Revendiquer une sensibilité politique ne prive pas un syndicat de sa qualité

30/09/2024

La communauté d’idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne saurait le priver de la qualité de syndicat dès lors qu’il agit dans l’intérêt qu’il considère être celui des salariés, précise la Cour de cassation dans un arrêt publié du 25 septembre 2024.

Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense de droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts (C. trav., art. L. 2131-1).

En cas de contestation de la licéité de l’objet d’un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite.

La Cour de cassation a eu l’occasion de le répéter dans un arrêt du 12 juillet 2024 (n° 24-60.173). Cet arrêt censurait une décision du tribunal judiciaire déclarant la candidature à l’élection professionnelle “TPE” (très petites entreprises) de l’union syndicale des Gilets Jaunes (USGJ) irrecevable en raison, notamment, de la nature politique de son objet.

► Remarque : les juges du fond s’appuyaient sur des articles publiés sur le site internet de l’USGJ relatifs aux questions sanitaires et sur les potentiels effets secondaires des vaccins contre la Covid-19, sujet très éloigné de la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des salariés. Ces articles permettaient, selon eux, de caractériser la nature purement politique de l’USGJ. Mais pour la Cour de cassation, les juges n’avaient pas recherché l’existence d’autres articles en lien avec la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des membres du syndicat. Un article dénonçant la suspension du contrat de travail des professionnels de santé ayant refusé de se faire vacciner contre la Covid-19 avait pourtant été versé aux débats.

Dans un arrêt du 25 septembre, elle a l’occasion d’affiner sa position en approuvant un tribunal judiciaire d’avoir jugé que l’USGJ a la qualité de syndicat lui permettant de désigner un représentant de section syndicale (RSS).

Un positionnement idéologique ne suffit pas à contester la licéité de l’objet d’un syndicat

Dans cette affaire, l’USGJ désigne un représentant de section syndicale (RSS) au sein d’une société le 15 septembre 2022. Douze jours plus tard, se fondant sur l’article L. 2131-1 précité, la société saisit la justice aux fins d’annulation de cette désignation. Pour elle, l’objet de l’USGJ était illicite. 

En effet, l’union revendiquait dans ses statuts son affiliation au mouvement des Gilets Jaunes dont l’objet est exclusivement politique et menait, de fait, des actions à but éminemment politique telles que l’organisation de manifestations pour la sortie de la France de l’OTAN ou de l’UE, la destitution du Président de la République ou bien encore l’introduction d’un référendum d’initiative citoyenne.

Tous ces éléments permettaient de prouver que l’USGJ menait des actions, sinon exclusivement, du moins principalement politiques, peu important qu’elle ne soit pas l’émanation ou l’instrument d’un parti politique. Cette union ne pouvait donc revendiquer la qualité de syndicat professionnel et, en conséquence, désigner un RSS.

Les juges du fond ne suivent pas cette argumentation. Le mouvement des Gilets Jaunes n’est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d’association ni sous aucune forme juridique. Dès lors, la référence du syndicat à ce mouvement “ne constitue qu’un positionnement idéologique et non la preuve de ce que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et serait la marionnette d’un parti politique”.

La décision des juges du fond est approuvée par la Cour de cassation.

Après avoir rappelé que la liberté syndicale est garantie par l’Organisation internationale du travail (Convention n° 87) tout comme le droit syndical (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, art. 11 ; Préambule de la Constitution, 27 oct. 1946, al. 6), le contenu de l’article L. 2131-1 et le rôle du juge en cas de contestation de la licéité de l’objet d’un syndicat, la Cour de cassation fait sienne l’argumentation du tribunal judiciaire en affirmant que :

  • la référence du syndicat au mouvement des Gilets Jaunes (qui n’est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d’association ni sous aucune forme juridique) ne constitue “qu’un positionnement idéologique et non la preuve que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l’émanation d’un parti politique”  ;
  • la communauté d’idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne le prive pas de sa qualité dès lors qu’il agit dans l’intérêt qu’il considère être celui des salariés.

Si l’objet du syndicat ne doit pas être exclusivement politique, reste que l’activité syndicale a une connotation politique essentielle.

L’administration reconnaît d’ailleurs que la “négation de tout aspect politique dans l’activité des syndicats” n’est pas possible, et qu’ainsi “il ne saurait être reproché à une organisation syndicale de se livrer à une analyse des conséquences des choix politiques sur les intérêts économiques et sociaux de ses membres” (Circ. DRT n° 13, 30 nov. 1984 : BO trav., n° 84/11 bis).

La Cour de cassation rejoint donc cette position.

Un syndicat ne viole pas les valeurs républicaines en contestant le fonctionnement des institutions démocratiques

La société soutenait également le défaut par le syndicat du respect des valeurs républicaines.

► Remarque : rappelons que le syndicat à l’origine de la désignation d’un RSS n’a pas besoin d’établir sa représentativité. Il doit seulement remplir à la date de désignation les conditions spécifiques d’ancienneté, de champ géographique et professionnel, de respect des valeurs républicaines et de constitution d’une section syndicale (Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-60.599 ; Cass. soc., 31 mars 2010, n° 09-60.227). C’est à l’employeur, qui conteste le respect par un syndicat des conditions exigées par les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail, d’établir en quoi le syndicat ne répond pas au critère de respect des valeurs républicaines  (Cass. soc., 8 juill. 2009, préc. ; Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 09-60.226).

Pour elle, le syndicat diffusait régulièrement sur les réseaux sociaux et sur internet des publications “haineuses” et une contestation du fonctionnement des institutions démocratiques. Elle donne pour exemple la présence sur la page d’accueil du site internet du syndicat de la revendication suivante : “Nous allons nous rendre justice grâce à des actions auxquelles les multinationales et les institutions ne sont pas préparées” et l’appel à la destitution du chef de l’Etat.

Là encore, les juges du fond réfutent l’argumentation. La preuve d’un défaut du respect des valeurs républicaines n’est pas rapportée. Si l’appel à destitution du chef de l’Etat peut être mal fondé, la procédure de destitution est prévue par la Constitution et il n’est pas fait appel à un coup de force ou à la violence.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond avaient légitimement considéré que l’organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l’appel à la destitution du chef de l’Etat ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines.

Géraldine Anstett

NAO : l’intersyndicale d’Accenture demande une négociation “loyale”

30/09/2024

Dans un courrier daté du 24 septembre adressé au président d’Accenture France, l’intersyndicale CFDT, CFE-CGC, CGT et CFTC réagit à l’annonce d’un gel des rémunérations pour les salariés n’ayant pas fait l’objet d’une promotion, et ce alors que l’entreprise conduit une rupture conventionnelle collective. “Nous vous demandons, écrivent les syndicats, de mener des négociations loyales et sérieuses sur les salaires (…) et que la direction formule une proposition qui reconnaît, par des augmentations de salaires, la qualité du travail effectué quotidiennement par vos salariés et un rattrapage de l’inflation sur les deux dernières années”. L’intersyndicale demande également l’ouverture “d’une négociation exceptionnelle (…) pour discuter d’un accord portant uniquement sur la participation aux bénéfices”.

Source : actuel CSE

Selon l’U2P, le gouvernement ne devrait pas prévoir de prélèvements sociaux et fiscaux supplémentaires pour les petites entreprises

30/09/2024

À l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre, Michel Barnier, le 26 septembre, Michel Picon, le président de l’U2P, est apparu plutôt rassuré, en annonçant que le locataire de Matignon lui avait laissé entendre que les petites entreprises devraient être épargnées par une augmentation des prélèvements fiscaux ou sociaux, suggérée pour combler le déficit.

Il s’est également dit confiant sur l’ouverture de prochaines négociations portant la réforme des retraites et de l’assurance chômage, assurant que le Premier ministre devrait laisser les partenaires sociaux “reprendre la main”. Si ces deux sujets sont jugés prioritaires, Michel Picon n’a pas pour autant enterré le compte épargne-temps universel, un dispositif qui a fait l’objet d’un projet d’accord en avril dernier, mais sans l’aval du Medef et de la CPME. Il a ainsi consenti à “rouvrir le dossier dans un deuxième temps”.

Enfin, il est revenu à la charge sur l’idée d’un test PME, figurant dans le projet de loi simplification. Cette disposition, prévoyant que l’administration évalue les conséquences prévisibles pour PME des projets de loi qui les concernent, avait été rejetée par le Conseil d’État en avril dernier. Le Conseil avait estimé que ce sujet relevait soit d’une circulaire, soit d’une loi organique (et non ordinaire).

Source : actuel CSE

L’U2P relance l’idée d’une révision des règles de représentativité patronale

01/10/2024

Lors des Rencontres de l’Union des entreprises de proximité, le 26 septembre, le président de la plus petite organisation patronale, l’U2P, Michel Picon, a réitéré l’idée d’une réforme de la représentativité des organisations d’employeurs afin de ne plus “marginaliser” la voix des TPE-PME.

L’échec de la négociation sur le Pacte de la vie au travail, en avril 2024, a laissé des traces dans la sphère patronale. Les trois organisations représentatives d’employeurs s’étaient, en effet, affrontées sur le compte épargne-temps universel (Cetu), l’Union des entreprises de proximité (U2P) y était favorable tandis que le Medef et à la CPME étaient contre.

L’U2P avait alors décidé de faire cavalier seul en proposant aux cinq organisations patronales de relancer les discussions. Avec succès, puisque les échanges avaient abouti à deux projets d’accords, l’un sur le Cetu, l’autre sur les transitions professionnelles. Problème : le Medef avait aussitôt annoncé son opposition à ces accords.

Le Medef, largement en tête

Et c’est là que le bât blesse, selon l’U2P. D’après la dernière mesure de l’audience patronale, fin 2023 (*), le Medef pèse 69,21 % des voix, loin devant la CPME (25,44 %) et l’U2P (5,24 %).

De tels accords, même signés par l’ensemble des organisations syndicales, pourraient donc être cassés par le Medef, sans possibilité d’être retranscrits dans un texte législatif.

“La réalité du dialogue social c’est que l’évolution des règles de représentativité patronale a totalement marginalisé les TPE, alors qu’elles représentent plus de 90 % des entreprises en France”, a insisté Michel Picon, lors de l’ouverture Rencontres de l’U2P, le 26 septembre. 

“Nous faisons le constat que le dialogue social et la négociation collective sont entre les mains des plus grandes entreprises au mépris des plus petites”.

“Rééquilibrage” des rapports de force

Sans “vouloir renverser la table”, l’U2P, troisième organisation en nombre d’adhérents, souhaite donc obtenir un “rééquilibrage” des rapports de force entre les trois représentations du patronat. Concrètement, elle demande de revoir les critères d’audience appliqués pour négocier des conventions et accords, gérer des instances paritaires et siéger dans des organismes sociaux comme la Caisse nationale d’assurance maladie.

Actuellement, l’audience retenue est fondée pour 30 % sur le nombre d’entreprises adhérentes et pour 70 % sur le nombre de salariés.

Résultat selon l’U2P ? “Une seule entreprise de 10 000 salariés pèsera davantage que 1 800 entreprises de cinq salariés”. Le syndicat patronal demande donc une règle plus “équitable” en s’appuyant pour 50 % sur le nombre d’entreprises adhérentes et pour 50 % sur le nombre de salariés. 

Cinq mesures législatives

Ces revendications ne sont pas nouvelles. L’U2P était d’ores et déjà passée à l’offensive, en mai dernier : elle avait présenté cinq mesures législatives devant des parlementaires et des membres du gouvernement. Parmi les mesures emblématiques, l’U2P avait avancé, outre le changement de calcul, l’idée de créer un “droit d’opposition symétrique” permettant à une ou plusieurs organisations patronales représentant cette fois plus de la moitié des entreprises et non, des salariés, de s’opposer à un accord. Elle souhaitait aussi éviter que les entreprises et les salariés soient comptabilisés à plusieurs reprises par leurs adhésions à la fois territoriales et nationales, par exemple. Et prônait une plus grande diversification des représentants des entreprises dans les organismes paritaires.

L’U2P était revenu à la charge lors des élections législations, en juin, en présentant ces mesures devant les représentants des principaux partis politiques.

Elle a réitéré l’exercice, jeudi 26 septembre, devant le nouveau ministre de l’économie Antoine Armand. La prochaine mesure de l’audience patronale est prévue en 2025.

(*) Les critères de représentativité patronale sont assez complexes, et ils ont été modifiés dès la loi travail de 2016 à la suite d’un consensus entre Medef, CPME et UPA.

Anne Bariet

Frédéric Souillot (FO) évoque les CSE et les CSSCT avec Michel Barnier

01/10/2024

Hier, le secrétaire général de Force Ouvrière a fermé le bal des rencontres entre Michel Barnier et les syndicats. L’entretien “s’est plutôt bien passé” et Frédéric Souillot a remis au Premier ministre un cahier revendicatif mis à jour mais qui n’a guère évolué “puisque depuis la conférence sociale, on n’a pas vu beaucoup de choses aboutir”. Les représentants de FO ont évoqué les ordonnances travail, la fin de la limitation à trois mandats des élus de CSE (qui figure dans la résolution du Comité confédéral national de la semaine dernière) et les moyens de décaler la CSSCT dans les entreprises de moins de 300 salariés. Sur ces sujets, le Premier ministre ne passera pas par la voie législative et souhaite redonner la main aux partenaires sociaux. Frédéric Souillot se méfie cependant : “C’est ce qu’avait dit son prédécesseur, j’espère que ce n’est pas juste de la communication”.

Il a également demandé l’agrément de la convention assurance chômage signée fin 2023 et indiqué que des “discussions/concertations” seraient ouvertes rapidement avec la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet. Il est également favorable à l’ouverture d’une nouvelle négociation relative aux seniors avec le patronat : “Il faut prendre les choses par le bon bout. C’est déjà ce qu’on expliquait l’année dernière : quand 50% de ceux qui liquident leur retraite ne sont plus en emploi, il faut d’abord parler de l’emploi des seniors et après regarder s’il y a besoin d’une réforme des retraites. Et nous pensons, comme nous l’avions dit, qu’il ne faut pas de recul de l’âge de départ et pas d’allongement de la durée de cotisation”.

Frédéric Souillot a enfin insisté sur le budget en préparation : “On parle d’argent mais la facture on ne peut pas toujours la présenter aux mêmes. La facture du ‘quoi qu’il en coûte’, ce n’est pas aux travailleurs de la payer”. Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera bientôt débattu à l’Assemblée nationale, FO a également rappelé dans un communiqué (en pièce jointe) que “la majeure partie [de la fraude sociale} est imputable aux entreprises (7,2 millards d’euros)”. Sur un total de 13 milliards, les assurés sociaux ne représentent qu’un tiers de ce montant, le reste relevant des professionnels de santé. Selon Eric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective, “FO demeure bien entendu opposée à toute forme de fraudes, elles ne doivent pas servir de prétexte pour remettre en question les droits des plus vulnérables. De plus, il existe une manne financière importante pour combler le déficit : il s’agit des exonérations de cotisations qui ne cessent de s’accumuler pour atteindre le chiffre vertigineux de 73,6 milliards d’euros “!

Source : actuel CSE

La CGT revendique 170 000 manifestants mardi 1er octobre

03/10/2024

Selon ses chiffres internes, la CGT a organisé 190 défilés et rassemblements en France, réunissant 170 000 manifestants ce mardi 1er octobre (95 000 selon la police). A l’origine, la date avait été choisie en raison du jour théorique de reprise de la session parlementaire et de présentation du budget. Ce dernier a été repoussé au 9 octobre et mardi fut finalement le jour du discours de politique générale de Michel Barnier. En tête de cortège, Sophie Binet (CGT) a été rejointe par Benoît Teste (FSU) et les co-déléguées de Solidaires, Murielle Guilbert et Julie Ferrua. Les trois syndicats ont réclamé l’abrogation de la réforme des retraites, le financement des services publics, une hausse des salaires et des pensions à rebours des politiques d’austérité. “Il s’agit d’une première journée d’action et nous travaillerons sur les suites. Nous pensons que les salariés doivent être très présents pendant tout ce débat budgétaire qui s’annonce crucial”, nous a indiqué la secrétaire générale de la CGT.

Quant à une réforme des ordonnances Macron de 2017 sur les CSE et les CSSCT, Sophie Binet nous a indiqué préférer un projet de loi à une négociation entre partenaires sociaux : “Le gouvernement doit prendre ses responsabilités : les ordonnances travail ont été faites par Emmanuel Macron tout seul sans demander son avis à personne. Donc c’est bien joli de faire une réforme catastrophique sur le monde du travail et de nous demander ensuite de convaincre le patronat de revenir en arrière. Le Président doit tirer les leçons de l’échec des ordonnances travail. Le comité de suivi des ordonnances a eu une durée de vie bien courte dès qu’il a été critique. Il faut ressortir ce rapport copiloté par un patron et un syndicaliste de la CFDT, la CGT n’avait donc pas d’action en la matière, et il faut tout remettre à plat”.

En attendant cette éventualité, les syndicats se retrouveront ce soir en fin de journée pour leur première réunion intersyndicale depuis le discours de politique générale de Michel Barnier. Il est cependant peu probable qu’une déclaration commune en émerge.

Source : actuel CSE