation de l’Union des caisses nationales de sécurité sociale
  • Un arrêté du 3 mars 2025 porte nomination au conseil d’administration de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle
  • Un arrêté du 25 février 2025 modifie l’arrêté du 23 mai 2022 portant nomination des membres suppléants du Haut Conseil du travail social
  • Un arrêté du 18 février 2025 porte nomination des membres de la commission professionnelle consultative “commerce”
  • Un arrêté du 3 mars 2025 porte nomination d’un membre du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse
  • Un arrêté du 25 février 2025 modifie l’arrêté du 23 mai 2022 portant nomination des membres titulaires du Haut Conseil du travail social
  • Un arrêté du 17 janvier 2025 porte nomination au conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse
  • Un arrêté du 25 février 2025 porte nomination d’une directrice régionale déléguée aux droits des femmes et à l’égalité
  • Un arrêté du 8 mars 2025 porte nomination d’un membre CFDT du Conseil d’orientation des retraites (Cécilia Rapine)
  • Un arrêté du 28 février 2025 porte nomination au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire

Protection sociale

  • Un arrêté du 6 mars 2025 modifie l’arrêté du 3 janvier 2019 fixant la cotisation forfaitaire à l’assurance maladie-maternité des assurés volontaires à l’étranger, adhérents à titre individuel à la Caisse des Français de l’étranger, et de la cotisation forfaitaire à l’assurance maladie-maternité et invalidité des employeurs agissant pour le compte des travailleurs salariés et collaborateurs assimilés qu’elles emploient à l’étranger

Sociétés

  • Une ordonnance (rapport) du 12 mars 2025 modifie le régime des organismes de placement collectif
  • Une ordonnance (rapport) du 12 mars 2025 réforme le régime des nullités en droit des sociétés

Source : actuel CSE