Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la réforme des retraites et rejette le RIP
17/04/2023
La loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 portant réforme des retraites a été publiée samedi 15 avril. La veille, le Conseil constitutionnel avait validé l’essentiel de la réforme, tout en censurant six cavaliers sociaux (dont l’index et le contrat seniors). Les Sages ont également rejeté la première demande d’un référendum d’initiative partagée (RIP).
C’est sous haute surveillance policière que le Conseil constitutionnel a rendu dans la soirée du vendredi 14 avril ses deux décisions sur la réforme des retraites. Les Sages ont planché de 9 heures à 16 heures pour finaliser les décisions. Sans trop de surprise, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la réforme des retraites – dont le report de l’âge et l’accélération du calendrier Touraine – tout en censurant six cavaliers sociaux. Il a par ailleurs rejeté la demande d’un référendum d’initiative partagée sur le maintien de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Explications
La réforme des retraites pouvait être embarquée dans une loi de financement rectificative de la sécurité sociale
L’une des principales questions posées au Conseil constitutionnel – inédite par ailleurs – était celle de savoir si le gouvernement pouvait adopter une réforme des retraites via une LFRSS. Pour remettre les choses dans leur contexte, et car cela était invoqué par les requérants, la révision constitutionnelle de 1996 a institué les lois de financement de la sécurité sociale en modifiant l’article 34 de la Constitution et en créant un nouvel article 47-1. Des lois organiques ont par ailleurs été adoptées pour leur application. La question à laquelle devait répondre la Conseil constitutionnelle était celle de savoir si la LFRSS pour 2023 était bien conforme à ces dispositions constitutionnelles et aux lois organiques qui définissent le domaines des lois de financement de la sécurité sociale d’une part, et si le législateur pouvait le faire dans le cadre d’une loi rectificative d’autre part.
Oui, répondent les Sages. Les mesures du PLFRSS pour 2023 entrent bien, pour la plupart d’entre elles, dans le champ des articles du code de la sécurité sociale, notamment l’article LO 111-3-10 du code de la sécurité sociale. En outre, il ne résulte pas des textes que le recours à un PLFRSS serait subordonné à l’urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à un déséquilibre majeur des comptes sociaux.
Enfin, si le Conseil constitutionnel admet qu’une telle réforme aurait pu passer par une loi ordinaire, il rappelle qu’il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur.
La procédure législative utilisée est “inhabituelle” mais constitutionnelle
Autre motif de contestation de la part des auteurs des saisines, la procédure législative utilisée et, notamment, la combinaison de plusieurs articles de la Constitution afin d’enserrer les débats législatifs dans des temps restreints. Le Conseil constitutionnel procède article par article et estime qu’aucune application de ces dispositions n’a méconnu les règles constitutionnelles, pas plus que celles issues des règlements des assemblées. “La circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi déférée, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi”. Le Conseil constitutionnel se borne à relever “le caractère inhabituel” de la combinaison de ces dispositions mais qui n’a pas pour effet de rendre la procédure législative à laquelle le gouvernement a eu recours contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel valide les mesures paramétriques de la réforme des retraites
Sur le fond, le Conseil constitutionnel valide les mesures essentielles de la réforme, à savoir le report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et l’accélération du calendrier Touraine. Certains parlementaires avaient pourtant déploré que ces mesures heurtaient un certain nombre de principe du Préambule de la Constitution de 1946. Ils estimaient que cette réforme portait atteinte à la politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités et la sécurité matérielle des vieux travailleurs, qu’elle augmentait la précarité des travailleurs seniors et qu’elle accroissait les inégalités entre les femmes et les hommes.
Des arguments rejetés par le Conseil constitutionnel qui constate que le législateur a tenu compte de l’allongement de l’espérance de vie, qu’il a maintenu ou étendu des possibilités de retraite anticipée au bénéfice de personnes ayant eu des carrières longues, de celles ayant un taux d’incapacité de travail fixée par voie réglementaire ou encore des travailleurs handicapés. Qu’il a en outre maintenu l’âge d’annulation de la décote à 67 ans pour les salariés du secteur privé et institué un âge d’annulation de la décote dans la fonction publique”. Et qu’enfin, les dispositions de l’article 10 n’ont ni pour objet ni pour effet de supprimer le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance de quatre trimestres attribués aux femmes assurées sociales au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité.
La censure de six cavaliers sociaux
Le Conseil constitutionnel, allant plus loin que ce qui était soulevé par les auteurs des saisines, censure six mesures s’apparentant à des cavaliers sociaux, à savoir des dispositions ne pouvant pas être rattachées à une loi de financement de la sécurité sociale.
Sans surprise, li censure l’Index seniors prévu à l’article 2, le CDI seniors prévu à l’article 3 et le suivi médical spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels prévu à l’article 17. Ces dispositions “n’ont, en 2023, pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement”, indiquent les Sages.
Le Conseil constitutionnel censure par ailleurs l’article 6 sur le recouvrement des cotisations dont l’abandon du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf, le 6° du paragraphe III de l’article 10 relatif aux conditions d’ouverture du droit au départ anticipée pour les fonctionnaires ayant accompli leurs services dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les 10 années précédant leur titularisation et l’article 27 sur l’information des assurés sociaux sur le système de retraite par répartition.
Le rejet du référendum d’initiative partagée
Dans sa seconde décision, le Conseil constitutionnel a vérifié si les conditions posées par l’article 11 de la Constitution, pour qu’un RIP puisse prospérer, étaient remplies.
La proposition de loi a bien été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel. Toutefois, le RIP a achoppé sur la condition selon laquelle le texte doit soumettre une “réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent”.
Or, tel n’est pas le cas, estiment les Sages. “A la date à laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi de cette proposition de loi, l’article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale prévoit que l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite (…) est fixée à 62 ans. Ainsi, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixée au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit. Dès lors elle ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale”.
Et maintenant
Quelles sont les prochaines étapes à venir ?
En dépit des demandes de l’intersyndicale (lire notre article dans cette même édition), le Président de la République a déjà promulgué la loi, qui est parue samedi 15 avril au Journal officiel, amputée donc des dispositions censurées par les Sages.
Le 3 mai prochain, le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur la deuxième proposition de loi sur un RIP déposée en urgence jeudi soir par des parlementaires, anticipant que la rédaction de la première était lacunaire. Ce deuxième sera également apprécié par rapport à l’état du droit avant la promulgation de la loi quand bien même celle-ci aurait déjà été promulguée. A noter que la décision rendue ce vendredi ne préjuge pas de celle qui sera rendue le 3 mai, les parlementaires ayant modifié leur texte et ajouté un article. Tout l’enjeu sera encore de décider ou non s’il s’agit d’une “réforme”.
Les socialistes ont par ailleurs annoncé qu’ils déposeront une proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites visant à supprimer le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et l’accélération de la hausse de la durée de cotisation.
Enfin, on peut s’attendre au dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans les mois à venir, notamment à l’occasion de contentieux sur les décrets d’application, sur les dispositions de la loi qui n’auront ni été censurées ni jugées conformes par le Conseil constitutionnel.
Florence Mehrez
Retraites : le Conseil d’Etat avait prévenu le gouvernement du risque de cavaliers sociaux
17/04/2023
Le député socialiste Jérôme Guedj a rendu public sur le réseau social twitter (voir ci-dessous) l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi réformant les retraites, avis non publié jusqu’alors. A sa lecture, on constate que le Conseil d’Etat avait clairement mis en garde le gouvernement sur le risque de censure pesant sur certaines dispositions comme l’obligation pour les entreprises de plus de 300 salariés de publier des indicateurs sur l’emploi des seniors (index seniors) :
“Le Conseil d’Etat estime que l’obligation de publication d’indicateurs instaurée par cette disposition n’est susceptible d’avoir, sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base, qu’un effet trop indirect pour que la présence, à titre accessoire, d’un dispositif de sanction pécuniaire dont le produit est affecté à un de ces régimes, soit de de nature à rattacher la mesure au domaine défini par les dispositions de l’article LO. 111-3-12 du code de la sécurité sociale”.
Le Conseil d’Etat en jugeait de même pour l’article concernant le recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco (abandon du projet de confier le recouvrement à l’Urssaf) et pour l’article prévoyant un suivi médical spécifique, par la médecine du travail, pour les salariés entre 60 et 61 ans afin de prévenir l’usure professionnelle :
“Le Conseil d’Etat relève que l’effet de cette visite médicale, sur les recettes ou les dépenses obligatoires des régimes de base, apparaît hypothétique en 2023”.
Le Conseil d’Etat préconisait donc le retrait de ces dispositions du projet de loi, mais le gouvernement n’a pas suivi cet avis, sans doute pour garder le bénéfice de présenter dans le projet ces mesures comme des contreparties sociales. Aux yeux des détracteurs du projet, cet avis du Conseil d’Etat démontre le caractère inadapté d’un projet de loi de finances rectificative pour conduire une réforme d’ampleur sur les retraites.
Le Conseil constitutionnel ayant censuré ces dispositions, le gouvernement devra, s’il souhaite toujours les faire appliquer simultanément à sa réforme des retraites, les réintroduire dans un projet de loi, qu’il s’agisse du futur projet, prévu cet été, pour le plein emploi ou d’un autre projet présenté plus rapidement.


Source : actuel CSE
[Infographie] En 8 points, l’essentiel de la loi sur les retraites
18/04/2023
Nous vous proposons de découvrir dans notre infographie l’essentiel des dispositions sur les retraites contenues dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale publiée samedi 15 avril au Journal Officiel. Nous reviendrons en détail sur ces dispositions dans plusieurs articles de nos prochaines éditions.
RAPPEL : UN OBJECTIF D’ECONOMIES
1
Le 1er objectif du gouvernement est l’équilibre des comptes des régimes au regard des prévisions démographiques. L’exécutif estime que son projet entraînera un retour à l’équilibre dès 2030, grâce à des économies de 10,3 Md€ en 2027 et 17,7 Md€ en 2030, et grâce à un taux d’emploi des 60-64 ans progressant de 2 points dès 2025 et 6 points dès 2030. Des chiffres très contestés par les experts lors du débat parlementaire.
2
LES SOLUTIONS RETENUES
Pour diminuer les dépenses et accroître les recettes, le gouvernement :
reporte de 62 à 64 ans l’âge de départ légal à la retraite, à raison de 3 mois par année de naissance à partir de septembre 2023 jusqu’en 2030 (les assurés nés en 1968 seront les 1ers à attendre l’âge de 64 ans pour pouvoir partir)
accélère l’application de la réforme Touraine : ce n’est plus en 2035 qu’il faudra avoir cotisé 43 ans pour toucher une retraite à taux plein mais dès 2027. C’est donc davantage de trimestres à justifier pour un départ à taux plein dès la génération 1961 (voir ci-dessous)
organisera par décret une mutualisation, entre les employeurs, des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps
puise dans les excédents de la branche ATMP pour financer un fonds de prévention de la pénibilité d’1 Md€ sur 5 ans
En 8 points, l’essentiel de la loi sur les retraites
La réforme des retraites, adoptée sous la forme d’une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (LFRSS), a été publiée au Journal officiel le samedi 15 avril 2023.
Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel du texte, à commencer par le report à 64 ans de l’âge légal de départ.
Mais l’index seniors (art. 2), le contrat de travail seniors (art. 3), le suivi médical à 60 ans (art. 17), l’entretien d’information aux assurés de 45 ans (art. 27) ont été censurés, tout comme l’abandon du transfert à l’Urssaf du recouvrement des cotisations des retraites complémentaires Agirc-Arrco (art. 6).
Synthèse des dispositions dont l’application est prévue le 1er septembre 2023.
Naissance en… | Âge légal de départ avant réforme | Âge légal de départ après réforme | Durée assurance avant réforme | Durée assurance après réforme | Nombre de trimestres en plus |
1958 à 1960 | 62 ans | 62 ans | 167 trimestres | 167 | 0 |
1er janvier au 30 août 1961 | 62 ans | 62 ans | 168 | 168 | 0 |
1er septembre au 31 décembre 1961 | 62 ans | 62 ans et 3 mois | 168 | 169 | + 1 |
1962 | 62 ans | 62 ans et 6 mois | 168 | 169 | + 1 |
1963 | 62 ans | 62 ans et 9 mois | 168 | 170 | + 2 |
1964 | 62 ans | 63 ans | 169 | 171 | + 2 |
1965 | 62 ans | 63 ans et 3 mois | 169 | 172 | + 3 |
1966 | 62 ans | 63 ans et 6 mois | 169 | 172 | + 3 |
1967 | 62 ans | 63 ans et 9 mois | 170 | 172 | + 2 |
1968 | 62 ans | 64 ans | 170 | 172 | + 2 |
1969 | 62 ans | 64 ans | 170 | 172 | + 2 |
1970 | 62 ans | 64 ans | 171 | 172 | + 1 |
1971 | 62 ans | 64 ans | 171 | 172 | + 1 |
1972 | 62 ans | 64 ans | 171 | 172 | + 1 |
1973 et après | 62 ans | 64 ans | 172 | 172 | 0 |
Pour les syndicats, le gouvernement dramatise la situation et néglige d’autres solutions : hausse des cotisations, meilleur taux d’emploi des seniors via une amélioration des conditions de travail et une réduction de la pénibilité.
A l’inverse, certains experts critiquent l’optimisme des hypothèses de long terme choisies par le gouvernement : taux de chômage de 4,5%, croissance de la productivité de 1% par an, etc.
NB : l’âge pour une pension sans décote est maintenu à 67 ans. Mais la décote, qui peut atteindre 25% aujourd’hui, sera limitée à 15% après la réforme.
NB : même si la loi a été promulguée, sa contestation se poursuit :
L’intersyndicale organise un 1er mai unitaire, précédé de certains mouvements sociaux (ex : grève unitaire le 20/4 à la SNCF)
Le Conseil constitutionnel doit rendre le 3 mai sa décision sur une nouvelle demande de référendum d’initiative partagée (RIP) visant à maintenir l’âge de départ à 62 ans
Les décrets nécessaires à l’application de cette loi seront contestés par les organisations syndicales et des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) devraient être déposées.
LES MESURES DE “JUSTICE SOCIALE” : petites retraites, congés parentaux, aidants familiaux
Parmi les mesures “sociales” figurent :
un minimum de pension revalorisé jusqu’à 100€/mois en sep. 2023 pour une carrière complète au Smic (ou augmentation proratisée si carrière incomplète). Soit, selon le gouvernement, un minimum de 1 200€ brut/mois, un chiffrage contesté par des experts. La revalorisation concernera aussi les retraités actuels, l’objectif étant d’assurer 85% du Smic net
l’indexation sur le Smic du minimum de pension au moment du départ
Une majoration de 4 trimestres est attribuée aux mères pour chacun de leurs enfants, 4 autres trimestres par enfant étant attribués aux parents au titre de l’éducation et l’adoption. Sur ces 4 autres trimestres, garantie est donnée aux mères d’en bénéficier d’au moins 2
Une surcote pour les parents dès 63 ans : les assurés ayant au moins 1 trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants et qui atteindront la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal, c’est-à-dire à 63 ans quand cet âge sera de 64 ans, auront droit à une surcote de 1,25 % par trimestre supplémentaire accompli pendant cette période d’un an. Autrement dit, ils pourront bénéficier d’une surcote atteignant au maximum 5 %d’un montant maximum de 5%.
Création d’une pension d’orphelin dans le régime général de base
Mise en place d’une assurance vieillesse des aidants permettant la validation de trimestres pour les aidants familiaux contraints de réduire ou d’interrompre leur activité pour s’occuper d’un proche (même sans lien familial ou de cohabitation)
la validation de trimestres pour les personnes ayant effectué des stages de formation prof. dont les “TUC”, ou travaux d’utilité collective (décret à venir).
3
4
LES ADAPTATIONS SUR LES DEPARTS ANTICIPES ET LES CARRIERES LONGUES
Les conditions de départ anticipé seront définies par décret. Voici les intentions affichées par le gouvernement lors
du débat parlementaire :
1/ Un nouveau dispositif « carrières très longues » (“RACL”, voir tableau ci-dessous). Il comprendra 4 bornes d’âge pour un départ avant 64 ans :
58 ans, à condition d’avoir cotisé 172 trimestres pour les assurés nés en 1968, dont 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 16 ans
60 ans, à condition d’avoir cotisé 172 trimestres pour les assurés nés en 1968, dont 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 18 ans
62 ans, à condition d’avoir cotisé 172 trimestres pour les assurés nés en 1968, dont 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 20 ans
63 ans, à condition d’avoir cotisé 172 trimestres pour les assurés nés en 1968, dont 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 21 ans
2/ Pour les travailleurs handicapés (RATH) :
un taux d’incapacité de 50% (au lieu de 80%) permettra de saisir la commission ad hoc au moment du départ à la retraite
la condition de trimestres validés sera supprimée pour ne garder que celle se rapportant aux trimestres cotisés.
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LES MESURES SUR LA PENIBILITE ET “L’USURE PROFESSIONNELLE”
LA RETRAITE PROGRESSIVE ET LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE
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Au sujet du compte personnel de prévention (C2P), le projet ne rétablit pas les critères de pénibilité supprimés par Edouard Philippe. Mais l’exposé des motifs du texte indique que certaines mesures seront prises par décret pour modifier certains indicateurs comme :
le travail de nuit : (100 nuits/an au lieu de 120 pour acquérir des droits)
le travail de nuit en équipes successives alternantes (30 nuits/an au lieu de 50)
Les salariés exposés à plusieurs risques acquerront plus vite des points, et sans la limite actuelle (le plafond de 100 points actuellement est supprimé).
Concernant la reconversion :
1 point au C2P ouvrira un droit d’abondement de 500 € de financement de formation, contre 375 € aujourd’hui
60 points sur le C2P permettront de financer une formation longue et qualifiante de 30 000 €.
Sur la pénibilité sont aussi prévues :
la création d’un “fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle”, doté d‘un milliard d’euros sur 5 ans (2023-2027) Ce fonds financera des actions de sensibilisation, de prévention, de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle.
le départ pour incapacité permanente 2 ans avant l’âge légal à taux plein pour la victime d’un AT-MP ayant entrainé une incapacité permanente d’un taux d’au moins 10% en lien avec une exposition aux facteurs de pénibilité (durée d’exposition réduite de 17 ans à 5 ans)
NB : le projet prévoyait un suivi médical spécifique des salariés exercé un métier à risque : diagnostic approfondi à l’âge de 45 ans avec la possibilité de mesures d’aménagement ou d’orientation, et une nouvelle visite médicale à 60 ans. Ces points (art. 17, III-7° A et C) ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Attention, la visite de mi-carrière demeure : elle est prévue par l’art. L.4624-2-2 du code du travail.
Pour redresser le taux d’emplois des seniors en France (seulement 33% des 60-64 ans sont en activité) et pour “replacer la question des âges au coeur du dialogue social”,
le gouvernement et les parlementaires avaient placé dans le projet de loi :
un index seniors (art 2), sur le modèle de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
un contrat de travail seniors (art 3).
Ces deux dispositions ont disparu de la loi : elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu’elles n’avaient rien à faire dans un texte de financement de la sécurité sociale.
S’il veut faire appliquer ces mesures, le gouvernement devra les réintroduire dans un autre projet de loi. Emmanuel Macron a évoqué le 17 avril des discussions avec les partenaires sociaux en vue d’un “nouveau pacte sur le travail”. Pour l’instant, les syndicats refusent ces discussions.
Demeurent en revanche dans la loi deux autres mesures ciblant les seniors :
1/ le cumul emploi-retraite :
la personne cumulant sa retraite et un emploi verra sa retraite améliorée
du fait de ses cotisations (travailler ouvre droit à une “2e pension” qui bénéficie du taux plein sans décote ni surcote)
le montant de la nouvelle pension sera plafonné par décret.
2/ La retraite progressive :
elle sera facilitée à partir de 62 ans par décret. L’employeur devra justifier par écrit, dans les 2 mois, une réponse défavorable à une demande de passage en temps partiel. A défaut, l’accord de l’employeur sera réputé acquis
et ouverte à la fonction publique et à tous les travailleurs indépendants
3/ La perspective d’un compte épargne temps universel (CETU). Ce n’est pas dans le projet mais le gouvernement veut inciter les partenaires sociaux à négocier sa création.
LES MESURES SUR LES REGIMES SPECIAUX
7
Le gouvernement prévoit l’extinction des régimes spéciaux de retraite, les nouveaux embauchés dans ces secteurs ne bénéficiant plus de ces régimes à compter du 1er septembre 2023 (clause dite du “grand père”).
Sont concernés les régimes suivants :
la RATP (62 800 cotisants)
la branche des IEG (industries électriques et gazières) dont fait partie EDF (135 000 cotisants)
les clercs et employés de notaires (62 900 cotisants)
la banque de France (8 400 cotisants)
les membres du CESE (conseil économique, social et environnemental) (175 cotisants).
Un décret précisera comment ces personnels passeront au régime général, le début des nouvelles règles de départ étant prévu pour 2025. Ils devraient être affiliés à l’Agirc-Arrco, sauf le CESE qui sera affilié à l’Ircantec.
Ne sont pas concernés par ces mesures :
les régimes des professions libérales
les avocats
les marins
l’Opéra de Paris
Une infographie du 17/4/23 de Bernard Domergue
Sources : loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, décision du Conseil constitutionnel du 14 avril 2023 , exposé des motifs et étude d’impact,
articles de la rédaction sociale Lefebvre Dalloz
Âge de départ possible pour retraite à taux plein avant et après la réforme pour les départs anticipés
Source : articles 11 et 17 de la LFRSS pour 2023
NB : la loi assouplit les possibilités de rachat de trimestres selon des conditions qui seront fixées par décret (pour les études supérieures, les sportifs de haut niveau et les stages)

LE REGIME SOCIAL DES INDEMNITES DE RUPTURE CONVENTIONNELLE
8
Pour réduire le pic de ruptures conventionnelles observé 2 à 3 ans avant l’âge de départ à la retraite, la loi prévoit pour les indemnités de rupture conventionnelle :
que leur régime social ne variera plus selon que le salarié est en droit ou non de bénéficier d’une pension de retraite de base : l’exonération s’appliquera dans les 2 cas dans la limite des plafonds.
qu’elles seront soumises non plus à un forfait social mais à une contribution patronale de 30 % applicable sur la fraction exonérée de cotisations (soit + 10 points pour les ruptures conventionnelles de salariés n’ayant pas atteint l’âge légal de la retraite).
D’autre part, le taux de la contribution patronale sur l’indemnité de mise à la retraite
passera de 50% à 30%.
Bernard Domergue
[Réforme des retraites] Le point sur le report de l’âge légal et la durée de cotisation
19/04/2023
Dans sa décision du 14 avril, le Conseil constitutionnel a validé l’article 10 du projet de réforme des retraites. La loi a ensuite été publiée au Journal officiel. Le relèvement de l’âge légal de départ et l’accélération du calendrier Touraine entreront donc bien en vigueur en septembre 2023. Retour sur ces deux mesures.
Ce sont les deux points centraux de la réforme des retraites : un recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans et une augmentation de la durée de cotisation requise pour le taux plein plus rapide que prévue. Pour mémoire, l’âge légal de départ est l’âge minimum à partir duquel un assuré est en droit de partir en retraite, c’est-à-dire l’âge auquel il liquide ses droits. Il permet de partir avec une retraite de base, mais pas nécessairement une retraite à taux plein.
L’âge du taux plein (67 ans) permet de ne pas subir de décote sur le montant de sa pension, et donc de percevoir une retraite à taux plein même si l’on n’a pas le nombre d’annuités (ou de trimestres) requis. Partir après l’âge du taux plein permet au contraire de bénéficier d’une surcote. Ainsi, l’assuré a le choix entre détenir le nombre d’annuités minimales ou partir à 67 ans pour avoir une retraite à taux plein. Rappelons également que l’âge légal correspond rarement à l’âge réel de départ en retraite, et encore moins à l’âge auquel on quitte le marché du travail, à savoir l’âge auquel on cesse effectivement de travailler.
Relèvement progressif de l’âge de départ (art. 10, I, 2°)
Le report de l’âge légal de départ (hors cas de départs anticipés) sera applicable selon les mêmes modalités que celles présentées le 10 janvier dernier par Élisabeth Borne : l’âge d’ouverture du droit à une pension, actuellement fixé à 62 ans, augmentera progressivement dès le 1er septembre 2023 pour atteindre 64 ans en 2030 pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968. Pour ceux nés entre le 1er septembre 1961 et 1967, l’augmentation de l’âge légal sera progressive, à raison de 3 mois par génération (CSS, art. L. 161-17-2 modifié ; voir le tableau ci-dessous).
Exemple : l’âge légal de départ sera de 63 ans et 3 mois à la fin du quinquennat, en 2027, pour les assurés nés en 1965.
Accélération du calendrier Touraine : une durée de cotisation de 43 ans dès 2027 (art. 10, I, 3°)
Au report de l’âge légal de départ s’ajoute une accélération du calendrier prévu par la loi du 20 janvier 2014 (dite “loi Touraine”), c’est-à-dire une mise en œuvre plus rapide de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour percevoir une pension de retraite à taux plein. La cible de 43 annuités (172 trimestres) demeure inchangée mais sera atteinte dès 2027 au lieu de 2035, à raison d’un trimestre supplémentaire par an au lieu d’un trimestre tous les 3 ans (CSS, art. L. 161-17-3 modifié ; voir le tableau ci-dessous).
Année de naissance | Age légal après réforme (hors départs anticipés) | Durée d’assurance requise avant réforme (en trimestres) | Durée d’assurance requise après réforme (en trimestres) |
1960 | 62 | 167 | 167 |
01/01-31/08 1961 | 62 | 168 | 168 |
01/09-31/12/1961 | 62,3 | 168 | 169 |
1962 | 62,6 | 168 | 169 |
1963 | 62,9 | 168 | 170 |
1964 | 63 | 169 | 171 |
1965 | 63,3 | 169 | 172 |
1966 | 63,6 | 169 | 172 |
1967 | 63,9 | 170 | 172 |
1968 | 64 | 170 | 172 |
1969 | 64 | 170 | 172 |
1970 | 64 | 171 | 172 |
1971 | 64 | 171 | 172 |
1972 | 64 | 171 | 172 |
1973 et + | 64 | 172 | 172 |
Age de la décote maintenu à 67 ans (art. 10, I, 5°)
Malgré le report de l’âge légal de départ, l’âge d’annulation de la décote sera maintenu à 67 ans (CSS, art. L. 351-8, 1° modifié). Concrètement, même si elles n’ont pas atteint la durée de cotisation requise, les personnes partant à la retraite à 67 ans bénéficieront toujours automatiquement d’une pension à taux plein.
Quid des assurés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre ? (art. 10, XXVI)
Les assurés ayant demandé leur pension avant l’entrée en vigueur de ces mesures, à savoir le 1er septembre 2023, mais qui devaient percevoir leur pension après le 31 août 2023 pourront bénéficier, sur leur demande, d’une annulation de leur pension ou de leur demande de pension. Les conditions de cette annulation devront toutefois être fixées par décret.
Des paramètres justifiés par l’allongement de l’espérance de vie, selon le Conseil constitutionnel
Les auteurs des saisines du Conseil constitutionnel estimaient que l’article 10 de la LFRSS contenant ces mesures portait atteinte au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils invoquaient donc une atteinte à la politique de solidarité nationale en faveur des retraités et à la sécurité matérielle des “vieux travailleurs”, argumentant également que la réforme accroissait les inégalités entre les femmes et les hommes. Certains arguments de la saisine étaient également défendus par les syndicats, la CFDT faisait par exemple valoir que les entreprises et les salariés ayant préparé un départ en retraite voyaient leurs “attentes légitimes” remises en cause par le report de l’âge légal, certains employeurs devant même réintégrer des salariés ayant prévu de partir en retraite. Pour FO, le report de l’âge légal “n’aura pas réellement d’incidence sur l’équilibre des régimes financiers obligatoires”, privant ainsi de justification l’utilisation d’un PLFSSR.
Tel n’a pas été l’avis des Sages qui ont validé cet article le 14 avril, notamment en s’abritant derrière le législateur : “En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition et, ainsi, en garantir la pérennité. Il a notamment tenu compte de l’allongement de l’espérance de vie”. On peut regretter que le Conseil ne pousse pas plus avant son argumentation de fond sur ces éléments. Quoi qu’il en soit, le report de l’âge légal et le nouveau calendrier Touraine s’appliqueront donc aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023. Rappelons cependant que le 3 mai prochain, le Conseil devra se prononcer sur le second texte du référendum d’initiative partagée, et que les syndicats n’ont pas fait mystère de leur intention d’attaquer en justice les décrets d’application de la réforme.
Le cas des bénévoles fera l’objet d’un rapport
Lors des débats sur la réforme, il a été question du fait qu’une augmentation de l’âge légal de départ risquerait de faire chuter le nombre de bénévoles, le bénévolat étant souvent fait par de jeunes retraités. Pour évaluer ce phénomène, la LFRSS introduit une disposition selon laquelle, dans un délai d’un an à compter de la promulgation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les conséquences de l’article 10 sur l’engagement de la population au sein d’activités bénévoles, qui étudiera en particulier les moyens de valoriser cet engagement bénévole dans les modalités de calcul de la pension de retraite (art. 10, XXXI).
Marie-Aude Grimont, Elise Drutinus
[Réforme des retraites] Le point sur les mesures de parentalité
20/04/2023
Après l’âge légal et la durée de cotisation dans notre édition d’hier, nous faisons le point aujourd’hui sur les mesures de la loi autour de la parentalité. Certaines majorations pour éducation ou adoption d’un enfant ont en effet été remaniées.
Les femmes souvent victimes d’inégalités salariales au cours de leur vie professionnelles, en subissent aussi les effets dans le calcul de leur pension de retraite. C’est pourquoi les régimes de retraites prévoient des compensations à leur égard, notamment lors de la naissance d’un enfant. Ces dispositifs sont aménagés par la réforme 2023.
Au moins la moitié des majorations éducation et adoption est désormais garantie à la mère (articles 13 et 14)
En principe, toute femme se voit attribuer une majoration de durée d’assurance de 4 trimestres pour chacun des enfants. Cette majoration a pout but d’atténuer, en termes de retraite, les effets de la maternité sur la vie professionnelle. Ce dispositif est communément appelé “majoration maternité”. Deux autres systèmes bénéficient aux parents : la “majoration éducation” leur accorde 4 trimestres pour chaque enfant mineur pendant les 4 années suivant sa naissance. De même, la “majoration adoption” dispense 4 trimestres pour chaque enfant adopté pendant sa minorité. Jusqu’à présent, ces majorations pouvaient être attribuées, au choix du couple, soit intégralement à la mère, soit intégralement au père, soit réparties entre eux deux.
Désormais, avec la réforme de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFSSR) pour 2023, au moins la moitié des majorations pour l’éducation et l’adoption sont attribuées à la mère. Chaque mère bénéficie désormais d’au moins 2 trimestres de majoration pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption et, en cas d’adoption, d’au moins 2 trimestres pour chaque enfant adopté durant sa minorité (code de la sécurité sociale (CSS), art. L 351-4, II-al. 2 nouveau et III-al. 2 nouveau). Ainsi, hors adoption, la mère d’un enfant est assurée d’avoir au moins 6 trimestres : 4 au titre de la maternité et 2 au titre de l’éducation. Cette mesure est présentée comme une compensation aux inégalités que les mères subissent au cours de leur carrière.
Une meilleure prise en compte des indemnités journalières versées pendant le congé maternité (article 22)
Depuis 2010, les indemnités journalières (revenu de remplacement versé par l’assurance maladie) versées pendant le congé de maternité sont prises en compte au titre de la durée d’assurance requise et dans le salaire de base servant au calcul de la pension. Ce mécanisme était cependant réservé aux congés maternité commencés à compter du 1er janvier 2012. La réforme étend ce dispositif à tous les congés maternité ayant débuté avant le 1er janvier 2012. Ces dispositions sont applicables aux pensions liquidées à compter du 1er septembre 2023.
La majoration éducation totale est maintenue en cas de décès de l’enfant avant ses 4 ans (article 15)
Pendant les 4 années suivant la naissance ou l’adoption de l’enfant, le parent ne peut en principe pas bénéficier d’un nombre de trimestres supérieur au nombre d’années durant lesquelles il a résidé avec l’enfant. Jusqu’à présent, le décès de l’enfant avant la fin des 4 ans entraînait une réduction de la majoration éducation. Avec la réforme, afin de ne pas infliger de double peine aux parents endeuillés, ceux-ci bénéficient de l’intégralité de la majoration qui leur aurait été allouée si l’enfant n’était pas décédé. La réduction de la majoration éducation a donc été supprimée (CSS, art. L 351-4, VI-al. 2 nouveau).
Une privation de majoration en cas de crime ou de délit à l’encontre de l’enfant (articles 12 et 15)
Jusqu’à présent, la privation de la majoration éducation n’intervenait qu’en cas de retrait temporaire ou de privation définitive d’autorité parentale à l’égard d’un parent par une décision du juge pénal. Désormais, la loi ajoute un nouveau cas de suppression de la majoration éducation : lorsque le parent a été privé de l’exercice de l’autorité parentale ou s’est vu retirer l’autorité parentale à la suite d’une condamnation pour un crime ou un délit commis à l’encontre de son enfant (CSS, art. L 351-4, V-2° nouveau).
Si les trimestres de la majoration avaient été répartis entre les parents, ceux attribués au parent condamné et dont la pension n’a pas encore été liquidée sont attribués à l’autre parent s’il est exempt de condamnation à l’égard de l’enfant. Ces dispositions entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2023.
Enfin, le parent définitivement condamné pour meurtre sur l’enfant ouvrant droit à la majoration par une décision du juge pénal peut aussi être privé de la majoration éducation. Trois condamnations sont à cet égard visées :
meurtre sur un mineur de 15 ans ;
meurtre sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ;
meurtre sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe.
La date d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions n’est pas précisée dans la loi. Il s’agit donc en théorie du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
A noter qu’en cas de délit ou de crime contre un enfant et de privation ou retrait d’autorité parentale prononcé par le juge pénal, le parent est également privé de la bonification de pension de 10 % accordée aux parents ayant eu au moins 3 enfants. Ces dispositions s’appliquent aux privations et aux retraits de l’exercice de l’autorité parentale prenant effet à compter du 1er septembre 2023.
Un aménagement de la surcote pour les parents (article 11)
Toute personne qui a atteint l’âge légal (64 ans désormais) et qui réunit tous ses trimestres a droit à une surcote de 1,25 % dans le calcul de sa pension, et ce pour chaque trimestre travaillé supplémentaire. Avec la réforme est instaurée une dérogation pour les parents : ils bénéficient de la surcote dès l’année précédant l’âge légal, c’est-à-dire dès 63 ans au lieu de 64 ans.
Sont concernés les parents ayant validé au moins un trimestre de majoration pour enfant au titre :
de la maternité, de l’éducation ou de l’adoption (CSS, art. L 351-4) ;
du handicap ouvrant droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et à son complément ou, en lieu et place de ce dernier, à la prestation de compensation (CSS, art. L 351-4-1) ;
du congé parental d’éducation (CSS, art. L 351-5).
Ainsi, les parents peuvent bénéficier à ce titre d’une surcote atteignant au maximum 5 % (1,25 % x 4 trimestres). Cette mesure entrera en vigueur au 1er septembre 2023. Un décret en Conseil d’État devra déterminer les conditions dans lesquelles le mécanisme s’applique aux assurés affiliés à plusieurs régimes légaux.
Une pension d’orphelin est créée dans le régime général |
Alors que la situation des orphelins est prise en compte dans le régime de retraite complémentaire et dans la fonction publique, elle était jusqu’à présent ignorée du régime général. La réforme corrige cette lacune (article 18) en prévoyant au bénéfice des enfants dont les parents, affiliés au régime général, sont décédés, disparus ou absents l’attribution d’une pension d’orphelin (CSS, art. L. 358-1 et suivants). Un décret viendra fixer l’âge maximal jusqu’auquel l’orphelin percevra cette pension (probablement autour de 21 ans mais cela reste à confirmer). |
Marie-Aude Grimont
[Réforme des retraites] Carrières longues, incapacités, handicap : le point sur les départs anticipés
21/04/2023
Penchons-nous aujourd’hui sur les régimes de départs anticipés, parmi les plus débattus ces derniers mois. Au premier rang, le sujet des carrières longues a suscité bon nombre de controverses et revirements du gouvernement, ce dispositif permettant aux travailleurs concernés d’échapper à l’âge légal de départ à 64 ans. Explications.
Les travailleurs ayant commencé leur carrière tôt étaient dès l’annonce du projet les plus pénalisés par le report de l’âge légal à 64 ans : ils risquaient de voir l’horizon de la retraite s’éloigner malgré une durée longue de cotisation. La Première ministre Élisabeth Borne est d’ailleurs intervenue début février afin de modifier son projet et ainsi tenter d’adoucir le futur régime, non sans rappeler le coût occasionné par ces concessions. Voici le point sur ces différents dispositifs, dont les modifications ne sont pas révolutionnaires…
Quatre bornes d’âge de départ pour les carrières longues (article 11)
Le principe des dispositifs “carrières longues” consiste à prendre en compte les trimestres travaillés jeune dans le calcul de l’âge de la retraite à taux plein. Jusqu’à présent, ce système s’appliquait dans la limite de 4 ou 5 trimestres travaillés avant 16 ans. Ces assurés pouvaient alors percevoir une pension de retraite à taux plein à partir de 58 ans, sous réserve d’avoir acquis la durée d’assurance nécessaire majorée de 8 trimestres. De même, pour les travailleurs ayant validé 4 ou 5 trimestres avant 20 ans pouvaient partir en retraite à 60 ans s’ils justifiaient de la durée d’assurance requise pour obtenir une pension à taux plein.
A compter du 1er septembre 2023, quatre bornes d’âge sont instaurées :
58 ans pour un début d’activité avant 16 ans ;
60 ans pour un début d’activité avant 18 ans ;
62 ans pour un début d’activité avant 20 ans ;
63 ans pour un début d’activité avant 21 ans.
Un décret viendra préciser la durée d’assurance requise, qui sera probablement de 43 annuités (172 trimestres) selon les annonces du gouvernement. Autre nouveauté issue de la loi, les trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer ou de la nouvelle assurance vieillesse des aidants seront pris en compte dans le calcul de l’âge de départ pour carrière longue. Un décret viendra également préciser le dispositif et ses limites.
De moindres conditions pour le départ à 55 ans des travailleurs handicapés (article 11)
Les travailleurs en situation de handicap peuvent partir en retraite entre 55 et 61 ans à taux plein, à condition de subir une incapacité permanente d’au moins 50 % et de respecter les durées d’assurance requises (article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale, le CSS). La loi cristallise l’âge minimal de départ anticipé à 55 ans (l’âge minimum légal peut être abaissé jusqu’à 9 ans) et modifie les conditions de bénéfice de ce régime : il n’est plus nécessaire de justifier de trimestres validés, c’est-à-dire assimilés à des trimestres cotisés au titre des périodes de maladie/maternité/chômage. Seule demeure la condition du nombre de trimestres cotisés. Autre nouveauté : le taux d’incapacité nécessaire pour saisir la commission “ad hoc” permettant de valider rétroactivement au moment du départ à la retraite des trimestres en situation de handicap est abaissé de 80 % à 50 %.
L’inaptitude devient un nouveau cas de départ anticipé à 62 ans (article 11)
Un travailleur inapte n’est pas en mesure de poursuivre l’exercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et se trouve définitivement atteint d’une incapacité de travail médicalement constatée, compte tenu de ses aptitudes physiques et mentales à l’exercice d’une activité professionnelle (CSS, article L. 351-7). Avant la réforme, il pouvait par dérogation liquider sa pension à taux plein à 62 ans, quel que soit son nombre de trimestres cotisés, mais sans que cela soit reconnu comme un départ anticipé. C’est désormais chose faite avec la nouvelle loi, puisque l’âge légal de départ est reporté à 64 ans. Attention, un décret devra cependant confirmer cet âge, la loi se limitant à abaisser l’âge “d’au moins un an”, ce qui laisse la porte ouverte à 63 ou 62 ans. Cet âge concernera également les personnes invalides dont le régime est remplacé par celui des travailleurs inaptes.
Deux âges distinct selon le taux d’incapacité permanente (article 17)
Avant la réforme, les personnes atteintes d’une incapacité permanente d’au moins 20 % à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle peuvent partir à la retraite à 60 ans à taux plein (sous conditions). En cas de taux d’incapacité de 10 à 19 %, l’âge de départ anticipé est le même mais avec des conditions supplémentaires, comme une exposition à un ou plusieurs risques professionnels pendant au moins 17 ans (CSS, articles L. 351-1-4 et D. 351-1-10).
Avec la réforme, le premier cas reste inchangé. En revanche, en cas de taux d’incapacité de 10 à 19 %, la loi prévoit désormais que l’âge de départ est abaissé de deux ans par rapport à l’âge légal, soit 62 ans (CSS, art. L. 351-1-4). Attention, un décret doit confirmer les taux d’incapacité.
Enfin, la loi prévoit la délivrance d’une information sur l’existence de la retraite anticipée pour carrière pénible aux victimes titulaires d’une rente pour incapacité permanente, avant un âge à déterminer par décret (CSS, art. L. 434-2).
Marie-Aude Grimont, Elise Dutrinus