Bénédicte Rollin, avocate : “Les élus du personnel peuvent enregistrer les réclamations des salariés sur le report des congés payés en cas de maladie”
23/09/2025

Bénédicte Rollin, avocate au cabinet JDS
Le 10 septembre dernier, la Cour de cassation a rendu deux arrêts en matière de congés payés et d’arrêts maladie. Elle met ainsi le droit français en conformité avec le droit européen. Quelles sont les conséquences concrètes pour les salariés ? Quid du rôle des représentants du personnel dans les cas de salariés dont le report des congés payés aurait été refusé par l’employeur ? Bénédicte Rollin, avocate au cabinet JDS, a répondu à nos questions. Interview.
Quelles conséquences concrètes de cet arrêt du 10 septembre 2025 pour les salariés ?
L’arrêt retranscrit de manière claire dans le droit français une distinction fondamentale : le congé payé a pour objectif la détente et les loisirs. L’arrêt de travail poursuit un objectif différent : se rétablir d’une maladie. L’un ne peut se substituer à l’autre. Si un salarié reçoit du médecin un arrêt maladie pendant ses congés payés, il a le droit de les reporter pour bénéficier effectivement du droit à la détente et aux loisirs. Arrêt maladie et congés ont deux faits générateurs distincts : pour le premier c’est la maladie, pour l’autre c’est le droit au repos.
Que doit donc faire un salarié se trouvant dans cette situation ?
Le salarié doit notifier à son employeur qu’il se trouve en arrêt maladie, ce qui a priori n’est pas naturel quand on est en congés, on n’y pense pas forcément. Mais c’est la condition pour bénéficier du report de congés. Aucun délai n’est précisé, mais je conseille de le faire dès que le salarié dispose de son arrêt de travail.
Faut-il respecter une formalité particulière pour informer l’employeur ?
Cette jurisprudence du 10 septembre ne fournit pas d’élément supplémentaire, on applique donc les éléments de preuve basiques : tout d’abord, le salarié doit avoir conservé la preuve qu’il a bien informé l’employeur.
Un email et une demande de confirmation
Une information orale ne suffit donc pas. Il faut également conserver le formulaire officiel d’arrêt de travail et l’envoyer par mail ou courrier recommandé. A mon avis, un email et une demande de confirmation que le service des ressources humaines a bien reçu le document fournit la preuve. On voit encore des salariés qui envoient l’original en oubliant qu’ils pourraient en avoir besoin. Il vaut mieux envoyer la partie réservée à l’employeur ou une photocopie. Enfin, l’envoi d’un mail évite les délais postaux.
Est-ce que le report des congés s’applique si un salarié tombe malade pendant un jour de RTT (réduction du temps de travail) ?
Non car ces jours n’ont pas la même nature, il n’est donc pas possible de transposer l’un vers l’autre. Le jour de RTT constitue une récupération du temps de travail, pour un temps de travail supérieur à 35 heures. Il génère donc des heures à récupérer. Deux différents régimes peuvent être mis en place par accord collectif. En présence d’une attribution forfaitaire de RTT, aucun report n’est possible. En revanche, en présence de RTT proportionnels et formulés comme tels dans l’accord (un jour de RTT pour 7 heures réalisées au-delà de 35 heures et 2 jours pour 14 heures au-delà de 35 heures), la Cour de cassation a dit que le temps de repos acquis ne peut pas être perdu et doit être récupéré (Cour de Cassation, Chambre sociale, 24 mars 2004, 02-46.39). En tout cas, la Cour de cassation n’aura pas à produire d’évolution de sa jurisprudence du 10 septembre pour les RTT car ils ne sont pas de même nature que les congés. De plus, contrairement aux congés, le droit au RTT n’est pas issu du droit européen.
Existe-t-il une différence pour les salariés en forfait jour ?
Pour des jours non travaillés (JNT) en forfait, on verra si ça se dégage mais il n’existe pas d’automaticité. On est toujours dans une logique de récupération du temps de travail et pas de repos. En général, ces jours sont attribués de manière forfaitaire, donc quand un salarié tombe malade pendant un jour non travaillé, il n’a pas de vocation à le récupérer sauf accord collectif contraire.
Quel peut être le rôle des élus du personnel dans ces dossiers de maladie pendant les congés ?
Ils peuvent déjà informer les salariés de ce droit au report des jours de congés depuis l’arrêt du 10 septembre, et pour l’avenir, faire œuvre de pédagogie : bien renseigner les salariés sur la nécessité d’informer l’employeur de l’arrêt maladie pendant les congés. Par ailleurs, la question a toute légitimité à être posée pendant une consultation du CSE sur la politique sociale. Les élus peuvent demander si des salariés dans le passé se sont trouvés dans cette situation et combien de jours de repos à récupérer cela représente.
Enregistrer les réclamations des salariés
Enfin, si l’employeur résiste, les représentants du personnel peuvent enregistrer les réclamations des salariés et rappeler à la direction que la jurisprudence existe, que des cas se posent dans l’entreprise et que les salariés n’ont pas de réponse ou une réponse négative.
Les employeurs doivent-ils s’attendre à une vague de réclamations des salariés qui auraient pris des congés et seraient tombés malades sans transmettre leur arrêt ?
Ces arrêts ont reçu une large publicité y compris à la télévision et tant mieux car ce droit est facile à comprendre et on peut tous y être confrontés. Donc oui, les employeurs peuvent s’attendre à une vague de réclamations. En tant que congés payés, les sommes correspondantes ont la nature de salaires. Les réclamations peuvent donc remonter jusqu’à 3 ans en arrière si les salariés ont conservé leur formulaire d’arrêt de travail, ce qui ne sera pas forcément le cas car ils ont pu aller voir le médecin pendant leurs congés pour obtenir une ordonnance mais ne pas avoir été arrêtés.
À partir de quand doit-on considérer que cette nouvelle règle s’applique : la date de l’arrêt ou la date de la législation européenne ?
L’arrêt s’applique à compter du 10 septembre et produit un effet rétroactif, comme si les textes français étaient toujours allés dans ce sens. Il faut compter à partir de l’existence du texte européen en la matière, et donc au 1er décembre 2009, mais compte tenu du droit français cela se prescrit à 3 ans en arrière à partir de maintenant.
Le patronat demande à l’exécutif de réclamer une révision du texte européen. Qu’en pensez-vous ?
Un changement du droit est toujours possible en théorie mais sur le droit au repos ils vont prêcher dans le désert.
Respecter le droit au repos des salariés
Ils ne peuvent que respecter le droit au repos des salariés. Si on se place du point de vue du patronat, on pourrait imaginer l’instauration d’un délai pendant lequel le salarié doit prévenir l’employeur de son arrêt maladie, une limitation de la durée du report ou encore un délai de prescription inférieur à 3 ans.
Les employeurs se sont plaints de n’avoir pas en trésorerie suffisamment de fonds pour rembourser l’équivalent des congés non pris. Est-ce un bon argument ?
Non car ça m’étonnerait que beaucoup de salariés le demandent. Il faudrait aussi que 100% de ceux qui sont concernés le réclament et qu’ils aient conservé leur arrêt de travail.
L’autre argument avancé consiste à dire que le droit européen consacre 4 semaines de congés payés et le droit français 5 semaines. Est-ce plus opérant ?
La durée du droit français de 5 semaines ne change rien au droit au report en tant que tel. En revanche, peut-être pourrait-on considérer qu’il soit limité à 4 semaines mais pour l’instant la Cour de cassation n’a pas répondu à cette question.
Doit-on s’attendre à des modifications dans de nombreuses conventions collectives ou accords qui ne prévoiraient pas encore le report des congés pendant un arrêt maladie ?
Le droit au report s’applique que la convention collective en parle, qu’elle n’en parle pas ou qu’elle prévoie des clauses contraires. Il n’est pas nécessaire de la mettre en conformité. Il se peut que le législateur renvoie à la négociation collective pour fixer la durée du report ou la durée pendant laquelle le salarié doit informer l’employeur de l’arrêt maladie.
L’avocat Franck Morel propose que des études d’impact soient réalisées au niveau du juge européen avant qu’il ne rende ce type de jurisprudence. Qu’en pensez-vous ?
En l’occurrence, la fautive, c’est la France qui aurait dû se mettre en conformité il y a des années. Toute directive adoptée, toute législation européenne fait déjà l’objet d’une étude d’impact. Je trouve donc que cela n’a pas beaucoup de sens. Cette solution était attendue, les employeurs sont bien conseillés, ils ont largement eu le temps d’anticiper…
Marie-Aude Grimont
L’employeur n’a pas à informer le salarié du droit de se taire lors de l’entretien préalable
23/09/2025
Dans une décision publiée vendredi 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du code du travail relatives à l’entretien préalable à un licenciement personnel ou à une sanction disciplinaire ne violent pas l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles ne prévoient pas l’obligation pour l’employeur de notifier au salarié le droit de se taire au cours des échanges.
Le 10 septembre dernier, les membres du Conseil constitutionnel ont entendu les parties aux trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives au droit pour le salarié de se taire lors de l’entretien préalable de licenciement personnel ou d’un entretien disciplinaire, dont ils ont été saisis en juin dernier par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.
Rappelons que les deux questions posées au Conseil constitutionnel étaient les suivantes :
- “Les dispositions de l’article L.1332-2 du code du travail, en ce qu’elles ne prévoient pas la notification aux salariés faisant l’objet d’une sanction disciplinaire, de leur droit de se taire durant leur entretien, portent-elles atteinte aux droits garantis par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?” ;
► L’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 indique que : “Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi”. Dans une décision QPC du 8 décembre 2023, les Sages ont décidé qu’il “en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition”.
- Les dispositions combinées des articles L.1232-3 et L.1332-2 du code du travail, en ce qu’elles ne prévoient pas la notification aux salariés faisant l’objet d’une procédure de licenciement disciplinaire, de leur droit de se taire durant leur entretien préalable, portent-elles atteinte aux droits garantis par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?”.
► L’article 1232-3 du code du travail indique : “Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié”. L’article L.1332-2 du code du travail prévoit : “Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé”
Le licenciement personnel et la sanction disciplinaire constituent-ils une punition ?
L’audience a permis d’éclairer les enjeux juridiques soulevés par ces trois QPC.
L’une des questions était de savoir si les sanctions disciplinaires constituent des punitions au sens de l’article 9 de la DDHC de 1789 tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel.
Pour Delphine Drezet, avocate au barreau du Havre, représentant une association employeur, “le pouvoir disciplinaire de l’employeur découle de son pouvoir de direction lié au contrat de travail. Il garantit la bonne exécution du contrat de travail et n’a pas de finalité répressive”. “Il ne s’agit pas de punir le salarié mais de tirer les conséquences d’un manquement fautif du salarié à ses obligations contractuelles sur le contrat de travail. Il s’agit de l’exercice d’un droit de résiliation unilatérale dont dispose l’employeur et le salarié [prise d’acte en cas de manquements de l’employeur]”, renchérit François Pinet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.
Pour eux, il convient donc de bien distinguer la sanction prononcée dans le cadre d’un contrat de celle prononcée dans le cadre d’une procédure disciplinaire par une autorité investie d’un pouvoir de l’Etat, comme c’était le cas dans la décision du 8 décembre 2023 qui concernait un notaire.
Les garanties dont bénéficie le salarié sont-elles suffisantes ?
Laëtitia Cadel, avocate au barreau de Paris, représentant un employeur à l’instance, a souligné l’impossibilité pour le salarié de “s’auto-incriminer” en raison de “l’immunité de parole du salarié pendant l’entretien préalable et la possibilité d’y être assisté”. L’entretien préalable est “une phase de conciliation et non une enquête contre le salarié. “Reconnaître au salarié le droit de se taire reviendrait à vider de son sens l’immunité de parole dont bénéficie déjà le salarié et pourrait même être contre-productif en instaurant un climat de défiance pendant l’entretien préalable et dissuader le salarié de s’expliquer là où le droit actuel permet un dialogue sécurisé et sans risque pour le salarié”.
Tel n’est pas le point de vue d’Anaëlle Languil, représentant l’une des salariées. “Lors de l’entretien préalable, le salarié est dans une situation de fragilité ; il pourrait reconnaître des faits dont l’employeur n’a pas connaissance et ainsi s’auto-incriminer”. David Van der Vlist, avocat au barreau de Paris, redoute quant à lui que “les déclarations du salarié puissent être utilisées contre lui dans le cadre d’une procédure pénale”.
Le représentant du Premier ministre, Thibault Cayssials, a demandé au cours de l’audience aux juges constitutionnels de déclarer conformes les articles du code du travail incriminés. “La sanction de l’employeur n’est pas une punition. Le pouvoir de l’employeur résulte uniquement de son pouvoir de direction”, a-t-il confirmé.
L’employeur n’a pas à informer le salarié de son droit au silence au cours de l’entretien préalable
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision vendredi 22 septembre 2025.
Dans un premier temps, il précise que la QPC porte très précisément sur les mots “et recueille les explications du salarié” figurant à l’article L.1232-3 du code du travail et à l’avant-dernier alinéa de l’article L.1332-2 du code du travail.
Il rappelle aussi, s’agissant de l’article 9 de la DDHC de 1789 et de sa conséquence qui est le droit de se taire, que ce sont “[des] exigences [qui] ne s’appliquent qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Elles ne s’appliquent pas aux mesures qui, prises dans le cadre d’une relation de droit privé, ne traduisent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique”.
Or, soulignent les juges de la rue Montpensier, “le licenciement et les sanctions décidés par un employeur à l’égard d’un salarié ou d’une personne employée dans les conditions de droit privé ne relèvent pas de l’exercice par une autorité de prérogatives de puissance publique”. Par ailleurs, “de telles mesures sont prises dans le cadre d’une relation régie par le droit du travail et ont pour seul objet de tirer certaines conséquences, sur le contrat de travail, des conditions de son exécution par les parties”.
Dès lors, “ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées”.
Le Conseil constitutionnel estime ainsi les deux dispositions du code du travail sont conforme à la Constitution et ne contreviennent pas à l’article 9 de la DDHC faute de prévoir que le salarié doit être informé de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement personnel ou à une sanction, comme le soutenaient les parties requérantes.
Florence Mehrez
La discrimination syndicale cause nécessairement un préjudice au salarié
24/09/2025

Pour la Cour de cassation, le seul constat d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation, sans que le salarié ait besoin de démontrer que cette discrimination lui a causé un préjudice.
La Cour de cassation a abandonné la théorie du “préjudice nécessaire”, sauf exceptions…
Depuis un arrêt du 13 avril 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence dite “du préjudice nécessaire” et considère que l’existence d’un préjudice et son évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Le salarié doit donc démontrer l’existence du préjudice qu’il prétend avoir subi pour en obtenir la réparation.
Ce principe est régulièrement rappelé par la Cour de cassation : en dernier lieu, par exemple, en cas de défaut d’organisation d’une visite médicale (arrêt du 4 septembre 2024) ou de nullité d’une convention de forfait en jours (arrêt du 11 mars 2025).
La chambre sociale a toutefois peu à peu admis certaines exceptions à cette solution, permettant au salarié d’obtenir une indemnisation sans rapporter la preuve de son préjudice. Ainsi, il en a été jugé en cas de :
- perte de façon injustifiée de son emploi par le salarié (arrêt du 13 septembre 2017) ;
- dépassement de la durée maximale quotidienne (arrêt du 11 mai 2023) ou hebdomadaire de travail (arrêt du 26 janvier 2022 ; arrêt du 27 septembre 2023) ;
- non-respect du temps de pause quotidien (arrêt du 4 septembre 2024) ;
- travail d’un salarié pendant un arrêt maladie ou un congé maternité (arrêts du 4 septembre 2024 n° 23-15.944 et n° 22-16-129).
► La Cour de cassation, au fil de sa jurisprudence, a permis de déterminer les critères de reconnaissance du préjudice nécessaire, qui sont de deux ordres, selon que le législateur :
- a prévu des textes de droit interne imposant en eux-mêmes, de façon plus ou moins explicite, l’indemnisation du préjudice, qui se confond avec la violation de la norme par l’employeur (sanction automatique) ;
- n’a pas prévu de dispositions spécifiques imposant une réparation du préjudice causé par le manquement de l’employeur à une règle de droit interne, mais que cette règle trouve sa source dans une disposition de droit européen d’effet direct, c’est-à-dire lorsque cette norme confère au salarié des droits subjectifs, clairs, précis et inconditionnels, ou poursuit le même objectif que celle-ci.
… à la liste desquelles vient s’ajouter la discrimination syndicale
En l’espèce, un représentant du personnel est déclaré inapte. L’inspecteur du travail refuse d’autoriser le licenciement, considérant que la demande d’autorisation a un lien avec le mandat du salarié protégé. Après l’expiration de la période de protection attachée à son mandat, le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il saisit la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement, sollicitant notamment des dommages-intérêts pour licenciement nul, car dû à un harcèlement, ainsi que pour discrimination syndicale. Sur ce dernier point, il soutient en effet avoir subi un préjudice moral, en raison des pressions subies en lien avec son mandat.
La cour d’appel reconnaît l’existence de la discrimination syndicale, mais refuse d’allouer des dommages-intérêts à ce titre, aux motifs que, d’une part, le salarié n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité du préjudice et que, d’autre part, la seule satisfaction de sa demande visant à ce qu’il soit jugé qu’il a été victime de discrimination suffit à réparer le préjudice moral. Le salarié se pourvoit en cassation.
► Le salarié invoquait à la fois un harcèlement et une discrimination. La Cour de cassation considère que les obligations relatives à la discrimination et au harcèlement sont distinctes, de sorte que la méconnaissance de chacune d’elles peut donner lieu à des réparations spécifiques lorsqu’elle entraîne des préjudices distincts (arrêt du 3 mars 2015). Dès lors, le salarié pouvait légitimement invoquer, en plus des préjudices résultant des faits de harcèlement moral dont il a été victime, un préjudice moral résultant de la discrimination syndicale subie.
L’arrêt est cassé. La Cour de cassation énonce clairement que le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation. En d’autres termes, nul besoin de prouver un préjudice pour obtenir des dommages-intérêts.
La chambre sociale semble ainsi déduire implicitement de l’article L.2141-8 du code du travail, selon lequel toute mesure de discrimination syndicale ouvre droit à dommages-intérêts, l’existence d’une sanction automatique permettant la reconnaissance d’un préjudice nécessaire lié à la discrimination syndicale.
► La décision de la Cour de cassation est fondée sur les dispositions combinées de l’article L.1134-5 du code du travail, qui dispose que les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée, de l’article L.2141-5, alinéa 1er, qui proscrit la discrimination syndicale et de l’article L.2141-8 qui prévoit que toute mesure prise par l’employeur en contradiction avec les dispositions, d’ordre public, interdisant la discrimination syndicale ouvre droit à dommages-intérêts. On relèvera que la Haute Juridiction ne s’est en revanche pas appuyée sur l’article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, relatif à la liberté syndicale, pourtant invoqué par le pourvoi.
Violaine Magnier
Perception des rémunérations : le grand malaise des professions intermédiaires
24/09/2025

Ils sont techniciens, infirmiers, agents administratifs ou de gestion. Coincés entre les cadres et les ouvriers, la catégorie des professions intermédiaires se voit comme la grande perdante du pouvoir d’achat. Selon la nouvelle étude présentée en partenariat entre l’Apec et le Think tank Terra Nova, ces salariés sont très insatisfaits de leur rémunération et la considèrent comme sous-évaluée par rapport à leur investissement dans l’entreprise.
Alors que la directive sur la transparence salariale devrait bientôt être transposée en droit français, l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) et le groupe de réflexion Terra Nova publient une étude sur la perception de leur rémunération par les salariés (menée sur un échantillon de 4001 personnes interrogées en mai 2025, représentatif de la population française).
Dans un contexte budgétaire qui réclame des économies et des augmentations de salaires qui n’ont pas toujours rattrapé l’inflation ces dernières années, l’étude met en lumière la désillusion voire la frustration des professions intermédiaires. Elles se sentent comme les grandes perdantes des systèmes de rémunération actuels et attendent beaucoup des pouvoirs publics.
Crispation générale des salariés sur leur pouvoir d’achat
Guerre en Ukraine, tensions internationales, prix des matières premières… depuis 2022, l’inflation a rogné le pouvoir d’achat des Français. Près de quatre ans après, l’inquiétude des salariés reste profonde. Selon l’enquête Apec/Terra Nova, 68 % des salariés se disent inquiets ou très inquiets sur l’évolution de son pouvoir d’achat.
Cette tendance est accrue chez les seniors de plus de 55 ans (73 % d’inquiets), ainsi que chez les ouvriers (71 %), les employés (70 %) et surtout chez les professions intermédiaires à hauteur de 74 %. Les cadres ne sont que 57 % à se déclarer inquiets. L’inquiétude est également plus vive chez les femmes (74 %) que chez les hommes (64 %).
“L’humeur est sombre”, reconnaît à cet égard Thierry Pech, directeur général de Terra Nova. Selon sa directrice adjointe, Suzanne Gorge, ce mécontentement traverse toutes les catégories socio-professionnelles, y compris chez les cadres, mais il reste très marqué chez les femmes, les seniors et les professions intermédiaires. Ces dernières sont en tout cas les plus insatisfaites de leur rémunération, à hauteur de 47 % contre 46 % chez les employés, 43 % chez les ouvriers et 35 % chez les cadres.
Les professions intermédiaires, grandes perdantes de l’équilibre contribution – rétribution
Les professions intermédiaires se sentent plus perdantes que l’ensemble des salariés sur leur pouvoir d’achat (57 % contre 51 %). La situation s’assombrit encore si l’on regarde les chiffres de satisfaction des salariés sur leur rémunération par rapport à leur apport à l’entreprise, un équilibre que les chercheurs appellent “contribution par rapport à la rétribution”. La rémunération est alors jugée très faible par rapport aux efforts fournis (52 % des salariés) et aux compétences (50 %). Et ces chiffres sont encore plus mauvais pour les seniors, à hauteur de 58 % et 55 %.
Un enjeu d’équilibre entre ce qu’on donne et ce qu’on reçoit au travail se dessine donc : 34 % des répondants à l’enquête ont indiqué s’estimer plutôt perdants entre ce qu’ils investissent au travail et ce qu’ils perçoivent en retour, 29 % se disant gagnants et 37 % déclarant “ni l’un ni l’autre”.
Dans cet équilibre gagnant-perdant, les professions intermédiaires ressortent comme particulièrement mal loties : elles s’estiment plutôt perdantes à 41 % contre 34 % chez les ouvriers, 33 % chez les employés et 27 % chez les cadres. Elles souhaitent que les augmentations individuelles soient davantage liées aux efforts fournis (53 %), à la performance (46 %) et à la charge de travail (41 %). L’ancienneté apparaît également importante à leurs yeux (41 %), de même que chez les ouvriers (43 %).
Des attentes très fortes vis-à-vis des pouvoirs publics
Les professions intermédiaires attendent beaucoup plus des pouvoirs publics que l’ensemble des salariés (54 % contre 45 %). Ces attentes se montrent plus faibles vis-à-vis de leur entreprise (31 %) et des magasins et distributeurs (35 %).
Elles se sentent aussi davantage lésées que les autres catégories socio-professionnelles et jugent leur rémunération faible au regard de leur expérience (57 % contre 49 % de l’ensemble des salariés) et de leur utilité au sein de la société (46 % contre 41 % de l’ensemble des salariés).
Si l’étude n’a pas posé de question à son échantillon sur ces attentes, Thierry Pech a l’intuition qu’il s’agit d’une demande de revenus de transfert (comme les minimas sociaux) mais aussi des politiques socio-fiscales, c’est-à-dire des instruments qui se trouvent dans “la boîte à outils” de l’exécutif, avec par exemple les boucliers tarifaires sur les prix de l’énergie ou encore la prime Macron.
L’absence de protection du Smic
Selon Emmanuel Kahn, responsable du pôle études de l’Apec, les professions intermédiaires se sentent lésées dans leur équilibre, par rapport à leur utilité et à leur niveau de responsabilité. Il pointe que cette catégorie recouvre sept millions de salariés, soit plus d’un quart des actifs. De plus, “ces salariés se sentent moins protégés par l’indexation du Smic car ils sont souvent payés un petit peu au-dessus, ils sont donc plus exposés à l’inflation et ont le sentiment de ne pas parvenir à se distinguer des classes populaires alors qu’ils ont un niveau de qualification supérieur aux ouvriers”.
Le directeur général de terra Nova, Thierry Pech, partage ce constat et ajoute qu’avec les indexations automatiques du Smic, les professions intermédiaires voient également les ouvriers se rapprocher d’eux en termes de rémunération. Il analyse aussi cette catégorie comme un groupe très hétérogène, des professions qui ne se classent ni parmi les cadres ni parmi les salariés exécutants. Ils n’ont par conséquent pas de sentiment d’appartenance et ont tenté de se fondre dans le moule des classes moyennes des années 1970.
De plus, ces professions recouvrent une majorité de femmes, ce qui crée un croisement des mécontentements en particulier sur les inégalités de salaires. Des métiers également très représentées dans le secteur du soin, du médico-social et du paramédical.
Thierry Pech se dit surpris d’avoir vu les résultats de l’enquête pointer un tel malaise des professions intermédiaires, alors qu’elles ne sont pas les plus mal payées parmi l’ensemble des salariés. Il conclut : “Je ne serais pas étonné de les voir porter leurs suffrages lors des prochaines élections vers des votes de rupture”…
Le travail a le bras long : du ressentiment des salariés au vote politique |
Pour prolonger la réflexion de Thierry Pech, rappelons que le chercheur Thomas Coutrot, économiste associé à l’Ires (institut de recherche syndical) a documenté les liens entre le travail et le vote, en particulier entre l’autonomie au travail et la passivité électorale. Selon ses travaux, “les évolutions du travail ne constituent pas le seul déterminant de l’actuelle crise de la représentation politique, mais elles y contribuent certainement”. Les liens entre les multiples dimensions des conditions de travail et les comportements électoraux des salariés mettent en évidence le rôle de quatre dimensions : l’autonomie opérationnelle, la capacité d’expression sur le travail, la pénibilité physique et le travail de nuit ou tôt le matin. Il ajoute que “ces deux dernières contraintes n’influent pas sur l’abstention ou le vote populiste de gauche, mais sont positivement corrélées au vote RN, et négativement au vote centriste, socialiste et écologiste”. Enfin, on peut rapprocher l’étude Apec/Terra Nova de l’ouvrage de Cynthia Fleury “Ci-gît l’amer“. La philosophe politique et psychanalyste y décrit les contours de ce qu’elle nomme “le ressentiment” et trace des pistes afin d’éviter que cette “rumination” devienne le moteur de la vie individuelle et collective. |
Marie-Aude Grimont
Les 17 propositions de chercheurs en science du travail pour “travailler mieux”
24/09/2025
Élire des “délégués au travail réel”, instaurer un “mot à dire” sur le travail, créer un index de qualité de l’emploi… Après avoir dressé le portrait des réalités du travail en France dans l’ouvrage “Que sait-on du travail ?” paru aux Presses de Sciences Po en octobre 2023, les contributeurs-chercheurs en sciences sociales du travail – dont l’économiste et statisticien Thomas Coutrot ou la sociologue Dominique Méda – proposent 17 mesures pour “Travailler mieux” dans un nouvel opus éponyme publié le 10 septembre aux Presses universitaires de France (PUF).
Pour mieux atteindre ses cibles, l’ouvrage est proposé gratuitement dans un format synthétique et numérique sur le site La Vie des Idées rattaché à l’Institut du monde contemporain du Collège de France. Il est coordonné par Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), et Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS au centre d’études européennes de politique comparée de Sciences Po.
“L’idée est de susciter des réactions, des réflexions et de mettre le travail au cœur du débat public, a résumé Bruno Palier lors de la présentation de l’ouvrage aux 8èmes rencontres de l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) et l’ISST (Institut des sciences sociales du travail) vendredi dernier. “Ce ne sont pas des propositions hors-sol, a souligné Catherine Erhel. Nous sommes allés chercher ce qui se fait de bien ailleurs et avons échangé avec les chefs d’entreprises et les partenaires sociaux. Ce sont des pratiques réalistes.”
Si certaines propositions nécessitent l’intervention des pouvoirs publics ou sont à la main des partenaires sociaux, comme le précise Catherine Erhel, certaines sont directement applicables dans les organisations.
Source : actuel CSE
Coup de frein sur le télétravail
26/09/2025

Dans une étude publiée le 19 septembre, le Centre Etudes & Data du Groupe Alpha révèle une baisse du nombre d’accords et de jours télétravaillés depuis 2022, après le pic de la crise sanitaire. Les entreprises accordaient en moyenne 1,7 jour par semaine en 2024, contre deux jours en 2021.
Cinq ans après le bouleversement provoqué par le Covid-19, le télétravail connaît un reflux dans les entreprises françaises. Après la Société générale, Free et JCDecaux, plusieurs grandes entreprises incitent leurs salariés à revenir au bureau, soulevant la question d’un éventuel retournement de tendance.
Une étude du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha, publiée vendredi 19 septembre, confirme ce recul. L’analyse de l’ensemble des accords publiés sur Légifrance – soit 8 613 accords depuis 2018 – démontre une diminution tant du nombre d’accords que de jours télétravaillés.
Chute spectaculaire des nouveaux accords
Le nombre d’accords de télétravail signés annuellement recule nettement depuis 2022. En 2024, 917 accords ont été conclus, contre 2 309 en 2021 – soit une division par plus de deux. Pour la première fois depuis cinq ans, ce chiffre est inférieur à celui de 2020.
La tendance s’accélère au premier trimestre 2025 : la baisse atteint 165 % par rapport à la même période de 2024. Ce ralentissement s’explique en partie par la maturité atteinte par le télétravail dans les entreprises. La part des accords de renouvellement est ainsi passée de 4 % en 2019 à 44 % en 2024, compensant seulement partiellement la chute des nouveaux accords.
Les secteurs de l’agroalimentaire, de la métallurgie et du commerce demeurent les plus actifs en matière de signature d’accords télétravail. “Dans près d’un quart des cas, les renouvellements interviennent de manière anticipée, témoignant d’une volonté de faire évoluer les dispositifs existants”, observe le Centre Études & Data.
Réduction du nombre de jours autorisés
La fréquence du télétravail diminue également. Après un pic de deux jours par semaine en 2021, elle s’établit désormais à 1,7 jour en 2024. Dans les accords à périodicité hebdomadaire – qui représentent 77 % des cas – cette moyenne passe de 2,1 jours en 2021 à 1,8 jour en 2024.
Cette baisse reflète un rééquilibrage des pratiques. La fréquence de deux jours par semaine, devenue majoritaire en 2021 (56 % des accords), recule à 48 % au profit d’un jour par semaine, qui progresse de 22 % à 36 % des accords. Les formules à 2,5 jours régressent légèrement, de 20 % à 16 %.
Pour les accords à périodicité mensuelle, la fréquence passe de 7,7 jours en 2021 à 6,3 jours en 2024. Seuls les accords annuels voient leur volume augmenter, de 58,5 jours en 2021 à 67,4 jours en 2024.
Répartition des fréquences de télétravail dans les accords ayant une périodicité hebdomadaire |

Lecture : en 2023, 46 % des accords proposant une formule hebdomadaire de télétravail octroyaient deux jours par semaine, 37 % octroyaient un jour.
Des disparités selon la taille et le secteur
Le nombre de jours de télétravail varie selon la taille des entreprises, mais les différences restent marginales pour celles de moins de 5 000 salariés (environ 1,9 jour). Les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés offrent davantage de flexibilité avec 2,11 jours en moyenne.
Comme on le voit dans le schéma ci-dessous, les écarts sectoriels sont plus marqués : le bois et l’ameublement accordent 1,6 jour en moyenne, contre 2,3 jours dans les services informatiques et télécommunications.
Les accords de renouvellement prévoient généralement un nombre de jours plus important que les nouveaux accords.
Un niveau qui reste supérieur à l’avant-Covid
Malgré ce recul, le télétravail demeure plus fréquent qu’avant la pandémie. En 2018, la moyenne s’établissait à 1,4 jour par semaine, soit 0,3 jour de moins qu’aujourd’hui. Cette stabilisation à un niveau intermédiaire suggère que le télétravail a trouvé son équilibre dans l’organisation du travail, loin des excès de la période pandémique comme du retour intégral au présentiel.
Anne Bariet
Vidéosurveillance : La Samaritaine épinglée par la Cnil
26/09/2025

Par une délibération du 18 septembre 2025, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a sanctionné la société Samaritaine SAS d’une amende de 100 000 euros pour avoir dissimulé cinq caméras dans les réserves du magasin en violation du règlement général de protection des données, le RGPD.
En août 2023, en raison de l’augmentation des vols de marchandises dans ses réserves, la société Samaritaine SAS a placé de nouvelles caméras dans deux réserves qui prenaient l’apparence de détecteurs de fumée et permettaient d’enregistrer le son. Découvertes par des salariés, les caméras ont été retirées en septembre 2023.
La Commission informatiques et libertés (Cnil) a été alertée sur ces faits par un article de presse du 25 novembre 2023 intitulé “La Samaritaine a camouflé des caméras dans des détecteurs de fumée pour surveiller ses salariés “. Peu après, la Cnil a été saisie d’une plainte d’un salarié. Dans les jours qui ont suivi, elle a diligenté un contrôle.
Dans une délibération datée du 18 septembre 2025, la Cnil a relevé plusieurs manquements au RGPD (règlement général de protection des données) de la part de la société et l’a condamnée à une amende d’un montant de 100 000 euros.
Dans sa délibération, la Cnil détaille les manquements observés.
Manquement à l’obligation de traiter les données de manière loyale et un manquement au principe de responsabilité
En application de l’article de l’article 5-1-a) du RGPD, “les données à caractère personnel doivent être “traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence)”. L’article 5-2 prévoit que “le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui-ci est respecté (responsabilité)”.
La Cnil a rappelé sur son site “qu’en principe, afin de satisfaire à l’exigence de loyauté, les caméras de vidéosurveillance filmant les salariés doivent être visibles et non dissimulées. Pour autant, comme cela a été admis par la jurisprudence, dans des circonstances exceptionnelles et sous certaines conditions, le responsable de traitement peut installer temporairement des caméras non visibles par les salariés. Le responsable doit alors analyser la compatibilité du dispositif avec le RGPD et être en mesure d’en justifier”.
En l’espèce, constate la Cnil, si la “société a bien rapporté l’existence de vols commis dans les réserves et expliqué que le dispositif était temporaire, ce que les caractéristiques techniques du dispositif apparaissent confirmer (à savoir fonctionnant sur batterie, simplement collées au mur et sans être reliées au dispositif de vidéosurveillance classique), elle n’a néanmoins mené aucune analyse préalable de conformité au RGPD, ni documenté le caractère temporaire de l’installation – qui a été découverte par des salariés quelques semaines après son déploiement.
En effet, la société n’a fait mention de ce dispositif ni dans son registre des traitements, ni au sein de son analyse d’impact. En outre, la société n’a pas informé la déléguée à la protection des données de son intention d’installer des caméras dissimulées dans des réserves. Ainsi, la mise en place de ce dispositif n’a pas été accompagnée de garanties appropriées permettant d’assurer la préservation d’un juste équilibre entre l’objectif poursuivi par le responsable de traitement et la protection de la vie privée des salariés”.
Pour sa défense, la société faisait également valoir que l’objectif de ces caméras “test” n’était pas de surveiller les salariés, mais d’identifier où implanter les futures caméras. Un fait qui ne change rien pour la Cnil. Elle considère que “quand bien même les caméras « test » n’auraient pas eu pour objectif premier de surveiller les salariés mais d’identifier les angles de vue pertinents pour installer de futures caméras à des fins de prévention des atteintes aux biens et personnes, cela est sans incidence sur le fait que le dispositif a effectivement conduit à ce que soient captées des images et des conversations de salariés, à leur insu”.
Un manquement à l’obligation de collecter des données adéquates, pertinentes et non excessives
L’article 5, paragraphe 1, point c) du RGPD prévoit que les données à caractère personnel doivent être “adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données)”. Le responsable d’un traitement doit ainsi respecter le principe de minimisation en s’abstenant de collecter, conserver, ou plus généralement de traiter des données qui sont sans utilité pour atteindre les finalités poursuivies.
La Cnil relève que “les caméras étaient équipées de micros et des conversations entre salariés, relevant de la sphère personnelle, ont été enregistrées (…) L’enregistrement sonore des salariés était en l’espèce excessif, ce qui constitue un manquement au principe de minimisation”.
Ainsi, l’un des enregistrements contient une conversation au cours de laquelle un salarié évoque son départ de la société.
La Cnil note par ailleurs que “tant l’emballage des caméras que la notice d’utilisation mentionnent la présence d’un micro et la fonctionnalité d’écoute du modèle choisi par la prestataire. Or, quand bien même la société n’aurait pas choisi volontairement un modèle permettant la captation du son, elle disposait, avant l’installation, de tous les éléments lui permettant de savoir que le modèle comportait une fonctionnalité d’écoute”.
Un manquement à l’obligation de respecter la durée de conservation définie
L’article 5, paragraphe 1, point e) du RGPD dispose que ” les données à caractère personnel doivent être […] conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées “.
“En vertu des dispositions précitées, il incombe au responsable de traitement de définir une durée de conservation en fonction de la finalité du traitement. Lorsque cette finalité est atteinte, les données doivent en principe être supprimées, anonymisées ou faire l’objet d’un archivage intermédiaire lorsque leur conservation est nécessaire, notamment, pour le respect d’obligations légales ou à des fins précontentieuses ou contentieuses. Au-delà des durées de conservation des données versées en archives intermédiaires, les données à caractère personnel doivent, sauf exception, être supprimées ou anonymisées. L’obligation de supprimer les données à l’expiration d’une certaine durée constitue l’une des garanties fondamentales du régime de protection des données personnelles”.
Or, si la société avait défini une durée de conservation des images issues du dispositif de vidéosurveillance de 17 jours, le contrôle sur place effectué le 29 novembre 2023 a révélé la présence sur le poste de travail dédié à la vidéosurveillance d’extraits vidéo datant du 3 janvier 2022, la société n’ayant pas indiqué de finalité justifiant la conservation de ces images au-delà de la durée de 17 jours.
Un manquement à l’obligation de communication à la CNIL d’une violation de données à caractère personnel
L’article 33.1 du RGPD dispose qu’en cas de violation de données à caractère personnel, “le responsable du traitement en notifie la violation en question à l’autorité de contrôle compétente conformément à l’article 55, dans les meilleurs délais et, si possible, 72 heures au plus tard après en avoir pris connaissance, à moins que la violation en question ne soit pas susceptible d’engendrer un risque pour les droits et libertés des personnes physiques”.
Or, relève la Cnil, la société a eu connaissance du fait que les cartes SD des caméras “test” avaient été retirées entre le 13 et le 14 septembre 2023, quelques jours après le vol, soit avant le contrôle de la délégation de la Cnil du 29 novembre 2023. Elle considère ainsi que “la société n’apporte aucun élément de nature à justifier le retard pris dans la notification de la violation de données à la Cnil ni dans son inscription au sein d’un registre”.
Manquement à l’obligation d’associer le délégué à la protection des données aux questions relatives à la protection des données à caractère personnel
Aux termes de l’article 38, paragraphe 1, du RGPD, ” le responsable du traitement et le sous-traitant veillent à ce que le délégué à la protection des données soit associé, d’une manière appropriée et en temps utile, à toutes les questions relatives à la protection des données à caractère personnel “.
Or, constate la Cnil, “ce n’est que plusieurs semaines après l’installation des caméras que la déléguée à la protection des données a été informée de l’existence du dispositif. Or, compte tenu des caractéristiques du dispositif en question, la déléguée à la protection des données aurait été en mesure d’alerter la société sur les moyens à mettre en œuvre pour en limiter les risques pour la protection des données des salariés, conformément à ce que prévoient ses missions”, souligne la Cnil.
En défense, la société explique que la décision de déployer le dispositif de caméras “test” a été prise dans un contexte de recrudescence de vols, durant la période estivale, lorsque que la déléguée à la protection des données n’était pas disponible.
La Cnil constate effectivement que “la décision de recourir à des caméras « test » a été prise en urgence, durant la période estivale, ce qui a rendu difficile la consultation en amont de la déléguée à la protection des données”. Toutefois, “outre le fait que la société ne rapporte pas l’impossibilité de différer l’installation dans l’attente de la consultation de la déléguée à la protection des données, le caractère particulièrement intrusif du dispositif envisagé aurait dû, à lui seul, conduire le responsable de traitement à consulter la déléguée avant de démarrer l’installation du dispositif”.
En outre, souligne la Cnil, la société n’a pas non plus “informé la déléguée du déploiement du dispositif, ne serait-ce que, par exemple, en lui adressant un message dont elle aurait pu prendre connaissance ultérieurement, et que ce sont les salariés qui, bien après la fin de la période estivale, l’ont informée de l’existence du dispositif les 28 septembre et 2 octobre 2023”.
Florence Mehrez
Aymeric Morin nommé chef du pôle social de Sébastien Lecornu
26/09/2025

Alors que la composition du nouveau gouvernement n’est toujours pas connue, le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, constitue peu à peu son cabinet.
Par arrêté du 19 septembre 2025, le pôle social est constitué ainsi :
- conseiller social, chef de pôle : Aymeric Morin (jusqu’alors, il était directeur général adjoint de France travail, en charge de l’offre de services. Aymeric Morin a déjà été conseiller social au cabinet le ministre des transports de 2019 à 2021, après avoir été directeur des relations sociales de la RATP de 2017 à 2018. Il a travaillé pendant 4 ans au sein de la Direction générale du travail) ;
- conseillère santé, adjointe au chef de pôle : Anne-Briac Bili ;
- conseillère solidarités : Alix de Roubin ;
- conseiller comptes sociaux : Etienne Barraud ;
- conseillère travail, emploi et formation : Julie Leroy.
Source : actuel CSE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Assemblée nationale, licenciement, nominations, protection sociale
26/09/2025
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 19 septembre au 25 septembre inclus, avec les liens renvoyant aux articles que nous avons pu faire sur ces sujets.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.
Assemblée nationale
- Conférence des présidents et ouverture de la session ordinaire
Licenciement
- Décision du Conseil constitutionnel du 19 septembre 2025 sur le droit du salarié de garder le silence pendant l’entretien préalable
Nominations
- Un arrêté du 19 septembre 2025 porte nomination au conseil d’administration du Centre pour le développement de l’information sur la formation permanente
Protection sociale
- Un arrêté du 17 septembre 2025 rectifie l’arrêté du 4 septembre 2025 portant approbation des modifications apportées aux statuts généraux de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse
Source : actuel CSE
Le sentiment de déclassement des jeunes diminue avec l’ancienneté dans le poste
26/09/2025
En 2024, 71 % des jeunes de 15 à 34 ans qui ont terminé leurs études initiales et ont un emploi considèrent qu’ils possèdent un diplôme de niveau adapté à leur emploi, 18 % se jugent trop diplômés pour leur poste et 11 % trop peu. C’est ce que révèle une étude de l’Insee publiée le 23 septembre 2025.
Ce chiffre grimpe toutefois à 83 % lorsqu’on tient compte de l’ensemble des compétences, y compris celles acquises dans le monde professionnel ou via des formations autres que la formation initiale.
Le sentiment d’avoir des compétences plus élevées que celles requises pour faire son travail concerne environ 10 % des cadres et des agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, âgés de 15 à 34 ans. Les employés peu qualifiés sont eux 26 % à se juger déclassés, soit 10 points de plus que les employés qualifiés ; de même, les ouvriers peu qualifiés sont 22 % dans cette situation, 8 points de plus que les ouvriers qualifiés.
Les jeunes en CDD ou intérim s’estiment plus souvent déclassés : ils sont 23 % dans ce cas contre 14 % des jeunes en emploi à durée indéterminée (CDI ou fonctionnaire).
Le sentiment de déclassement est plus faible aux deux extrêmes de l’échelle des diplômes : seuls 12 % parmi les jeunes diplômés d’un bac+5 d’une part, 11 % de ceux dotés d’un diplôme de niveau CAP d’autre part, s’estiment déclassés, contre 18 % à 19 % pour ceux ayant un niveau de diplôme compris entre bac et bac+4.
À noter que le sentiment de déclassement diminue avec l’ancienneté dans le poste.
Source : actuel CSE