Protocole préélectoral : renvoi à la négociation en cas de manquement à l’obligation de loyauté
16/05/2025
Lorsque l’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral, la décision de rejet implicite de l’autorité administrative relative à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges est confirmée et l’entreprise doit être renvoyée à la négociation.
La négociation du protocole préélectoral pour les élections professionnelles doit être loyale. A défaut, le protocole peut être annulé, ainsi que les élections organisées sur cette base (Cass. soc., 24 sept. 2013, n° 12-60.567 ; Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 19-10.780). Il en va de même lorsque les négociations n’aboutissent pas : dans ce cas, l’autorité administrative (la Dreets) doit rejeter la demande de répartition du personnel et des sièges entre les collèges, passage obligé pour organiser les élections, conformément à l’article L. 2314-13, et renvoyer l’employeur à la négociation du protocole (Cass. soc., 12 juill. 2022, n° 21-11.420).
Qu’en est-il lorsque la Dreets ne rend pas de décision, ce dont il résulte une décision de rejet implicite ? C’est à cette question que répond l’arrêt du 6 mai 2025, confirmant les principes dégagés par la jurisprudence de 2022.
Décision implicite de rejet de la Dreets après l’échec des négociations du PAP
Dans cette affaire, l’employeur a informé et invité les organisations syndicales à la négociation du protocole préélectoral (PAP). Les négociations n’ont pas abouti et l’employeur a saisi le Dreets afin qu’il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux pour les élections du CSE.
Le silence gardé par l’autorité administrative a fait naître une décision implicite de rejet (au bout de 2 mois). L’employeur a alors saisi le tribunal judiciaire d’une demande tendant à l’annulation de cette décision et à la fixation de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux, conformément à l’article L. 2314-13 du code du travail.
Mais le jugement confirme la décision implicite de rejet, et renvoie l’employeur à la négociation du PAP.
Renvoi de l’employeur à une négociation loyale du PAP
La Cour de cassation donne raison aux juges du fond. Elle rappelle que c’est seulement, lorsqu’à l’issue d’une tentative loyale de négociation, aucun PAP n’a pu être conclu, que l’autorité administrative peut décider de cette répartition entre collèges.
Puis la Haute juridiction contrôle les éléments d’appréciation de l’absence de loyauté dans les négociations. Ainsi, elle constate que :
– un courrier de l’inspecteur du travail confortait les déclarations de plusieurs syndicats sur les conditions délétères dans lesquelles se tenaient les réunions de négociation du PAP et sur les agissements déloyaux de l’employeur dénoncés par ceux-ci ;
– l’employeur, s’il versait aux débats une liste du personnel de l’entreprise et une liste du personnel des entreprises extérieures remplissant les conditions fixées par l’article L. 1111-2 du code du travail ainsi qu’un récapitulatif du calcul des effectifs, ne rapportait pas la preuve d’une réelle négociation sur les effectifs et les classifications des salariés.
Le tribunal a ainsi pu retenir que l’employeur avait manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du PAP, ce dont il a exactement déduit que la décision de rejet implicite de l’autorité administrative devait être confirmée et que la société devait être renvoyée à la négociation du protocole préélectoral.
Séverine Baudouin