Pas d’expertise risque grave pour le CSE qui ne prouve pas l’existence d’un risque grave et actuel
29/01/2024
Impossible pour le comité social et économique (CSE) de déclencher une expertise pour risque grave en invoquant un risque général de souffrance au travail en se fondant seulement sur des documents trop anciens pour attester d’une dégradation des conditions de travail.
Au cours d’une réunion extraordinaire du 3 septembre 2021, le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail) de l’un des établissements de La Poste vote “une résolution permettant de recourir à un expert pour identifier et évaluer les risques psychosociaux des agents de l’établissement”. Sans attendre, la direction de La Poste décide de porter l’affaire en justice en vue d’obtenir du président du tribunal judiciaire l’annulation de cette résolution.
► Rappel : comme le CSE en a aujourd’hui le droit en application de l’article L. 2315-94 du code du travail, le CHSCT pouvait à l’époque des anciennes instances représentatives du personnel se faire assister par un expert en cas de risque grave identifié et actuel (ancien article L. 4614-12). Le passage du CHSCT au CSE n’ayant rien changé sur ce plan, cette jurisprudence conserve donc tout son intérêt pour le comité social et économique. |
Estimant que “l’existence d’un risque grave et actuel de souffrance au travail à la date de la désignation de l’expert n’était pas avérée”, les juges accueillent favorablement la demande de La Poste.
Des documents trop anciens
Comme ils avaient pu le constater, les seuls documents produits de nature à caractériser une dégradation globale des conditions de travail remontaient à l’année 2010.
Ensuite, le CHSCT ne fournissait “aucun élément de nature à établir, à la date de la délibération litigieuse, l’existence d’un taux d’absentéisme élevé” et n’apportait pas davantage d’éléments “de nature à caractériser des faits de harcèlement moral ou de discrimination qui seraient imputables à la nouvelle organisation du travail mise en place par l’employeur”.
Au final : pas de preuve du risque grave, pas d’expertise pour risque grave !
Des faits tangibles
Cette décision est à rapprocher d’une autre jurisprudence (Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 12-15.206) : le comité qui se contente de faire état d’un risque général de stress lié aux diverses réorganisations mises en œuvre dans l’entreprise, sans justifier d’éléments objectifs susceptibles de caractériser un risque avéré, ne peut pas déclencher une expertise pour risque grave.
D’où la nécessité pour le CSE qui envisage une expertise de mettre sur la table un maximum de faits permettant de montrer qu’il existe bien un risque grave. Il faut des faits tangibles, qui devront être corroborés par les PV de réunion, des rapports d’inspection ou d’enquête du comité ou de la commission santé, sécurité et conditions de travail, les courriers du médecin du travail, les témoignages de salariés, des chiffres relatifs au nombre d’accidents du travail, au taux d’absentéisme, au turn-over, etc.
Frédéric Aouate
Intimidations contre l’inspection du travail : la CGT du ministère du travail demande à la ministre de réagir
29/01/2024
Jeudi 25 janvier, des agriculteurs ont pendu un sanglier éventré à un arbre, devant les locaux de l’inspection du travail à Agen, dans le Lot-et-Garonne. Un acte assimilé par les personnels de l’inspection comme “une menace explicite de mort”, d’autant qu’il survient, souligne la CGT du ministère du travail, “20 ans après les meurtres de Saussignac” (Ndlr : en septembre 2004, une contrôleuse du travail et un agent du service de contrôle de la MSA étaient assassinés lors d’une inspection de routine dans une exploitation agricole en Dordogne). Vendredi 26 janvier, ce sont les locaux de la Mutualité sociale agricole à Narbonne (Aude) qui ont été incendiés.
La CGT du ministère du travail alerte la nouvelle ministre du travail : “L’inspection du travail est au service de tous les travailleurs, y compris celles et ceux du secteur agricole où les accidents du travail sont particulièrement nombreux. Viser nos services et nos collègues, en plus d’être pénalement répréhensible, est une grave erreur. Notre organisation n’a de cesse de vous alerte face à la multiplication des outrages, obstacles et atteintes à l’indépendance de l’inspection du travail (..) Nous exigeons de votre part une condamnation particulièrement ferme de cet acte odieux, un soutien public immédiat aux agents, des mesures de protection conservatoire les concernant et la saisine immédiate du parquet”.
Le syndicat, qui dit néanmoins partager “la colère des agriculteurs qui ne parviennent plus à vivre décemment de leur travail”, demande à être reçu en urgence par Catherine Vautrin.
Source : actuel CSE
Un tribunal espagnol reconnaît en AT/MP la détresse psychologique d’un nettoyeur du web
31/01/2024
Un tribunal espagnol juge que « le stress au travail est le seul, exclusif et incontestable déclencheur » de troubles mentaux dont souffre un modérateur de contenu, rapporte l’Observatoire Eurogip dans une actualité du 25 janvier.
Selon le quotidien El País, le « nettoyeur du web » a examiné à plusieurs reprises entre 2018 et 2020 « des contenus liés au terrorisme et aux suicides, aux automutilations, aux décapitations de civils assassinés par des groupes terroristes, à la torture » pour le compte d’une entreprise sous-traitante de Meta (maison mère de Facebook et Instagram). Il appartenait à une section dite de « haute priorité ».
Dans son jugement, le tribunal social de Barcelone souligne que ce type de travail génère un « risque psychosocial », impliquant de s’exposer « à la violence, à la délinquance, aux abus et aux contenus illégaux », source de stress, de dommages et de syndrome de stress post-traumatique.
Source : actuel CSE
L’INRS étudie les risques encore peu connus
01/02/2024
En parallèle de ses missions d’assistance et d’information, l’INRS conduit aussi des programmes d’études et de recherche sur l’ensemble des risques professionnels, et surtout ceux pour lesquels des données sont nécessaires pour améliorer la prévention.
L’INRS a publié récemment son rapport annuel « Études et recherche » 2022/2023. Rappelons que l’INRS est une association administrée par un conseil paritaire (9 représentants des employeurs et 9 représentants des syndicats de salariés). L’institut suit des orientations en cohérence avec la Convention d’objectifs et de gestion de la branche AT/MP de la Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie). Dans le cadre de sa mission de contribution à la prévention des AT/MP, l’INRS délivre une assistance technique, juridique, médicale et documentaire, et répond aux différentes sollicitations, notamment des entreprises. Mais elle a aussi un pôle “études et recherches”.
Ce rapport annuel liste les 103 projets conduits en 2023 avec un résumé des 76 études en cours et davantage de détails sur les 27 études terminées en 2022.
Exemples d’études
Toutes les études menées ont pour finalité d’apporter des connaissances utiles à court ou moyen terme en matière de prévention. Par exemple, une des études terminée conclut que “la problématique de l’exposition à des particules ultrafines et à des composés chimiques gazeux lors de l’utilisation des procédés de fabrication additive est réelle” et souligne “l’importance du capotage pour limiter la dispersion des polluants et la nécessité du port d’équipements de protection individuelle, chaque fois que cela est nécessaire, lorsqu’un opérateur pénètre dans l’enceinte de la machine ou effectue des tâches exposantes”.
Autre exemple sur un périmètre tout autre, une étude avait pour but de répondre à la question suivante chère à tous les préventeurs : “Peut-on affirmer que plus une entreprise consacre des ressources en prévention des risques professionnels, plus elle est économiquement performante ?”. Basée sur des données de l’Insee et de la Cnam sur près de 2 millions d’entreprises au cours de la période 2003-2017, cette étude montre que “sinistralité et performance sont corrélées négativement, ce qui signifie que plus la sinistralité augmente, plus la performance économique des entreprises est affectée. Cet effet est d’autant plus important pour les petites entreprises qui sont plus fragiles face à la désorganisation provoquée par un accident”.
Horizon 2027 : mieux comprendre les risques chimique et biologique
Pour la période 2023-2027, les programmes de prévention s’articulent autour de quatre grandes familles de risques : biologiques, chimiques, physiques et mécaniques, et liés à l’organisation et aux situations de travail.
Des focus existent aussi parmi lesquels l’exposition aux aérosols (fines particules solides ou liquides en suspension dans l’air, qui représentent un risque d’exposition chimique ou biologique par inhalation, voie cutanée ou ingestion). L’institut rappelle que ce risque est présent dans des secteurs très variés : “manipulation de poudres, procédés de découpe et d’abrasion, soudage, procédés d’impression, de broyage et de combustion, peinture, nettoyage haute pression, activités de soins, manipulation de produits agroalimentaires ou traitement de déchets”.
En cohérence avec les principes de prévention, un premier objectif des études est de “neutraliser les émissions d’aérosols”, un second se concentre sur la compréhension des conditions de transports d’aérosols.
Au-delà du risque chimique pur, l’institut s’intéresse aussi aux effets des polyexpositions hétérogènes notamment les effets de la co-exposition entre les substances chimiques d’un côté et de l’autre soit les agents biologiques, soit la charge physique, soit le travail de nuit.
Les perturbateurs endocriniens font aussi l’objet d’un focus à part entière. L’INRS constate que la prévention est complexe pour plusieurs raisons :
- “le repérage des perturbateurs endocriniens en entreprise est difficile en l’absence d’une liste stabilisée de perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés ;
- il n’existe pas aujourd’hui de notion de valeur seuil des effets et ces derniers ne suivent pas obligatoirement une relation dose/effet monotone (traduction d’une exposition en risque compliquée) ;
- les effets des perturbateurs endocriniens pourraient dépendre du genre car le système hormonal diffère chez les hommes et les femmes”.
Risques émergents
L’INRS suit aussi les évolutions du monde du travail et certaines études visent à prévenir des risques émergents. Ainsi, l’institut souhaite mieux comprendre les impacts organisationnels dus au recours aux technologies numériques avec les objectifs d’évaluer les conséquences de l’évolution des systèmes d’information et les risques spécifiques de la numérisation accrue des interfaces de communication.
Par ailleurs, le rapport explicite les effets possibles du dérèglement climatique sur le travail :
- “par un effet direct sur les conditions et l’organisation du travail, à travers les ambiances thermiques, chaudes ou froides, qui ont des répercussions physiologiques et psychologiques, ou par le biais d’événements extrêmes ou l’évolution de l’exposition à des agents biologiques présents dans l’environnement ;
- par une action indirecte liée aux évolutions des techniques visant à limiter l’émission de gaz à effet de serre, et en réponse aux enjeux de décarbonation de la société. Cette limitation implique à la fois une substitution des énergies fossiles (par du solaire ou de l’éolien par exemple, avec un stockage sous forme d’électricité ou d’hydrogène) et la réduction de la consommation énergétique”.
Sur ce second aspect, des recherches vont chercher à évaluer les changements générés par la production et le transport d’énergie renouvelable d’une part, et par la réduction de la consommation énergétique d’autre part.
Clémence Andrieu
Une proposition de loi souhaite ajouter l’écoute des travailleurs aux principes généraux de prévention
02/02/2024
Une proposition de loi visant à obliger les employeurs à davantage écouter les salariés sur l’organisation du travail est sur le point d’être déposée à l’Assemblée nationale. Pierre Dharréville, député GDR des Bouches-du-Rhône en est l’auteur. Il estime que ce droit d’écoute permettrait de renforcer la prévention des risques professionnels.
Le premier article du texte ajoute le droit à l’écoute de l’expression des salariés et des organisations représentatives à la liste des principes généraux de prévention (article L4121-2 du code du travail). Dans son exposé des motifs, le député explique notamment qu’il est peu probable de bien suivre les neuf principes généraux de prévention sans consulter les travailleurs, premiers concernés.
Cette mesure est l’une des 17 recommandations issues des Assises du travail. Elle est aussi mentionnée plusieurs publications du Cese (« le travail en questions » et l’avis sur le dérèglement climatique et le travail). Mais Pierre Dharréville va même un peu plus loin puisque, telle qu’elle est rédigée, sa PPL prévoit de contraindre l’employeur à “prendre acte des avis des salariés et de leurs propositions et en tirer les conséquences”.
Le second article de la PPL prévoit d’ajouter à la fin de l’article L.2281-1 du code du travail, qui fixe déjà un droit pour les salariés à l’expression sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail, que “l’employeur a obligation d’examiner lorsqu’ils existent, les projets portés par les salariés et leurs représentants pour des modes de production respectueux de la santé et de l’environnement, et de rendre un avis motivé”. L’idée est de passer d’un droit d’expression à un vrai droit d’écoute, autrement dit, à l’obligation pour l’employeur d’étudier les projets proposés.
Le texte est loin d’être adopté puisque pour être examiné, encore faut-il qu’il soit inscrit à l’ordre du jour.
Source : actuel CSE
L’INRS propose des outils pour lutter contre les postures sédentaires au travail
02/02/2024
L’INRS (institut national de recherche sécurité) rappelle dans un communiqué publié hier les outils mis à disposition sur son site pour lutter contre les postures sédentaires au travail :
- Dépliant « Postures sédentaires au travail, un enjeu pour votre santé » ;
- Brochure « Les postures sédentaires au travail. Définition, effets sur la santé et mesures de prévention » ;
- Dossier web « Postures sédentaires » ;
- Webinaire « Les postures sédentaires. Un réel enjeu de santé au travail ».
L’institut appelle les employeurs à inciter les salariés à bouger et à varier leurs postures en agissant sur l’organisation du travail, l’aménagement de l’environnement de travail et l’équipement du poste de travail. Avec deux objectifs concrets en tête :
- rompre les postures sédentaires, idéalement toutes les 30 minutes ;
- limiter la durée totale en posture sédentaire, idéalement à moins de 5 heures par jour.
Attention, la pratique d’une activité physique, même intense, ne permet pas de compenser les effets néfastes des postures sédentaires sur la santé, alerte l’INRS.
Source : actuel CSE