Renaud Buronfosse, président de l’INRS : “Nous avons accepté le budget de la nouvelle convention contraints et forcés”

16/07/2024

La convention d’objectifs et de gestion (COG) de l’Assurance Maladie – Risques professionnels pour la période 2023-2028 a (enfin) été signée le 5 juillet. Fonctionnant en mode dégradé depuis plusieurs exercices, faute de budget et grâce à une clause de sauvegarde, l’INRS est enfin fixé. Réaction de Renaud Buronfosse, président du conseil d’administration de l’Institut national de recherche et de sécurité.

Avec plus d’un an de retard, la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) ont signé avec l’État, le 5 juillet 2024, la Convention d’objectifs et de gestion (COG)* de l’Assurance Maladie – Risques professionnels pour la période 2023-2028. Des dotations supplémentaires pour l’INRS sont prévus.

Une enveloppe plus importante qu’attendu mais toujours insuffisante pour Renaud Buronfosse, président du conseil d’administration de l’Institut depuis le 27 avril 2023, et représentant le Medef, qui alertait le 12 juin dernier dans un communiqué, sur les “graves conséquences” d’une “violente réduction” de son budget. Depuis plusieurs semaines, les syndicats mobilisent contre la baisse des moyens de l’INRS. Comme nous, il est important pour le monde du travail de faire fonctionner correctement cet organisme dont l’activité vise, par la recherche scientifique et la formation, à améliorer les conditions de travail dans les entreprises ainsi que la prévention des maladies et accidents professionnels.

La COG pour 2023-2028 prévoit des dotations supplémentaires pour l’INRS, quelles sont-elles ?

Renaud Buronfosse, président du conseil d’administration de l’INRS : La COG pour 2023-2028 prévoit un budget de 86 M€ pour 2024, 87 M€ pour 2025, 88 M€ pour 2026, 89 M€ pour 2027 et 90,9 M€ pour 2028. Le conseil d’administration de l’INRS avait voté un budget de 93 M€ pour 2023 et 95,760 M€ pour 2024. Il s’avère ainsi moins important que ce que nous avions envisagé dans un premier temps. Pour autant, nous étions à 80 M€ il y a quinze jours. Nous avons donc réussi à faire pression auprès des pouvoirs publics pour obtenir un peu plus.

Êtes-vous satisfaits des montants décidés ?

Nous avions demandé une rallonge de 15 M€ pour 2024 pour atteindre 95 M€. Je rappelle que le financement de l’INRS provient du Fonds national de prévention des accidents du travail (FNPAT) alimenté par une taxe employeur. Il est excédentaire depuis plusieurs années. Notre demande était raisonnable. Nous obtenons donc 6 M€ au lieu des 15 M€ souhaités pour 2024.

Mais même si l’effort pour 2024 par rapport à 2023 est relativement important, nous n’obtenons qu’1 M€ de plus chaque année. C’est peu. La hausse des salaires et l’inflation seront bien supérieures. Nous aurions eu 2 ou 3 M€ par an chaque année, nous aurions moins discuté. En l’état, il vaut mieux accepter ce l’on nous donne que refuser en bloc. Mais non, nous ne sommes pas vraiment satisfaits. Nous avons accepté le budget de la nouvelle COG contraints et forcés.

Comment l’exécutif justifie-t-il ce nouveau budget ?

Le gouvernement voulait faire des économies. Lors des négociations, Bercy s’est montré très récalcitrant. Nous comprenons la volonté d’éviter que le budget dérape mais puiser dans le FNPAT nous apparaît un peu étrange. Nous déplorons le double discours du gouvernement. D’un côté, la prévention primaire est importante, il faut réduire le nombre d’accidents graves et mortels et donner des moyens à l’INRS. De l’autre, il faut résoudre les problèmes budgétaires et limiter les dotations destinées à l’Institut…

Le vrai problème est que le gouvernement ne se montre pas favorable à ce que les organisations syndicales et patronales soient autour de la table. Il donne l’impression de vouloir reprendre la main pour équilibrer le budget. Mais dans ce cas, il n’a qu’à annoncer la couleur et dire franchement que le paritarisme n’a plus sa place ! Il faudrait qu’il ait le courage de le dire.

Par ailleurs, nous regrettons de n’avoir pas été énormément défendu par le ministère du travail lors des négociations. Je rappelle que le rapport Lecocq préconisait de faire disparaître l’INRS ou du moins, de le rattacher au ministère du travail**. Or, ce dernier nous demande régulièrement un certain nombre de travaux. Nous nous autorisons donc désormais à refuser les travaux demandés par la DGT (direction générale du travail), hors de la convention signée chaque année. Nous verrons bien ce qu’il se passe.

Les travaux de l’INRS seront-ils impactés par ce nouveau budget ?

La première inquiétude porte sur nos 579 postes. Depuis fin 2023, avec les départs à la retraite, nous ne comptons plus que 543 salariés. Nous ne savons pas si nous aurons la capacité financière pour retrouver notre effectif. Alors même que nous avions prévu 6 postes supplémentaires pour arriver à 585 salariés. L’ouverture d’un poste coûte environ 100 000 €. Je vous laisse faire le calcul. Or, faute de personnel, nous ne pourrons pas réaliser l’ensemble des études prévues.

Nous allons donc revoir notre plan stratégique à la rentrée. Il mettait en avant les risques psychosociaux mais aussi des travaux spécifiques dans le BTP non traités par l’OPPBTP (organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, Ndlr). Nous devrons faire des choix. Se pose par exemple la question de nos accords passés avec l’éducation nationale pour notamment former les futurs salariés à la prévention et à la sécurité. Nous continuerons à assumer ce partenariat car cela nous parait essentiel pour l’avenir mais ce budget complique les choses.

Aucune rallonge budgétaire n’est possible pour 2024 ?

Désormais, plus rien ne peut se passer si l’on respecte la COG qui doit être validée pour la période 2023/2028. Néanmoins, nous allons tenter de renégocier pour l’an prochain.

* La COG, mise en place depuis 1996, est le cadre contractuel entre l’État et les caisses nationales des principaux régimes de Sécurité sociale, qui détermine les objectifs sur la période et les actions à mettre en œuvre par chacun des signataires et les moyens de fonctionnement alloués à la branche AT/MP.

** Dans le rapport Lecocq d’août 2018, la député du Nord, Charlotte Parmentier-Lecocq, Bruno Dupuis, consultant senior en management, et Henri Forest, ancien secrétaire confédéral CFDT ont préconisé de regrouper l’Anact, l’OPPBTP et l’INRS dans une même structure nationale dédiée à la prévention en santé au travail, placée sous la tutelle du ministère du travail et du ministère de la santé et des affaires sociales (p. 133). 

« La prévention constitue l’un des axes fort de cette COG dans un objectif constant et prioritaire, de baisse de la sinistralité »
“La prévention constitue l’un des axes fort de cette COG dans un objectif constant et prioritaire, de baisse de la sinistralité”, assure l’Assurance maladie dans un communiqué publié le 8 juillet. Les aides financières directes aux entreprises pour prévenir les risques professionnels connaîtront ainsi “une progression positive avec 120 millions d’euros disponibles d’ici 2028, au travers du Fonds national de prévention des accidents du travail, venant s’ajouter aux aides du Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (environ 150 millions par an pour soutenir les entreprises dans la prévention des risques ergonomiques)”.

Eurogip va également bénéficier de “dotations supplémentaires” et la COG pour 2023-2028 prévoit une “trajectoire d’emploi à la hausse pour les équipes risques professionnels au sein des Carsat/Cramif/CGSS” (+ 198 postes supplémentaires, selon la CFDT).

Par ailleurs, la branche “s’engage […] à conduire un travail d’accompagnement des assurés et de simplification des procédures déclaratives elles-mêmes » et à développer sa communication pour « promouvoir les services de la branche AT/MP et les prises en charge accessibles aux salariés en cas de sinistres professionnels reconnus et ce, vis-à-vis de l’ensemble des acteurs concernés (assurés, professionnels de santé, partenaires, etc.)” L’offre de services en ligne à l’attention des entreprises sera étoffée », ajoute l’Assurance maladie.

“Cette convention est prolongée d’un an par rapport à la période prévue initialement [2023-2027], afin de disposer d’une temporalité suffisante pour porter le déploiement de programmes et d’actions à forts enjeux”, précise l’Assurance maladie.

Propos recueillis par Matthieu Barry