Les réclamations individuelles et collectives, l’autre mission du CSE
01/08/2025
La délégation du personnel au CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles et collectives des salariés relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise (articles L. 2312-5 et L. 2312-8 du code du travail). On attend donc des membres du CSE qu’ils soient les porte-paroles des salariés. Leur rôle est d’être à l’écoute des salariés, de les informer sur leurs droits, de les orienter, de les conseiller, de les accompagner, etc. Pour en savoir plus sur cette mission, n’hésitez pas à écouter ci-dessus notre podcast de 15 minutes qui vous donnera l’essentiel sur le sujet.
Pour cette mission, les représentants du personnel ont forcément besoin de développer leurs connaissances en droit du travail, et donc de suivre l’actualité juridique grâce à ce cahier de jurisprudence de droit du travail.
Discrimination |
Note de la rédaction. Tout élu du CSE peut tirer une sonnette d’alarme auprès de l’employeur en cas de mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement (article L. 2312-59 du code du travail). |
► L’histoire
À l’issue de son CDD, une salariée reconnue travailleuse handicapée assigne son ex-employeur devant les prud’hommes. Elle lui reproche une discrimination en raison du handicap et lui réclame le paiement de dommages et intérêts. L’intéressée fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail pour l’aménagement de son poste de travail.
Sous prétexte que l’intéressée ne produisait aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, la cour d’appel rejette sa demande.
À tort décide la Cour de cassation dans un arrêt du 2 avril 2025.
Lorsqu’il est saisi d’une action au titre de la discrimination en raison du handicap, le juge doit en premier lieu rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination. Par exemple, le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures.
Ensuite, il revient au juge de rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en œuvre.
Or, dans cette affaire, il était établi que le médecin du travail avait préconisé la mise à disposition de la salariée d’un fauteuil de type ergonomique pouvant être réglé en hauteur et doté d’un appui lombaire, d’accoudoirs et de repose-pieds. L’employeur n’ayant pas fourni ce fauteuil, les juges auraient dû en déduire que la salariée fournissait des éléments de fait laissant supposer un refus de prendre des mesures appropriées d’aménagement raisonnable.
► L’arrêt
Cass. soc., 2 avr. 2025, n° 24-11.728
Inaptitude |
Note de la rédaction. Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste de travail par la médecine du travail, l’employeur doit tenter de le reclasser en tenant comptes des recommandations du médecin du travail. Le comité social et économique doit être consulté sur la proposition de reclassement que l’employeur envisage de faire au salarié. |
► L’histoire
Un salarié, conducteur routier, est victime d’un accident du travail (AT). Le médecin du travail le déclare apte à son poste avec les réserves suivantes : “sans port de charge supérieure à 10 kg, tirer ou pousser une charge pendant 5 mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique”. L’employeur l’affecte alors sur un autre site, auprès de différents clients, magasins d’une enseigne de la grande distribution.
Quelques mois plus tard, le salarié est placé en arrêt de travail. Il demande alors la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutient que, sur les 7 magasins auxquels il avait été affecté pour la livraison, 6 d’entre eux ne n’étaient pas équipés de chariot électrique. Il reproche ainsi à l’employeur de ne pas avoir vérifié que les lieux de livraison qui lui étaient attribués respectaient les préconisations du médecin du travail. D’où un manquement à l’obligation de sécurité.
Pour la cour d’appel, l’employeur ne pouvait pas avoir connaissance de l’absence de chariot électrique. Il revenait donc au salarié de l’alerter sur ce point.
La Cour de cassation n’accorde aucune excuse à l’employeur car le code du travail lui impose bien de prendre en considération l’avis et les indications ou préconisations émis par le médecin du travail. C’était donc à lui de vérifier que les lieux de travail étaient conformes aux préconisations du médecin du travail.
► L’arrêt
Cass. soc., 11 juin 2025, n° 24-13.083
Violence au travail |
Note de la rédaction. Les membres du CSE sont concernés par les risques psychosociaux, et notamment les phénomènes de violence au travail. Ces phénomènes sont des risques professionnels pouvant entraîner des accidents du travail et des conséquences physiques et psychologiques graves pour les victimes. |
► L’histoire
Un salarié, engagé en qualité d’agent de maintenance par une régie de transport et traitement des déchets de l’est de la France est licencié pour faute grave. L’intéressé porte l’affaire en justice, et reproche notamment à son ex-employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité. Il lui réclame le paiement de dommages et intérêts.
Plus précisément, il fait valoir qu’il a été victime de violences lors de deux altercations avec des collègues, les 17 janvier et 16 juillet 2018, et que rien n’a été fait pour éviter que de tels incidents ne se produisent.
La demande est rejetée par la cour d’appel. Car, d’après les juges, le salarié ne précisait pas à quelle occasion l’employeur aurait dû engager des démarches pour protéger sa santé, et ne justifiai/t pas avoir signalé la dégradation de ses conditions de travail ou de son état de santé à sa hiérarchie avant son licenciement.
La Cour de cassation ne voit pas les choses ainsi et casse l’arrêt de la cour d’appel.
Avant de rejeter la demande du salarié, il aurait fallu vérifier que l’employeur avait bien adopté toutes les mesures de prévention imposées par la réglementation pour prévenir la survenance de ces violences. En effet, comme le rappelle la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation légale de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Sa responsabilité ne peut être engagée s’il justifie avoir pris, d’une part, toutes les mesures de prévention prévues par articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d’autre part, les mesures immédiates propres à faire cesser les actes de violence envers un salarié.
► L’arrêt
Cass. soc., 26 mars 2025, no 23-13.081
Accident du travail |
Note de la rédaction. Dès lors que l’accident se produit sur le lieu de travail, pendant les heures de travail et à un moment où s’exercent l’autorité et la surveillance de l’employeur, il est présumé être un accident du travail (AT). C’est ce que l’on appelle la présomption d’imputabilité. |
► L’histoire
Le 11 juin 2018, un salarié décède subitement sur son lieu de travail. Pour la sécurité sociale, il s’agit bien d’un accident du travail. L’employeur conteste !
Pour la cour d’appel, il n’y avait pas eu d’accident du travail. Comme l’avait fait ressortir le rapport d’expertise, l’origine de la mort subite du salarié était inconnue. Et surtout, l’expert décrivait dans son rapport “un état antérieur avec une obésité morbide et des antécédents cardiovasculaires”, et ne pouvait relever “de cause extrinsèque liée spécifiquement au travail”. Pour les juges, les conclusions de l’expertise, selon lesquelles la mort subite de la victime était probablement la manifestation spontanée d’un état pathologique non influencé par les conditions de travail, étaient claires et excluaient tout rôle causal de l’activité professionnelle.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Comme le rappellent les juges, il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Or, dans notre affaire, il n’avait pas été prouvé que le décès, dont l’origine était inconnue, avait une cause totalement étrangère au travail. On devait donc bien présumer qu’il s’agissait d’un accident du travail car il était survenu au temps et au lieu de travail.
► L’arrêt
Cass. 2e civ., 27 févr. 2025, n° 22-23.919
Entretien préalable |
Note de la rédaction. Il revient très souvent aux représentants du personnel ou aux délégués syndicaux d’accompagner et d’assister le salarié qui fait l’objet d’une procédure de licenciement. D’où l’importance pour eux de connaître les dernières évolutions de la jurisprudence sur tout ce qui touche aux règles de procédure que l’employeur doit respecter. Les deux arrêts suivants illustrent notre propos. |
► L’histoire
L’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. Cet entretien ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la convocation.
Dans cette affaire, la lettre de convocation avait été envoyée au salarié par courrier recommandé et lui avait été présentée le 22 décembre 2017. L’entretien était prévu pour le 29 décembre.
Trop court !
Comme le rappelle cette jurisprudence, le salarié doit disposer d’un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense. Pour calculer ce délai, on ne tient pas compte du jour de présentation de la lettre, du dimanche et des jours fériés, qui ne sont pas des jours ouvrables.
Or, dans notre affaire, le délai de 5 jours pleins avait commencé à courir le samedi 23 décembre. Le dimanche 24 et le lundi 25 décembre n’étant pas des jours ouvrables, ils ne devaient pas être comptés dans le délai. Par conséquent, le salarié n’avait disposé que de 4 jours ouvrables et entiers pour préparer sa défense : l’entretien ne pouvait pas avoir lieu avant mardi 2 janvier.
La procédure de licenciement était donc irrégulière. D’où une condamnation de l’employeur à verser au salarié 2 100 euros de dommages et intérêts.
► L’arrêt
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-12.766
► L’histoire
L’histoire :
Le 19 février 2018, une salariée est licenciée pour faute grave après avoir été convoquée à un entretien préalable le 18 janvier 2018. L’intéressée conteste en invoquant une irrégularité dans la procédure de licenciement. Elle fait valoir qu’elle n’a jamais été destinataire de lettre de convocation à son entretien préalable. Et pour cause puisqu’elle était absente de son domicile au moment de la présentation de la lettre, et surtout aucun avis de passage ne lui avait été délivré afin de lui indiquer que cette lettre était à sa disposition au bureau de poste. En conséquence, pour la salariée, le délai le délai de 5 jours ouvrables devant séparer ce courrier de l’entretien n’avait pas été respecté par l’employeur.
La cour d’appel rejette cette contestation.
D’après les juges, si l’avis de passage issu de la liasse du recommandé était manifestement demeuré attaché sur le courrier dans l’attente de sa distribution, l’erreur n’était cependant pas imputable à l’employeur. De plus celui-ci ne pouvait pas s’être aperçu de la défaillance de La Poste car il n’avait récupéré son pli que postérieurement à l’entretien préalable fixé au 29 janvier 2018, avec la mention sur son recto « Pli avisé et non réclamé ». Dès lors, pour la cour d’appel, aucune irrégularité ne pouvait être opposée à l’employeur car il avait bien respecté les règles de convocation prévue par l’article L. 1221-2 du code du travail.
La Cour de cassation n’est pas d’accord.
Dès lors que la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable n’avait pas été présentée à la salariée, la procédure de licenciement était irrégulière.
► L’arrêt
Cass. soc., 11 déc. 2024, n° 22-18.362
Licenciement |
Note de la rédaction. Qui dit licenciement, dit procédure de licenciement, et notamment notification écrite du licenciement ! Aussi, l’employeur dont le comportement montre qu’il a décidé de mettre fin au contrat, sans notification écrite au salarié, est responsable d’un licenciement verbal illégal. |
► L’histoire
Le 9 août 2019, le salarié est placé en arrêt de travail à la suite d’un accident survenu la veille et pris en charge par la sécurité sociale comme accident du travail. Sans attendre, son employeur lui retire son véhicule de fonction, ses clefs et badges de l’entreprise, ainsi que ses dossiers pour les confier à un autre salarié.
Pour les juges, le salarié a fait l’objet d’un licenciement verbal. En agissant de la sorte, l’employeur a manifesté sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail du salarié avant l’envoi de la lettre de licenciement. Un tel licenciement est donc nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
► L’arrêt
Cass. soc., 11 juin 2025, n° 23-21.819
Contrat de travail et conditions de travail |
Note de la rédaction. Il n’est pas rare que les membres du comité social et économique soient saisis de difficultés liées à l’application du contrat de travail. Il est donc utile pour eux de savoir faire la distinction entre modification du contrat de travail et simple changement des conditions de travail. Les deux arrêts suivants en sont l’illustration. |
► L’histoire
Un salarié, dont le contrat de travail prévoit qu’il s’engage à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions, refuse son affectation à un autre chantier. L’employeur le licencie pour faute grave.
Comme le rappelle la Cour de cassation, un déplacement occasionnel peut être imposé à un salarié lorsqu’il s’inscrit dans le cadre habituel de son activité, qu’il est justifié par l’intérêt de l’entreprise et que le salarié a été prévenu dans un délai raisonnable et informé de la durée prévisible de la mission.
Or, dans cette affaire, il avait bien été constaté que le contrat de travail stipulait expressément que le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions et que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de charpentier. C’est donc à tort que la cour d’appel a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
► L’arrêt
Cass. soc., 19 janv. 2025, n° 23-19.263
► L’histoire
L’histoire :
Un salarié, engagé comme médecin puis exerçant en qualité de chef de service d’un centre d’action médico-sociale précoce, reproche à son employeur de vouloir lui confier le poste de direction médicale des instituts médico-éducatifs. Estimant qu’il y avait là une modification de son contrat de travail, il prend acte de la rupture de son contrat et porte l’affaire aux prud’hommes.
Les juges rejettent son action.
La Cour de cassation rappelle que “l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié”. A ce titre, il peut changer la tâche du salarié dès lors que la nouvelle tâche correspond bien à la qualification de l’intéressé.
Or, dans cette affaire, il était établi que le salarié ne perdait pas ses responsabilités et que le poste proposé était similaire et situé dans le même secteur géographique. Il n’y avait donc pas modification du contrat de travail mais simple changement des conditions de travail s’imposant au salarié.
► L’arrêt
Cass. soc., 2 avr. 2025, n° 23-23.783
Congés payés |
Note de la rédaction. Tout ce qui touche au congés payés (nombre de jours, prise des congés payés, calcul de l’indemnité de congés payés) peut faire l’objet de réclamations individuelles ou collectives. |
► L’histoire
Une salariée licenciée reproche notamment à son employeur de l’avoir empêché de prendre ses congés payés au titre de l’année 2016. Elle lui réclame le paiement de dommages et intérêts.
Sa demande est rejetée.
Comme le rappellent les juges, il appartient bien à “l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement”.
Mais, “en cas de manquement de l’employeur à son obligation, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail. Il en découle qu’un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait”.
Comme la salariée ne démontrait pas l’existence d’un préjudice résultant du défaut de prise de congés payés en 2016, sa demande en paiement de dommages-intérêts devait être rejetée.
► L’arrêt
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415
Forfait jours |
Note de la rédaction. Il revient aussi aux membres du CSE de veiller au respect des dispositions conventionnelles issues de la convention collective et des accords d’entreprise. Leurs réclamations peuvent notamment porter sur toute ce qui touche à la durée et à l’aménagement du temps de travail. |
► L’histoire
Après son licenciement, un ingénieur commercial soumis à un forfait en jours assigne son ex-employeur devant les prud’hommes. Il lui réclame des dommages et intérêts en faisant notamment valoir qu’il n’a pas respecté les dispositions légales et les stipulations de l’accord collectif qui ont pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié en forfait jours. D’où l’existence d’un préjudice devant donner lieu à dommages et intérêts.
La demande est rejetée.
Lorsque l’employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l’accord collectif qui avaient pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d’effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.
En revanche, un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
Or, dans cette affaire, le salarié ne démontrait l’existence d’aucun préjudice. Il n’alléguait même pas avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d’une surcharge de travail ou d’une mauvaise répartition de ses horaires de travail.
► L’arrêt
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 24-10.452
Vie privée et RGPD |
Note de la rédaction. Même dans le cadre du travail, les salariés ont heureusement droit au respect de leur vie privée. Voilà pourquoi des faits qui se sont produits dans le cadre de la vie privée du salarié ne peuvent pas être utilisés par l’employeur pour justifier un licenciement. En cas d’atteinte à la vie privée d’un ou plusieurs salariés, un droit d’alerte du CSE pourrait être envisagé en application de l’article L. 2312-59 du code du travail. Exemple avec les deux arrêts suivants. |
► L’histoire
Une salariée, engagée en qualité de conseillère spécialisée dans la commercialisation d’or et de matériaux précieux est licenciée. Elle saisit les prud’hommes et réclame notamment le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.
L’intéressée invoque une atteinte à son droit à l’image et à la vie privée, causée par l’utilisation de systèmes d’écoute téléphonique des salariés et de vidéosurveillance dont elle n’avait pas été informée.
Au motif que l’intéressée ne prouvait pas que l’exploitation de ces systèmes de surveillance lui avait causé un préjudice dans le cadre de son activité professionnelle, la cour d’appel rejette la demande.
À tort décide la Cour de cassation. Pour les juges, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.
► L’arrêt
Cass. soc., 6 mai 2025, n° 23-23.294
► L’histoire
Un salarié, engagé en qualité de chef d’agence, est licencié pour faute grave. Pour prouver la faute grave, l’employeur produit un procès-verbal de constat d’huissier faisant état d’informations provenant des fichiers de journalisation et de leur recoupement avec les messages envoyés de l’adresse IP attribuée au salarié.
Devant les prud’hommes, l’intéressé conteste la validité du moyen de preuve utilisé par l’employeur.
La cour d’appel rejette la demande. Pour les juges, l’adresse IP ne correspond qu’à une adresse de réseau local. Elle n’a pas à être déclarée à la CNIL car elle n’identifie que des périphériques dans le réseau local et non une personne physique. Elle ne contient aucune donnée personnelle et elle identifie seulement un ordinateur. Aucune déclaration à la CNIL n’étant exigée, l’intervention de l’huissier de justice est régulière et son constat constitue une preuve licite.
La Cour de cassation ne voit pas les choses ainsi.
L’exploitation des fichiers de journalisation, qui avaient permis d’identifier indirectement le salarié à partir de l’adresse IP de son ordinateur, constituait un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 4 du RGPD. Or, dans cette affaire, l’employeur avait traité, sans le consentement de l’intéressé, ces données à une autre fin, à savoir le contrôle individuel de son activité, que celle pour laquelle elles avaient été collectées, ce dont il résultait que la preuve était illicite.
► L’arrêt
Cass. soc., 9 avr. 2025, n° 23-13.159
Frédéric Aouate