SANTÉ SÉCURITÉ CONDITIONS DE TRAVAIL

Les impacts de la loi santé au travail pour les CSE

Formation des élus, consultation du CSE, évolution des documents de prévention… Un webinaire du cabinet Sextant a fait le point vendredi 18 mars sur les conséquences pour les CSE de la loi santé au travail dont on attend encore certains décrets d’application.

Vendredi matin, deux consultants en santé et sécurité du cabinet Sextant, Meriem Alouani et Boris Vieillard, on présenté aux internautes un webinaire sur les conséquences de la loi santé au travail pour les CSE (infographie en pièce jointe). Cette loi est issue du rapport de la députée Charlotte Lecocq, publié en 2018. Il s’en est suivi une négociation paritaire qui a abouti à l’accord national interprofessionnel de 2020. Enfin dernière étape, la loi santé au travail du 2 août 2021 qui entrera en vigueur dans quelques jours, le 31 mars. Voici un tour d’horizon de ce que prévoit le texte pour le CSE et ses élus.

Formation des élus : 5 jours pour un premier mandat

Les consultants de Sextant le rappellent : “La formation est de droit pour les élus du CSE et pour le référent harcèlement sexuel. Elle est prise sur le temps de travail, payée comme tu temps de travail et financée par l’employeur”. Pas question donc d’utiliser des heures de délégation. Et petite subtilité dans les entreprises de 11 à 49 salariés, la formation peut être financée via un opérateur de compétences (OPCO). De plus, la loi ne distingue pas entre les élus titulaires et les suppléants qui disposent du même droit à formation en santé sécurité, de même que les membres de la commission santé. En revanche, la loi ne dit rien sur les représentants syndicaux, il faut attendre de voir si les décrets d’application le préciseront. A défaut, Meriem Alouani et Boris Vieillard suggèrent aux élus de prévoir une clause dans l’accord de fonctionnement du CSE.

La durée légale de la formation en santé sécurité est de 5 jours pour un premier mandat, puis de 3 jours en cas de renouvellement du mandat, y compris pour le référent harcèlement. 5 jours sont également prévus pour les membres de la CSSCT mais uniquement dans les entreprises de plus de 300 salariés.

Le CSE bientôt consulté sur le DUERP

L’employeur est le garant de la santé physique et mentale des employés, qu’ils soient embauchés en CDI, CDD, intérimaires, stagiaires, selon l’article L.4121 du code du travail. Il s’agit d’une obligation de moyens renforcée, l’employeur doit donc prouver qu’il a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour protéger la santé des salariés. L’obligation comprend :

  • des actions de prévention des risques professionnels ;
  • des actions d’information et de formation ;
  • la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Trois documents fondamentaux fixent le suivi de la santé et de la protection des salariés : le bilan SSCT de l’année écoulée, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et le Papripact (programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail). Le CSE était jusqu’à présent consulté uniquement sur le bilan annuel et le Papripact. La loi santé au travail introduit une consultation du CSE sur le DUERP à compter du 31 mars 2022 et ce quel que soit l’effectif de l’entreprise. De plus, la loi exige que le DUERP soit conservé pendant 40 ans avec ses différentes mises à jour (1). “Les maladies peuvent se déclencher longtemps après l’exposition des salariés, c’est la raison de cette nouvelle disposition”, explique Meriem Alouani. Le document devra être mis à disposition des salariés mais aussi des anciens salariés et de toute personne qui peut y avoir intérêt comme les services de prévention et la médecine du travail. Enfin, le DUERP devra être dématérialisé et déposé sur un portail numérique. Ces dispositions entreront en vigueur au 1er juillet 2023 dans les entreprises de 150 salariés et plus. Un décret devrait préciser ces obligations.

Une nouveauté sur le Papripact : il devra faire apparaître un calendrier de mise en œuvre de chaque mesure avec un délai d’exécution, les ressources mobilisables de l’entreprise et des indicateurs de résultat sur lesquels les élus pourront challenger la direction.

Le rôle des élus : challenger la direction

“Avec ces nouvelles obligations, les élus vont devoir challenger leur direction sur les sujets de santé” analyse Boris Vieillard. Au CSE donc d’analyser les risques grâce aux DUERP et Papripact et d’être force de proposition. Le consultant ajoute : “Si l’employeur ne réagit pas à une proposition du CSE, il doit le motiver. Et s’il reste inactif, les élus peuvent utiliser leur droit d’alerte pour danger grave et imminent si les conditions en sont réunies”. En effet, les élus peuvent mener des enquêtes, des inspections dans les locaux de l’entreprise et solliciter une expertise. Les consultants de Sextant conseillent aussi que les synthèses et suggestions de la commission santé remontent au CSE afin d’alimenter ses avis.

Quant à l’avis du CSE consulté sur le DUERP ou le Papripact, les consultants de Sextant indiquent qu’il n’a pas à être binaire : “Ne vous contentez pas de rendre un avis positif ou négatif. Montrez par exemple que la politique de prévention est insuffisante, que les actions sont seulement tertiaires, que le pilote des actions de prévention n’est pas identifié et déduisez-en que l’employeur ne respecte pas ses obligations. Vous pourrez alors faire des demandes pour compléter les dispositifs d’évaluation, associer les salariés ou définir un plan d’action”.

Au sujet du Papripact, ils conseillent également que les élus vérifient que les actions de l’employeur respectent les principes de prévention en distinguant ce qui relève de la prévention primaire, secondaire ou tertiaire. La prévention primaire permet seule de remonter aux causes du risque. Par exemple, en matière de formation du management aux risques psychosociaux, il conviendra de demander une étude dur la charge de travail des managers (action primaire), et de réduire les injonctions qui les empêchent de manager leurs collaborateurs avant de les envoyer en formation (action tertiaire). Si toutes les actions sont prévues au 2ème semestre, les élus pourront demander que soient déterminées des actions prioritaires en début de semestre et des actions secondaires en fin de semestre.

(1) Un décret d’application relatif au DUERP a été publié au Journal officiel ce dimanche 20 mars. Nous y reviendrons dans une prochaine édition.

Marie-Aude Grimont

Loi santé au travail : les modalités relatives au DUERP sont précisées

La publication des décrets d’application de la loi du 2 août 2021 s’accélère, avec l’approche de la date d’entrée en vigueur du 31 mars 2022. Après les textes sur les visites pour prévenir la désinsertion professionnelle, c’est maintenant au tour des modalités relatives au document unique d’évaluation des risques professionnelles (le DUERP), et des dépenses liées aux formations en santé et sécurité au travail, d’être précisées par un décret publié ce week-end au Journal officiel.

Les actions de prévention découlent du document unique et de ses mises à jour

Les TPE de moins de 11 salariés exonérées de la mise à jour annuelle du DUERP

Jusqu’à présent, chaque organisation, privée ou publique, devait mettre à jour l’évaluation des risques professionnels, a minima une fois par an. Le décret du 18 mars (qui rentre en vigueur le 31 mars) supprime cette obligation pour les plus petites entreprises puisque la mise à jour annuelle ne devient obligatoire que “dans les entreprises d’au moins onze salariés” (C. trav., art. R. 4121-2).

► Remarque : depuis la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, le code du travail précisait déjà, dans son article L. 4121-3, que lorsque le document unique doit “faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs”.

Les deux autres critères de mise à jour restent valables. Ainsi, toutes les entreprises (dès 1 salarié) doivent revoir leur évaluation des risques professionnels :

  • lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est portée à la connaissance de l’employeur.

Remarque : ce dernier alinéa a été reformulé. Il était auparavant écrit “lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie”. La nouvelle rédaction insiste désormais sur le fait que l’employeur ait la connaissance de quelque information que ce soit, qui puisse avoir un impact sur l’évaluation d’un risque ou qui en créé un nouveau. Cela peut ainsi être le cas lors d’une crise sanitaire (avec un risque biologique « extérieur » qui n’est pas lié à une unité de travail ou bien à l’activité de l’entreprise), ou bien lorsque certains facteurs de risques psychosociaux s’aggravent (ex. : baisse de l’autonomie et de la marge de manœuvre, ou bien augmentation de l’intensité et de la complexité du travail).

Le document unique doit déboucher sur des actions de prévention à chaque mise à jour « si nécessaire »

Une des points fondamentaux de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021 (L. n°2021-1018, 2 août 2021 : JO, 3 août) était de rappeler (20 ans après sa création) et de renforcer la finalité de l’évaluation des risques professionnels. Celle-ci a toujours été d’évaluer les risques pour mettre en place des actions de prévention ciblées sur les risques les plus importants.

Ainsi, cette loi précisait le contenu du “programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail” – dit Papripact, pour les entreprises de plus de 50 salariés, et imposait aux plus petites d’avoir une liste d’actions de prévention qui découle du DUERP (et qui est consignée dans le DUERP).

Le décret du 18 mars indique que la mise à jour du Papripact ou de la liste des actions de prévention et de protection (c’est-à-dire l’équivalent pour les plus petites entreprises) doit être effectuée à chaque mise à jour du DUERP, si nécessaire.

► Remarque : même si le législateur a pris la précaution d’écrire “si nécessaire” (ces mots n’étaient pas présents dans le projet de décret), il semble logique de mettre à jour les actions de prévention suite à une modification du document unique. C’est le cas notamment si un risque apparaît ou si une cotation d’un risque augmente, car dans ces cas, la planification d’actions de prévention devient nécessaire ou en tout cas, à étudier. Cela ne serait pas nécessaire dans le seul cas où un aménagement d’un poste de travail fait diminuer un risque, voire le supprime. L’important est de bien connecter le document unique et les documents de prévention que ce soit le Papripact ou la liste des actions de prévention.

Dans la fiche de présentation du projet de décret, il était précisé que “ces trois documents ont vocation à être corrélés afin que leurs mises à jour respectives soient cohérentes, effectuées simultanément et en continu dans les entreprises et non à date fixes. Ce principe est conforme aux principes généraux de prévention qui disposent que l’employeur veille à l’adaptation des mesures pour tenir compte du changement de circonstance et tendre à l’amélioration des situations existantes. Cette disposition permet ainsi de clarifier que la mise à jour de l’un des documents ne vaut pas mise à jour de l’autre”. 

Le CSE acteur du DUERP

Le décret ne revient pas sur l’implication des représentants du personnel dans l’élaboration du document unique. Mais rappelons que le CSE a maintenant un vrai rôle à jouer dans l’élaboration du DUERP. En effet, la loi du 2 août 2021 précise que “dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le CSE et sa commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise” (C. trav., art. L. 4121-3, entrée en vigueur au 31 mars 2022).

Les documents de prévention (papripact ou liste d’actions pour les PME) doivent être présentés au CSE (C. trav., art. L. 2312-5 et C. trav., art. L. 2312-27). De plus, reste toujours valable le fait que le document unique d’évaluation des risques professionnels est utilisé pour l’établissement du bilan annuel du CSE sur “la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines” (C. trav., art. R. 4121-3).

La polyexposition aux agents chimiques est à évaluer

Alors que la loi du 2 août 2021 introduisait la notion de polyexposition aux produits chimiques, le décret du 18 mars ajoute à la liste (non exhaustive) des points que l’employeur doit prendre en compte dans le DUERP, les effets combinés de l’ensemble des agents, en cas d’exposition simultanée ou successive à plusieurs agents chimiques (C. trav., art. R. 4412-6).

Archivage et consultation du document unique

Avant le déploiement de la plateforme, l’employeur conserve les différentes versions du document unique dans l’entreprise

A compter du 31 mars 2022 (versions postérieures à cette date), la loi du 2 août 2021 oblige les entreprises à archiver les différentes versions du document unique pendant au moins 40 ans (C. trav., art. L. 4121-3-1, V). Est également prévu le déploiement d’une plateforme numérique de dépôt de document unique.

► Remarque : à partir du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et du 1er juillet 2024 pour les autres, chaque version du DUERP devra être déposée sur un portail numérique déployé et administré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. La mise en place de ce portail fera l’objet d’un autre texte d’application.

Selon le décret du 18 mars 2022, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’obligation de dépôt du DUERP sur ce portail numérique, c’est à l’employeur de conserver les versions successives du document unique au sein de l’entreprise sous la forme d’un document papier ou dématérialisé (C. trav., art. R. 4121-4).

Remarque : on note ici qu’un archivage papier est possible alors que le texte législatif ne mentionnait qu’un archivage dématérialisé.

Des précisions sur l’accès au DUERP pour les anciens travailleurs

La loi du 2 août 2021 indique que les différentes versions du DUERP doivent être tenues à disposition des travailleurs, mais aussi “des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès” (C. trav., art. L. 4121-3-1, V).

Le décret précise que les anciens travailleurs ne peuvent avoir accès qu’aux versions en vigueur durant leur période d’activité dans l’entreprise. Dans la même logique, “la communication des versions du document unique antérieures à celle en vigueur à la date de la demande peut être limitée aux seuls éléments afférents à l’activité du demandeur”. Enfin, “les travailleurs et anciens travailleurs peuvent communiquer les éléments mis à leur disposition aux professionnels de santé en charge de leur suivi médical”.

Les exigences liées à l’archivage et à la consultation des anciennes versions du DUERP sont les illustrations d’une fonction complémentaire assignée au document unique par la loi du 2 août 2021. En effet, ce texte législatif a ajouté le fait que, le DUERP doit non seulement répertorier “l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs” mais il est également supposé “assurer la traçabilité collective de ces expositions” (C. trav., art. L. 4121-3-1, I).

► Remarque : on peut se demander comment cette traçabilité dite collective s’articule avec le fait de ne communiquer que les “éléments afférents à l’activité” de l’ancien travailleur, puisqu’on se rapproche là d’un suivi individuel. A minima, l’entreprise doit être capable de faire le lien entre les différentes fonctions occupées par le travailleur au fil du temps, et les unités de travail recensées dans les versions du document unique. Ce point pourrait être crucial dans le futur, car une telle consultation pourrait être faite dans le cas où un ancien travailleur développe une maladie dont il soupçonne qu’elle soit d’origine professionnelle.

Le document unique consultable par le SPST

Alors que le DUERP était accessible au “médecin du travail et aux professionnels de santé mentionnés à l’article L. 4624-1”, il doit maintenant être tenu à la disposition du service de prévention et de santé au travail dans son ensemble.

Cette équipe peut comprendre, évidemment des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des infirmiers (dont le statut a été consacré dans le code du travail), mais aussi des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP). Peuvent aussi faire partie du SPST des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail.

Remarque : ce point est cohérent avec la mise en valeur de toute l’équipe pluridisciplinaire qu’on voyait transparaitre dans la loi du 2 août 2021.

Les modalités de prise en charge des formations en SST par les opérateurs de compétences sont définies

La loi du 2 août 2021 précisait les formations en santé et sécurité au travail auxquelles ont droit les représentants du personnel (membres de la CSSCT ou non) et le responsable sécurité (C. trav., art. L. 2315-18).

Le décret du 18 mars liste les dépenses liées à ces formations que les opérateurs de compétences peuvent prendre en charge (C. trav., art. R. 6332-40) :

  • “les coûts pédagogiques ;
  • la rémunération et les charges sociales légales et conventionnelles des salariés en formation, dans la limite du coût horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance par heure de formation ;
  • les frais annexes de transport, de restauration et d’hébergement afférents à la formation suivie et, lorsque les formations se déroulent pour tout ou partie en dehors du temps de travail, les frais de garde d’enfants ou de parents à charge”.

Le conseil d’administration de l’opérateur de compétences détermine les priorités et les critères de prise en charge des demandes présentées par les employeurs.

Clémence Andrieu

Prévention de la désinsertion professionnelle : des décrets pour compléter la “boite à outils”

Une des principales nouveautés de ces décrets d’application de la loi santé au travail d’août 2021 est le rendez-vous de liaison. Possible pour tout arrêt d’un mois, il doit permettre à l’employeur et à son salarié de faire le point durant l’arrêt de travail. Les textes devraient aussi permettre de faire beaucoup plus souvent des visites de pré-reprise et de signer des CRPE.

Deux décrets d’application de la loi santé au travail visant à renforcer la prévention de la désinsertion professionnelle ont été publiés au Journal officiel jeudi 17 mars 2022. Ils réforment la visite de pré-reprise et de reprise, ainsi que la convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE) et le projet de transition professionnelle, et explicitent au niveau législatif ce qu’est l’essai encadré. Les textes instaurent un nouveau “rendez-vous de liaison” et organisent une surveillance post-exposition (1). Ces dispositions, désormais précisées, pourront entrer en application à la date prévue par la loi (le 31 mars 2022), et concernent – sauf pour les visites de pré-reprise et de reprise – les arrêts de travail en cours à cette date.

En janvier 2018, l’Igas estimait qu’à court ou moyen terme, ce sont vraisemblablement entre 1 et 2 millions de salariés qui sont menacés par un risque de désinsertion professionnelle”, soit 5 à 10 % des salariés.

« Pas d’outil magique »

Parfois, c’est une fracture mal consolidée qui va empêcher de faire un geste incontournable pour le poste de travail, une maladie chronique qui entraîne des arrêts de travail à répétition difficilement compatibles avec l’activité, des troubles musculo-squelettiques dus au travail qui se sont installés… Dans tous les cas, que l’origine de la pathologie soit ou non professionnelle, ce sont des salariés qui risquent de ne pas pouvoir rester en emploi.

“Cela recouvre des situations extrêmement variées, et il n’y a pas de solution unique. Mais on a la conviction que, dans un certain nombre de cas, la désinsertion pourrait être évitée, si on agit suffisamment tôt, fait remarquer le secrétariat d’État en charge de la santé au travail. Il n’y a pas d’outil unique magique, l’idée avec la loi et ces décrets, c’est d’avoir une boîte à outils, d’avoir différents leviers qui peuvent être mobilisés”.

Rendez-vous de liaison

Nouveauté de la loi du 2 août 2021 : le rendez-vous de liaison, qui peut avoir lieu durant l’arrêt de travail, entre le salarié et son employeur. Le SPST (service de prévention et de santé au travail) est associé et, à la demande du salarié, le référent handicap peut aussi être présent. Le décret n° 2022-373 précise que le rendez-vous de liaison peut être organisé pour tout arrêt de travail d’au moins 30 jours.

L’idée est de faire le point sur la situation du salarié, les difficultés possibles pour le retour, et d’ainsi pouvoir réfléchir à des adaptations. “Actuellement, l’arrêt de travail est un peu comme un tunnel : l’employeur ne connaît pas la situation du salarié, et le salarié n’a pas forcément conscience des difficultés qu’il va rencontrer”, commente le cabinet de Laurent Pietraszewski. Contrairement à la visite de pré-reprise, le rendez-vous de liaison n’est pas un rendez-vous à caractère médical.

Visite de pré-reprise

Le décret n° 2022-372 élargit les possibilités d’organiser cette visite de pré-reprise, qui a lieu entre le médecin du travail et le salarié. Alors qu’elle ne concernait jusqu’à présent que les arrêts de travail de plus de 3 mois, elle pourra avoir lieu pour tout arrêt d’au moins 30 jours. Il y aurait chaque année environ 840 000 arrêts de travail de plus de 3 mois, qui déclenchent 300 000 visites de pré-reprise. Inclure les arrêts d’un mois pourrait faire doubler le nombre de ces visites : il y a 1,7 million d’arrêts de plus d’un mois. Les SPST, déjà débordés par les visites de suivi médical existantes pourront-ils suivre ? “C’est une augmentation potentiellement forte, et c’est l’idée, car cette visite peut être déterminante. Il va y avoir un temps de montée en puissance, et nous pensons que c’est absorbable par les SPST”, assure le secrétariat d’État à la santé au travail.

Moins de visites de reprise
Pour soulager un peu les SPST et déplacer le curseur vers la visite de pré-reprise, la visite de reprise ne sera plus obligatoire qu’au bout d’un arrêt de 60 jours en cas d’accident ou de maladie d’origine non professionnelle, contre 30 jours jusqu’à présent. Il a un temps été envisagé de supprimer la visite de reprise après un congé maternité. L’exécutif, sous la pression des partenaires sociaux, n’a pas retenu cette option. La visite de reprise est donc toujours obligatoire suite à un congé maternité, après toute absence pour maladie professionnelle et après un arrêt d’un mois suite à un accident du travail.
Visite de mi-carrière, à 45 ans
La loi santé au travail a aussi prévu une visite médicale de mi-carrière, à 45 ans – ou à un autre moment plus opportun qui pourra être décidé au niveau des branches. Le dispositif n’exigeait pas de texte d’application, tout est déjà dans la loi : l’article 22 a créé l’article article L. 4624-2-2 du code du travail, qui entrera en vigueur le 31 mars.

L’essai encadré

Avec l’essai encadré, un travailleur peut, alors qu’il est encore en arrêt de travail, tester sa capacité à revenir sur son poste, aménagé ou non, ou à occuper un nouveau poste. Cela peut se faire dans son entreprise, mais aussi dans une autre entreprise. Dans tous les cas, il sera suivi par un tuteur. Durant ces journées d’essai, le salarié conserve la totalité de ses indemnités journalières, prises en charge par l’assurance maladie. L’essai encadré se met en place à la demande de l’assuré, avec accord du médecin traitant, du médecin du travail et du médecin conseil.

En 2016, après quelques années d’une expérimentation concluante dans le nord de la France, l’essai encadré a été généralisé. Il faisait ainsi partie des “actions d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil” prévues par le code de la sécurité sociale durant un arrêt maladie, mais n’était pas explicitement mentionné. En 2020, une circulaire a permis de faire passer le dispositif de 3 à 14 jours, renouvelable une fois. Le décret n° 2022-373 pris en application de la loi santé au travail fait entrer le détail de l’essai encadré dans le code de la sécurité sociale.

La CRPE

La CRPE, convention de rééducation professionnelle en entreprise, n’est pas non plus une nouveauté de la loi santé au travail. Environ 200 à 300 CRPE seraient actuellement conclues chaque année, selon le cabinet de Laurent Pietraszewski. “On imagine qu’on doit pouvoir monter à plusieurs milliers”, précise-t-il. Jusqu’ici, la signature d’un tel contrat (entre l’assurance maladie, l’employeur et le salarié) était réservée aux travailleurs handicapés, pour une durée de 3 à 18 mois. Désormais, les salariés jugés inaptes ou à risque par un médecin du travail pourront aussi accéder au dispositif.

L’objectif est de réadapter le travailleur à son ancien poste de travail ou de le former à un nouveau métier, via des formations directement au sein de l’entreprise ou dispensées par des organismes extérieurs. La CRPE repose sur un co-financement entre l’employeur et l’assurance maladie dont le cadre sera fixé dans le contrat passé. L’assurance maladie verse des indemnités journalières, et le montant de la rémunération du salarié ne peut être inférieur à sa rémunération avant l’arrêt de travail. Ceci est précisé dans le décret n° 2022-372. Si le salarié démissionne à l’issue de la rééducation professionnelle, il peut continuer à bénéficier des indemnités journalières.

Tant avec l’essai encadré que la CRPE, “il y a aussi une logique d’offre de services pour les employeurs”, fait remarquer le secrétariat d’État à la santé au travail, soulignant l’accompagnement dont ont besoin les TPE-PME.

Le projet de transition professionnelle : la condition d’ancienneté levée pour les situations de maintien en emploi
Le projet de transition professionnelle est un dispositif entré en vigueur le 1er janvier 2019. Un salarié peut mobiliser son CPF (compte personnel de formation) pour financer une formation certifiante afin de changer de métier ou de profession. L’accès au dispositif est régi par des conditions d’ancienneté. Le décret n° 2022-373 lève cette restriction lorsqu’il y a un enjeu de maintien en emploi pour des raisons de santé. Précisément, les conditions d’ancienneté ne s’appliquent pas dès lors que le salarié a connu, dans les 2 ans précédant sa demande de projet de transition professionnelle : une absence au travail résultant d’une maladie professionnelle, une absence au travail d’au moins 6 mois, consécutifs ou non, résultant d’un accident du travail, une absence au travail d’au moins 6 mois, consécutifs ou non, résultant d’une maladie ou d’un accident non professionnel.

Élodie Touret

Un arrêté modifie la tarification des risques AT/MP pour 2022 pour certaines catégories

Un arrêté du 14 mars 2022 modifie l’arrêté du 24 décembre 2021 relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour l’année 2022. 

Il modifie les taux de cotisation des catégories de risque” Elèves et étudiants des établissements publics ou privés d’enseignement secondaire, supérieur ou spécialisé visés à l’article L. 412-8 (2°, b) du code de la sécurité sociale” et “Elèves et étudiants des établissements publics et privés d’enseignement technique visés à l’article L. 412-8 (2°, a) du code de la sécurité sociale”. 

actuEL CE