Assurance chômage des seniors et frontaliers : pistes patronales et ripostes syndicales
12/11/2024
Troisième séance de discussions pour les négociateurs syndicaux et patronaux réunis à l’Unédic vendredi 8 novembre. Alors qu’une manifestation de la CGT agitait la rue pour défendre le régime des intermittents, les partenaires sociaux ont travaillé sur le projet d’avenant transmis par les organisations patronales. Il intègre comme prévu des modifications au régime des frontaliers et des seniors.
Pure provocation du patronat ou tentative de manipulation ? L’éternel sujet de l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle s’est invité dans les négociations interprofessionnelles vendredi 8 novembre. Des manifestants se sont en tout cas réunis au coin du siège de l’Unédic pour faire connaître leur réprobation. L’article 3 du projet d’avenant patronal prévoyait en effet d’exiger des intermittents 610 heures de travail au lieu de 510 pour être indemnisés.
Un sujet éruptif en particulier pour la CGT du spectacle. L’idée a été abandonnée en quelques heures, au point que les organisations syndicales se sont demandé si la patronat avait réellement voulu leur soumettre ce projet, s’il s’agissait de flatter les adhérents patronaux ou d’obtenir des concessions sur d’autres sujets de la part des syndicats de salariés. Toujours est-il qu’une fois la tension passée, les négociateurs ont pu discuter des autres mesures du projet d’avenant, en particulier les bornes d’âge seniors et les travailleurs frontaliers.
Les âges des filière seniors décalés de deux ans
Dans l’accord du 10 novembre 2023, ce thème était renvoyé à la négociation Pacte de la vie au travail. Il est cette fois directement traité dans le projet remis aux syndicats. Pour mémoire, les “filières seniors” prévoient des durées d’indemnisation plus favorables aux chômeurs âgés de plus de 53 ans. Jusqu’à présent, ils étaient indemnisés pendant 22,5 mois de 53 à 54 ans et 27 mois à partir de 55 ans.
L’article 3 .1 du projet d’avenant patronal fait évoluer les bornes d’âge selon ces termes :
- 22,5 mois d’indemnisation maximum pour les allocataires âgés de 55 et 56 ans à la date de fin du contrat de travail
- 27 mois d’indemnisation pour ceux âgés de 57 ans et plus à la fin du contrat de travail.
De plus, ajoute l’article 3.2, “en cohérence avec l’évolution progressive de l’âge légal de départ en retraite jusqu’à 64 ans en 2030, il est procédé au décalage progressif jusqu’à 64 ans de l’âge à compter duquel le maintien de l’allocation est possible jusqu’à obtention des conditions de liquidation de la retraite à taux plein”. De même, la durée d’indemnisation supplémentaire de 137 jours en cas de formation validée par France Travail ou financée par le CPF pour les demandeurs d’emploi de 53 et 55 ans “est appliqué dans les même conditions pour l’ensemble des demandeurs d’emploi âgés de 55 ans et plus”.
Pour les trois organisations patronales, ces sujets sont “incontournables”. Selon Hubert Mongon (Medef), “ce sont des éléments fondamentaux de l’équilibre final de l’accord, sans lesquels nous ne pourrions apporter notre signature”. Eric Chevée (CPME) ajoute que l’application immédiate et sans délai du recul des bornes d’âge relève de “l’évidence” dans le prolongement de l’accord de novembre 2023 et des 440 millions d’euros d’économies demandés par le gouvernement.
Côté syndical, la CFDT souhaite des formulations plus précises : “Il faut préciser dans le texte qu’on recule les bornes d’âge par rapport à l’âge légal de départ en retraite fixé dans la loi, et qu’une abrogation de la réforme remettrait en cause cette décision”, précise Olivier Guivarch. Un point de vue partagé par la CGT et Force Ouvrière. De plus, pour FO, les effets des mesures seniors vont à elles seules au-delà des économies demandées en faisant rentrer 630 millions dans les caisses. La CFTC critique par ailleurs l’absence de progressivité dans le décalage des bornes d’âge alors que le passage de l’âge légal en retraite à 64 ans ne sera pleinement effectif qu’en 2030. Selon Frédéric Belouze, cela revient à durcir immédiatement les droits avec cinq années d’avance.
Frontaliers : des coefficients réducteurs jusqu’à 0,475
C’est l’autre gros sujet de cette négociation. Les travailleurs frontaliers, proches du Luxembourg, de la Suisse ou encore de la Belgique coûtent 800 millions d’euros par an à l’Unédic. En raison de leur lieu de résidence en France, ils cotisent à l’assurance chômage française mais perçoivent des niveaux d’allocations supérieurs à la moyenne en raison de salaires plus élevés dans les pays frontaliers. Ils ont donc été identifiés comme une source de potentielles économies. Dans l’accord de 2023, les partenaires sociaux avaient déjà demandé à l’État “d’entreprendre toutes les actions nécessaires pour qu’une révision du règlement européen n° 883/2004 intervienne le plus rapidement possible”. En ce qui concerne la Suisse, ce régime relève d’un accord bilatéral entre les deux pays.
Malgré cette demande, l’État est resté inactif, ce que ne manquent pas de critiquer les partenaires sociaux, patronat compris. Jean-François Foucard (CFE-CGC) fustige l’exécutif à ce sujet : “Si le gouvernement était équitable, il prendrait les dispositions, les financerait puis se débrouillerait avec les autres États. Mais là, il reporte son engagement sur d’autres”.
Les organisations patronales ont rédigé comme prévu des dispositions figurant dans le projet d’avenant. Il s’agit d’appliquer au salaire journalier de référence un coefficient tenant compte des différences de salaires entre l’État d’emploi et l’État de résidence. Les organisations patronales entendent que le coefficient soit calculé sur la base des salaires moyens par pays constatés par l’OCDE.
Les tableaux ci-dessous élaborés par les services de l’Unédic montrent des exemples de coefficients appliqués par pays et leurs effets sur le montant des allocations.
Les organisations syndicales comptent cependant défendre l’indemnisation des travailleurs frontaliers comme tout autre demandeur d’emploi. Selon les services de l’Unédic, les travailleurs frontaliers exercent des métiers de magasinage, de secrétariat ou encore de vente d’habillement. Et si Éric Chevée (CPME) avance que “le coefficient ne serait pas forcément réducteur, il pourrait jouer dans l’autre sens [celui d’une amélioration de l’allocation, NDLR] par exemple avec l’Espagne”, les syndicats de salariés en doutent. Ils restent échaudés par la mise en place de la contracyclicité, censée dégrader l’indemnisation des chômeurs en cas de marché du travail favorable à l’emploi et l’améliorer en cas de dégradation, mais dont ils constatent qu’elle ne s’appliquera jamais en faveur des demandeurs d’emploi lorsque le taux de chômage remonte.
La CFDT “aurait préféré ne pas ouvrir ce sujet” et renvoie le gouvernement à ses responsabilités. Oliver Guivarch relève par ailleurs le souhait de la CFDT de ne pas voir l’accompagnement des frontaliers se transformer en contrôle. Le projet patronal prévoit en effet “une intensification” du suivi des demandeurs d’emploi avec un plan mis en place dans ce sens par France Travail en vue d’un “retour rapide et durable à l’emploi” des chômeurs frontaliers. Ce suivi passerait par une définition de l’offre raisonnable d’emploi et un “repérage plus efficace des reprises d’emploi non déclarées”.
À la CGT, Denis Gravouil ne décolère pas contre ces projets, aussi bien sur le principe du coefficient appliqué au salaire journalier de référence que sur la redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi. Il trouve cependant intéressants certains arguments d’autres syndicats.
FO propose un plancher, la CFTC veut retenir le salaire médian
Pour Force Ouvrière, l’instauration d’un coefficient reste discriminatoire. Sans compter que l’idée pourrait s’étendre dans le futur à d’autres paramètres. Une boîte de Pandore qui rappelle le projet d’une contracyclicité territoriale finalement abandonnée par le ministre du Travail de l’époque, Olivier Dussopt.
Afin de préserver les droits des chômeurs, FO propose l’instauration d’un plancher d’indemnisation. Selon Michel Beaugas, “l’allocation journalière après application du coefficient serait de 46 euros pour les frontaliers travaillant en Suisse selon les chiffrages Unédic. On pourrait penser que cette moyenne soit un plancher en dessous duquel l’allocation ne pourrait pas descendre. Cela permettrait une garantie minimale”. Le patronat aurait consenti d’y réfléchir.
Toujours sur les frontaliers, le projet d’avenant retient le salaire moyen par pays comme valeur de référence pour le calcul du coefficient. Frédéric Belouze (CFTC) propose de préférer le salaire médian car “une moyenne est toujours affectée par des extrêmes inférieurs et supérieurs”. Il a donc demandé à l’Unédic des chiffrages spécifiques sur le salaire médian retenu qui pourrait ne reprendre que celui des hommes, celui des femmes ou les deux afin de tenir compte des inégalités de salaires. Il souhaite également inscrire dans le texte que les mesures des partenaires sociaux cesseraient de s’appliquer lorsque l’État et l’Europe auront revu les accords avec les pays concernés.
Pour l’instant, les négociateurs estiment possible se se mettre d’accord dans la nuit du 14 au 15 novembre. Le texte fera directement l’objet d’une mise à jour de la convention d’assurance chômage.
Marie-Aude Grimont
IJSS maladie et maternité : le mode de calcul du salaire de référence reste inchangé
13/11/2024
Les règles transitoires de calcul du salaire de référence servant au calcul des indemnités journalières (IJSS) en cas d’année incomplète, fixées par le décret du 12 avril 2021, sont pérennisées par un décret du 30 octobre 2024.
Le décret du 12 avril 2021 (modifié par le décret du 14 octobre 2022) avait instauré de nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale de maladie et de maternité en cas de période de référence incomplète. Ces nouvelles règles auraient dû s’appliquer à compter du 1 er juin 2024. Un communiqué de la Direction de la sécurité sociale (DSS) avait annoncé qu’un décret ultérieur supprimerait l’entrée en vigueur de ces règles prévues au 8° de l’article 1 du décret du 12 avril 2021.
C’est chose faite avec le décret du 30 octobre 2024 qui abroge l’article 5 du décret du 12 avril 2021. En parallèle, le décret du 12 avril 2021 avait prévu, à ce même article 5, des règles transitoires pour les arrêts de travail entre le 15 avril 2021 et le 31 mai 2024. Le communiqué de la DSS précité avait annoncé qu’un décret ultérieur pérenniserait ces règles transitoires. C’est ce que fait le décret du 30 octobre 2024, en réécrivant le II de l’article R. 323-8 du code de sécurité sociale.
Règles de calcul
Ainsi, de manière définitive, le revenu d’activité antérieur servant de base au calcul des indemnités journalières, en cas d’année incomplète, est calculé, selon les règles suivantes :
- lorsqu’une activité débute au cours d’un mois de la période de référence, le revenu est calculé pour l’ensemble de ce mois sur la base du revenu d’activité journalier effectivement perçu ;
- lorsque l’activité a pris fin au cours d’un mois de la période de référence, le revenu est calculé pour l’ensemble de ce mois sur la base du revenu d’activité journalier effectivement perçu ;
- lorsqu’une activité a pris fin et qu’une autre a débuté au cours d’un même mois de la période de référence, le revenu correspondant à la période de ce mois durant laquelle l’assuré n’a, le cas échéant, pas perçu de revenus d’activité est calculé sur la base du revenu d’activité journalier effectivement perçu au titre de la dernière activité qui a débuté au cours de ce mois (les deux alinéas précédents ne s’appliquent pas) . Il s’agit d’une nouvelle précision qui n’existait pas dans le décret du 12 avril 2021 ;
- lorsque, au cours d’un ou plusieurs mois de la période de référence, l’assuré n’a pas travaillé, soit par suite de maladie, accident, maternité, chômage involontaire total ou partiel, soit en raison de la fermeture de l’établissement employeur à la disposition duquel reste l’assuré, soit en cas de congé non payé à l’exclusion des absences non autorisées, de service militaire ou appel sous les drapeaux, dans les cas énumérés ci-dessus, le revenu d’activité est calculé pour l’ensemble de ce ou ces mois concernés :
– lorsque l’assuré a perçu à une ou plusieurs reprises des revenus d’activité au cours de la période de référence, à partir du revenu d’activité journalier effectivement perçu ; – lorsque l’assuré n’a perçu aucun revenu d’activité au cours de la période de référence, à partir du revenu d’activité journalier effectivement perçu au cours des jours travaillés
► Ce mode de calcul s’applique en cas d’absence au cours de la période de référence en raison d’absence pour maladie, accident, maternité, chômage involontaire total ou partiel, soit en raison de la fermeture de l’établissement employeur à la disposition duquel reste l’assuré, soit en cas de congé non payé à l’exclusion des absences non autorisées, de service militaire ou appel sous les drapeaux.
Nathalie Lebreton
Retraites, allégements Smic : le gouvernement tarde à arbitrer
13/11/2024
Dans le cadre des débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2025, le gouvernement avait jusqu’à présent abandonné son projet d’article 23 gelant les retraites jusqu’au mois de juillet. Des discussions étaient menées avec les groupes parlementaires. Un nouvel arbitrage se fait jour autour d’une revalorisation dès le mois de janvier 2025 mais uniquement sur la moitié de l’inflation. Le gouvernement n’ayant pas encore déposé ses amendements, le taux retenu n’est pas encore certain.
Sur les allégements de cotisations patronales autour du Smic, le ministre du Budget a évoqué hier matin sur France2 de limiter les économies réalisées à 2 milliards d’euros au lieu de 4. La note serait ainsi moins salée pour les employeurs. Les confirmations des ministères sont encore attendues sur ce sujet.
Source : actuel CSE
Les rapporteurs du PLFSS pour 2025 au Sénat dévoilent leurs propositions
14/11/2024
Les rapporteurs du projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 au Sénat ont présenté hier les amendements qu’ils proposeront lors de l’examen du texte qui débute le 18 novembre. Ils souhaitent notamment modifier le dispositif de réductions des allègements de cotisations sociales prévu par le gouvernement.
Top départ pour le PLFSS 2025 au Sénat ! Hier matin, la commission des affaires sociales a examiné le texte. Dans la foulée, les rapporteurs du texte au Sénat ont présenté à la presse les amendements qu’ils souhaitent faire adopter en séance publique. L’examen débute le 18 novembre.
Le président de la commission, Philippe Mouiller, sénateur Les Républicains des Deux-Sèvres, a introduit ses propos en constatant que le texte qui leur est soumis par le gouvernement après l’échec des discussions à l’Assemblée nationale, est “très resserré sur des aspects financiers (…) ce qui restreint notre champ d’avancées sur un certain nombre de sujets qui resteront en suspens”. Les sénateurs s’engagent toutefois à respecter “la contrainte de 16Md€” [le montant du déficit de la sécurité sociale à atteindre]. Les sénateurs l’assument, “il faut que tous les acteurs participent à l’effort général” qu’il s’agisse des retraités, des entreprises, des salariés, des complémentaires santé etc.
Et s’agissant des entreprises, elles vont être mises à contribution via les allègements de cotisations sociales comme l’a prévu le gouvernement.
Revoir le dispositif des allègements de cotisations pour préserver les emplois
Elisabeth Doineau, sénatrice Union centriste de Mayenne et rapporteure générale chargée des recettes et des équilibres généraux, constate que “les allégements généraux [de cotisations sociales] se sont envolés de manière exponentielle ces trois dernières années”. Elle estime indispensable de “casser cette dynamique”.
Si les rapporteurs sont en accord avec les grandes lignes du projet de loi originel, ils souhaitent toutefois revoir le dispositif proposé par le gouvernement afin de baisser les allègements tout en limitant l’impact sur l’emploi. Les sénateurs s’inquiètent des effets d’une baisse des allègements autour du Smic pour certaines entreprises comme celles de la propreté, du gardiennage, de l’accompagnement à domicile. Et veulent éviter qu’elles soient pénalisées.
Pour 2025, les rapporteurs au Sénat s’opposent à la baisse de 2 points jusqu’à 1,3 Smic. Ils suggèrent plutôt d’étendre la fourchette des bandeaux famille et maladie. Le gouvernement a prévu que la réduction du taux de cotisations patronales maladie viserait les salariés dont la rémunération ne dépasse pas 2,2 Smic (contre 2,5 actuellement) et la réduction du taux de cotisations patronales allocations familiales ceux dont la rémunération ne dépasse pas 3,2 Smic (contre 3,5 actuellement). La commission souhaite encore abaisser ces seuils à 2,1 Smic et 3,1 Smic (lire l’amendement).
S’agissant du dispositif prévu pour 2026, les rapporteurs souhaitent (lire l’amendement) également supprimer la réduction des allègements au niveau du Smic et ramener la fin du bandeau maladie à 2,05 Smic contre 3 Smic prévu actuellement par le gouvernement.
Les rapporteurs se déclarent par ailleurs d’accord pour que la prime de partage de la valeur (PPV) soit prise en compte dans l’assiette de calcul de la réduction générale de cotisations sociales.
Enfin, les rapporteurs se prononcent en faveur du gel des paramètres du dispositif Loedom (lire l’amendement), comme le souhaitaient les députés.
Mise en place d’un comité de suivi
Par ailleurs, il est proposé de mettre en place un comité de suivi (lire l’amendement) chargé d’évaluer la réforme du barème des allégements généraux proposée par le PLFSS pour 2025. Le comité serait ainsi présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre et composé de deux députés et de deux sénateurs de chaque sexe désignés par le président de l’Assemblée concernée et, à parts égales, de représentants des partenaires sociaux et des administrations compétentes.
La rédaction retenue s’inspire du comité mise en place pour l’évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Mais contrairement à ce qui était prévu dans le cas du CICE, il est ici proposé qu’un rapport soit publié seulement lors du dépôt des cinq prochains PLFSS. Par ailleurs, il n’est pas proposé de comités de suivi régionaux.
Les dispositions sur les AT-MP modifiées à la marge
Marie-Pierre Richer, sénatrice Les Républicains du Cher et rapporteure pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) a présenté la partie relative aux AT-MP. Elle se félicite que le texte contienne un article 24 “qui est le contre-pied de l’article 39 [du PLFSS de l’an dernier] et qui confère le caractère dual de la rente voulue par tous les partenaires [sociaux] et souhaité dans le rapport de la Mecss“.
Certaines modifications sont toutefois proposées. Ainsi, par exemple, la rapporteure de la branche AT-MP suggère “conformément à la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans un courrier adressé à la ministre du travail et de l’emploi le 18 octobre 2024 (…) d’aligner les modalités de calcul de la part fonctionnelle de l’indemnité en capital sur celle prévue pour la part fonctionnelle de la rente” ce qui “permettra notamment à la part fonctionnelle de l’indemnité en capital d’être indexée sur un barème inspiré du référentiel Mornet, couramment utilisé en droit de la réparation corporelle. Le montant versé pourra ainsi dépendre, entre autres, de l’âge de l’assuré”.
Si la sénatrice acte le fait que la branche AT-MP contribue encore de manière conséquente au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), elle “regrette qu’il n’y ait pas plus d’investissement de la part de l’Etat dans le Fiva”.
Et les retraites ? |
La commission des affaires sociales du Sénat propose la revalorisation de l’ensemble des pensions de retraite à hauteur de la moitié de l’inflation au 1er janvier 2025 et une revalorisation totale sur l’inflation des pensions de retraites dont le montant est inférieur au Smic au 1er juillet, de manière pérenne. Le manque à gagner entre les mois de janvier et de juillet sera compensé par un versement unique qui interviendra en juillet. |
Florence Mehrez
Les partenaires sociaux concluent trois accords sur les mandats de CSE, l’assurance chômage et les seniors
15/11/2024
Ce fut une belle démonstration de paritarisme et la surprise de la nuit dernière : les partenaires sociaux ont conclu un projet d’accord supprimant la limitation à trois mandats des élus de CSE en marge de la négociation relative aux seniors. Après de multiples suspensions de séance, ils sont aussi sortis avec deux projets d’accord en main sur l’assurance chômage et les seniors. Les textes seront soumis à la signature des instances confédérales la semaine prochaine. Pour les élus de CSE, c’est une mesure emblématique des ordonnances Macron qui vient de tomber.
La séance s’est terminée vers 22H30. Après une réunion consacrée à l’assurance chômage, la négociation relative aux seniors a abouti à deux textes : l’un sur l’emploi des seniors et l’autre, très court, sur un sujet qui avait déjà émergé lors de la négociation Pacte de la vie au travail : la limitation à trois mandats successifs des élus de CSE (lire l’encadré en fin d’article). L’équilibre est également venu des dispositions issues de l’accord relatif aux seniors et sur lequel nous reviendrons dans une prochaine édition (notamment sur le CDI seniors et les retraites progressives). Le projet d’avenant assurance chômage contient comme prévu un report des bornes d’âge des filières seniors et des dispositions relatives aux allocations des travailleurs frontaliers.
2 ans de plus dans les filières seniors
La demande des organisations syndicales d’ajouter une référence à la mise en œuvre de la réforme des retraites (et donc au retrait de ces mesures si elle devait être abrogée) a été entendue. De ce fait, elles veulent présenter le dispositif comme réversible : si la réforme des retraites venait à être abrogée, les mesures de l’avenant qui en découlent le seraient aussi.
On retrouve en premier lieu le décalage des bornes d’âge des filières seniors dans les mêmes termes que le projet d’avenant précédent mais avec un double calcul selon que l’on applique ou non le coefficient de 0,75 à la durée d’indemnisation. Pour mémoire, ce coefficient en vigueur depuis février 2023 permet de moduler la durée d’indemnisation selon la conjoncture économique. Le gouvernement avait imposé le principe de contracyclicité dégradant les conditions d’indemnisation des chômeurs en cas de conjoncture économique favorable. À cette époque, les chiffres du chômage avaient tendance à baisser. Les organisations syndicales faisaient valoir que la contracyclicité devait, dans l‘autre sens, améliorer les conditions en cas de conjoncture dégradée. Cet ajout du coefficient de 0,75 dans le texte de l’avenant est destiné à montrer que la dégradation des droits est due à l’application de la contracyclicité et non à la négociation des partenaires sociaux.
L’âge légal de départ en retraite étant décalé de deux ans (de 62 à 64 ans) par la réforme Macron, les bornes d’âge évolueraient de la manière suivante :
- 22,5 mois d’indemnisation (au lieu de 30 hors contracyclicité) pour les allocataires de 55 et 56 ans à la date de fin du contrat de travail au lieu de 53 et 54 ans ;
- 27 mois d’indemnisation (au lieu de 36 hors contracyclicité) pour les allocataires de 57 ans et plus à la date de fin du contrat de travail au lieu de 55 ans et plus ;
- 36 mois de période de recherche d’affiliation pour les allocataires de 55 ans et plus à la date de fin du contrat de travail au lieu de 53 ans et plus.
Les bornes d’âge des filières seniors suivent donc le décalage de deux ans de l’âge légal de départ en retraite.
De plus, dans les mêmes termes que le projet d’avenant de la semaine dernière, le dispositif de maintien de l’allocation chômage à compter de l’âge légal de départ jusqu’à obtention de la retraite à taux plein sans décote est lui aussi décalé à 64 ans.
On retrouve également le décalage de deux ans (55 ans au lieu de 53 ans) sur le bénéfice de la durée d’indemnisation plus longue (jusqu’à 137 jours supplémentaires) en cas de formation des allocataires validée par France Travail ou financée par le Compte personnel de formation. Les négociateurs ont juste ajouté le calcul de la durée d’indemnisation portée à 182 jours après application du coefficient de modulation de 0,75.
Un maintien de la contribution patronale de 0,05 %
Dans le projet d’accord de novembre 2023, les partenaires sociaux prévoyaient de supprimer la contribution patronale temporaire de 0,05 %. Cette contribution issue du protocole d’accord du 28 mars 2017 ne devait en effet s’appliquer que pendant 36 mois. La suppression avait été actée en novembre 2023 pour s’appliquer au 1er janvier 2024. Le projet d’accord n’ayant pas été agréé par le gouvernement (et la négociation sur le Pacte de la vie au travail ayant échoué), les négociateurs avaient initialement prévu de reporter cette suppression au 1er janvier 2025. Un nouveau report est désormais acté au 1er mai 2025. Selon la Denis Gravouil (CGT), ce décalage de quatre mois préserve 94 millions d’euros dans les finances de l’Unédic.
Un groupe de travail sur le bonus-malus
Dès le protocole d’accord de novembre 2023, les partenaires sociaux avaient convenu de mettre en place un groupe de travail technique chargé d’élaborer les modalités de mise en œuvre du bonus-malus. Pour mémoire, ce dispositif pénalise les entreprises embauchant trop de salariés en contrats courts par un malus de cotisation d’assurance chômage.
Le projet négocié reprend cette idée et prévoit que les travaux du groupe de travail donneront lieu à un avenant technique à la convention d’assurance chômage au plus tard au 31 mars 2025. Les partenaires sociaux demandent également au gouvernement “de procéder le cas échéant aux modifications législatives et réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de l’avenant technique”. Ils reprennent également la même mention qu’en 2023 : “En tout état de cause, la mise en place de ces ajustements ne peut avoir pour effet de remettre en cause la neutralité financière du dispositif”.
Frontaliers : un coefficient sur les salaires étrangers
Les négociateurs appellent les pouvoirs publics “à prendre toutes les actions nécessaires pour qu’une révision du règlement CE n°883/2004 et des accords bilatéraux existants intervienne le plus rapidement possible”. En effet, le régime actuel crée un déficit de 803 millions d’euros par an pour les finances de l’Unédic. Les frontaliers français qui travaillent en Suisse, au Luxembourg ou encore en Belgique perçoivent des salaires plus élevés qu’en France mais aussi des allocations chômage françaises calculées sur la base de ces salaires. De ce fait, leurs allocations sont plus élevées que celles des travailleurs français. La réglementation actuelle prévoit des mécanismes de compensation jugés insuffisants.
Afin d’agir avant que l’Etat ne renégocie les accords européens et bilatéraux, les partenaires sociaux conviennent d’appliquer un coefficient aux salaires perçus à l’étranger. Ce coefficient est calculé sur la base des salaires moyens par pays, auquel est appliqué un coefficient correcteur de 1,1 “afin de limiter les variations trop fortes du niveau de l’allocation par rapport à ce que le bénéficiaire aurait perçu sans l’application de cette mesure”. Le texte retient la proposition de FO de limiter le manque à gagner par l’introduction d’un plancher : “L’application de ces coefficients ne peut conduire au versement d’une allocation inférieure à l’allocation minimale”.
À noter que le coefficient sera réévalué tous les ans “en fonction des statistiques disponibles”.
Selon les derniers chiffrages de l’Unédic remis aux négociateurs jeudi 14 novembre, le montant moyen de l’allocation journalière des Français travaillant en Suisse serait réduit de 88 à 44 euros. Avec à la clé, une économie de 440 millions d’euros en régime de croisière.
Si le projet d’avenant finit par être signé et agréé, les négociateurs ont prévu un renforcement du contrôle des travailleurs frontaliers. Une révision réglementaire de la définition de l’offre raisonnable d’emploi tiendra compte du niveau de salaire pratiqué en France et non dans le pays limitrophe.
Un plan d’action de France Travail se traduira ainsi :
- un temps de diagnostic personnalisé avec actualisation du projet d’accès à l’emploi ou du contrat d’engagement (à compter du 1er janvier 2025) et tenant compte de la révision de l’offre raisonnable d’emploi ;
- un accompagnement ou un suivi personnalisé ou renforcé en fonction des besoins du demandeurs d’emploi ;
- des moyens plus efficaces pour repérer les reprises d’emploi non déclarées, notamment dans un pays frontalier.
En un mot, il est question de pousser davantage les Français frontaliers a retrouver un emploi et de limiter les cas de fraude ou de déclaration tardive du retour sur le marché du travail afin de percevoir plus longtemps les allocations chômage. Pendant la négociation, la CFDT avait montré sa vigilance sur le dévoiement de l’accompagnement en contrôle. Le contrôle de la recherche d’emploi des frontaliers serait orchestré par le conseil d’administration de France Travail.
Qu’en pensent les organisations syndicales ?
À la sortie des négociations vers 22h30, Yvan Ricordeau s’est félicité de l’atteinte des trois objectifs de la CFDT : “Démontrer que les partenaires sociaux sont les plus à même de définir les règles relatives à l’emploi et au chômage, marquer leur capacité à construire des droits pour les salariés et faire aboutir ce cycle de négociation pour montrer que c’est la meilleure manière d’aborder les enjeux économiques et sociaux dans une période où le pays est en crise”. Pour Olivier Guivarch (CFDT également), “la négociation a conduit à une forme d’équilibre d’une part sur le maintien de la cotisation patronale jusqu’en mai 2025 et d’autre part sur la limitation des effets de bord pour les frontaliers qui travaillent à l’étranger”.
Pour la CGT, ce projet d’avenant contient trop de baisses de droits pour être signé. Selon Denis Gravouil, “il y a six fois plus de baisses de droit que de hausses, avec 4,8 milliards de moins sur quatre ans”. La CGT ne portera donc pas la signature de ce texte auprès de ses instances. Elle est beaucoup plus favorable à l’accord portant sur la fin de la limitation à trois mandats des élus de CSE (lire en encadré ci-dessous).
Force Ouvrière “se prononcera globalement selon l’équilibre des trois accords”, a indiqué Patricia Drevon. L’attachement de FO à l’assurance chômage semble de bonne augure mais le bureau confédéral se prononcera lundi 18 novembre. “On savait que les frontaliers seraient impactés mais on a limité les dégâts”, a-t-elle ajouté.
La CFE-CGC de Jean-François Foucard n’a pas caché son opposition de principe puisque le texte ne revient pas sur la dégressivité des allocations chômage, sujet qui l’avait déjà hérissée en novembre 2023 et justifié son absence de signature.
Frédéric Belouze (CFTC) s’est félicité “d’être arrivés au bout, c’était pas gagné. Sur les bornes seniors, on aurait préféré un décalage progressif mais nous n’avons pas eu gain de cause car cela déséquilibrait les gains financiers établis en novembre 2023. Sur les frontaliers, la voie de passage s’est tracée sur le côté temporaire du coefficient réducteur”.
Côté patronal, Hubert Mongon s’est satisfait de l’issue des négociations en ces termes : “La séquence est extrêmement importante dans la période actuelle de dégradation des finances publiques et la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises. Nous avons réussi, nous, partenaires sociaux, au terme d’une négociation flash d’aboutir ce soir en rassemblant une grande majorité d’avis favorables”. Le maintien de la cotisation patronale jusqu’en mai relève selon lui de “notre esprit de responsabilité et d’une mesure de cohérence avec les économies demandées par la ministre du travail”.
Un nouvel accord supprime la limitation à trois mandats des élus de CSE |
C’est l’accord surprise de ces négociations. Particulièrement poussé par Force Ouvrière au fil des semaines mais aussi revendiqué par toutes les organisations syndicales, la suppression de la limitation à trois mandats successifs d’élu de CSE a été actée dans un accord national interprofessionnel (ANI) désormais soumis à signature aux instances. Le premier alinéa de l’article 2 indique en effet : “Les organisations syndicales demandent la suppression dans le code du travail de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique”. Il s’agit pour mémoire de l’article L.2314-33 du code du travail. Il a d’abord été question en fin d’après-midi de n’inscrire cette mesure que dans une position commune. Les syndicats ont alors fait valoir que selon l’ANI relatif au paritarisme du 14 avril 2022 (article 2), cette forme serait sans portée normative. FO a finalement demandé que la mesure figure dans un véritable ANI (en pièce jointe). En conséquence, il devra recevoir une transposition par la loi comme l’exige l’article L1 du code du travail. Le texte lance également un thème qui figure de longue date dans l’agenda social autonome des partenaires sociaux : l’ouverture en 2025 d’une nouvelle négociation relative à la valorisation des parcours syndicaux. Selon Olivier Guivarch (CFDT), “il s’agit de préserver l’expérience et les compétences des représentants du personnel en entreprise. La CFDT proposera un avis favorable sur ce texte”. Les instances se réuniront la semaine prochaine. À la CGT, Denis Gravouil considère que l’ANI CSE “est le moins pire des trois textes”. Pour Sandrine Mourey, “l’ouverture de la négociation sur les parcours syndicaux est aussi un bon signal, ce sera un moyen de mettre le pied dans la porte contre tout ce que nous dénonçons dans les ordonnances Macron”. Pour Force Ouvrière, Patricia Drevon a souligné que “cet accord n’existe que parce que FO l’a demandé et porté. On n’a pas eu gain de cause pour inclure les CSE dans l’accord seniors mais on nous avait proposé une position commune. On a rapidement dit que cela ne pourrait pas se faire avec nous. On a obtenu un accord, nos amendements ont été pris en compte, on a obtenu qu’enfin on reconnaisse la fin de cette limite qu’on réclame depuis longtemps”. Pour la CFE-CGC, Jean-François Foucard a indiqué qu’il porterait un avis favorable sur cet accord sans apporter plus de détails. Pour Frédéric Belouze (CFTC), la signature de cet ANI sur les CSE relève de l’évidence : “On est raccord avec une position inter-confédérale, on ne peut que se prononcer pour ce texte”. Pour Hubert Mongon (Medef), “cet accord est extrêmement important, le dialogue social dans ce pays a une place fondamentale. Nous faisons ce que nous disons, c’est très important dans la séquence politique actuelle. Quand on nous fait confiance, on prend nos responsabilités. Nous voulions officialiser notre intention exprimée dans l’agenda social autonome de travailler sur les parcours des représentants du personnel”. Il a cependant fermé la porte à toute nouvelle évolution des ordonnances Macron. Seule la CPME s’est dite totalement opposée à ce texte. |
Marie-Aude Grimont