Quelle indemnisation pour le représentant de proximité dont la rupture du contrat est nulle ?

07/05/2025

Comme tout salarié protégé, le représentant de proximité dont le contrat de travail a été irrégulièrement rompu a droit au versement d’une indemnité au titre de la méconnaissance par l’employeur de son statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l’expiration de la période de protection, dans la limite de 30 mois de salaire.

Le salarié bénéficiant du statut protecteur attaché à un mandat de représentant du personnel a le droit d’être réintégré dans son poste de travail en cas de rupture irrégulière de son contrat de travail par l’employeur. S’il ne demande pas sa réintégration, ou si l’employeur la lui refuse, il peut obtenir du juge le versement d’une indemnité pour violation de son statut protecteur.

Dans un arrêt du 9 avril 2025, destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation applique, pour la première fois à notre connaissance, ces sanctions à la rupture illicite du contrat de travail d’un représentant de proximité.

Le représentant de proximité dont la rupture du contrat de travail est jugée nulle…

Dans cette affaire, une salariée, ingénieure dans le secteur de la métallurgie, s’estime victime d’un traitement discriminatoire en raison de son sexe, de son âge et de son activité syndicale. Elle demande donc à la juridiction prud’homale de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Déboutée en première instance, elle décide finalement de partir volontairement à la retraite. Mais elle obtient de la cour d’appel la requalification de ce départ en prise d’acte de la rupture du contrat de travail, elle-même requalifiée en licenciement nul à la suite de la reconnaissance par le juge des discriminations qu’elle a subies.

Partie à la retraite, la salariée, représentante de proximité à la date de la rupture de son contrat de travail, ne sollicite pas sa réintégration dans l’entreprise et demande la réparation de son préjudice par l’octroi, notamment, d’une indemnité au titre de la méconnaissance par l’employeur de son statut protecteur.

…a droit, à défaut de réintégration, à une indemnité pour violation de son statut protecteur…

Sans surprise, la Cour de cassation, confirmant la décision de la cour d’appel, fait droit à la demande de la salariée. En effet, le représentant de proximité, instauré par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, est membre du comité social et économique (CSE) ou désigné par lui (art. L.2313-7 du code du travail) et bénéficie d’un statut protecteur imposant à l’employeur d’obtenir une autorisation administrative avant de le licencier (art. L.2411-1 et L.2411-8 du code du travail).

Il en résulte que le représentant de proximité, dont la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul, et qui n’est pas réintégré dans l’entreprise, a droit à une indemnité pour violation de son statut protecteur, au même titre qu’un représentant du personnel élu (arrêt du 14 octobre 2015), un délégué syndical (arrêt du 27 octobre 2004), un représentant de section syndicale (arrêt du 15 mai 2019) ou encore un salarié titulaire d’un mandat extérieur à l’entreprise, tel un conseiller prud’homal (arrêt du 3 février 2016) ou un conseiller du salarié (arrêt du 19 juin 2007).

► Outre l’indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le représentant de proximité dont la rupture du contrat de travail est requalifiée en licenciement nul a droit à (arrêt du 18 mai 2022) :

  • l’indemnité pour licenciement nul (art. L.1235-3-1 du code du travail) : réparant le préjudice subi du fait de la rupture illicite du contrat de travail, elle est au moins égale à 6 mois de salaire ; en l’espèce, la salariée a obtenu une somme correspondant à 12 mois de salaire ;
  • l’indemnité de licenciement, qu’elle soit légale, conventionnelle ou contractuelle ; dans cette affaire, la salariée a perçu l’indemnité prévue par l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
  • l’indemnité de préavis, outre les congés payés afférents.

…égale à la rémunération due jusqu’à la fin de la période de protection, dans la limite de 30 mois

Sur le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur, la Haute Juridiction applique ici encore, pour le représentant de proximité, une solution constante déjà adoptée, pour les autres salariés protégés. Cette indemnité est égale à la rémunération que l’intéressé aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours (arrêt du 10 juillet 1990 ; arrêt du 27 janv. 2010), dans la limite de 30 mois (arrêt du 15 avril 2015 arrêt du 2 mars 2017).

Il aurait été difficile de juger différemment dans la mesure où le mandat du représentant de proximité prend fin avec celui des membres élus de CSE qui l’ont désigné (art. L.2313-7 du code du travail).

► À l’origine, la limite d’indemnisation avait été fixée par la chambre sociale à une époque à laquelle la durée du mandat des représentants du personnel élus était de deux ans. Les intéressés pouvaient donc prétendre à une indemnité d’un montant égal à 30 mois de salaire au maximum (24 mois de mandat et 6 mois de protection à l’issue de ce mandat). Et elle a été conservée lorsque la durée légale du mandat est passée à quatre ans en application de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005. Cette limite de 30 mois de salaire s’applique aussi aux représentants de section syndicale (arrêt du 15 mai 2019) et, par extension, aux délégués syndicaux, leur mandat se terminant au plus tard lors des élections professionnelles suivant leur désignation. Avant la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, le mandat des représentants du personnel désignés était à durée indéterminée, de sorte que le montant de l’indemnité avait été limité par la Cour de cassation à 12 mois de salaire (arrêt du 6 juin 2000). Signalons enfin que le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur sollicitée par le salarié après l’expiration de la période de protection, sans justifier de motifs qui ne lui sont pas imputables, n’est pas déterminé selon les règles ci-dessus, mais est fixé par le juge en fonction du préjudice subi (arrêt du 11 juin 2013).

Curieusement, après avoir rappelé ce principe bien établi et constaté que le mandat de représentante de proximité d’une durée de quatre ans, débuté le 1er janvier 2020, aurait dû expirer le 1er janvier 2024, la cour d’appel a décidé d’octroyer à la salariée une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à 16 mois de salaire. Or, comme le relève la Cour de cassation, elle aurait dû bénéficier d’une indemnité égale à la rémunération qu’elle aurait dû percevoir dans la période comprise entre le 30 avril 2021, date de la rupture de son contrat, et le 1er juillet 2024, terme de la période de protection, soit 38 mois, ramenés à 30 mois.

Il s’agit sans doute d’une erreur arithmétique que la cour d’appel de Versailles, autrement composée, devant laquelle ce point de l’affaire est renvoyé, aura à cœur de réparer.

Guilhem Possamaï