Votre CSE est-il apte pour… l’inaptitude ?

13/03/2025

Laurence Chaze, avocate associée chez Atlantes

L’employeur doit obligatoirement consulter le CSE lorsqu’il envisage de reclasser, ou de licencier faute de reclassement possible, un salarié pour inaptitude. Quel est le rôle des élus, que peuvent-il faire ? Les réponses dans cette interview de Laurence Chaze, avocate en droit du travail, inscrite au barreau de Marseille, et associée chez Atlantes, un cabinet qui accompagne les représentants du personnel.

L’inaptitude revient très souvent dans les ordres du jour des réunions des CSE (*)  mais on en parle finalement assez peu, d’où l’intérêt de la conférence que vous avez proposée au salon Eluceo de Paris sur le sujet. Avez-vous eu des questions intéressantes de la part des élus ?

Dans le cas d’une aptitude avec réserves ou d’une attestation de suivi accompagnée d’un document faisant état de préconisations du médecin du travail, certains élus pensent que lorsque l’employeur n’est pas en mesure de mettre en œuvre les aménagements nécessaires, le salarié peut être licencié, alors que ce n’est pas du tout le cas (lire notre encadré).

 Il y a un amalgame entre inaptitude et invalidité

Il y a une obligation de l’employeur de mettre en œuvre ces aménagements. J’ai observé aussi une méconnaissance de la procédure de consultation et de la procédure d’inaptitude, il y a un amalgame entre l’inaptitude et l’invalidité. L’inaptitude est une notion de droit du travail et l’invalidité est une notion du droit de la sécurité sociale, qui parfois se superposent, mais pas toujours. On peut être déclaré inapte à un poste dans l’entreprise et être apte à un autre poste dans une autre entreprise. 

Qu’observez-vous de la part des CSE, en pratique ?

Un mot tout d’abord sur la jurisprudence. Un temps, il y a eu un flou autour de la nécessité pour un employeur de consulter le CSE lorsque le reclassement du salarié inapte dans l’entreprise s’avérait impossible. Désormais, la jurisprudence a clarifié les choses : en cas de mention dans l’avis du médecin du travail des formules : “Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé” ou “L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi”, l’employeur n’est pas tenu à l’obligation de reclassement et n’a donc pas à consulter le CSE.

Il y a une certaine méconnaissance des procédures 

Hormis ces deux exceptions, cette information-consultation du CSE s’impose (voir le schéma ci-dessous). Maintenant, ce que j’observe dans la pratique, c’est une certaine méconnaissance de ce que peut faire le CSE. Et cela va de pair avec une difficulté de positionnement des élus par rapport à la volonté du salarié. Très souvent, le CSE limite son action.

Pourquoi les CSE limitent-ils leur action ?

Les élus se disent qu’ils ne peuvent pas aller contre la volonté d’un salarié qui s’inscrit lui-même dans un constat d’inaptitude, d’une impossibilité de reclassement et donc de licenciement. Parce que ce salarié vit une détérioration des conditions de travail et de sa santé, il peut ressentir l’impossibilité de poursuivre une relation de travail sereine. Et donc chercher une rupture du contrat de travail. Là, le CSE peut se dire : « Attention, si je rends un avis défavorable, je pourrais provoquer le reclassement du salarié alors que ce dernier veut partir ».

Parfois par peur de gêner le salarié ! Mais le CSE doit d’abord chercher à préserver les droits 

Pour autant, le salarié n’est jamais obligé d’accepter une proposition de reclassement ! D’autre fois, les positions sont inversées ! Dans les deux cas, j’allais dire peu importe la volonté du salarié, ce qu’il faut retenir, c’est qu’un travail peut être fait par le CSE dans la perspective de préserver les droits du salarié. Même dans le cas d’un salarié qui “souhaite” être licencié afin de quitter l’entreprise, il importe de formaliser des points qui pourront être exploités dans un contentieux ultérieurement, je pense par exemple au respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

Quels conseils “de base” donneriez-vous aux CSE ?

Se former sur l’inaptitude, chercher de l’information, échanger avec le service RH, aller voir le médecin du travail, visiter les salariés de l’entreprise et échanger avec son conseil juridique si le CSE en dispose pour donner le plus en amont possible le bon appui aux salariés.

L’inaptitude n’est-elle pas souvent devenue une consultation très formelle ? L’employeur consulte le CSE parce qu’il y est contraint mais cela ne change pas grand-chose au destin des personnes…

Le pourcentage de salariés inaptes qui sont reclassés est assez faible, en effet (*). Il y a un côté formel mais le CSE peut tout de même être actif dans la recherche d’une solution de reclassement et d’une alternative au licenciement. Il peut déjà vérifier que le périmètre retenu par l’employeur pour la recherche d’un reclassement est le bon : est-ce celui de l’entreprise ou du groupe ? Et ensuite vérifier que cette recherche est réelle.

Le CSE peut déjà vérifier que le périmètre de recherche d’un reclassement est le bon 

Par exemple, les autres sociétés du groupe sont-elles bien sollicitées pour la recherche d’un poste ? Qu’est-ce qui empêche le CSE de prendre contact avec les autres CSE du groupe pour vérifier l’opportunité de postes permettant un reclassement ? D’autre part, l’employeur a-t-il réellement réfléchi, pas seulement à des pistes de reclassement, mais aussi à des solutions d’aménagement du poste. J’invite les membres de CSE à examiner tous les documents qui doivent être communiqués par l’employeur avant la consultation, et cette information doit être précise. Le CSE a aussi intérêt à solliciter le salarié concerné pour recueillir ses informations.

L’inaptitude, c’est aussi un sujet pour la CSCCT ?

Il appartient au CSE de rendre un avis. Mais il me semble que le CSE pourrait associer davantage la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) au sujet de l’inaptitude, pour réfléchir à des aménagements et à des transformations des postes de travail pour les rendre davantage accessibles. Le CSE peut aussi faire appel à des structures comme l’Agefiph (Association d’aide à l’emploi de personnes en situation de handicap) qui peuvent accompagner l’employeur sur des aménagements de postes. Quoi qu’il en soit, les données sur l’inaptitude devraient être mises en perspective avec le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, le Papripact.

Mais l’avis rendu par le CSE ne s’impose pas à l’employeur…

Malheureusement non ! Mais qu’il soit favorable ou défavorable, l’avis du CSE doit être motivé et détaillé. L’avis peut mentionner les alertes en matière de sécurité et de conditions de travail auxquelles l’employeur n’a pas donné de suite.

 L’avis rendu par le CSE peut être précieux en cas de contentieux

En cas de contentieux, le salarié pourra s’appuyer sur cet avis pour caractériser une atteinte à la sécurité de la part de l’employeur, qui n’a pas pris de mesures nécessaires pour mettre fin au danger. Autre exemple : un employeur qui ne respecte pas les préconisations du médecin du travail dans le cadre d’un précédent avis d’aptitude, le CSE pourra le rappeler, à condition d’avoir connaissance de ces éléments.

Le CSE peut tenter de faire un lien entre l’inaptitude et la difficulté du maintien en emploi des seniors dans l’entreprise, par exemple ?

Cela me paraît intéressant mais difficile ! L’employeur limite l’information de sa consultation aux possibilités de reclassement. Et le CSE n’a pas accès au dossier médical, et donc des causes qui sont à l’origine de l’inaptitude. Il pourrait être force de propositions mais se retrouve souvent dans l’impossibilité de travailler sur des solutions faute de connaître précisément les raisons de l’inaptitude.

Pourtant une inaptitude dont l’origine est professionnelle peut s’expliquer par de mauvaises conditions de travail, non ?

Sûrement, mais il y a un manque de lien entre tous ces sujets individuels de l’inaptitude et les problèmes de fond transverses sur les conditions de travail et la pénibilité. Il est parfois difficile pour le salarié d’établir un lien entre ses problèmes physiques et son travail. Et c’est encore plus difficile en cas de difficultés de santé d’ordre psychologique.

Lorsque plusieurs inaptitudes concernent un même service, cela pose question 

Là, le CSE peut aider à établir ce lien. Lorsqu’il y a plusieurs inaptitudes dans un même service, même si l’obligation de consultation ne porte pas sur cette situation collective, il n’empêche que cela peut justifier une inspection de la CSSCT dans le service, voire une enquête en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle.

Quelle est la sanction pour l’employeur qui omet de consulter le CSE ?

La sanction de l’omission de consultation du CSE diffère selon que l’inaptitude est d’origine professionnelle ou non. Si elle est d’origine professionnelle, c’est la nullité du licenciement qui est encourue. En cas d’inaptitude non professionnelle, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. Le salarié peut obtenir des dommages et intérêts, mais dans la limite du barème Macron. Alors que si on obtient la nullité du licenciement, en démontrant par exemple que le licenciement est la conséquence d’une situation de harcèlement moral, alors là on échappe au barème Macron pour la fixation par le juge du montant des indemnités. Nous le demandons régulièrement, mais nous l’obtenons rarement.

L’inaptitude est parfois vue comme une alternative pour obtenir une rupture de contrat en cas de refus d’une rupture conventionnelle 

Il faut bien voir que, dans les contentieux, pour des salariés qui sont en arrêt maladie depuis au moins 3 mois et qui n’arrivent pas à obtenir de leur employeur une rupture conventionnelle, l’inaptitude peut être une alternative afin d’obtenir une rupture de leur contrat de travail. Ces salariés  vont voir le médecin du travail pour que ce dernier constate cette inaptitude, ce qui n’est pas du tout garanti.

Le rôle du médecin du travail est central dans l’inaptitude…

En effet, c’est le médecin du travail qui décide si le salarié est apte ou non à occuper son poste. Il échange avec l’employeur, il établit une étude de poste, et il peut être force de proposition sur les aménagements possibles ou les pistes de reclassement. Le CSE a donc intérêt à échanger avec le médecin du travail sur des situations individuelles d’inaptitude, en amont de la réunion lors de laquelle le comité rend son avis. Ce n’est pas forcément ce que je vois. Cela s’explique peut-être par un problème de temps pour les CSE, mais cela dépend aussi de la personnalité du médecin du travail, de sa disponibilité et de la confiance qu’il inspire.

Quels conseils donner du côté du salarié ?

Je conseille au salarié qui se trouve en arrêt de travail depuis plus de 30 jours de demander au médecin du travail une visite de pré-reprise. Le salarié saura à quoi s’en tenir de la part du médecin. Et en cas de contentieux,  cela pourra démonter, sur la foi de la copie du médecin du travail, que le salarié s’était plaint de ses conditions de travail sans que cela n’aboutisse à des changements.

En cas de long arrêt maladie, le salarié a intérêt à demander à voir le médecin du travail avant sa reprise 

Il y a aussi, dans le cas des arrêts de longue maladie, la possibilité d’une visite de liaison, c’est-à-dire un rendez-vous entre le salarié, le médecin du travail et l’employeur, afin de prévenir le risque de désinsertion professionnelle du salarié. En matière de prévention, les CSE peuvent aussi proposer à l’employeur de formaliser des bonnes pratiques pour éviter l’isolement des salariés en long arrêt maladie, car plus cette absence est longue, plus les chances d’une réinsertion dans l’entreprise sont délicates.

Le sujet de l’inaptitude était-il mieux traité du temps du CE et du CHSCT ?

La faculté des élus de s’emparer de leurs attributions a beaucoup pâti du passage au CSE. Maintenant, sur l’inaptitude, et même si cela me fait mal de le dire, je ne pense pas que ce sujet était mieux traité du temps du CHSCT, et peut-être y avait-il aussi moins de dossiers. Il me semble qu’avec la difficulté à obtenir la reconnaissance du caractère professionnel d’une dépression ou d’une situation d’épuisement professionnelle, il y a de plus en plus de cas d’inaptitude pour des motifs non professionnels.

(*) Les médecins du travail ont prononcé en 2022 plus de 134 300 inaptitudes. A partir des chiffres de 2017, on peut estimer que 95 % des inaptitudes se concluent par un licenciement. D’autre part, l’indemnité temporaire d’inaptitude (ITI) a connu une hausse de 17 % en 2023 par rapport à 2022.

L’essentiel à savoir sur l’inaptitude
Inaptitude : elle est caractérisée lorsqu’un salarié ne peut plus occuper son poste de travail en raison de son état de santé, tel que constaté par le médecin du travail. L’inaptitude peut être totale ou partielle, temporaire ou définitive ; elle peut concerner uniquement le poste occupé ou plus largement tout emploi dans l’entreprise. Son origine peut être liée au travail ou non. L’employeur doit proposer au salarié un autre poste, via un reclassement (et le salarié est libre de la refuse, mais il risque alors d’être licencié),  sauf si le médecin indique expressément que maintenir le salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Dans ce dernier cas, le CSE n’est pas consulté.

Rôle du CSE : l’employeur doit obligatoirement consulter le CSE sur les propositions de reclassement formulées pour un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, que cette inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle (art. L. 1226-10 et art. L. 1226-2 du code du travail). Le CSE peut donc formuler des contre-propositions à la décision envisagée par l’employeur. Avant la consultation, l’employeur doit fournir au CSE les informations nécessaires au reclassement, comme les conclusions du médecin du travail.

Quand ? La consultation du CSE doit intervenir après que l’inaptitude a été constatée par le médecin du travail, mais avant toute proposition de reclassement ou décision de licenciement.

Quelles indemnités en cas de licenciement ? Le salarié licencié suite à une inaptitude d’origine professionnelle reçoit une indemnité spéciale au moins égale au double de l’indemnité légale de licenciement. Pour une inaptitude non professionnelle, le salarié reçoit l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle si celle-ci est plus favorable. 

Inaptitude et salarié protégé. Le licenciement du salarié protégé qui est déclaré inapte suppose également la consultation du CSE, mais il est aussi conditionné par l’autorisation préalable de l’inspection du travail.

Aptitude avec réserves : attention, il ne s’agit pas d’une inaptitude, et donc il n’y a pas de consultation du CSE. Cette décision du médecin ne peut pas fonder un licenciement. La reprise du travail initial par le salarié, sous certaines conditions spécifiées par le médecin du travail (pas de port de charges lourdes, par exemple), doit être respectée par l’employeur, mais ce dernier peut soit demander des clarifications au médecin, soit contester cette décision auprès des prud’hommes.

► Nos conseils aux CSE. Aux conseils donnés dans l’interview, Virginie Guillemain, cheffe de rubrique au Dictionnaire permanent social de Lefebvre Dalloz, ajoute ces recommandations à l’attention des représentants du personnel : 

Surveiller le nombre d’inaptitudes professionnelles et non professionnelles (tous les accidents du travail et maladies professionnelles ne sont pas déclarées, rappelons-le) ;

Consulter systématiquement les données santé fournies par les RH ;

Veiller à la présence du médecin du travail dans les réunions du CSE ;

Les inaptitudes professionnelles devraient systématiquement être rapprochées des risques professionnels et du DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels).

Car si l’employeur ignore la raison de l’inaptitude, les représentants du personnel peuvent la connaître ;

Désigner au moins un représentant du personnel spécialisé en santé au travail, et le faire former, etc. 

Bernard Domergue

Pour l’été 2024, la DGT a signalé sept accidents du travail mortels à Santé publique France

13/03/2025

Santé publique France (SPF) compte sept accidents du travail mortels “en lien possible avec la chaleur” pour l’été 2024, selon le bilan publié le 11 mars 2025.

Pour la surveillance de l’impact des canicules sur la santé des travailleurs entre le 1er juin et le 15 septembre de chaque année, l’agence nationale s’en remet à la DGT (Direction générale du travail), qui lui a donc transmis sept fiches de signalement d’accidents du travail mortels, d’hommes âgés de 39 à 71 ans ; la plupart (six sur sept) exerçant une “activité professionnelle de construction et travaux ou d’agriculture”. 

Un seul de ces accidents mortels a eu lieu un jour de canicule, tous les autres sont survenus lorsque le thermomètre dépassait les 30°C, mais sans que l’on soit durant une période de canicule selon la définition retenue dans l’instruction ministérielle relative à la gestion sanitaire des vagues de chaleur. Cela souligne “l’importance de mettre en place des mesures de prévention pour diminuer l’impact de la chaleur, durant les canicules mais aussi durant tout l’été”, fait remarquer SPF.  

L’été 2024 a été plus chaud que la normale de 0,7°C. Le pourtour méditerranéen a été la région la plus impactée. La principale canicule a eu lieu du 28 juillet au 14 août, avec 43 départements et 40 % de la population concernés pour une durée moyenne de 4,7 jours. 

Source : actuel CSE

L’inquiétante progression des arrêts maladie liés aux troubles psychologiques chez les moins de 40 ans

14/03/2025

Une enquête d’Axa met en lumière une forte “dérive” de l’absentéisme en France qui a enregistré une hausse de 41 % par rapport à 2019. Un arrêt de longue durée sur deux pour troubles psychologiques concerne une personne de moins de 40 ans. Un sujet d’inquiétude pour le gouvernement et les entreprises.

“Ce qui était anormal hier est devenu la réalité d’aujourd’hui”. Diane Milleron-Deperrois, directrice générale Axa santé & collectivités, a souligné, lors d’une conférence de presse le 6 mars, l’envolée du taux d’absentéisme dans les entreprises françaises. Au cours des cinq dernières années, il a enregistré une hausse de 41 % par rapport à 2019, dernière année de référence avant la crise sanitaire, selon le Datascope 2025 d’Axa France. L’étude porte sur une analyse issue de 400 millions de données mensuelles anonymisées de son portefeuille d’entreprises clients représentant trois millions de salariés du privé en France.

Car la fin de la crise sanitaire n’a pas modifié la donne : le taux d’absentéisme fait toujours jeu égal avec celui de 2022, une année “record” marquée par les vagues épidémiques Covid et Omicron.

“Cette forte dérive ne montre pas de signe de stabilisation à court terme”, insiste Diane Milleron-Deperrois.

Les troubles psychologiques, première cause des arrêts de longue durée

Dans le détail, le taux d’absentéisme a augmenté de 7 % en un an. La durée moyenne d’un arrêt de travail en 2024 s’élève à 23,3 jours, contre 21, 8 jours en 2023.

Surtout, cette hausse est particulièrement liée à l’augmentation de la fréquence des arrêts de longue durée qui font un bond de 7,5 %.

Les troubles psychologiques, comme l’anxiété, la dépression, le burn-out, sont la première cause de ces arrêts de longue durée pour la quatrième année consécutive. Et ces problèmes prennent toujours plus le pas sur les troubles musculosquelettiques. Une tendance d’ores et déjà observée par le cabinet WTW France (Willis Towers Watson), en septembre dernier.

Le phénomène touche toutes les catégories. Mais en 2024, ils concernent des salariés de plus en plus jeunes : ils surviennent en moyenne à 41 ans, soit un rajeunissement de deux ans et demi en cinq ans.

Désormais, un arrêt de longue durée sur deux pour troubles psychologiques concerne une personne de moins de 40 ans. Cette proportion était de 46 % il y a un an et de 40 % en 2021.

L’absentéisme des cadres en forte hausse

Trois catégories suscitent une “inquiétude légitime”, pointe le Datascope d’Axa France. Les cadres tout d’abord. La progression de l’absentéisme pour cette catégorie est la plus importante (+9 %), portée par la hausse de la fréquence de leurs arrêts de travail. Sur cinq ans, leur absentéisme a progressé de 50 %. Les cadres de moins de 40 ans connaissent une hausse particulièrement marquée cette année (+13 %).

Par ailleurs, l’écart se creuse entre le taux d’absentéisme des femmes et celui des hommes (environ 50 % cette année, contre +40 % en 2019).

Enfin, les seniors sont largement concernés, avec une progression de 7 % en un an, contre 6,4 % l’année précédente.

Une conférence sur la santé au travail en mars

De quoi interpeller le gouvernement et les entreprises. Face à ces résultats, Axa France appelle à une “prise de conscience collective ainsi qu’à une action concertée autour de la prévention et de l’adaptation”. Côté gouvernement, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a confirmé l’organisation d’une conférence sur la santé au travail dont la santé mentale et les conditions de travail en mars. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est, lui saisi, en février, de la question en amont pour défricher le terrain, en vue de dégager des pistes de réflexions nouvelles.

En attendant, pour contenir l’augmentation du coût de l’indemnisation des arrêts de travail, la loi de financement de la Sécurité sociale et le décret du 20 février 2025 actent une baisse des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie.

Jusqu’au 31 mars 2025, les indemnités journalières sont calculées sur 50 % du salaire journalier de base avec un plafond fixé à 1,8 Smic. À partir du 1er avril 2025, le plafond est abaissé à 1,4 Smic.

Ainsi, mécaniquement, cette modification va entraîner une perte d’indemnisation pour certains salariés (ceux dont le salaire est supérieur à 1,4 Smic et qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’un maintien de salaire) et une augmentation de l’indemnisation à la charge de l’employeur en cas de maintien de salaire.

Anne Bariet

La victime de l’amiante qui accepte l’offre du Fiva renonce à toute action judiciaire

14/03/2025

L’acceptation de l’offre du FIVA vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice (loi n° 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53, IV).

En l’espèce, un ancien salarié est victime d’une maladie professionnelle consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante. Il accepte l’offre d’indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), laquelle prévoit notamment la réparation de son préjudice moral pour un montant de 15 000 €. Un arrêt confirmatif reconnaît ensuite la faute inexcusable de son employeur, puis la victime saisit la juridiction compétente pour obtenir la réparation de son préjudice d’anxiété.

La cour d’appel déclare sa demande irrecevable, puisqu’en acceptant l’offre du FIVA elle s’était désistée de toute action ultérieure en indemnisation. Dans son pourvoi, elle soutient notamment que “le préjudice spécifique d’une personne exposée à l’amiante atteinte d’une maladie due à celle-ci consistant dans l’anxiété permanente face au risque de dégradation de son état de santé et de menace sur son pronostic vital est distinct du préjudice moral résultant de la maladie elle-même”.

Mais son pourvoi est rejeté, car “le préjudice moral indemnisé par le FIVA, qui est caractérisé par la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution, inclut le préjudice d’anxiété subi par ces victimes après la déclaration de la maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle”.

► Remarque : lorsque des travailleurs de l’amiante n’ont pas développé de maladie professionnelle, ils ont néanmoins droit à la réparation d’un préjudice d’anxiété, du fait qu’ils “se trouvent, par le fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et sont amenés à subir des contrôles et des examens réguliers propres à réactiver cette angoisse”. En revanche, en cas de maladie professionnelle due à l’amiante, celui-ci est généralement qualifié de préjudice moral. Il serait souhaitable que les différentes juridictions amenées à statuer sur ces questions adoptent la même terminologie.

Source : actuel CSE