Le Cese met la santé au travail au centre du débat public

14/04/2025

Les co-rapporteurs Cécile Gondard-Lalanne et Jean-Christophe Repon présentent leur étude dédiée à la santé au travail le 8 avril au Cese.

Dans une étude dédiée exclusivement à la santé au travail présentée mercredi 9 avril, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) alerte sur le « manque avéré » de culture de la prévention des risques professionnels en France et appelle à un changement d’échelle dans la mobilisation des acteurs. Une énième sollicitation pour une prévention globale en santé au travail, saluée par la ministre chargée du travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

La bouche du Cese est-elle celle qu’il faut à nos oreilles ? Les préventeurs comme les représentants du personnel ne seront pas surpris par les constats alarmants ou les préconisations déjà formulées ailleurs de l’étude “Prévention en santé au travail. Défis et perspectives”, adoptée le 1er avril par le bureau du Conseil économique social et environnemental (Cese) et présentée le 8 avril dans l’hémicycle. lls trouveront néanmoins dans ce document de 74 pages un riche récapitulatif des maux modernes du travail (chaleur et dérèglement climatique, santé mentale, télétravail, intelligence artificielle (IA), management vertical et algorithmique – article à paraître –, hyperaccélération des rythmes de travail, inégalité de genre, sous-traitance, etc.).

Ainsi que les remèdes proposés ces derniers années par le Cese et les acteurs du secteur, comme l’inscription du principe d’écoute des travailleurs et travailleuses parmi les principes généraux de prévention dans le code du travail. “Car ce sont bien les travailleurs qui connaissent le mieux les risques auxquels ils s’exposent”, justifie la co-rapporteuse Cécile Gondard-Lalanne (Union syndicale Solidaires), membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité et de la commission travail et emploi.  

“Cette étude invite surtout à relever les défis qui nous incombent”, résume l’autre co-rapporteur de l’étude, Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. “Je remercie le Cese pour continuer de mettre la santé au travail au cœur de nos préoccupations et au centre du débat public”, a d’ailleurs salué la ministre chargée du travail Astrid Panosyan-Bouvet, après avoir assuré que le ministère “partage largement les buts” du représentant de la société civile organisée.

Malgré le report de la grande conférence sur la santé au travail qui devait se tenir au printemps dans ces lieux, elle a assuré “garder le cap” pour le 5ème plan santé au travail en préparation, déclarant que “la question de la santé au travail ne peut pas être une question subsidiaire codicille [un avenant, ndlr] au contrat de travail”.

“On a appris à réparer, rarement à prévenir”

Le message du Cese est clair : il est urgent de s’engager dans la prévention. “L’étude met en évidence qu’au travail, comme dans l’ensemble de la société, la prévention est bien trop en retard, souligne la présidente de la commission travail emploi, Sophie Thiéry. On a appris à réparer, rarement à prévenir. C’est ce qui explique en partie les mauvais chiffres de la France sur la santé physique et mentale au travail.”

La commission travail et emploi déplore dans son rapport une « persistance d’un haut niveau de sinistralité au travail (arrêts, accidents, maladies professionnelles, décès) » en France). « Les accidents mortels ont en commun d’être pour beaucoup évitables », a concédé Astrid Panosyan-Bouvet.

Sans la prévention, on remplit un puits sans fond

“La santé au travail, c’est bien plus qu’une affaire d’entreprise, c’est un vrai sujet de santé publique, poursuit Sophie Thiéry, à l’attention des décideurs. Ce que nous vivons dans notre quotidien professionnel déborde largement du bureau, de l’atelier, du chantier ou du magasin.”

Avant de resituer le débat. “Disons-le clairement, ce n’est pas le travail qui rend malade mais les conditions dans lesquelles il est parfois exercé (pression constante, manque d’autonomie, isolement, manque de reconnaissance, équipements inadaptés, etc.), appuie-t-elle. Il ne s’agit pas de rendre le travail plus sympa, plus fun, mais plus sain.”

Pour se faire, une solution simple. “Agir sur les conditions concrètes de travail, voilà les vraies clés qui permettent non pas le bien-être au travail, mais de pouvoir faire bien son travail, être bien au travail”, conclut la directrice de l’engagement sociétal chez Aésio.

“L’engagement des entreprises n’est pas toujours à la hauteur de notre réglementation [et] notre système prévention primaire [connaît] très clairement des marges de progression”, a concédé la ministre chargée du travail, qui compte sur le dialogue social et les branches pour réduire la sinistralité. Elle a indiqué avoir rencontré la branche intérim pour « voir avec elle comment progresser sur la question de la prévention des accidents graves et mortels”. Une autre réunion de ce type est prévue avec la branche du BTP. L’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) ont d’ailleurs récemment lancé des pistes opérationnelles pour réduire la sinistralité élevée des intérimaires du BTP.

La ministre veut aussi mettre en place une “meilleure coopération interministérielle entre le ministère du travail et le ministère de la justice sur la question des accidents graves et mortels” et répliquer la charte sociale des jeux olympiques et paralympiques 2024 (voir notre encadré).

Hyperaccélération

Dans son étude, la commission travail et emploi consacre une large part à la santé mentale, qualifiée d’ “enjeu majeur de la santé au travail au XXIème siècle”. “Les trois causes principales de la souffrance au travail sont l’organisation du travail, les conditions de travail et le management”, résume la docteure Florence Benichoux, auditionnée par le Cese. La co-fondatrice de Better Human accuse le “management à la française, très autocratique, très directif et très descendant” – comme le souligne l’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport récent – et la pression temporelle.

“L’évolution des conditions de travail la plus importante aujourd’hui est l’hyperaccélération, met-elle en exergue. Cette tendance à vouloir faire toujours plus et beaucoup plus vite dans un temps très concentré, en plus dans un monde VICA [volatile, incertain, complexe, ambiguë], créé une tension psychologique et une mentalisation plus importante du travail”.

Si on ne traite pas les causes, on ne résoudra pas le problème

Selon elle, la priorité est de “faire prendre conscience aux organisations et aux directions qu’il faut changer les choses” et réhabiliter, une fois encore, la prévention. “Sans la prévention, on remplit un puits sans fond, explique-t-elle. Si on ne traite pas les causes (conditions de travail, organisation du travail, qualité du management), on ne résoudra pas le problème”.

La ministre chargée du travail a confirmé à cet égard que le plan d’action gouvernemental relatif à la santé mentale érigée en grande cause nationale comporte un volet “travail”, dans lequel il serait question de “renforcer la prévention des risques psychosociaux, notamment des risques émergents liés au télétravail, à l’IA ou à la fatigue informationnelle”.

La charte sociale des JOP 2024, une « expérience intéressante »
Le Cese salue “la démarche collective de prévention santé-sécurité adoptée dans le cadre des JOP 2024” : “L’adoption d’une charte sociale signée par les partenaires sociaux est une expérience intéressante dont certains volets pourraient être généralisés”, suggère la commission.

“Aucun accident mortel n’a été à déplorer et le taux d’accidents du travail moyen a été divisé par quatre par rapport au taux habituel dans le secteur du BTP”, rappelle-t-elle.

Auditionnés par la commission, les deux co-présidents du comité de suivi de la charte sociale des JOP 2024, Dominique Carlac’h (Medef) et Bernard Thibault (CGT), distinguent huit facteurs de réussite :

– “un planning conçu pour être humainement tenable ;

– une bonne qualité de vie sur les chantiers ;

– un effort important de formation (“pas un travailleur non formé à la sécurité sur les chantiers”) ;

– la responsabilisation des donneurs d’ordre ;

– la mobilisation d’acteurs clé (OPPBTP, inspection du travail …) ;

– la présence des préventeurs sécurité sur les chantiers ;

– une bonne circulation de l’information en cas d’incidents voire de risques d’incidents ;

– des retours d’expérience pour chaque réunion du CA [conseil d’administration de la Solideo] en matière d’emploi et de sécurité.”

La ministre chargée du travail a déclaré vouloir “capitaliser sur ce succès” et dupliquer la méthode “bien au-delà d’Alpes françaises 2030 [prochains jeux d’hiver, ndlr] et des grands projets”.

Si la ministre juge le bilan des JOP 24 “bon”, Bernard Thibault a regretté auprès du Cese l’absence d’une instance pour “tirer un bilan global national de cette expérience”.

Matthieu Barry

45 % des salariés en détresse psychologique

15/04/2025

6 managers sur 10 déclarent que les risques psychosociaux (RPS) et les problèmes de santé mentale occupent de plus en plus de temps dans leur quotidien.

Depuis la crise sanitaire, la proportion des salariés en détresse psychologique ne baisse pas. Si les causes sont diverses, une marge de progrès sur la prévention est très nette, comme le montre le dernier baromètre du cabinet Empreinte Humaine.

Pas moins de 45% des salariés sont en détresse psychologique, soit une augmentation de 3 points depuis juillet 2024, relève le cabinet Empreinte humaine dans son dernier baromètre sur la santé mentale publié le 2 avril (*). Dans les éditions précédentes, ce chiffre oscillait entre 40 % et 50 %.

Force est donc de constater que l’état de la santé mentale de la population active ne s’améliore pas, et qu’il y a bien un lien avec le travail : 7 répondants sur 10 estiment que ce sentiment est relié au moins partiellement au travail.

Les jeunes et les femmes en première ligne

L’état de détresse psychologique est établi à l’aide d’un score basé sur des manifestations de détresse, précise Christophe Nguyen. Rappelons que “la détresse psychologique (DP) chevauche à la fois des symptômes de dépression et d’épuisement. Lorsqu’elle n’est pas traitée, elle risque d’entrainer des problèmes de santé plus graves tels que diverses maladies psychosomatiques, l’hypertension artérielle, différents troubles anxieux, la dépression sévère et des troubles addictifs.”

Le baromètre s’est aussi penché sur l’épuisement professionnel et ses conséquences (en se basant sur des critères issus du test d’inventaire du burnout de Maslach) : 31 % des répondants sont en risque de burn-out. Et 1 salarié sur 5 en risque de burn-out sévère présente un risque dépressif (+ 2 points).

Parmi les populations les plus à risques, comme dans les éditions précédentes, on retrouve :

  • les jeunes (- 29 ans) : 49 % en DP (même si le pourcentage a baissé de 13 points) ;
  • les salariés entre 30 et 39 ans : 52 % en DP (+ 24 points, dont une partie est probablement due à un transfert mécanique des répondants de la catégorie « jeunes » à celle-ci) ;
  • les femmes : 52 % en DP (+ 8 points) ;
  • les employés : 53 % en DP.

1 manager sur 2 en détresse psychologique

Le baromètre fait un focus sur la population managériale qui est soumise à des contraintes spécifiques. Ainsi 7 managers sur 10 doivent prendre en compte de plus en plus les problèmes personnels, sociaux ou psychologiques de leurs collaborateurs. Et parmi ces managers, 51 % sont en détresse psychologique. Ce point pourrait-il expliquer en partie un certain désamour pour cette fonction comme le suggère les résultats d’une étude de l’Apec de novembre 2023 ?

Les managers de proximité sont aujourd’hui considérés comme des “super héros” par leurs collaborateurs

Six managers sur 10 déclarent que les risques psychosociaux (RPS) et les problèmes de santé mentale occupent de plus en plus de temps dans leur quotidien. Et surtout, ils estiment être soumis à des injonctions paradoxales : devoir à la fois atteindre les objectifs de performance et veiller à prévenir le stress au travail dans leurs équipes. Ceci a un impact sur leur santé mentale puisque 60 % de ces managers sont en détresse psychologique.

Sur cette question de management, Christophe Nguyen note que la dimension du rôle du manager de proximité a changé. Alors qu’il y a quelques années, il relevait des problèmes de collaborateurs avec leur manager direct, voire des cas de harcèlement, Aujourd’hui, même s’il rappelle “qu’il y aura toujours des cheffaillons”, il constate que les managers de proximité sont très bien vus par leurs équipes, voire sont considérés comme des “super héros” par leurs collaborateurs qui “ne savent pas comment [les managers] arrivent à tout gérer”.

Une prévention qui n’est pas au niveau …

Un décalage très important sur la perception des actions de prévention mises en place dans les entreprises ressort dans ce baromètre : 74 % des responsables RH estiment que leur entreprise a mis en place des actions de prévention, qu’ils décrivent comme suffisantes à 72 % et efficaces à 87 %, alors que seulement 35 % des salariés déclarent que leur entreprise a mis en place des actions de prévention décrites comme efficaces à 61 % et suffisantes à 64 %.

De même, 76 % des RH considèrent que la prévention des RPS est une priorité dans leur entreprise contre seulement 39 % des salariés.

38 % des DUERP n’incluraient pas l’évaluation des RPS 

Les responsables RH déclarent formaliser le document unique (DUERP) intégrant les risques psychosociaux à 62 % et évaluer les risques psychosociaux à 49 %. On peut donc en déduire que 38 % des DUERP n’incluraient pas l’évaluation des RPS, alors que c’est une obligation légale. Et que la mention des RPS dans 13 % des DUERP ne serait pas fondée sur une réelle évaluation de ces risques. La marge de progrès est donc très conséquente.

Les responsables RH ont une certaine conscience de la situation puisqu’ils estiment à une très large majorité (9 sur 10) être davantage en mode « réaction » à des situations (alerte, conflit, arrêt maladie etc…) qu’en mode « prévention » (actions préventives).

… alors que les salariés sont en attente d’une meilleure sécurité psychologique au travail

Christophe Nguyen cite les travaux de la chercheuse australienne Maureen Dollard selon laquelle une action de prévention ne peut fonctionner que lorsque ces “ingrédients” qui permettent un climat de sécurité psychologique sont présents. Or, selon les répondants, c’est le cas pour moins de la moitié des situations de travail :

  • la prévention du stress implique tous les niveaux hiérarchiques de votre organisation (44 %) ;
  • la direction de l’entreprise considère que la santé psychologique du personnel est aussi importante que la productivité (35 %) ;
  • il y a un bon niveau de communication/information en ce qui concerne les enjeux liés à votre santé psychologique (33 %) ;
  • la direction de votre entreprise démontre sa préoccupation pour la prévention du stress par son implication et son engagement (30 %).

“Il est donc fortement probable que, faute de prévention efficace (et d’un meilleur climat de sécurité psychologique), l’absentéisme au travail, les arrêts maladie pour motifs psychologiques en particulier, continuent à augmenter ou à rester à niveaux records dans les prochains mois en particulier pour les sous-populations les plus atteintes (jeunes, femmes, non managés)”, alerte Christophe Nguyen.

Quelles causes de ce mal-être ?

Christophe Nguyen constate empiriquement plusieurs facteurs qui expliquent cette santé mentale dégradée : une surcharge de travail (avec des consignes poussant à davantage de quantité au détriment de la qualité qui serait alors “empêchée”, des process complexes, beaucoup de tâches de reporting), une intensification du travail (faire plus avec moins) et, surtout pour les structures de grande taille, un nombre important de changements avec des outils qui segmentent le travail, notamment.

6 salariés sur 10 estiment que l’individualisme s’accentue au cours des dernières années

Le baromètre s’est justement intéressé, pour la première fois à la question de l’individualisme au travail. Alors que le soutien social et le collectif de travail sont des facteurs “protecteurs” en prévention, 6 salariés sur 10 (et 7 cadres sur 10) estiment que l’individualisme s’accentue au cours des dernières années. Or, cette montée perçue de l’individualisme crée 1,6 fois plus de risque sur la santé mentale.

Comme indiqué dans une récente étude de la Dares, le travail à distance a une influence sur cette individualisation, mais dans ce baromètre, seulement 13 % des interrogés attribuent cet état de fait au télétravail et la distanciation physique. Par contre, d’autres causes sont relevées : un manque de reconnaissance collective (44 %), la pression sur les performances individuelles (39 %) et une compétition entre les individus favorisée par les objectifs individuels (30%).

Ainsi, 50 % des salariés s’accordent pour dire que leur environnement de travail les incite à privilégier leurs objectifs professionnels individuels au détriment de la collaboration.

Et, point notable : 7 salariés sur 10 pensent l’individualisme nuit à la performance globale de l’entreprise…

(*) Ce baromètre a été réalisé par Opinion way auprès de 2030 salariés entre le 27 février et le 18 mars 2025.  L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de genre, d’âge, région, taille d’entreprise, statut, CSP et secteur d’activité. Les résultats ont été pondérés par ces mêmes critères.

Clémence Andrieu

L’administration Trump s’attaque aux instances SST américaines

16/04/2025

Dans le cadre d’une restructuration radicale annoncé le 27 mars et ordonnée par le secrétaire à la santé et aux services sociaux américain, Robert F. Kennedy Jr, environ 873 employés de l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH)* américain devraient être licenciés en juin pour réaliser des économies, selon le média américain CBS News. “Au fil du temps, les administrations comme le HHS [département de l’administration américaine chargé de la politique en matière de santé] deviennent gaspilleuses et inefficaces, même lorsque la plupart de leurs employés sont des fonctionnaires dévoués et compétents”, a notamment déclaré le secrétaire Kennedy dans un communiqué du 27 mars.

“La plupart des postes civils du NIOSH ont été supprimés [et] ces suppressions d’emplois affecteront des programmes allant de la recherche sur la sécurité minière à la certification des équipements de protection individuelle”, précise l’American industrial hygiene association (AIHA) dans une publication mise à jour au fil de l’eau. Son directeur, Laurence Sloan, rappelle sur Linkedin que le “NIOSH protège les 164 millions de travailleurs du pays et constitue le seul investissement fédéral dédié à la recherche nécessaire à la prévention des accidents et des maladies qui coûtent 250 milliards de dollars par an à l’économie américaine”.

L’OSHA (Occupational Safety and Health Administration, l’administration américaine de la sécurité et de la santé au travail) n’est pas non plus épargnée, selon Industrial safety & hygiene news (ISHN). Le département de l’efficacité gouvernementale (en anglais, “Department of Government Efficiency”, soit “DOGE” en abrégé) aurait annoncé début avril la fermeture de onze bureaux régionaux de l’OSHA “vraisemblablement pour économiser sur les loyers”.

Un décret exécutif, publié dès les premiers jours de l’administration Trump, a également suspendu l’élaboration de la réglementation de l’OSHA. Et l’administration aurait annoncé son intention de supprimer plusieurs réglementations fédérales. Lors des assises de la santé et de la sécurité des travailleurs le 25 mars, Laurent Vogel, chercheur associé dans le domaine des conditions de travail, de la santé et de la sécurité à l’Institut syndical européen (ETUI), déplorait que soient “abolies” plusieurs règles “dont celle qui concerne le travail sous forte chaleur” et “une règle fondamentale pour les entreprises non syndiqués qui les autorisaient à faire venir une tierce personne (un syndicaliste) en cas d’inspection du travail pour établir un rapport de force”.

“[Le président Trump] a aussi bloqué d’autres règles en préparation et a adopté une règle qui s’appelle 10 contre 1, expliquait-il. Elle signifie que si vous voulez adopter une nouvelle règle en santé au travail, vous devez supprimer 10 règles existantes.” Selon Laurent Vogel, l’OSHA aux États-Unis “est à la fois l’INRS, l’inspection du travail et un organisme de régulation”.

*Selon le journal, le NIOSH, créé en même temps que l’OSHA en 1970, « étudie la sécurité et la santé des travailleurs et ses conclusions sont utilisées par diverses agences fédérales et étatiques, ainsi que par le secteur privé et le monde universitaire, pour protéger les travailleurs ».

Source : actuel CSE

Une surcharge de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail

17/04/2025

Le fait de soumettre le salarié à un rythme de travail préjudiciable à sa santé et à son équilibre, sans temps de repos nécessaire à une récupération effective, caractérise un manquement à l’obligation de sécurité.

Une quantité de travail trop importante peut révéler un manquement de l’employeur à son obligation légale de sécurité envers les salariés, cette jurisprudence du 2 avril 2025 en fournit une nouvelle illustration.

Reprochant notamment à son employeur un manquement à son obligation de sécurité, un salarié engagé par la société “K par K” comme VRP et responsable des ventes, saisit les prud’hommes en vue d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Rappel  La résiliation judiciaire du contrat de travail est un mécanisme qui permet au salarié de demander aux prud’hommes de prononcer la rupture de son contrat de travail en raison de manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles. En attendant la décision du juge, le salarié continue de travailler au service de son employeur. Si le juge prononce la résiliation judiciaire, la rupture est alors imputable à l’employeur et produit dans la plupart des cas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, si le juge refuse de prononcer la résiliation judiciaire parce qu’il estime que les manquements reprochés à l’employeur ne sont pas suffisamment graves, le contrat de travail du salarié est maintenu. Le salarié doit continuer à travailler dans l’entreprise.

Le salarié, qui se plaignait notamment d’une surcharge de travail, obtient gain de cause.

Comme le rappelle la Cour de cassation, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers les salariés. Cette obligation lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. S’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il ne pourra pas lui être reproché d’avoir manqué à cette obligation.

Notons en outre que l’article L. 4121-1 prévoit notamment que les mesures à prendre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs comprennent des actions d’information et de formation et “la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés”. L’article L. 4121-2 est quant à lui celui qui liste les neufs principes de prévention qui servent à guider l’employeur dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique de prévention (*).

Or, dans notre affaire, l’employeur s’était contenté d’affirmer “n’avoir commis aucun manquement sans justifier des mesures prises pour assurer la protection de la santé du salarié”. Alors que les plannings de travail de l’intéressé et les attestations communiquées aux juges démontraient une quantité importante de travail.

De plus, les faits montraient que “le salarié avait été soumis à un rythme de travail préjudiciable à sa santé et à son équilibre, et n’avait pas toujours pu bénéficier du temps de repos nécessaire à une récupération effective, propice à éviter toute altération de son état de santé”.

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité était donc bien établi, ce qui justifiait la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de travail du salarié. 

Quand il y surcharge…

Avoir du travail à faire, même en quantité importante, n’est pas un problème en soi, dès lors que l’on a du temps, des moyens, des outils, etc. adaptés pour l’absorber.

En réalité, ce sont les déséquilibres qui sont problématiques. La surcharge de travail est un déséquilibre entre ce qui est demandé au salarié et les moyens qui sont fournis :

  • d’un côté, des exigences élevées de quantité et de qualité du travail, une pression temporelle importante ou des amplitudes horaires élevées, des clients exigeants, des responsabilités élevées, etc. ;
  • de l’autre, un manque de moyens (temps, matériel, etc.) tels que des outils mal entretenus, des modes opératoires inadaptés, l’absence de soutien des collègues ou de la hiérarchie ou encore un déficit de connaissances et de compétences.

La surcharge peut entraîner des effets néfastes pour la santé physique et mentale : stress et épuisement de type burn-out, fatigue, risque d’accident accru lié à la précipitation ou au non-respect de procédures de sécurité, blessures (entorse, lumbago, etc.) ou encore maladies professionnelles (par exemple des TMS).

Frédéric Aouate

Suicides à l’hôpital : plusieurs ministres visés par une plainte pour “harcèlement moral institutionnel”

18/04/2025

Selon les informations du Monde et de France Inter, une plainte a été déposée, jeudi 10 avril 2025, devant la Cour de justice de la République (CJR) pour “harcèlement moral, homicides involontaires et violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et mise en danger de la personne”, contre la ministre de la santé Catherine Vautrin, le ministre délégué à l’accès aux soins et à la santé Yannick Neuder, et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Élisabeth Borne. Cette plainte, inédite, fait suite à une série de suicides dans les hôpitaux publics.  

Elle a été déposée par 19 personnes, des soignants et des veufs ou veuves de soignants, de “tous les corps médicaux (infirmière, chef de service, directeur), toutes les spécialités (pédiatrie, néphrologie, cardiologie, psychiatrie, gynécologie…) et toutes les régions de France”, indique Le Monde.  

La plainte, portée notamment par l’avocate Christelle Mazza qui représente aussi la veuve du cardiologue Jean-Louis Mégnien qui s’est défenestré à l’hôpital européen Georges-Pompidou en décembre 2015, s’appuie sur la jurisprudence France Télécom et la notion de « harcèlement moral institutionnel ».

Toujours en s’appuyant sur cette décision, l’avocate aurait également déposé plainte auprès du parquet de Paris en mars, pour le compte de plusieurs PU-PH (professeurs des universités-praticiens hospitaliers), contre l’AP-HP et l’université de Paris-Cité.  

Source : actuel CSE