PLFSS pour 2026 : les députés renforcent la négociation sur les seniors et rejettent l’article 8 sur les avantages distribués en CSE

28/10/2025

La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a entamé hier l’examen du PLFSS pour 2026. 

Les députés ont retiré leurs amendements de suppression de l’article 8 afin de pouvoir présenter des mesures de financement alternatives au forfait social de 8 % sur les avantages distribués par les CSE et la hausse de la contribution patronale sur les ruptures conventionnelles. Le seul amendement de suppression restant a été rejeté, de même que celui visant à soumettre l’intéressement à cotisation pour les rémunérations supérieures à 3 fois le Smic. L’amendement visant à assujettir les indemnités de départ “volontaire” dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi a été rejeté également.

A en revanche été adopté un amendement n°1737 qui propose, selon son exposé des motifs, de conserver le régime social actuellement applicable aux aides directes attribuées aux salariés par l’employeur, le CSE ou les structures analogues. Il supprime les dispositions assujettissant lesdites aides au forfait social au taux de 8 % et exonère expressément de cette contribution l’avantage résultant de l’attribution de chèques-vacances par les employeurs de moins de cinquante salariés qui, sans cela, serait compris par défaut dans son champ d’application.

Adopté également un amendement n°1259 qui rétablit à 30 % au lieu de 40 % la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelles.

Cependant, ce travail fut vain car certains amendement étant contradictoires, l’article 8 ainsi modifié a été rejeté après une suspension de séance. Les députés ont renvoyé leurs futures discussions à la séance publique.

Par ailleurs, alors que la loi du 24 octobre 2025 prévoit de nouvelles obligations de négocier sur les seniors, les députés ont adopté un amendement visant à assortir l’absence de négociations ou de plan d’action sur les seniors dans les entreprises de 300 salariés et plus à une sanction prenant la forme d’un malus sur les cotisations vieillesse. Le malus serait déterminé par voie règlementaire, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en faveur de l’emploi des seniors ainsi que des motifs de sa défaillance, sur la base de critères clairs. 

Par ailleurs, les députés ont supprimé la contribution exceptionnelle de 2,25 % des complémentaires santé pour 2026 (à noter que cette contribution qui devait être de 2,05 % a été augmentée par la lettre rectificative afin de compenser les pertes de recettes occasionnées par le décalage de la réforme des retraites).

Source : actuel CSE

[Loi seniors] L’emploi des seniors, un nouveau thème de négociation obligatoire dans les branches et certaines entreprises

29/10/2025

Après la publication au Journal officiel de la loi seniors, nous entamons la publication d’une série d’articles détaillés sur ses dispositions. Aujourd’hui, focus sur les articles qui font des seniors un nouveau thème de négociation périodique obligatoire, non seulement dans les branches mais aussi dans les entreprises de 300 salariés et plus. Revue de détail.

L’emploi des seniors est un enjeu majeur pour le marché du travail et le système de protection sociale français.

Augmenter le taux d’emploi des seniors doit contribuer à l’équilibre des systèmes de retraite en réduisant le nombre de bénéficiaires et en augmentant les cotisations. Cet objectif doit aussi permettre une réduction du taux de chômage. En outre, les seniors actifs ont généralement un revenu disponible plus élevé, propre à stimuler la consommation et, par conséquent, la croissance économique.

Pour atteindre cet objectif, la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025, publiée au Journal officiel du 25 octobre 2025, mise sur une mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés pour modifier les comportements à l’égard de l’emploi des seniors, à commencer par les branches et les entreprises.

L’allongement de la durée d’activité nécessite, en effet, la mise en œuvre de mesures d’accompagnement quant aux conditions de travail de ces salariés, le manque d’adaptation des conditions de travail au vieillissement des salariés pouvant conduire à une sortie plus précoce de l’emploi. La négociation collective apparaît alors comme un levier majeur pour favoriser le maintien et le retour à l’emploi des seniors par l’élaboration de dispositifs au plus près du terrain, adaptés aux besoins de chaque secteur professionnel et chaque entreprise.

C’est dans cet esprit que la loi n° 2025-989 précitée instaure de nouvelles négociations périodiques obligatoires. L’une est imposée aux branches, l’autre aux entreprises.

La nouvelle négociation obligatoire périodique de branches

Pour rappel, aux termes de l’article L. 2241-1 et suivants du code du travail, les branches peuvent définir, par un accord collectif d’une durée maximale de 5 ans, le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités des négociations obligatoires (champ de la négociation collective). Tous les thèmes des négociations obligatoires doivent toutefois faire l’objet d’une négociation au minimum tous les 4 ou 5 ans, selon le thème (dispositions d’ordre public). Ce n’est qu’à défaut d’accord que les dispositions légales relatives aux thèmes de négociation et à leur périodicité s’appliquent (dispositions supplétives).

La nouvelle obligation de négociation instaurée par la loi n° 2025-989 ne déroge pas à ces principes.

Une négociation au moins quadriennale sur l’emploi des seniors (ordre public)

L’article 1er de la loi n° 2025-989 vient ajouter un neuvième thème de négociation obligatoire de branche, aux thèmes de négociation prévus par l’article L. 2241-1 du code du travail.

Désormais, les branches doivent également négocier, au moins une fois tous les 4 ans, sur « l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge » (autrement dit, sur l’emploi et le travail des seniors).

► Remarque : auparavant, les branches pouvaient déjà traiter ce sujet, de manière indirecte, dans d’autres accords. Par exemple, il existe une mesure, parmi les dispositions supplétives, relatives à la formation professionnelle, visant le tutorat exercé par les salariés de plus de 55 ans (article L. 2241-14 du code du travail). Les négociations sur la GPEC (gestion des parcours et des emplois professionnels) permettent aussi de prendre en compte une gestion anticipée des compétences, et notamment leur transmission générationnelle, ainsi qu’une adaptation des parcours professionnels. Celles portant sur la prévoyance permettent de tenir compte des profils “santé” particuliers de cette population active. Les branches ont également été encouragées à négocier sur la prévention de l’usure professionnelle ; ces négociations concourent à prévenir la désinsertion professionnelle, dont l’enjeu grandit avec l’allongement des carrières. Mais force est de constater que les branches ne se sont pas saisies de ces moyens d’action. A ce jour, seules deux branches professionnelles ont conclu des accords spécifiques sur l’emploi des seniors : la branche des sociétés d’assistance et celle des casinos.

Adapter le contenu et la périodicité de cette négociation obligatoire demeure possible

Les branches peuvent toutefois aménager les négociations obligatoires par accord collectif (dit accord d’adaptation ou accord de méthode) (article L. 2241-4 du code du travail). La conclusion d’un tel accord permet notamment aux branches d’adapter non seulement la périodicité de chaque thème de négociation, dans le respect des périodicités minimales d’ordre public, mais aussi d’adapter leur contenu.

Le thème de l’emploi et du travail des seniors ne déroge pas à cette règle : les branches peuvent retenir une périodicité différente pour la négociation relative à l’emploi et le travail des seniors, dans la limite de 4 ans, en concluant un accord d’adaptation sur ce point. Elles peuvent même circonscrire son contenu (articles L. 2241-5 modifié et L. 2241-6 modifié).

Exemple : si les partenaires sociaux souhaitent faire porter la négociation relative à l’emploi et le travail des seniors sur la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, il peuvent, en revanche, ne pas aborder leur recrutement.

Une négociation au moins triennale à défaut d’accord d’adaptation (supplétif)

À défaut d’accord d’adaptation (ou en cas de non-respect de cet accord), la négociation obligatoire de branche relative à l’emploi et le travail des seniors doit s’engager sur les sous-thèmes et selon la périodicité prévus par le code du travail.

La périodicité supplétive fixée pour ce thème de négociation par le code du travail est triennale et nécessite l’établissement d’un diagnostic préalable.

► Cette négociation triennale doit porter nécessairement sur (article L. 2241-14-1 nouveau du code du travail) :

  • Le recrutement des salariés expérimentés, en considération de leur âge ; 
  • Leur maintien dans l’emploi ; 
  • L’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ; 
  • La transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

Un décret (à paraître) déterminera les informations nécessaires à cette négociation.

► Remarque : selon les informations transmises par la Direction générale du travail (DGT) aux rapporteurs du projet de loi, le décret définirait principalement les conditions d’établissement du diagnostic préalable et, le cas échéant, son articulation avec le calendrier de la négociation.

► Des thèmes facultatifs peuvent également être abordés lors de cette négociation, à savoir (article L. 2241-14-2 nouveau du code du travail) :

  • Le développement des compétences et l’accès à l’information ;
  • Les effets des transformations technologiques et environnementales sur leurs métiers ;
  • Les modalités de management du personnel ;
  • Les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;
  • La santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
  • L’organisation du travail et les conditions de travail.

Un plan d’action type de branche proposé aux entreprises de moins de 300 salariés

Une disposition d’ordre public est instaurée en faveur des entreprises de moins de 300 salariés.

Concrètement, l’accord de branche relatif à l’emploi et le travail des seniors peut comporter un plan d’action type en leur faveur. En cas d’échec des négociations dans l’entreprise, les employeurs de moins de 300 salariés peuvent appliquer ce plan (s’en pouvoir s’en écarter) (article L. 2241-2-1 nouveau du code du travail).

L’application de ce plan type suppose toutefois le respect de deux conditions cumulatives :

  1. L’employeur doit adhérer au plan au moyen d’un document unilatéral ;
  2. Il doit informer préalablement le CSE (s’il en existe un) et les salariés de cette application : il peut les en informer par tous moyens.

La nouvelle négociation obligatoire d’entreprise

En parallèle des branches, la loi n° 2025-989 impose également une obligation de négocier sur l’emploi et le travail des salariés seniors, aux entreprises de 300 salariés et plus.

Jusqu’à présent, ces entreprises n’étaient pas tenues de négocier sur les conditions de travail de leurs salariés seniors. C’était seulement à titre supplétif, à défaut d’un accord de méthode, que la loi leur permettait d’aborder ce sujet dans le cadre des négociations relatives à la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et à la mixité des métiers. Elles pouvaient alors (mais ce n’était pas imposé) négocier sur l’emploi des salariés âgés et la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences ainsi que sur l’amélioration de leurs conditions de travail (article L. 2242-21 dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2025-989).

Ce thème ne fait désormais plus partie des thèmes facultatifs supplétifs de la négociation sur la GEPP (article L. 2242-21 modifié). Il s’agit d’un thème à part entière de la négociation obligatoire, distinct de la GEPP.

En effet, dans les entreprises d’au moins 300 salariés où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur doit engager au moins une fois tous les 4 ans une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge (article L. 2242-2-1 nouveau). Cette négociation est également imposée aux groupes d’entreprises de même taille, au sens retenu pour la mise en place du comité de groupe (article L. 2331-1), mais pas aux groupes d’entreprises de dimension communautaire (comme c’est le cas pour la GEPP).

► Remarque :  pour rappel, un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d’un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique (article L. 2331-1 du code du travail). 

Tant qu’une négociation obligatoire est en cours, il est formellement interdit à l’employeur de prendre des décisions unilatérales sur les thèmes négociés, sauf si l’urgence le justifie. La négociation relative à l’emploi et aux conditions de travail des seniors ne déroge pas sur ce point ; l’employeur doit respecter cette interdiction (article L. 2242-4 modifié du code du travail)

Comme pour les autres thèmes de négociation obligatoire, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, une négociation peut être engagée afin d’aménager les modalités de la négociation obligatoire relative à l’emploi et les conditions de travail des salariés seniors (article L. 2242-12 du code du travail).

Ainsi, sous réserve du respect des règles d’ordre public (négociation au moins une fois tous les 4 ans), les partenaires sociaux peuvent déterminer librement la périodicité qui leur convient pour ce thème. Ils peuvent aussi adapter son contenu et s’affranchir du contenu imposé de manière supplétive par le code du travail (article L. 2242-11 modifié du code du travail).

À défaut d’accord d’adaptation, l’employeur doit engager tous les 3 ans une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés seniors (article L. 2242-13, 4° modifié). Cette négociation doit, tout comme la négociation de branche, être précédé d’un diagnostic et porte sur les mêmes sous-thèmes obligatoires et facultatifs que ceux prévus pour la négociation de branche (article L. 2242-22 nouveau du code du travail).

Les thèmes obligatoires : 

  • Le recrutement des salariés expérimentés, en considération de leur âge ; 
  • Leur maintien dans l’emploi ; 
  • L’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ; 
  • La transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

Les thèmes facultatifs : 

  • Le développement des compétences et l’accès à l’information ;
  • Les effets des transformations technologiques et environnementales sur leurs métiers ;
  • Les modalités de management du personnel ;
  • Les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;
  • La santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
  • L’organisation du travail et les conditions de travail.

Si les partenaires sociaux négocient sur les sous-thèmes facultatifs visés au nouvel article L. 2242-14-2 du code du travail, l’employeur doit examiner les possibilités de mobilisation du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).

► Remarque : créé dans le cadre de la réforme des retraites de 2023, ce fonds permet notamment, pour les entreprises, le financement d’actions de sensibilisation et de prévention des facteurs de risques ergonomiques, à l’origine de troubles musculosquelettiques (TMS) et des actions de prévention de la désinsertion professionnelle.

Comme pour la négociation de branche, un décret (à paraître) précisera les informations nécessaires à la négociation.

► Remarque :  ce décret devrait porter sur les conditions d’établissement du diagnostic préalable.

Géraldine Anstett

Le dialogue social, parent pauvre du devoir de vigilance des entreprises

31/10/2025

Une étude révèle que les représentants des salariés restent marginalement associés aux plans de vigilance, malgré les attentes des instruments internationaux. Et ce, aux différentes étapes du process : cartographie des risques, élaboration du plan d’action, mise en place du mécanisme d’alerte, suivi et remédiation.

La loi française du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance impose aux entreprises d’au moins 50 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde d’élaborer un plan visant à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à l’environnement, en concertation avec les représentants des salariés (élus, syndicats).

Mais dans les faits, l’association de ces acteurs sociaux à cette démarche reste largement insuffisante, révèle Marie-Noëlle Lopez, co-fondatrice du cabinet conseil spécialisé dans les relations sociales internationales, Newbridges, dans une étude, publiée en septembre dernier et réalisée pour le compte de l’Organisation internationale du travail (OIT), auprès de 14 groupes français entre juin et juillet 2025. 

Basée sur 25 entretiens avec 41 personnes, cette enquête met en lumière un paradoxe : alors que les instruments internationaux – principes directeurs de l’ONU, lignes directrices de l’OCDE, déclaration tripartite de l’OIT – formulent des attentes croissantes en matière d’implication des parties prenantes, le dialogue social demeure largement à la marge des démarches de vigilance.

La cartographie des risques, domaine réservé des experts

C’est sur l’étape cruciale de la cartographie des risques que l’exclusion des représentants des salariés apparaît la plus marquée. Cet exercice, qui détermine les priorités et les actions pour atténuer les risques professionnels, est conçu par les directions comme “une prérogative managériale, empreinte d’une certaine confidentialité” compte tenu des enjeux en jeu.

Dans la très grande majorité des entreprises étudiées, aucune interaction spécifique en amont avec les représentants des travailleurs n’est organisée. Lorsqu’elle existe, elle “intervient au moment de la présentation du plan, sous forme d’une simple information”.

Les directions invoquent “la complexité des sujets”, “l’insuffisance d’appréhension” par les représentants des enjeux internationaux et la sophistication des chaînes d’approvisionnement. Cet exercice s’appuie sur “des méthodes complexes et des bases de données payantes”, laissant peu de place aux non-experts.

Des expérimentations encourageantes mais rares

Quelques entreprises ont toutefois tenté d’associer les représentants des salariés. Dans l’une d’elles, un atelier organisé en mars 2025 a réuni une douzaine de participants, dont des représentants syndicaux français et européens, pour évaluer les risques liés aux droits du travail. Les participants ont travaillé en sous-groupes sur quatre thématiques : travail illégal, risques psychosociaux, conditions de travail et discrimination.

“Leurs évaluations se sont avérées globalement cohérentes avec celles des autres experts, notamment sur le niveau de contrôle”, note Marie-Noëlle Lopez. Dans une autre société, l’entreprise a sollicité des représentants de plusieurs pays lors de trois ateliers à distance pour hiérarchiser les risques identifiés et les classer ensuite selon leur gravité.

Des initiatives transnationales émergent également. L’alliance de constructeurs automobiles Drive Sustainability et la fédération IndustriAll Global Union ont organisé un déplacement conjoint dans des mines de nickel en Indonésie pour y observer les conditions de travail et le respect des droits syndicaux.

Le mécanisme d’alerte, une “boîte noire”

Selon la loi française, le mécanisme d’alerte doit être établi en “concertation” avec les organisations syndicales représentatives. Pourtant, aucune entreprise du panel n’est allée au-delà de la simple présentation de ce dispositif. Cette absence d’implication nourrit un doute chez les représentants des salariés sur sa validité, “parfois alimenté par des chiffres qui ne reflètent pas selon eux la réalité ainsi que le flou qui entoure le traitement des cas”.

Une incompréhension mutuelle s’installe : les représentants des salariés estiment qu’il ne leur appartient pas de promouvoir “un système qu’ils considèrent comme une boîte noire”, alors qu’ils ne participent pas au traitement des cas.

Quel niveau de dialogue pertinent ?

L’étude révèle que plus l’instance de représentation est internationale, plus l’association des représentants fait sens pour les directions. Le comité d’entreprise européen est perçu comme “un acteur plus légitime pour dialoguer sur les droits humains”. C’est à ce niveau que l’on constate les expérimentations les plus approfondies.

Surtout, l’existence d’un dialogue social à l’échelle mondiale social fait passer “à un cran supérieur” l’association des acteurs sociaux. Pour les directions, il s’agit de “lieux propices au développement d’un dialogue social”. 11 des 14 entreprises françaises étudiées ont développé un dialogue transnational, notamment via des accords-cadres mondiaux avec des fédérations syndicales internationales.

Mais ce dialogue se heurte à “des défis significatifs liés à la complexité des sujets traités et aux diversités culturelles”. À cela s’ajoute les “logiques organisationnelles propres aux entreprises, notamment le cloisonnement structurel entre les départements RSE, juridique et ressources humaines”, qui “limite la coordination et l’intégration des démarches de vigilance”.

Au niveau local, “peu d’entreprises ont une démarche construite” et celles qui ont lancé de telles initiatives “rapportent la difficulté à susciter de l’intérêt”, les agendas des instances de représentation étant “souvent très chargés”, reléguant au second plan les enjeux du devoir de vigilance.

Des principes contradictoires

L’étude met en lumière une opposition de vision : les directions considèrent généralement que cette obligation ne doit pas entraver l’activité économique, tandis que les représentants défendent “une approche fondée sur des valeurs et des principes, appelés à primer sur les impératifs économiques lorsque les enjeux éthiques et sociaux sont en jeu”.

Pour l’auteure de l’étude, plusieurs pistes d’amélioration s’imposent : définir les niveaux d’intervention pertinents, identifier les interlocuteurs adéquats, choisir les formats de concertation appropriés et “penser leur articulation dans une perspective stratégique”. Tout “en dépassant les cloisonnements organisationnels”.

Il s’agit également de “répondre à la défiance exprimée” en diversifiant les sources d’évaluation des risques et en intégrant des outils issus d’initiatives syndicales.

L’étude fournit, en annexes, plusieurs exemples concrets de pratiques associant les acteurs sociaux, à toutes les étapes de l’élaboration du plan de vigilance. Des pratiques inspirantes. 

Anne Bariet