Retraites : Sébastien Menesplier (CGT) convoqué par la gendarmerie le 6 septembre
29/08/2023
Le secrétaire général de la fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME-CGT), membre du Bureau confédéral de la CGT, est convoqué par la gendarmerie de Montmorency, le 6 septembre prochain. Selon le communiqué de presse de la CGT, “cette convocation est hautement politique : le pouvoir franchit un nouveau cap gravissime et inédit dans la répression syndicale à l’égard des militants de la CGT”. Les faits reprochés à Sébastien Menesplier ? Avoir participé à des coupures de courant pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, notamment à Annonay, en Ardèche, ville de prédilection du ministre du Travail. Olivier Dussopt y est né en 1978, et en a été le maire de mars 2008 à juillet 2017. Sébastien Menesplier se voit reprocher l’infraction de “mise en danger d’autrui par personne morale (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence”. Il a par ailleurs affirmé au quotidien Libération que sa convocation relève d’une audition libre, “sans garde à vue à la clé”. La CGT organise un rassemblement en soutien de son militant le 6 septembre prochain, à 8h30, en présence de Sophie Binet, devant la gendarmerie de Montmorency (Val-d’Oise).
Source : actuel CSE
Droit syndical : panorama des décisions récentes (janvier à juillet 2023)
30/08/2023
Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives au droit syndical. Tableau récapitulatif de jurisprudence.
Le droit syndical donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais elles rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes, c’est pourquoi nous vous en parlons. Voici, sous la forme de tableau, une sélection de ces arrêts du mois de janvier au mois de juillet 2023.
Thème | Contexte | Solution |
Représentativité syndicale | L’article L. 2121-1 du code du travail prévoit 7 critères cumulatifs de représentativité des syndicats. L’un d’eux est la transparence financière, laquelle est assurée par des comptes certifiés annuels, établis suivant des modalités adaptées aux différents niveaux des organisations syndicales et conformes aux normes applicables aux organisations syndicales. Ces règles de certification et de publication des comptes sont définies par les articles L. 2135-1 à L. 2135-6 du code du travail. | Lorsque les comptes de résultat et bilans simplifiés du syndicat ont bien été approuvés par son bureau, sans que les statuts prévoient une approbation par l’assemblée générale, le critère de transparence financière est bien satisfait (Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 22-14.029). |
Désignation d’un délégué syndical | La validité de la désignation d’un délégué syndical s’apprécie à la date de la réception par l’employeur de la notification qui lui en est faite. | La validité de la désignation d’un délégué syndical doit être appréciée à la date à laquelle elle a été effectuée. Le retrait ultérieur du mandat du DS, quel qu’en soit le motif, n’a aucun effet rétroactif. De même, la validité de la désignation d’un DS en remplacement d’un autre DS doit être appréciée à la date à laquelle elle a été effectuée (Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 22- 15.667). |
Action en justice d’un syndicat dans l’intérêt collectif de la profession | Les syndicats non-signataires d’un accord collectif peuvent agir sur le fondement de l’article L. 2132-3, que l’accord ait été étendu ou non, sous la seule réserve que soit en jeu l’intérêt collectif de la profession et non les intérêts individuels des salariés. En effet, l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. | Un syndicat qui dénonce la mise en place d’une convention de forfait peut demander des dommages et intérêts au titre de l’intérêt collectif de la profession lorsque les dispositions de la convention collective relatives au forfait jours ne comportent pas de garanties suffisantes pour que la charge et l’amplitude de travail des salariés concernés restent raisonnables, l’accord d’entreprise en cause n’étant pas davantage protecteur (Cass. soc., 25 janv. 2023, n° 20-10.135). |
Est recevable l’action d’un syndicat tendant à contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier (prise de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail, d’une convention de forfait ou résultant de l’affectation de droits affectés au CET), en revanche, sa demande tendant à obtenir que les salariés soient rétablis dans leurs droits n’a pas pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession. | L’irrecevabilité de l’action du syndicat ne porte pas atteinte à la liberté syndicale (alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946), ni au droit à la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail (alinéa 8 du même Préambule). Enfin, il n’y a pas d’atteinte au principe de responsabilité découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que les salariés concernés peuvent agir individuellement pour obtenir réparation, le délai de prescription de l’action en paiement des créances salariales ne commençant à courir qu’à compter de l’issue de la procédure engagée par un syndicat devant la juridiction civile ayant mis les salariés en mesure de connaître le statut collectif applicable (Cass. soc., 20 avr. 2023, n° 23- 40.003). |
Séverine Baudouin
CFDT et Medef, ou la mésentente cordiale
01/09/2023
En clôture de son université d’été, la CFDT a organisé hier matin un débat entre Marylise Léon, la nouvelle secrétaire générale du syndicat, et Patrick Martin, qui a succédé cet été à Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef. Entre les deux responsables, des points de convergence, y compris sur la nécessité de revaloriser les parcours syndicaux, mais aussi de sérieux désaccords sur l’assurance chômage, les sujets liés aux retraites (emploi des seniors, usure professionnelle, etc.) ou l’approche de la transition écologique. Le patronat va d’ailleurs adresser un courrier aux syndicats pour leur demander de désapprouver l’idée de décroissance…
On le savait mais Marylise Léon l’a confirmé on ne peut plus clairement en clôture de l’université de la CFDT, hier matin à Boissy-la-Rivière, dans l’Essonne : l’intersyndicale nouée au moment des retraites, et qui appelle à une nouvelle journée d’action sur les salaires le 13 octobre prochain, n’exclut pas la compétition électorale entre les organisations syndicales.
Nous entrons dans le “money time” pour les élections CSE
“Il faut être représentatif pour peser dans les entreprises. Nous sommes dans le “money time” pour les CSE : la grande majorité des élections aura lieu dans les 4 mois, ces 4 mois pèseront donc lourd dans la représentativité. Si on veut rester premiers, c’est maintenant ! L’urgence c’est de gagner ces élections pour pouvoir agir”, a lancé la nouvelle secrétaire générale en évoquant les 56 000 nouveaux adhérents glanés cette année par la CFDT.
Conférence sociale : le Medef “assez méfiant de ces grandes messes”
Dans cette rentrée, ce défi électoral se jouera dans un climat social et politique tendu par le récent conflit sur les retraites, les émeutes urbaines, la persistance du problème du pouvoir d’achat (*), sans oublier les revendications syndicales toujours au point mort comme la révision des ordonnances de 2017.
Des tensions que l’idée d’une conférence sociale, lancée la veille par l’Elysée lors de la rencontre avec toutes les formations politiques, auront du mal à apaiser. A ce sujet, Patrick Martin, le nouveau président du Medef que la CFDT avait convié à débattre avec Marylise Léon, s’est montré critique : “Je suis assez méfiant de ces grandes messes, nous sommes majeurs et vaccinés. Je serai donc attentif à ce que les partenaires sociaux soient respectés”.
Un temps partagé sur le problème du pouvoir d’achat, ce serait une bonne chose
La secrétaire générale de la CFDT, une organisation qui appelait de ses vœux une telle conférence sociale, s’est montrée plus ouverte, tout en restant prudente : “Cela fait plusieurs mois que cette idée tournicote dans l’air, attendons de savoir ce que veut faire le président de la République, je crois qu’une deuxième réunion est prévue entre l’Elysée et les partis politiques. Mais si nous avions un temps partagé pour mettre le problème du pouvoir d’achat sur la table, ce serait bien. Sur les 151 branches de plus de 5 000 salariés, nous avons encore 95 qui ont des coefficients inférieurs au Smic” (**).
Appelez les branches à renégocier les classifications !
Et Marylise Léon d’appeler le patronat à pousser les branches à renégocier leurs classifications et leurs salaires : “Certaines n’ont pas négocié depuis des années. Compte tenu du rythme d’évolution des métiers et du problème de pouvoir d’achat, ce n’est plus possible !” La secrétaire générale de la CFDT enjoint aussi le Medef à respecter l’accord interprofessionnel national sur le partage de la valeur qui prévoit l’ouverture de négociations sur les classifications. Sur ce point, Patrick Martin, tout en soulignant “l’accélération très forte de la distribution des primes de partage de la valeur” et une évolution des rémunérations plus favorable aux salariés en 2023, s’est engagé à concrétiser ces chantiers, “car les entreprises doivent attirer et fidéliser les salariés”.
Le Medef veut faire partager un objectif de croissance
Mais il a aussi mis renvoyé la balle dans le camp syndical. Le Medef va adresser un courrier aux organisations syndicales pour leur demander de partager un objectif commun au sujet de la transition écologique : “Entre partenaires sociaux, a dit Patrick Martin, je veux m’assurer que nous partageons cette vision que la décroissance n’est pas la solution. On peut caricaturer le Medef en disant qu’on est dans le déni sur le plan climatique. Non, nous sommes conscients de la nécessité de la décarbonation et du maintien de la biodiversité, nous nous alignons sur les objectifs de l’Union européenne, nous sommes donc engagés dans une croissance responsable, mais la voie est étroite”.
Et le président du Medef, inquiet de voir la France supplantée dans la compétition économique mondiale, d’estimer à 40 milliards les investissements que les entreprises devront faire dans les prochaines années pour réussir la transition. A ses yeux, cela impose de maintenir une croissance économique pour dégager des marges afin de financer cette transition mais aussi de financer notre modèle social : “Faute de croissance, on se crêpera le chignon pour gérer la pénurie. La création de richesses est le seul moyen de régler nos problèmes en donnant du grain à moudre”.
Une croissance pensée comme avant nous conduit droit dans le mur
Cette déclaration a été accueillie plutôt fraîchement par Marylise Léon. “Une croissance avec pour seul objectif la compétition économique nous amène droit dans le mur. Le contenu de cette croissance est fondamental, nous devons changer nos repères, notre façon de travailler et de consommer. Il y a aussi le défi de la qualité de nos services publics. Cette transition écologique, ça risque de secouer fort le cocotier et le risque, c’est que les plus précaires soient victimes du réchauffement climatique”, a averti la dirigeante syndicale.
Pas la même conception du rôle de l’Etat dans les prochaines discussions
La CFDT et le Medef, qui se veulent des organisations ayant “une responsabilité éminente dans le dialogue social” selon les mots de Patrick Martin, se félicitent des trois derniers accords nationaux interprofessionnels signés dans les six derniers mois (***). Pour autant, une forte divergence se fait jour concernant le rôle des politiques concernant l’agenda social des discussions qu’elles doivent mener ensemble. Certes, il y a les sujets où les partenaires sociaux, qui ont bâti un agenda social commun, vont négocier seuls. C’est le cas des retraites complémentaires, avec une échéance dès le 4 octobre.
C’est le cas d’autres sujets sur lesquels patronat et syndicats ont convenu de négocier : la valorisation des parcours syndicaux, par exemple, Patrick Martin soutenant que les entreprises “ont besoin d’interlocuteurs affûtés, pour lesquels il doit exister des perspectives d’évolution”.
Elle s’annonce musclée la négociation sur l’assurance chômage
Il y aussi les sujets qui fâchent tout le monde car cadrés trop sévèrement par l’exécutif, comme l’assurance chômage. Pour cette négociation devant aboutir le 15 novembre, Patrick Martin propose au nom du Medef une baisse des cotisations des entreprises afin d’éviter que d’éventuels excédents de l’Unedic ne soient utilisés “on ne sait comment” (il s’agirait de financer la formation des demandeurs d’emploi) par l’Etat. “Ca s’annonce musclé la négociation chômage si vous commencez comme ça”, lui a répliqué la syndicaliste.
Mais il y a aussi tout un volet de discussions, normalement prévues d’ici le printemps 2024, concernant les sujets liés aux retraites comme l’emploi des seniors, les reconversions, l’usure professionnelle, le compte épargne temps universel, des thèmes où Medef et CFDT divergent.
L’exécutif est légitime pour engager des travaux
Là où l’organisation patronale aimerait avoir les coudées franches dans des discussions interprofessionnelles sans intervention de l’Etat, la CFDT ne voit pas d’inconvénient à ce que l’Etat soit partie prenante : “L’exécutif a sa légitimité pour engager des travaux, en bonne intelligence et en concertation avec les organisations du monde du travail comme le prévoit l’article L.1 du code du travail (..) A partir du moment où il y a une volonté politique, la voie la plus efficace est que toutes les parties jouent cartes sur table, afin qu’on sache à quoi s’en tenir sur les positions des uns et des autres, pour éviter de se retrouver dans des débats sans fin vu l’état de notre représentation nationale”. Autrement dit : tous les acteurs doivent être associés dès le départ à un projet politique afin de trouver un compromis qui puisse être traduit dans une loi adoptée au Parlement. De façon non dite, cette approche vise aussi, pour la CFDT, à mettre la pression sur les organisations patronales, dont on sait le peu d’entrain à négocier, par exemple, sur la pénibilité -pardon, sur “l’usure professionnelle”.
Conditionnalité des aides et ordonnances : le grand clivage
Autre point de clivage, bien connu : la revendication par les syndicats d’une conditionnalité des aides aux entreprises. “Quelle est l’efficacité de ces aides qui bénéficient d’abord aux grandes entreprises ?” interroge Marylise Léon. Réponse de Patrick Martin : “Conditionnalité ? Je n’y crois pas. Une aide à l’apprentissage est déjà conditionnée au recrutement d’un apprenti !” Et le président du Medef de refuser par avance toute augmentation de la fiscalité pour les entreprises françaises, “déjà les plus taxées au monde”, tandis que la CFDT soutient à l’inverse la proposition de l’économiste Jean Pisani-Ferry d’une “contribution temporaire des plus aisés afin de financer la transition écologique”.
Comment négocier avec moins de moyens pour les IRP ?
Une divergence qu’on retrouve aussi dans l’approche des ordonnances de 2017 ayant créé le CSE, le comité social et économique. Sonia Paccaud, la secrétaire départementale de l’union CFDT du Rhône, a apostrophé ainsi le dirigeant patronal : “Quelle peut être la capacité des institutions représentatives du personnel à mener des négociations et à participer aux enjeux de la transition écologique compte tenu de la perte de leurs moyens du fait des ordonnances ?”
Patrick Martin a répondu en dissociant son rôle de président du Medef de son approche personnelle en tant que dirigeant. En tant que responsable patronal, le successeur de Geoffroy Roux de Bézieux affirme son opposition à toute révision des ordonnances. Mais en tant que dirigeant d’entreprise, confie-t-il, “je suis soucieux qu’on maintienne ou qu’on redéveloppe un dialogue social de proximité, y compris contre l’avis de certains de mes cadres dirigeants”.
(*) Les trois quarts des motifs de grève ayant conduit la CFDT à soutenir financièrement ces actions en 2022 étaient liés à des revendications salariales.
(**) Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, au 25 août 2023, 80 branches affichent un coefficient inférieur au Smic, dont 2 branches (dont les casinos) en situation de non-conformité depuis 2021 et 13 branches depuis plus d’un an. Par ailleurs, 91 branches ont conclu un accord ou émis une recommandation prévoyant un premier coefficient supérieur au Smic. Explications : les revalorisations du Smic entraînent un tassement des grilles conventionnelles et font basculer, en l’absence de négociations de revalorisations, certaines branches en deçà du salaire minimum.
(***) En 2023, organisations syndicales et patronales ont signé des accords nationaux interprofessionnels (Ani) en février sur le partage de la valeur, en avril sur la transition écologique, en mai sur la branche accidents du travail maladies professionnelles (AT-MP).
Bernard Domergue