SYNDICAT

Bas salaires, classifications : la CFDT prépare la conférence sociale

25/09/2023

Pouvoir d’achat, bas salaires, ouverture d’un chantier sur les classifications, avis conforme du CSE : à travers ces revendications, la CFDT de Marylise Léon se place dans la double perspective de la mobilisation du 13 octobre et de la conférence sociale annoncée par le gouvernement. Elle compte également pousser la dynamique d’adhésions issue du mouvement social contre la réforme des retraites.

C’est une rentrée foisonnante pour la CFDT. Après avoir tenu une université d’été, Marylise Léon a réuni ses instances début septembre. Reçue par Emmanuel Macron et Olivier Dussopt, le ministre du travail, en début de mois, la secrétaire générale de la confédération de Belleville pose désormais les jalons des mobilisations à venir. Parmi les revendications de la confédération, on trouve celle d’une commission sur les bas salaires. Des salaires qui seront justement à l’ordre du jour de la manifestation intersyndicale du 13 octobre et de la conférence sociale qui devrait s’ouvrir le 16 octobre, une date pour l’instant non encore confirmée par le ministre du Travail.

Une commission sur les bas salaires en remplacement du comité Smic

“Nous voulons aller au-delà de la seule évolution du Smic en abordant les temps partiels subis, l’égalité hommes femmes, la précarité salariale”, a indiqué Marylise Léon en conférence de presse vendredi 22 septembre, depuis le siège parisien de la CFDT. L’idée est également d’inclure les partenaires sociaux dans cette nouvelle commission : aujourd’hui, le comité d’experts sur le Smic dirigé par Gilbert Cette se contente de les consulter.

Pour mémoire, cet organe remet chaque année, fin novembre, au gouvernement un rapport relatif à l’opportunité d’augmenter ou non le Smic en plus de la revalorisation liée à l’inflation (le fameux “coup de pouce”). En positionnant cette proposition comme “un observatoire des bas salaires”, la CFDT défend l’idée d’une vision plus globale des problèmes salariaux, incluant celui des négociations dans les branches qui présentent encore des niveaux inférieurs au Smic, comme les panneaux de bois ou les laboratoires de biologie médicale.

L’ouverture d’un chantier sur les classifications

Constatant, par exemple, que la branche du caoutchouc “n’a pas modifié ses classifications depuis 1984”, Marylise Léon a rédigé un courrier envoyé aux branches afin de demander l’ouverture de négociations sur la révision des classifications et le lancement de travaux sur la mixité des métiers, et ce avant le 31 décembre 2023. Pour mémoire, la classification en entreprise permet le classement des emplois à l’aide du statut du salarié, de sa rémunération, de son poste et de ses compétences. Les articles L.2241-1 et L.2241-15 du code du travail exigent une négociation tous les cinq ans sur les classifications par les organisations liées par une convention de branche.

La CFDT requiert ainsi le respect des engagements des organisations patronales adoptés dans l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur, signé début février 2023 (à l’exception de la CGT), et dont une transcription législative est en cours.

Avis conforme du CSE et dynamique de syndicalisation

La CFDT continue par ailleurs de pousser pour une révision des ordonnances Macron de 2017 sur les CSE. En cette rentrée, l’accent est mis sur la proposition d’un avis conforme du CSE sur l’utilisation des aides publiques perçues par l’entreprise, “afin de permettre un droit de regard des travailleurs sur le bon usage de l’argent public”. Selon Fabien Guimbretière, secrétaire national CFDT en charge des instances représentatives du personnel, les élections professionnelles en cours montrent “un dialogue social qui s’éloigne de plus en plus du terrain avec une hausse des CSE centraux”.

La CFDT revendique par ailleurs aujourd’hui 61 200 nouveaux adhérents depuis janvier 2023. Une vague favorable qui s’est poursuivie l’été dernier avec une hausse de 43 % des adhésions par rapport à l’été 2021. La CFDT a relancé son dispositif d’adhésion découverte (gratuite pendant 2 mois) ainsi que son opération “Réponses à emporter” sur 420 points de rencontre des salariés de tous secteurs.

Une demande d’évolution du code du travail sur les congés
Le 13 septembre dernier, une série d’arrêts de la Cour de cassation a exigé la conformité le droit français avec le droit européen concernant la prise en compte de la suspension du contrat pour maladie ou accident du travail. Le code du travail n’est notamment pas conforme au droit européen sur l’acquisition de droits à congés pendant un arrêt de travail. Commentaire de Béatrice Lestic, secrétaire nationale CFDT en charge notamment de l’égalité professionnelle : “Nous demandons l’application de la directive européenne. C’est l’enjeu de la transposition de la directive, il n’y a aucune raison que le gouvernement ne l’applique pas”.

Marie-Aude Grimont

La CGT lance sa campagne des élections professionnelles par une opération séduction des cadres

27/09/2023

Amener les agents de maîtrise et les cadres à voter CGT : c’est le sens de l’initiative de Sophie Binet qui a tenu hier un meeting au pied de la Grande Arche du quartier d’affaires parisien. Mobilisant son organisation pour la campagne des élections professionnelles, la secrétaire générale de la CGT, issue du syndicat des cadres de sa confédération (Ugict), a lancé un appel à la syndicalisation et à la création de syndicats dans les entreprises où la CGT est absente.

Scène inhabituelle hier matin, à la sortie Esplanade du métro, à la Défense : plusieurs militants de la CGT distribuent des tracts aux salariés, techniciens, agents de maîtrise et cadres qui débouchent de l’escalator à la queue leu leu.

Ce sont des délégués syndicaux du quartier d’affaires parisien mais aussi des représentants du personnel venus de région parisienne voire de province. Le tract invite les salariés à assister au meeting de Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, prévu le même jour à 13h près de la Grande Arche.

“On n’a pas l’habitude de faire cela ici, c’est vrai. Mais nous avons, avec les élections professionnelles, un enjeu électoral très fort pour la CGT sur ces populations : la Défense, c’est 80% d’agents de maîtrise et cadres. Nous devons montrer que la CGT s’occupe aussi des cadres et techniciens. L’enjeu, ce n’est pas la concurrence avec la CFDT, c’est de nous implanter dans les domaines et les entreprises où il n’y pas de présence syndicale : les services aux entreprises, le tourisme, etc.”, nous explique Mickaël, adhérent de l’Ugict, le syndicat des cadres de la CGT, et représentant de section syndicale à Enedis.

“Deux cadres sur trois prennent nos tracts”

Que donne ce tractage ? “Ça ne marche pas si mal. Environ deux cadres sur trois acceptent de prendre nos tracts”, nous répond Mickaël, qui a le sentiment d’une grande amertume des salariés au sujet des retraites mais aussi du pouvoir d’achat rongé par l’inflation : “Les salariés ont le sentiment de faire largement leur taff mais de ne pas être reconnus à la hauteur”.

Il nous faut travailler différemment dans les sièges des entreprises 

Délégué syndical à la Banque Postale en Bretagne, Alain, son voisin, est venu prêter main forte : “Nous avons voulu aider les camarades d’Ile-de-France, car c’est stratégique de toucher les grandes entreprises. Avec le télétravail et le flex office, les organisations du travail ont beaucoup évolué, et il faut adapter notre façon de faire du syndicalisme. Nous regardons aussi ce qui se fait ici, car cela nous intéresse d’investir d’avantage les sièges régionaux des entreprises. Il faut nous y prendre autrement qu’ailleurs, par exemple en organisant des mobilisations sur des mots d’ordre locaux”. Les deux militants confient que ce sont plutôt les jeunes qui s’arrêtent discuter, certains laissant même leurs coordonnées. 

Quelques heures plus tard, ce n’est pas la grande affluence. Environ deux cent personnes, sans compter les curieux préférant observer la scène de loin, et surtout à l’ombre, font face à la tribune dressée dans la perspective de la Grande Arche, sous un soleil de plomb. “Il n’y a pas beaucoup de monde, mais au moins, on essaie, on se montre, on signifie que la CGT s’intéresse à toutes les catégories socioprofessionnelles. Sur le plan social, si on va sur le terrain comme ça, tout est en place pour qu’on puisse progresser aux élections professionnelles”, veut croire Fabien, élu CSE et DS chez Enedis.

 Nos réunions en visio attirent beaucoup de salariés

 Lequel fait un parallèle avec son activité syndicale : “Avec le télétravail, on ne peut plus toucher les gens comme avant. Dans notre entreprise, nous organisons des réunions à distance entre midi et deux, sur des thèmes comme les retraites, les salaires, le travail à distance. Et nous avons plus de participants que lorsque nous faisions des réunions physiques”. 

Lynda, qui travaille dans les RH chez Mac Do, juge également important cet événement de la Défense : “Nous rappelons aux cadres qu’ils sont aussi des électeurs, ce qu’ils oublient parfois”. Et la syndicaliste d’ajouter : “Les cadres aussi voient leurs conditions de travail se dégrader, ils font face à de plus en plus de pression. Nous leur montrons qu’il est faux de prétendre que la CGT veut la mort des boites, nous cherchons simplement à aider les salariés et les cadres à avoir un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail”. 

“Nous sommes très présents auprès des jeunes alternants”

La musique, assez forte, fait penser à l’habituelle bande-son des manifs. Un poil trop rugueux pour les oreilles cadres non ? “On n’est quand même pas un syndicalisme d’accompagnement”, nous répond, plein d’humour, un délégué syndical présent. Sa voisine, Khadija, est manageuse d’une équipe de back-office chez Engie et représentante syndicale : “Le public cadre est plus difficile à toucher, mais les mentalités évoluent. On a même réussi à faire se syndiquer des traders d’une maison de courtage ! Et nous sommes très présents après des jeunes alternants pour les informer sur leurs droits et sur l’entreprise, cela leur donnera ensuite envie de nous rejoindre”.

Thierry, élu au CSE de LE Pecq (78) et au CSE central de Suez, une entreprise dont il craint un éventuel rachat ou un démantèlement, approuve : “Les gens sont plus à l’écoute qu’autrefois. Je crois que Sophie Binet a raison d’élargir le dialogue à toutes les forces politiques de gauche”. 

 On doit se montrer, sortir de notre local, aller au contact

Cette évolution des mentalités, ces élus d’Otis la perçoivent également : “Nos élections se déroulent début 2024 et cela se présente plutôt bien. Nous avons une bonne équipe, nous parlons à tout le monde et les cadres nous écoutent beaucoup plus qu’il y a dix ans. Eux-aussi sont concernés par la dégradation des conditions de travail, et par le problème du salaire. On doit se montrer, sortir de notre local, informer les gens en allant les voir”. 

Christophe, malgré ses 52 ans, fait partie de ces nouveaux-venus à la CGT. S’il votait pour cette étiquette syndicale aux élections professionnelles, ce formateur dans la maintenance à la RATP n’a adhéré à la CGT que depuis 6 ans, et il n’est élu du personnel que depuis seulement 2 ans. “C’est la mise en concurrence de la RATP qui m’a incité à franchir le pas”, explique-t-il, visiblement séduit par la personnalité de Sophie Binet : “Je la connais, elle était à l’Ugict, elle a la tête sur les épaules”.

“Utilisez votre bulletin de vote pour généraliser l’implantation de la CGT”

La tête sur les épaules…et pas froid aux yeux, pourrait-on ajouter, car Sophie Binet, à peine arrivée à la tribune, a apostrophé vivement, dans son discours d’une vingtaine de minutes au pied des tours du parvis, les dirigeants des multinationales : “La Défense, c’est un symbole, une fourmilière avec 180 000 salariés qui travaillent ici dont 60% de cadres. Mais la Défense, c’est aussi le travail des invisibles du secteur de la propreté, de la sécurité, du commerce, payés au lance-pierres mais pourtant indispensables. La Défense, c’est aussi un lieu de pouvoir : 1 500 entreprises ont leur siège social ici, dont 15 se situent parmi les 50 premières sociétés mondiales : Total, Saint Gobain, Société Générale, Axa, KPMG, Cap Gemini, etc. (..) C’est ici que les puissances de l’argent prennent seules des décisions qui vous concernent au quotidien, et qui impactent le quotidien environnemental, social, et économique de millions de salariés. Mais ce n’est pas inéluctable. Cela pourrait changer si les salariés étaient davantage représentés dans les conseils d’administration et si, aux élections professionnelles, nous utilisions tous notre bulletin de vote pour généraliser l’implantation de la CGT dans l’ensemble des entreprises du pays”.

Le vote CSE doit vous permettre de reprendre le pouvoir 

La secrétaire générale de la CGT, qui rappelle que 70% des salariés vont être amenés dans les mois prochains à voter pour les élections CSE, estime que ce vote “doit nous permettre de reprendre le pouvoir sur les décisions qui nous concernent et faire entendre vos exigences sociales et environnementales”. La syndicaliste déplore la baisse, de dix points depuis 2009, de la part des richesses produites attribuées aux travailleurs. Elle évalue ce manque à gagner à 9 000€ par an et par salarié : “Ca permettrait de remplir les frigos, de partir en vacances, d’offrir à nos enfants des activités sportives et culturelles”, lance-t-elle en appelant les salariés à manifester le 13 octobre prochain.

 40% des salariés n’ont pas de syndicat CGT dans leur entreprise

Reste que 40% des salariés du privé, selon l’évaluation de la secrétaire générale de la CGT, travaillent dans une entreprise où la CGT n’est pas présente dans leur entreprise, et “où l’employeur a les pleins pouvoirs”. Sophie Binet a donc lancé un appel à une syndicalisation massive, “dans la dynamique de la mobilisation contre la réforme des retraites qui a vu 150 000 salariés adhérer aux différentes organisations syndicales”, et à la création de listes de candidats aux élections.

Se syndiquer, a-t-elle lancé, “c’est le geste le plus subversif face au pouvoir de l’argent, se syndiquer, ce n’est pas soutenir une personne ou une organisation, c’est s’organiser, c’est reprendre le pouvoir sur son travail, se donner les moyens d’agir avec ses collègues, c’est redresser la tête face à son employeur et lui dire que c’est notre travail qui crée les richesses et que nous devons avoir notre mot à dire sur son contenu et son organisation”.

Droit à déconnexion, environnement et égalité F/H

La CGT, qui met en valeur ses bons résultats récents (20% chez March, un courtier en assurances, 30% chez EMA-CSF, première organisation chez Orpea), annonce ainsi présenter des listes chez Amazon. Pour enfoncer le clou sur la légitimité de son syndicat à représenter les cadres, Sophie Binet colle dans son discours à leurs préoccupations.

D’une part, elle revendique l’origine de la revendication du droit des cadres à la déconnexion, formulée dès 2014, un droit entré finalement en 2017 dans le code du travail, “mais qui reste malheureusement toujours d’actualité”. D’autre part, elle rappelle le succès du “radar travail environnement”, un outil créé par l’Ugict-CGT “afin d’évaluer l’impact environnemental d’une entreprise et porter des alternatives”. Enfin, elle insiste sur la revendication d’une réelle égalité salariale entre les femmes et les hommes : “Ce n’est plus possible d’attendre l’arme au pied. Ce n’est plus possible de payer les femmes 25% de moins que les hommes alors qu’elle sont aujourd’hui plus qualifiées. Nous le dirons le 13 octobre dans la rue et le 16 octobre lors de la conférence sociale”.

Si vous avez une mauvaise note à l’index, changez de DRH ! 

Et la secrétaire générale de demander une nouvelle fois des sanctions contre les entreprises qui discriminent les femmes, le renforcement des effectifs de l’inspection du travail, et une réforme “en profondeur” de l’index de l’égalité professionnelle : “Cet index est une tartuferie. Toutes les grandes entreprises ont 95 points à leur index. La CGT a d’ailleurs un conseil à faire à une grande entreprise qui a une mauvaise note : Changez votre DRH, car l’index est fait pour permettre à chaque entreprise d’avoir une bonne note !”

 40% des cadres seraient prêts à se syndiquer  
Réalisé par Viavoice auprès de 1 000 cadres interrogés en ligne du 23 août au 1er septembre 2023, le dernier baromètre Ugict-CGT-Secafi (lire le document en pièce jointe), rendu public hier à la Défense, montre selon le syndicat une progression du mécontentement de cette catégorie socio-professionnelle :  47% des cadres considèrent que leur rémunération n’est pas en adéquation avec leur charge de travail et leur implication 17% des cadres assurent n’avoir eu aucune augmentation salariale 54% des cadres ayant bénéficié d’une augmentation jugent que celle-ci n’a pas maintenu leur pouvoir d’achat. Par ailleurs, 71% des cadres disent travailler au-delà de 40 heures par semaine et un cadre sur deux dit travailler sur ses jours de repos. Un chiffre a par ailleurs été souligné hier par la CGT : 49% des cadres souhaitent une réduction de leur temps de travail et 8 cadres sur 10 plébiscitent la semaine de 4 jours. Enfin, 40% des cadres disent être prêts à se syndiquer pour gagner des augmentations de salaire et un cadre sur trois (32%), insiste l’Ugict, perçoit la CGT comme une organisation “efficace pour défendre la CGT”. Une progression de 8 points en un an saluée hier par Sophie Binet.

Bernard Domergue

Pour FO, le budget de l’Etat pour 2024 va faire baisser le pouvoir d’achat des plus modestes

29/09/2023

Présenté mercredi en conseil des ministres, le projet de loi de finances 2024 est jugé “incohérent et contradictoire” par Force ouvrière. La confédération estime que le gouvernement s’enferme dans des promesses intenables car contradictoires : “Il nous promet de lutter contre l’inflation tout en mettant fin au bouclier tarifaire, d’investir «massivement» dans la transition écologique et dans les services publics tout en réduisant les dépenses de l’Etat, de réduire le déficit public sans hausse d’impôts”.

FO estime que ce budget va “accélérer la dégradation des services publics” et qu’il aura des effets négatifs sur le pouvoir d’achat des plus modestes avec la fin du bouclier énergétiques qui représentait une dépense de 15 milliards d’euros. Le syndicat dénonce également une économie d’un milliard d’euros réalisée sur la politique de l’emploi via la diminution du nombre de contrats aidés et des moyens dédiés à la formation des demandeurs d’emplois.

Et FO de déplorer l’absence de prise en compte par le gouvernement des “enjeux liés à la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscale, à la fiscalité du patrimoine ou encore à la conditionnalité des aides aux entreprises”.  

Source : actuel CSE