Retours d’expériences pour la prévention des violences sexistes et sexuelles au travail
28/10/2024
Soutenue par le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) propose une monographie d’une cinquantaine de pages sur la prévention des violences sexistes et sexuelles au travail (VSST).
L’Agence y présente des enseignements tirés de l’expérience de cinq structures ayant déployé une politique pour prévenir les VSST. Ces bonnes pratiques portent sur les trois niveaux de prévention sur lesquels il est possible d’agir, à savoir :
- la prévention primaire, pour limiter en amont l’exposition aux facteurs de risques de VSST ;
- la prévention secondaire, pour apprendre à reconnaître et à qualifier les situations de VSST ;
- la prévention tertiaire, pour mettre en place un dispositif de traitement des cas de VSST.
Les entreprises qui proposent leurs retours d’expérience sont Linevia (transport routier de voyageurs en Bretagne, 215 personnes), Forbo (production de sols PVC et de dalles de moquette dans le Grand Est, 372 personnes), GRDF (exploitation du réseau de distribution de gaz dans le Centre-Ouest, 1 200 personnes), Asimat (association de soins infirmiers et de services à domicile dans le Grand Est, 948 personnes) et Sergic (services immobiliers dans les Hauts-de-France, 700 personnes).
Dans une entreprise, des éléments peuvent favoriser la mise en place d’actions de prévention des VSST, notamment le fait d’avoir une direction engagée sur la problématique, un dialogue social mature, des process internes et des rôles clairs ou encore de disposer d’un plan de formation interne mis en place. Un accord ou un plan égalité professionnelle est également un plus, tout comme la possibilité de pouvoir faire appel à un accompagnement externe si nécessaire.
En outre, la nomination des référents VSST est judicieuse. Un référent est désigné par le CSE (comité social et économique). Dans les entreprises de plus de 250 salariés, un autre est nommé par l’employeur. Et des cellules ou commissions internes relatives aux VSST peuvent aussi être mises en place.
Toutefois, il faut noter certains freins à une démarche de prévention des VSST. La persistance de tabous sur le sujet, le manque de moyens, les réticences managériales ou encore les insuffisances dans la communication interne en font partie.
Enfin, certaines conditions d’emploi et de travail présentent des facteurs de risques de VSST. C’est le cas dans les organisations avec un faible degré de mixité ou dans celles où les conditions d’emploi sont précaires (CDD, intérimaires, stagiaires, alternants, périodes d’essai, espoirs de promotion, etc.). Des conditions de travail telles que des postes de travail isolés, du travail sous pression ou avec un manque d’autonomie peuvent favoriser les VSST. Les relations de travail (peu de hiérarchie, management directif ou laxiste, travail en grande proximité, moments de convivialité, etc.) et le temps de travail (astreintes, déplacements fréquents, horaires atypiques, etc.) ont aussi leur importance sur la thématique des VSST.
Source : actuel CSE
La Cour d’appel reconnaît la responsabilité de l’Etat dans l’aggravation de maladies respiratoires
29/10/2024
Dans un arrêt du 9 octobre dernier, la Cour administrative d’appel de Paris renforce la condamnation de l’État concernant son implication dans l’aggravation de pathologies respiratoires chez une fillette du fait de pics de pollution enregistrés en Île-de-France. L’Etat n’aurait pas pris les mesures suffisantes pour limiter les périodes de dépassement des valeurs limites.
En juillet 2020, des parents ont adressé une réclamation indemnitaire au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires imputant les maladies respiratoires contractées par leur fille depuis sa naissance à la pollution atmosphérique en Île-de-France.
En effet l’enfant, née le 11 mai 2015 et qui résidait avec ses parents à Saint-Ouen à proximité du boulevard périphérique, a été victime de nombreux problèmes de santé de 2015 à 2017 : bronchiolites, asthme du nourrisson, crises de dyspnée sifflante. Lors du déménagement de la famille en août 2017 à Agde, l’état de santé de la fillette s’est nettement amélioré.
Par un jugement avant dire-droit datant du 7 février 2020, le tribunal administratif a jugé que l’État avait commis une faute de nature et engagé sa responsabilité, en ce que les mesures adoptées n’ont pas permis que les périodes de dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère de la région Île-de-France soient les plus courtes possibles. Il a donc ordonné une expertise pour apprécier les conséquences des dépassements des seuils de concentration de gaz polluants sur l’état de santé de l’enfant, et ensuite l’importance des préjudices en lien avec la faute de l’Etat.
Dans un jugement du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a conclu qu’une partie des symptômes dont a souffert la fillette a été causée par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l’État. Celui-ci a été condamné à verser aux parents requérants la somme de 3 000 euros.
Condamnation de l’Etat à 4 000 euros
Alors que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris, la décision de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 octobre dernier accentue la condamnation de l’État en la portant à 4 000 euros. Ainsi, l’État est désormais condamné à :
- 2 000 euros au titre des souffrances endurées par la fillette, avec des crises d’asthme et des épisodes de bronchiolite entre octobre 2015 et août 2017 entraînant une hospitalisation, des consultations aux urgences, un traitement inhalé quotidien et des séances de kinésithérapie respiratoire ;
- 1 000 euros au titre des souffrances psychologiques et morales et des fatigues qu’ont subies les parents du fait des pathologies de leur fille. La mère a notamment dû être arrêtée du 15 mars au 25 avril 2017 ;
- 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence des parents dont la vie familiale a été perturbée par le fait de faire dormir la fillette dans la chambre parentale, par la mutation professionnelle des requérants dans le sud de la France pour bénéficier d’un air plus sain et, par conséquent, par l’éloignement du cercle familial et amical qui se trouvait en Île-de-France.
Remarquons que le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 16 juin 2023, n’avait pas retenu les souffrances endurées par les parents.
Lien de causalité entre pic de pollution et aggravation des problèmes respiratoires
Les parents, qui agissent en tant que représentants légaux de la fillette mineure, avaient requis le paiement de la part de l’État de la somme de 219 000 euros. Cependant, leur demande a été rejetée concernant certains points, à savoir :
- la réparation des préjudices de leur fille au titre du préjudice d’agrément, des troubles dans ses conditions d’existence et du préjudice d’angoisse face à l’inaction de l’État ;
- la réparation de leurs préjudices propres au titre de l’incidence professionnelle, des frais de déménagement et de mutation, du préjudice moral face à l’inaction de l’État et du préjudice d’anxiété face à une contamination.
La Cour d’appel administrative de Paris juge que l’exposition de l’enfant à des pics de pollution observés en région Île-de-France doit être regardée comme étant un lien de causalité directe, non pas avec l’ensemble des maladies respiratoires contractées par la fillette, mais avec l’aggravation de ces pathologies puisque les bronchiolites ou l’asthme peuvent avoir des origines multifactorielles.
Insuffisance des mesures prises par l’État lors de dépassements
La requête du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est donc rejetée. L’Etat a méconnu les exigences prévues aux articles L. 222-4 et L. 222-5 du code de l’environnement. Il n’a pas mis en place des mesures suffisantes pour que les périodes de dépassement en Île-de-France des valeurs limites de concentration de gaz polluants fixés à l’article R. 221-1 de ce même code, surtout pour le dioxyde d’azote et les particules fines PM10, dont les seuils sont dépassés de façon récurrente, soient les plus courtes possibles sur la période 2012-2018.
Laura Guégan
Un tableau pour connaître et prévenir les RPS liés à la numérisation du travail
30/10/2024
Les technologies numériques se multiplient dans l’environnement professionnel. Elles peuvent être à l’origine de facteurs de risques psychosociaux (RPS) tels que l’augmentation de la charge de travail, le manque d’autonomie, l’isolement, la déqualification, etc. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) a mené une enquête sur cette problématique.
La Journée mondiale de la santé mentale s’est tenue jeudi 10 octobre 2024. A cette occasion, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), a publié un rapport accompagné d’une note d’orientation sur les “Technologies numériques au travail et risques psychosociaux : éléments probants et conséquences pour la sécurité et la santé au travail “.
Cette étude, qui s’inscrit dans le cadre de la campagne 2023-2025 “Un travail sûr et sain à l’ère numérique“, identifie les risques psychosociaux (RPS) et les impacts sur la santé mentale et le bien-être des salariés que peut générer l’utilisation des technologies numériques au travail. Elle propose également des initiatives pour éviter les risques liés à la transformation du paysage professionnel du fait de la numérisation.
Cinq principaux types de technologies numériques
Les recherches de l’EU-OSHA se sont portées sur cinq principaux types de technologies numériques :
- la robotique de pointe et l’intelligence artificielle (IA) pour l’automatisation des tâches ;
- les systèmes numériques intelligents ;
- les plateformes de travail numériques ;
- les technologies de travail à distance ;
- la gestion des travailleurs fondée sur l’IA.
La robotique avancée et l’IA sont des machines intelligentes qui collectent, analysent des données et prennent des décisions. Ces technologies sont notamment utilisées pour les soins de santé, l’éducation, l’assistance à la clientèle, le marketing et les conseils financiers. Les robots mobiles, les robots d’assemblage et les robots d’exosquelettes en font également partie. Leur utilisation est toutefois limitée avec seulement 5 % des répondants à l’enquête OSH Pulse qui recourent à des machines d’IA et 3 % à des cobots (robot collaboratif). Elles sont bénéfiques en matière d’efficacité, de précision, d’endurance et de sécurité des conditions de travail puisqu’elles interviennent dans des environnements dangereux à la place des travailleurs.
Les systèmes numériques intelligents comprennent différentes technologies : capteurs, IA, internet des objets (IoT), technologies sans fil, réalité augmentée et virtuelle, drones, etc. Ces systèmes peuvent prévenir et minimiser des dommages qui seraient causés aux travailleurs, améliorer la conformité en termes de santé sécurité au travail (SST), aider pour la prise de décisions ou encore développer des possibilités de formation dans des environnements virtuels.
Les plateformes de travail numériques se définissent comme l’ensemble du travail rémunéré réalisé par l’intermédiaire de plateformes en ligne. Elles se caractérisent par des modalités de travail atypiques, une gestion algorithmique, l’implication de tiers et un transfert des risques et responsabilités vers les travailleurs. Parmi les potentiels avantages de ces plateformes on peut citer l’autonomie, des horaires de travail flexibles ou un meilleur équilibre vie professionnelle / vie privée.
Les technologies de travail à distance, plus communément appelé télétravail, permettent une meilleure flexibilité et une autonomie accrue pouvant améliorer la productivité et les conditions de travail des travailleurs faisant l’objet de maladies chroniques par exemple.
Concernant les systèmes d’IA pour la gestion des travailleurs, ils collectent des données en temps réel sur l’espace de travail, les travailleurs et leurs activités. Ils prennent des décisions automatisées ou semi-automatisées et communiquent des informations aux décideurs (ex. : RH, managers, employeurs, etc.). Leur utilité se trouve dans l’amélioration de la planification et de la répartition des tâches et l’optimisation de l’organisation du travail.
Facteurs de RPS et solutions
Pour chacune de ces cinq technologies numériques, l’EU-OSHA a identifié les principaux facteurs de RPS et plusieurs solutions pour y faire face (voir le tableau ci-dessous).
Technologie numérique | Principaux facteurs de RPS | Solutions |
Robotique de pointe et IA | Surcharge cognitive Peur de perdre son emploi Insécurité de l’emploi Manque de confiance Déqualification Besoin d’amélioration des compétences Changements dans le contenu du travail | Programmes complets de formation et de perfectionnement Implication des travailleurs dans la planification et la mise en œuvre Communication claire Ajustements ergonomiques Soutien psychologique Transparence sur les capacités et limites de la robotique avancée et de l’IA Mécanismes de retour d’information et d’ajustement |
Systèmes numériques intelligents | Manque de confiance du fait de la surveillance Augmentation de la charge de travail Pression temporelle Manque d’autonomie Mauvaise communication Difficultés dans les relations sociales Sentiment d’injustice (technologie invasive) Manque de formation aux nouvelles technologies | Communication claire sur l’utilisation des données, la sécurité et la protection de la vie privée Implication des travailleurs dans la prise de décisions Renforcement de la responsabilité humaine dans l’interprétation des données Adaptation des cadres juridiques et politiques Considérations ergonomiques |
Plateformes de travail numériques | Isolement professionnel Augmentation de la charge de travail Pression temporelle Insécurité de l’emploi et des revenus Manque d’autonomie (car gestion algorithmique) Sentiment d’injustice Manque de confiance Exposition à des contenus pénibles Surcharge cognitive Mauvais équilibre vie professionnelle / vie privée | Extension des obligations SST aux travailleurs des plateformes et fourniture d’une assurance Gouvernance à plusieurs niveaux impliquant les autorités locales et les organisations de travailleurs Gestion algorithmique transparente Évaluations collectives des risques Formation et soutien ergonomique |
Technologies de travail à distance | Mauvais équilibre vie professionnelle / vie privée (surtout pour les femmes selon des études) Charge de travail accrue Heures de travail prolongées (soirs, week-ends) Connectivité constante Isolement Faible communication sociale Manque d’autonomie (outils de contrôle, logiciels de suivi du temps de travail) | Accords de télétravail complets Soutien ergonomique et équipement nécessaire Implication des partenaires sociaux Communication claire Droit à la déconnexion |
Gestion des travailleurs fondée sur l’IA | Pression temporelle Mauvaise communication Peur de perdre son emploi Augmentation de la charge de travail Intensification du travail Surcharge cognitive Mauvais équilibre vie professionnelle / vie privée Manque de confiance (manque de transparence) Sentiment d’injustice (opacité des décisions) Manque d’autonomie (surveillance continue) Déqualification des travailleurs Manque de formation | Transparence dans l’utilisation des données Approche participative et transparente Retour d’information des travailleurs Règles spécifiques pour éviter que le travail ne déborde sur la vie privée Initiatives de requalification et d’amélioration des compétences |
Cas spécifique des plateformes de travail numériques
Plus précisément, pour les plateformes de travail numériques, l’EU-OSHA a effectué des recherches pour quatre catégories de travailleurs de plateformes :
- les travailleurs peu qualifiés sur place (ex. : livraison de colis) ;
- les travailleurs très qualifiés sur place (ex. : travaux manuels) ;
- les travailleurs peu qualifiés en ligne (ex. : modération de contenu) ;
- les travailleurs très qualifiés en ligne (ex. : programmation).
Il en ressort que certains facteurs de RPS sont les mêmes peu importe la forme de travail sur plateforme alors que d’autres sont spécifiques à certaines tâches.
Les facteurs communs sont l’isolement professionnel, l’augmentation de la charge de travail, la pression temporelle, l’insécurité de l’emploi et du revenu, le manque d’autonomie, le sentiment d’injustice et le manque de confiance engendré par une gestion algorithmique non transparente.
Au contraire, des facteurs de RPS sont propres à des tâches précises. Un travail en ligne peu qualifié expose à un contenu pénible. Une tâche en ligne nécessitant une haute qualification peut faire l’objet d’une surcharge cognitive du fait de l’exigence d’une concentration mentale élevée. De façon plus générale, le travail en ligne présente des risques sur l’articulation entre la vie professionnelle et la vie privée. Pour les tâches sur site, elles sont davantage concernées par les risques pour la santé physique, la violence, le harcèlement, etc. (ex. : chauffeurs de taxi, livreurs).
Formation, communication et implication des travailleurs
En synthèse, l’EU-OSHA suggère une intégration des risques émergents liés à la numérisation dans les stratégies de SST (sécurité des travailleurs, temps de travail, équilibre vie professionnelle / vie privée, etc.). Inversement, la SST doit également être incluse dans les règlementations et accords relatifs à la numérisation.
La formation, la communication transparente et l’implication des travailleurs dans les processus de décisions sont aussi des facteurs clés de réussite lors du déploiement de technologies numériques dans l’environnement de travail. Cela améliore la transition, l’acceptation et l’adaptation à ces systèmes émergents et réduit les RPS. Pour l’agence européenne, la formation permet d’avoir des travailleurs compétents, confiants et bien préparés à manipuler ces nouveaux équipements et processus numériques. L’implication des travailleurs renforce le sentiment d’appartenance et permet d’identifier les éventuels problèmes lors du développement de la numérisation. La communication a pour but d’informer les travailleurs sur les changements qu’impliquent les technologies numériques (opérationnels, technologiques, de sécurité, etc.) et leur expliquer les impacts sur leurs métiers.
Équilibre vie professionnelle / vie privée
Pour éviter une pression excessive sur les travailleurs, la charge de travail est à évaluer régulièrement et des ajustements sont à mettre en œuvre si nécessaire. Afin de garantir un équilibre vie professionnelle / vie privée, l’employeur garantit le droit à la déconnexion.
Les résultats de ces travaux de l’EU-OSHA devraient être pris en considération par les décideurs politiques et les employeurs lorsqu’ils conçoivent de nouvelles politiques ou introduisent des technologies numériques sur le lieu de travail. Bien que la numérisation présente des facteurs de RPS potentiels, il faut prendre en compte le fait qu’elle peut aussi améliorer les conditions de travail sur certains aspects.
Laura Guegan
Fipu : seules deux branches ont finalisé le processus de négociation
30/10/2024
Alors que le ministère du travail vient de rappeler aux branches professionnelles qu’elles peuvent encore conclure un accord dans le cadre de la mise en œuvre du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu), nous avons interrogé le ministère du travail afin de connaître l’état actuel des négociations. “Neuf branches s’en sont saisi et deux ont finalisé le processus de négociation”, nous a ainsi répondu le ministère.
Source : actuel CSE