Absence de consultation du CSE : un syndicat ne peut obtenir que la suspension provisoire du règlement intérieur

28/10/2024

Un syndicat, au titre de l’intérêt collectif de la profession, est recevable à demander en référé la suspension du règlement intérieur en cas de défaut d’accomplissement des formalités substantielles applicables. Il ne peut cependant pas demander au juge la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise. La Cour de cassation persiste et signe.

L’article L. 1321-4 du code du travail fixe les règles applicables à l’entrée en vigueur du règlement intérieur de l’entreprise (ainsi qu’à sa modification). Celui-ci “ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du CSE”. Autres formalités prévues : le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur (postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité) ; et, en même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis des représentants du personnel, est communiqué à l’inspecteur du travail. L’article L. 2132-3 prévoit de son côté que les syndicats professionnels peuvent agir en justice devant toutes les juridictions, “afin d’exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à « l’intérêt collectif de la profession”.

Dans quelle mesure cette action en justice peut être utilisée par un syndicat en cas de défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles relatives à l’entrée en vigueur du règlement intérieur de l’entreprise ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans cet arrêt du 23 octobre 2024.

Elle y reprend presque mot pour mot la solution de son arrêt du 21 décembre 2022, confirmant et précisant sa position à ce sujet (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-10.718).

La consultation du CSE est une condition d’entrée en vigueur du règlement intérieur de l’entreprise…

Dans cette affaire, un salarié se voit notifier une mise à pied disciplinaire de 2 jours. Il conteste cette sanction devant le conseil de prud’hommes. Un syndicat intervient volontairement à l’instance. Celui-ci conteste notamment l’introduction d’un nouveau règlement intérieur sans consultation du CSE, et sans communication à l’inspecteur du travail.

Cependant, la cour d’appel déboute le syndicat de ses demandes. La Cour de cassation commence par rappeler les termes de l’article L. 1321-4 et en déduit que “le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés”. 

 Remarque : ainsi, le règlement intérieur n’est pas opposable au salarié lorsque l’employeur n’a pas respecté les diligences de consultation du CSE et transmission à l’inspecteur du travail. Dans ce cas, la sanction prononcée par l’employeur doit alors être annulée (Cass. soc., 10 nov. 2021, n° 20-12.327). 

…mais, en cas de manquement, un syndicat ne peut demander que sa suspension provisoire au titre de l’intérêt collectif de la profession

Puis la chambre sociale reprend l’article L. 2132-3 relatif à l’action d’un syndicat dans l’intérêt collectif de la profession. Elle en déduit “qu’un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. En revanche, un syndicat n’est pas recevable à demander au juge statuant au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles prévues par le texte précité”.

En d’autres termes, le syndicat ne peut obtenir en référé que la suspension provisoire du règlement intérieur tant que ces formalités substantielles n’auront pas été effectuées. Il s’agit alors de contraindre l’employeur à y procéder. Il ne peut en aucun cas obtenir l’annulation dudit règlement intérieur, ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise.

À noter que la solution de l’arrêt du 21 septembre 2022 visait uniquement la consultation des représentants du personnel, alors que celle de l’arrêt du 23 octobre 2024 précise la recevabilité de l’action du syndicat dans l’intérêt collectif de la profession “en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail”. Ainsi la Cour de cassation confirme et précise sa solution : un syndicat peut obtenir la suspension provisoire du règlement intérieur non seulement en l’absence de consultation du CSE, mais aussi de l’indication sa date d’entrée en vigueur (postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité), ainsi qu’en l’absence des mesures de publicité (dépôt au conseil de prud’hommes et publicité auprès des salariés), et de communication à l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis du CSE. 

 Remarque :  dans la notice explicative à l’arrêt du 21 septembre 2022, il est expliqué que “l’article L. 1321-4 du code du travail n’institue pas la consultation des institutions représentatives du personnel comme une condition de validité du règlement intérieur puisqu’il est simplement prévu qu’à défaut de cette formalité, le règlement intérieur ne peut être « introduit », c’est-à-dire entrer en vigueur dans l’entreprise. La nullité du règlement intérieur dans son ensemble ne peut donc être prononcée, ni son inopposabilité erga omnes (ndlr : à l’égard de tous) à tous les salariés de l’entreprise, s’agissant dans les deux cas de mesures définitives alors que l’employeur peut, à tout moment, introduire le règlement intérieur après l’avoir soumis à la consultation du comité social et économique. La mesure sollicitée doit dès lors s’analyser en une mesure de suspension”.

Cette solution est également conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l’absence de consultation du CSE, lorsque celle-ci est obligatoire : ainsi, un syndicat peut demander au juge des référés au titre de l’intérêt collectif de la profession de suspendre un projet de l’entreprise tant que le comité n’a pas été régulièrement consulté (Cass. soc., 24 juin 2008, n° 07-11.411).

Cependant, dans les autres cas, le syndicat n’a pas qualité pour agir en lieu et place du comité, et ne peut donc pas agir si le CSE ne l’a pas fait. Dans le cas du règlement intérieur, la solution est différente car il s’agit d’un acte réglementaire de droit privé s’imposant à tous les membres du personnel (Notice explicative à l’arrêt du 21 septembre 2022). 

L’employeur peut passer outre l’avis du CSE sur le règlement intérieur mais…
L’avis du CSE est une formalité substantielle d’entrée en vigueur du règlement intérieur de l’entreprise mais…

→ L’employeur peut passer outre cet avis ;

→ Les observations des représentants du personnel doivent être communiquées par l’employeur, en même temps que le règlement intérieur, à l’inspecteur du travail (autre formalité substantielle) ;

→ L’inspecteur peut exiger le retrait ou la modification de ses dispositions qui seraient contraires aux lois ou règlements en vigueur (C. trav., art. L. 1322-1), mais le refus par le comité d’approuver le règlement intérieur ne constitue pas, à lui seul, un motif suffisant pour entraîner la nullité des dispositions de ce règlement (Rép. min. n° 9219 : JOAN CR, 18 janv. 1958, p. 139) :

→ L’employeur est également passible des sanctions pénales prévues à l’article R. 1323-1 du code du travail (amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe).

→ L’employeur peut aussi être poursuivi pour délit d’entrave aux attributions du CSE.

→  À noter que l’employeur n’est pas tenu de consulter à nouveau les représentants du personnel lorsque le règlement intérieur, qui leur a déjà été soumis lors de sa mise en place est modifié suite aux injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11.230). 

Séverine Baudouin

Meeting à Paris : FO mobilise autour de l’indépendance et des revendications

28/10/2024

Réunis samedi 26 octobre à Paris, près de 2 000 militants ont assisté à un meeting autour des équipes FO en entreprises, des salaires et des retraites. L’occasion pour Frédéric Souillot de leur dire haut et fort que là où Force Ouvrière se mobilise, l’indépendance et les revendications paient.

Organisé sur décision du Comité confédéral national, le “parlement de FO”, un meeting réunissant près de 2 000 militants venus de toute la France s’est tenu samedi 26 octobre à la Mutualité, à Paris. Ils ont ainsi pu assister en première partie à des interventions d’élus de CSE et de délégués syndicaux issus de structures où Force Ouvrière est majoritaire sinon bien positionnée. Objectif : montrer comment se conjuguent indépendance et revendications en entreprises. La seconde partie du meeting a laissé la parole au secrétaire général, Frédéric Souillot, qui pendant 45 minutes a incité les militants au développement et au travail de terrain. Une partie d’entre eux a également tenu à affirmer sa volonté de repartir en mobilisation contre la dernière réforme des retraites.

Eurotunnel, Tefal, La Poste : quelques exemples de succès

Montrer des vitrines de succès et de militants engagés contre les difficultés de leur entreprises. Telle était la volonté de la confédération dans l’organisation de ce meeting placé sous le signe de l’indépendance et des revendications, le premier organisé depuis l’élection de Frédéric Souillot en juin 2022. “L’action syndicale dans une organisation comme Force Ouvrière, ce n’est pas un combat perdu d’avance mais au contraire, ça donne des résultats !”, a-t-il affirmé en introduction.

À Eurotunnel où FO détient 38 % de représentativité, le syndicat s’est attaché pendant toute l’année 2023 à la pratique contractuelle chère à FO, puis s’est tourné vers le rapport de force par une grève éclair, un 21 décembre. Ils ont ainsi obtenu satisfaction, en particulier sur le triplement de leur prime exceptionnelle justifiée par les bons résultats financiers de l’entreprise, a indiqué le secrétaire adjoint du syndicat et élu au CSE, Franck Herent. 

Chez Air France, les délégués s’opposent à la volonté du gouvernement d’augmenter la fiscalité du transport aérien via la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Chez Sanofi, il s’agit de préserver les emplois contre le projet de cession de la filiale Opella à un fonds d’investissement américain. Chez Casino, les élus de CSE et délégués syndicaux se sont investis contre le démantèlement du groupe de distribution dont la direction souhaitait céder ses magasins à ses anciens concurrents Auchan, Carrefour ou Intermarché. Nathalie Devienne “valide d’ailleurs à 100%” la proposition de FO de créer un comité de filière, et a remercié Frédéric Souillot pour son soutien. Dans bon nombre de cas, ces sociétés ont perçu des montants faramineux d’aides publiques, l’occasion de revendiquer la conditionnalité de ces aides à des engagements sociaux, environnementaux, ou encore d’égalité hommes femmes.

Les équipes FO se sont opposées chez Seb/Tefal à la proposition de loi visant à interdire les polluants éternels dans la production industrielle. Une mobilisation qui a permis le vote d’un amendement supprimant l’alinéa consacré aux ustensiles de cuisine. L’équipe FO a d’ailleurs offert au secrétaire général Frédéric Souillot une poêle à son effigie.

Cette première partie du meeting s’est terminée autour de La Poste. Le groupe a connu ces deux dernières semaines les premières élections CSE de son histoire. FO grimpe à cette occasion de la 4e à la 3e place derrière la CFDT et la CGT, mais devant Sud-Solidaires grâce à une hausse de 3,23 points de représentativité.

Lors de ces présentations, le climat de la salle chauffée à blanc a alterné entre approbation, applaudissements et turbulence, certains militants souhaitant imposer le thème d’une nouvelle mobilisation pour obtenir l’abrogation de la réforme des retraites.

Sur les retraites, “pas de bouton grève générale”

Les retraites figuraient bien dans les revendications mises en avant lors de ce meeting. Mais si la salle a réclamé une mobilisation contre la réforme, parfois par la grève, Frédéric Souillot leur a rappelé quelques évidences : “Si on y va tous seuls, les rues vont être clairsemées”, ajoutant quelques minutes plus tard, “le bouton de la grève générale il n’existe pas (…) et quand j’appuie sur celui que me donne un militant, il ne se passe rien !”. Il a défendu au contraire de commencer par en parler à ses homologues des autres confédérations.

Par ailleurs, pourquoi se jeter dans une mobilisation à l’issue incertaine quand l’abrogation pourrait résulter du seul programme parlementaire ? Doivent se tenir en effet devant l’Assemblée nationale la journée de niche du Rassemblement National le 31 octobre, celle de La France Insoumise le 28 novembre, et devant le Sénat celle du 23 janvier pour les communistes et du 6 février pour les écologistes.

Développement et indépendance, ça fonctionne

En construisant une continuité par rapport aux interventions sur les entreprises, Frédéric Souillot a également pointé à la poignée de militants agités : “Si on était capables tous seuls de déclencher la grève, peut-être qu’on devrait l’être, mais ça s’appelle du développement”. Une invitation à l’engagement des militants et au travail de terrain. Car sans forces militantes, une mobilisation avec ou sans grève sur les retraites risquerait de rapidement s’essouffler.

L’objectif du meeting était également de rappeler la ligne historique de Force Ouvrière sur l’indépendance : “On n’appelle pas à voter pour l’un ou contre l’autre”. Un positionnement porteur dans la période actuelle, où nombre de Français se désintéressent de la politique par dépit, et ne se reconnaissent plus dans les partis en place. L’indépendance permet donc de rallier les déçus de la politique et de continuer à engranger des adhésions. Selon Frédéric Souillot, cette ligne fait gagner à FO 200 à 300 nouvelles cartes par semaine au lieu d’une quarantaine les années précédentes.

Le secrétaire général a aussi recueilli l’adhésion de la salle en s’insurgeant contre la situation des fins de carrière : “Aujourd’hui 50 % de ceux qui liquident leur retraite ne sont plus en emploi, ils sont à l’assurance chômage, en maladie professionnelle. Quant à terminer sa vie au RSA ou aux minimas sociaux, ce n’est pas possible !”. Manière de rappeler que FO travaille les sujets au travers des négociations interprofessionnelles qui ont commencé mardi dernier sur l’assurance chômage et les seniors.

Marie-Aude Grimont

PLFSS 2025 : l’intersyndicale écrit aux députés

29/10/2024

Une intersyndicale de sept confédérations (la CFE-CGC ne s’y est pas associée) a envoyé un courrier aux députés leur demandant de remanier le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Les confédérations signataires (CFDT, CGT, FO, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires) dénoncent dans cette lettre “plusieurs mesures particulièrement brutales” : le gel des pensions de retraite, la baisse des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales, le sous-financement de l’Assurance maladie notamment en raison de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, l’application de la CSG et de la CRDS sur les revenus des apprentis.

“Un projet de loi de financement dont les recettes sont fortement attaquées par les entreprises accrochées à leur dépendance aux exonérations de cotisations sociales”, pointent les organisations syndicales qui réprouvent que la refonte des exonérations de cotisations patronale autour du Smic (issue du rapport Bozio-Wasmer) soit “encore trop” malgré la volonté du projet de “désaccoutumance en douceur” des entreprises. Les syndicats signataires y voient un “nouveau refus de participation par les employeurs à l’effort commun et la solidarité” qui au contraire “réclament une conditionnalité des aides restantes, dont pour certaines l’utilité est toujours loin d’être démontrée”.

Ce courrier est envoyé à point nommé puisque les discussions parlementaires sur le PLFSS 2025 ont débuté hier à l’Assemblée nationale.

Source : actuel CSE