Ruptures conventionnelles : l’Unédic anticipe un changement des comportements

28/07/2025

Elles font partie du “pack” du budget Bayrou : les ruptures conventionnelles sont accusées de coûter trop cher à l’assurance chômage. Le gouvernement entend donc restreindre leur indemnisation. Une étude de l’Unédic en chiffre les conséquences et pointe “les effets de comportement” des allocataires.

Issue d’un accord national interprofessionnel, la rupture conventionnelle est créée par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail comme un nouveau mode amiable de rupture du contrat de travail, indépendant du licenciement et de la démission.

Après expiration d’un délai de rétractation, la convention de rupture est envoyée à l’autorité administrative. Une fois le document homologué, l’ancien salarié peut percevoir des indemnités chômage.

La rupture conventionnelle est désormais dans le viseur du gouvernement qui recherche des économies pour son budget 2026.

Une indemnisation plus longue et plus élevée que les autres ruptures

Selon le document de travail envoyé par le gouvernement aux partenaires sociaux, la durée moyenne de l’indemnisation chômage des salariés ayant signé une rupture conventionnelle est de 468 jours au lieu de 346 pour l’ensemble des autres motifs de rupture du contrat de travail.

Autre reproche, le montant moyen des allocations journalières pour les demandeurs d’emploi ayant signé une rupture conventionnelle s’élève à 52,3 euros contre 40,9 pour les autres.

Le gouvernement cite enfin la Direction statistique du ministère du travail (Dares) : “Dans 75 % des cas, la rupture conventionnelle se substitue à une démission”. Un chiffre cependant très ancien puisque ce document remonte à juin 2018 et qui portait sur l’évolution des ruptures de contrat de travail depuis 25 ans…

Quoi qu’il en soit, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet a confirmé la présence d’une réforme de l’indemnisation chômage des ruptures conventionnelles. Ce thème figurera donc dans la lettre de cadrage demandant aux partenaires sociaux de négocier le sujet. En attendant, l’Unédic, organisme paritaire de gestion de l’assurance chômage, a évalué les effets de différentes pistes envisagées dans un document daté du 30 juin 2025.

Plafonnement des allocations et déplafonnement du différé d’indemnisation

L’Unédic relève tout d’abord que les ruptures conventionnelles ont augmenté de 17 % en cinq ans, pour atteindre le nombre de 515 000 en 2024. Elles occasionnent une dépense d’allocation de 9,4 milliards d’euros, soit 26 % des dépenses totales. Toujours en 2024, elles ont conduit à l’ouverture de droits pour 385 000 personnes. En moyenne, elles sont âgées de 25 à 44 ans et souvent diplômées de l’enseignement supérieur.

Pour autant, dans l’objectif de faire des économies, plafonner les indemnités “poserait plusieurs difficultés” selon l’Unédic : cela pourrait interagir avec le plafonnement des allocations en cas d’activité non salariée perçues par des personnes qui créent une entreprise après leur rupture conventionnelle. Cette modification a été actée dans l’accord de novembre 2024 signé par les partenaires sociaux, avec pour objectif de limiter les effets d’aubaine.

Par ailleurs, les allocataires ayant perçu une indemnité supra-légale liée à leur rupture conventionnelle subissent un différé d’indemnisation. Cela signifie qu’ils ne perçoivent leur allocation chômage qu’après une sorte de délai de carence. Ce différé est calculé en appliquant un diviseur de 109,6 à ces indemnités supérieures à ce que prévoit la loi. Aujourd’hui, ce différé est plafonné à 150 jours et concerne 35 % des ouvertures de droit après une rupture conventionnelle, soit 13 000 personnes.

Le problème des “effets de comportement”

Selon l’Unédic, “des effets de comportement pourraient influer sur les économies réelles des mesures”. Tout d’abord, certains allocataires pourraient renoncer à signer leur rupture conventionnelle. D’autres pourraient négocier avec l’employeur un licenciement plutôt qu’un rupture. De fait, indique l’Unédic, ” ce premier effet comportement mènerait à une hausse des économies puisque l’allocataire ne serait plus du tout indemnisé, lorsque le second mènerait à une baisse des économies puisque l’allocataire ne serait plus concerné par la mesure”.

Un relèvement du plafond du différé aurait selon l’Unédic un effet financier très fort dès la 2e année, entre 30 et 200 millions d’euros. Cet effet bénéfique sur les finances se réduit ensuite, pour un effet annuel en régime de croisière de 15 à 60 millions d’euros.

Cependant, ces chiffrages ont été réalisés sans tenir compte des effets de comportement précités. L’Unédic poursuit : ” Or, on peut s’attendre à ce qu’une partie des allocataires, notamment dans le cas d’un nouveau plafond très élevé, ne signent plus de rupture conventionnelle ou ne soient plus indemnisés du tout après leur ouverture de droit. Ainsi, les effets de la mesure pourraient se révéler en réalité plus élevés en termes de moindres dépenses d’indemnisation”.

Le désendettement de l’Unédic entravé par les ponctions de l’État
Dans le document remis aux partenaires sociaux, le gouvernement fixe des objectifs financiers attendus des différentes réformes de l’assurance chômage (contracyclicité, ruptures conventionnelles, conditions d’affiliation, durée d’indemnisation etc.) : réaliser de 2 à 2,5 milliards d’euros d’économies sur 4 ans, soit entre 0,7 et 1,1 milliard dès 2026.

Le document précise : “L’ensemble de ces économies seront consacrées au désendettement du régime”. Une phrase piquante quand on sait que la direction paritaire de l’Unédic (Patricia Ferrand de la CFDT et Jean-Eudes Tesson du Medef) alerte régulièrement sur leurs difficultés à maintenir à flot leurs finances en raison des ponctions de l’État dans leurs caisses. En février 2025, ils ont pointé que depuis 2023, les prélèvements de l’État stoppent le désendettement du régime. Sur la période 2023-2026, les recettes seront ainsi réduites de 12,05 Md€, contraignant l’Unédic à recourir à l’emprunt sur les marchés financiers pour rembourser ses échéances.

Un problème récurrent qui entrave l’Unédic dans son rôle d’amortisseur économique et social, l’assurance chômage doit se désendetter en période de conjoncture plus favorable pour constituer des réserves et ainsi faire face aux périodes défavorables. La situation actuelle, empêchant le régime de rembourser sa dette, constitue un risque pour la pérennité du régime.

En juin dernier, nouveau “coup de gueule de l’Unédic” : du fait de la montée des taux d’intérêt, les emprunts conclus à faible taux se trouvent aujourd’hui plus onéreux. Par conséquent, les soldes des comptes pourraient être négatifs en 2025 (-0,3 Md€) et en 2026 (-0,4 Md€). Patricia Ferrand et Jean-Eudes Tesson préviennent : l’institution est exposée à une impossibilité de remplir ses missions en cas de crise aigüe.

Marie-Aude Grimont

Bonus-malus chômage : évolution du dispositif à compter du 1er mars 2026

29/07/2025

L’avenant à la convention d’assurance chômage du 27 mai 2025 est officiellement signé et en attente d’agrément. Il prévoit de nouvelles règles de calcul du bonus-malus à compter du 1er mars 2026. Une circulaire Unedic du 1er mai 2025 a précisé les règles applicables jusqu’à cette date.

Finalisé le 27 mai 2025, le projet d’avenant sur le bonus-malus a été officiellement signé par le Medef, la CPME, l’U2P, la CFDT, la CFTC et Force Ouvrière. Il doit désormais être agréé par le Premier ministre. Nous récapitulons ci-dessous les nouvelles règles qui s’appliqueront à compter du 1er mars 2026.

Une quatrième période de modulation entre le 1er septembre 2025 et le 28 février 2026

Jusqu’au 31 août 2025, fin de la troisième période de modulation, le taux applicable de la cotisation chômage pour les entreprises soumises au dispositif du bonus-malus est le taux modulé notifié en septembre 2024, réduit de 0,05 point depuis le 1er mai 2025 (convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024, article 4 § 2).

La quatrième période de modulation débute le 1er septembre 2025 pour se terminer le 28 février 2026 (circulaire Unédic, n° 2025-05 du 1er mai 2025 ; règlement d’assurance chômage, article 51). Il était prévu de nouvelles règles à cette date (convention d’assurance chômage, article 4 § 2), mais du fait du retard pris dans les négociations, ces nouvelles règles ne s’appliqueront qu’à la 5e période de modulation, soit à compter du 1er mars 2026. En attendant, la circulaire Unédic n° 2025-05 du 1er mai 2025 a rappelé les règles applicables à la 4e période de modulation.

Ainsi, à compter du 1er septembre 2025, date de début de la quatrième période de modulation (1er septembre 2025 au 28 février 2026), le passage de 4,05 % à 4 % du taux des contributions d’assurance chômage sera répercuté sur la formule de calcul, ainsi que sur le plancher et le plafond du taux modulé (règlement général d’assurance chômage, article 50-10).

La formule de calcul sera donc la suivante :

  • taux = ratio de l’entreprise x 1,46 + 2,54 dans le cas général (ratio de l’entreprise x 1,46 + 2,59 auparavant) ;
  • taux = ratio de l’entreprise x 1,62 + 2,38 pour les salariés affiliés à une caisse de congés payés (ratio de l’entreprise x 1,62 + 2,43 auparavant).

Le plancher et le plafond sont également réduits :

  • le taux plancher sera fixé à 2,95 % (contre 3 % auparavant) ;
  • le taux plafond sera fixé à 5 % (contre 5,05 % auparavant).

Cette quatrième période de modulation concernera les sept secteurs d’activité entrant actuellement dans le champ d’application du bonus-malus, sans changement jusqu’au 28 février 2026 (accord d’application n° 1 relatif à la modulation de la contribution patronale d’assurance chômage, article 1er, chapitre 1er, § 1er)

De nouvelles modalités pour le dispositif de bonus-malus à compter du 1er mars 2026

Du fait du retard pris dans les négociations de l’avenant sur le bonus-malus, celui-ci prévoit qu’il s’appliquera à compter du début de la 5e période de modulation, le 1er mars 2026 et non au 1er septembre 2025, comme cela était prévu initialement.

► Les mesures prévues par l’avenant nécessiteront, pour leur mise en œuvre, des adaptations législatives ainsi qu’une transposition dans la convention d’assurance chômage. Le projet de loi seniors intègre l’une des mesures. Voir ci-dessous.

Le périmètre des fins de contrats pris en compte est revu

Sans changement, le bonus-malus reste applicable aux employeurs de 11 salariés et plus des secteurs d’activité dans lesquels le taux de séparation moyen est supérieur à un seuil de 150 %.

En revanche, les fins de contrat prises en compte pour calculer le taux de séparation sont revues. C’est le projet de loi de transposition des accords nationaux interprofessionnels sur l’emploi des seniors, le dialogue social et les transitions professionnelles [dont l’adoption définitive aura lieu à la rentrée] qui intègre ces nouvelles exclusions [mis à part les contrats saisonniers]. Ainsi, seules seront prises en compte les fins de contrat d’une durée inférieure à trois mois.

 “L’absence de reprise de l’exclusion des contrats saisonniers par l’article 9 bis du projet de loi s’explique par la rédaction initiale de l’article L.5422-12, nous précise l’Unédic. En effet, cet article prévoit déjà la possibilité de moduler le taux de la contribution patronale d’assurance chômage en fonction de la nature du contrat de travail (2°), ce qui permet de fournir une base légale à l’exclusion des contrats saisonniers par le règlement général d’assurance chômage (art. 50-6). C’est d’ailleurs également le cas pour la durée, offrant ainsi une base légale pour ne retenir que les fins de contrats de travail d’une durée inférieure à trois mois. En revanche, l’article ne permet pas de modulation en fonction du motif de rupture (à l’exception des démissions qui sont explicitement exclues), raison pour laquelle il était nécessaire de prévoir ces nouvelles exclusions dans la loi”.

Actuellement, toutes les fins de contrat, quelle que soit leur durée, sont prises en compte pour le calcul du taux de séparation, dès lors qu’elles ont donné lieu à une inscription à France Travail dans les trois mois suivant la fin du contrat ou qu’elles sont intervenues alors que le salarié était déjà inscrit à France Travail.

Par ailleurs, ne seront plus prises en compte les fins de contrat suivants :

  • contrat saisonnier ;
  • licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle ;
  • licenciements à la suite d’une faute grave ou lourde.

Ces trois fins de contrat s’ajoutent à celles dont il est déjà fait abstraction pour calculer le taux de séparation : démission, contrat de mission entre l’intérimaire et l’ETT, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d’insertion (CUI), CDD d’insertion spécifiques à certains demandeurs d’emploi (prévus au 1° de l’article L.1242-3 du code du travail), intermittents du spectacle…

► Les évolutions prévues sont donc moins ambitieuses que celles initialement envisagées et listées dans un protocole d’accord du 10 novembre 2023 puisqu’il était alors question d’exclure du dispositif tous les contrats d’une durée d’au moins un mois ou dont la fin était indépendante de la volonté de l’employeur.

Le projet d’avenant prévoit par ailleurs l’ouverture de travaux techniques dans le cadre de sa transposition dans la convention d’assurance chômage afin d’exclure les ruptures de contrats de travail liées à l’obligation de continuité de service dans le cadre d’une délégation de service public.

► Ce point n’est pas très clair, certains syndicats y voyant un point d’entrée pour exclure la restauration collective “vertueuse” (comparée notamment à la restauration rapide) du dispositif du bonus-malus ; d’autres se montrant très “circonspects” sur cette initiative à l’instar de la CFDT.

Six secteurs d’activité concernés au lieu de sept

Compte tenu des évolutions envisagées par l’avenant, il n’y aura plus sept secteurs concernés par le bonus-malus, mais six.

Ainsi, demeureront concernés les secteurs suivants :

  • fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
  • autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
  • hébergement et restauration ;
  • production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets de dépollution ;
  • transports et entreposage ;
  • fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques.

En revanche, le dispositif ne s’appliquera plus au secteur du “travail du bois, industrie du papier et imprimerie”.

► La liste des secteurs concernés par le bonus-malus est fixée par un arrêté du 28 juin 2021. Celui-ci devra donc être modifié pour tenir compte de cette évolution.

Ajustement du périmètre de comparaison des taux de séparation

Le bonus ou le malus de la cotisation patronale d’assurance chômage d’une entreprise est déterminé en fonction de l’écart constaté entre son taux de séparation et le taux de séparation du secteur. Or, l’avenant relève qu’actuellement la maille sectorielle utilisée est très large.

Il prévoit donc une comparaison plus précise en prenant en compte une répartition sectorielle plus fine (NAF 272, soit 272 secteurs au lieu de 88).

Par ailleurs, les sous-secteurs au niveau des groupes NAF 272 dont le taux médian de séparation serait sensiblement éloigné du taux moyen sectoriel apprécié au niveau de la section NAF 38 dont les entreprises relèvent, seront exclus du champ d’application du dispositif du bonus-malus.

► L’Unédic indique que “le terme NAF 38 désigne ici une catégorie agrégée de la nomenclature d’activités française. Il existe en effet plusieurs niveaux de granularité dans cette nomenclature : les macro-secteurs (NAF 38) regroupent de grands ensembles d’activités, tandis que les codes plus détaillés (NAF 272) permettent une analyse plus fine”.

Négociation sur le recours aux contrats courts

L’avenant prévoit également l’ouverture d’une négociation paritaire sur le recours aux contrats de courte durée. Cette négociation s’ouvrira avant le 31 décembre 2025 “afin d’identifier des leviers d’action permettant de mieux réguler, de manière équilibrée et adaptée aux réalités des secteurs, le recours aux contrats courts”. Des travaux préparatoires se tiendront à partir de l’automne 2025 en vue de cette négociation.

Eléonore Barriot, Nathalie Lebreton et Florence Mehrez

Le nombre de demandeurs d’emploi baisse au 2e trimestre mais augmente sur un an

30/07/2025

Au deuxième trimestre 2025, la France compte 6,3 millions d’inscrits à France Travail. Sur ce total, qui regroupe depuis janvier les personnes les plus éloignées de l’emploi (catégorie F, 887 000 personnes) et les bénéficiaires du RSA (cat. G, 111 000 personnes), la direction de la statistique du ministère du travail, la Dares, comptabilise 5,6 millions de personnes tenus de rechercher un emploi, parmi lesquelles 3,2 millions sont sans emploi (catégorie A), 2,4 autres millions ayant une activité réduite (cat. B et C).

Selon la Dares, le nombre de demandeurs d’emploi tenus d’en rechercher un (cat. A, B et C) baisse de 2,2 % sur le deuxième trimestre 2025 (- 126 000 personnes) mais augmente de 4,1 % sur un an.

Ces évolutions, prévient toutefois la Dares, sont affectées par les procédures d’actualisation mensuelle et l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions. 

À la vue de ces chiffres, la CGT a estimé hier que le gouvernement, qui “s’apprête à aggraver sa politique stérile”, était “incapable d’atteindre le plein emploi promis en 2022, incapable d’enrayer la perte d’emplois dus aux plans de licenciements dans l’industrie et le commerce, incapable de proposer autre chose que la précarité”.

Source : actuel CSE