Un accord collectif ne peut pas octroyer des modes de communication spécifiques aux seuls syndicats représentatifs

18/03/2025

Tous les syndicats ayant constitué une section syndicale peuvent diffuser des informations syndicales dans l’entreprise. Réserver, par voie d’accord collectif, certains modes de communication aux seuls syndicats représentatifs, est contraire au principe d’égalité de traitement.

Les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise peuvent être définies par un accord d’entreprise (article L2142-6 du code du travail). L’existence d’un tel accord est indispensable notamment pour permettre aux syndicats d’utiliser la messagerie électronique de l’entreprise.

À défaut d’accord, depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les syndicats peuvent quand même, sous certaines conditions (indépendance, respect des valeurs républicaines et constitution légale depuis au moins 2 ans), mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe (art. L2142-6 du code du travail).

► À noter que dans tous les cas, l’utilisation par les syndicats des outils numériques mis à leur disposition doit :

– être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;

– ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise ;

– et préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.

Lorsqu’un accord collectif est conclu et qu’il permet à l’ensemble des syndicats d’utiliser la messagerie électronique pour communiquer et de disposer d’un espace syndical accessible depuis l’intranet, peut-il en outre réserver des modalités de communication spécifiques au profit des seuls syndicats représentatifs ?

La Cour de cassation répond par la négative dans un arrêt du 12 mars 2025.

L’affaire est née de la conclusion d’un accord collectif de groupe réunissant 17 sociétés et d’un avenant portant sur le même périmètre comportant, l’un et l’autre, des dispositions accordant des moyens de communication électronique spécifiques au profit des seuls syndicats représentatifs.

Le premier, relatif aux nouveaux modes d’organisation du travail et à leurs conséquences sur les conditions de vie au travail, prévoyait pour les syndicats représentatifs la possibilité exceptionnelle d’adresser un courriel à l’ensemble des collaborateurs, selon des formes et des modalités définies par l’accord.

L’avenant à l’accord de groupe relatif au droit syndical et à la négociation collective ajoutait une disposition selon laquelle “la direction de la communauté s’engage à négocier les moyens spécifiques de communication qui seront attribués aux organisations syndicales représentatives présentes à la négociation afin de leur permettre de communiquer, de manière électronique, sur le thème ayant fait l’objet de la négociation”.

Un syndicat non représentatif mais disposant d’une section syndicale, assigne en justice les sociétés et syndicats signataires de ces accord et avenant en invoquant la nullité des dispositions réservant aux seules organisations syndicales représentatives le bénéfice de certaines communications syndicales électroniques. Il demande en outre au juge de condamner les sociétés à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice porté à ses intérêts et à l’intérêt collectif de la profession.

La négociation des accords ne justifie pas l’octroi de modes de communication spécifiques

En appel, le syndicat non-signataire est intégralement débouté de ses demandes. La cour estime que la différence de traitement instaurée par les dispositions conventionnelles entre les syndicats représentatifs et les autres syndicats est “justifiée par la situation différente dans laquelle se trouvent les organisations syndicales représentatives qui participent à la négociation des accords collectifs”. Elle ajoute que “le lien permettant d’accéder à l’espace syndical des organisations syndicales représentatives est un accessoire à cette communication”.

L’argument pouvait sembler cohérent dès lors que la possibilité de communiquer de manière électronique par l’envoi de courriel à l’ensemble des collaborateurs était expressément prévue, selon les dispositions conventionnelles, “afin de leur permettre de communiquer (…) sur le thème ayant fait l’objet de la négociation”. Les syndicats non représentatifs ne participant pas, par essence, à la négociation, pouvaient n’avoir pas vocation à communiquer sur les résultats de cette négociation ni même sur le thème objet de la négociation.

C’était oublier le principe constitutionnel d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, rappelé avec force par la chambre sociale qui censure le raisonnement des juges d’appel.

La diffusion des communications syndicales est liée à la seule constitution d’une section syndicale

Au visa des articles L 2142-3 à L 2142-7 du Code du travail et du principe d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, la Haute Juridiction confirme que certains modes de communication, plus précisément, en l’espèce « les facilités prévues par une convention ou un accord collectif permettant de rendre accessibles, sous forme de lien, les sites syndicaux mis en place sur l’intranet de l’entreprise, ne peuvent, sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, être réservées aux seuls syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise dès lors que l’affichage et la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d’une section syndicale, laquelle n’est pas subordonnée à une condition de représentativité”.

► À noter qu’il s’agit d’une confirmation (Cass. soc. 23-5-2012 n° 11-14.930). La Haute juridiction avait déjà jugé qu’un accord sur les communications syndicales, ne peut pas réserver aux seuls syndicats représentatifs l’accès aux moyens de communication permettant la diffusion d’informations syndicales, qui doit bénéficier à tous les syndicats ayant créé une section syndicale (Cass. soc. 21-9-2011 n° 10-23.247 ; 11-1-2012 n° 11-14.292 ; CE 1-6-2015 n° 369914).

Il avait aussi été précisé que l’éventuel accord sur les communications syndicales doit respecter le principe de non-discrimination syndicale et, à ce titre, bénéficier tant aux syndicats signataires qu’aux syndicats non-signataires (Circ. DRT 9 du 22-9-2004 ; TGI Nanterre 31-5-2002 n° 02-3795), ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

Ces solutions avaient été rendues sous l’empire de l’article L 2142-6 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, alors que l’existence d’un accord d’entreprise était non seulement un préalable à l’utilisation de la messagerie électronique de l’entreprise mais aussi à la mise à disposition de publications sur un site syndical via l’intranet de l’entreprise.

Dans son avis, Mme Canas, avocate générale, rappelle que  si, “à l’origine, le régime de la liberté d’affichage et de diffusion des communications syndicales institué par l’article 5 de la loi du 27 décembre 1968 ne s’appliquait qu’aux syndicats représentatifs, qui seuls se voyaient reconnaître le droit de constituer une section syndicale au sein de l’entreprise (…), la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a profondément modifié la donne, le législateur ayant été conduit à reconnaître aux syndicats non représentatifs mais qui sont susceptibles de le devenir, des prérogatives jusqu’alors réservées aux syndicats représentatifs et, en particulier, le droit de constituer une section syndicale”.

Selon cet avis de l’avocate générale, “il s’ensuit qu’un accord collectif portant sur les moyens de diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise ne peut instituer une différence de traitement entre les syndicats représentatifs et les syndicats non représentatifs, qui disposent l’un et l’autre du droit de constituer une section syndicale et, par suite, du droit de diffuser des informations syndicales auprès des salariés”.

À notre avis la solution inverse aurait été contraire à la volonté du législateur, comme le soulignait déjà un commentaire de l’arrêt du 21 septembre 2011 :  “Un accord collectif peut d’autant moins rompre cette égalité qu’en autorisant désormais la constitution de sections syndicales par des syndicats non représentatifs, le législateur entend permettre à ces organisations de s’implanter dans les entreprises en y développant une action de proximité dans l’espoir de voir les électeurs la ratifier, ensuite, en leur conférant la qualité d’organisation représentative. Limiter, voire refuser, l’accès des syndicats non représentatifs aux moyens de diffusion de l’information syndicale dans l’entreprise apparaît donc, dans cette perspective, contraire à la volonté même du législateur”.

Tous les syndicats ayant constitué une section syndicale doivent donc disposer des mêmes droits et moyens de communication à l’égard des salariés y compris sur les thèmes faisant l’objet des négociations collectives bien que seuls les syndicats représentatifs y participent.

L’arrêt d’appel est cassé et annulé et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Audrey Gauvin-Fournis

La métallurgie CGT s’inquiète du démantèlement du réseau téléphonique en cuivre

18/03/2025

D’ici 2030, l’opérateur Orange doit déposer le réseau téléphonique actuellement en cuivre pour le remplacer par de la fibre optique. La décision a été prise conjointement avec l’État (notamment l’Arcep, autorité de régulation de la téléphonie en France) et les autres opérateurs commerciaux en 2023.

Cette mutation inquiète la fédération CGT de la métallurgie. Elle craint “un risque accru de fracture numérique” ainsi que l’externalisation de milliers d’emplois qui en découlent et pourraient bien être attribués à des entreprises sous-traitantes où les salariés travaillent dans des conditions très souvent dégradées, avec des droits et garanties moins-disants”. Elle réclame également un recyclage du cuivre au lieu d’une vente au plus offrant et ajoute : “La dépose du réseau est une opportunité, pour la France, d’assurer sa souveraineté, pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière de cuivre”.

Elle appelle enfin à “une véritable politique industrielle pour développer une filière souveraine des métaux stratégiques afin d’anticiper la transition énergétique”.

Source : actuel CSE

Précisions sur la contestation de la désignation du représentant syndical au CSE

20/03/2025

Les conditions de validité de la désignation du représentant syndical au CSE s’apprécient à la date de cette désignation. Et les requêtes en contestation sont recevables dans les 15 jours suivant cette désignation, quel que soit le motif fondant l’irrégularité invoquée.

Dans les entreprises de 300 salariés et plus, chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement peut désigner un représentant syndical au comité (RS au CSE). Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise et doit remplir les conditions d’éligibilité au CSE (C. trav., art. L. 2314-2). Rappelons aussi que dans les entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical est de droit le RS au CSE et qu’il n’y a donc pas de désignation spécifique dans ce cadre.

L’arrêt publié du 12 mars 2025 apporte plusieurs précisions inédites sur la contestation de cette désignation.

Un syndicat réitère sa désignation contestée d’un RS au CSE

Dans cette affaire, les élections professionnelles sont organisées dans une UES (unité économique et sociale). Celle-ci est dotée, par accord, d’un CSE central (CSEC) et de 11 CSE d’établissement (CSEE), le critère de rattachement des salariés étant uniquement géographique, en fonction de leur lieu de travail.

Un candidat non-élu est désigné par le syndicat CFE-CGC comme RS au CSEE Île-de-France/Hauts-de-France par courrier du 6 juin 2023. Les sociétés composant l’UES et un syndicat (FO) contestent cette désignation au motif que ce salarié n’était pas rattaché à l’établissement dans lequel il a été désigné. Le syndicat FO ayant également saisi le tribunal judiciaire en demandant l’annulation de sa candidature pour non-respect des règles d’éligibilité pour le même motif.

Le tribunal judiciaire les déboute. Le 25 septembre 2023, le syndicat CFE-CGC désigne à nouveau le même salarié comme RS au même CSEE. Les sociétés composant l’UES et le syndicat FO saisissent à nouveau le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cette seconde désignation.

Cette fois-ci, le tribunal fait droit à la demande : pour lui, d’une part, la requête est recevable, et d’autre part, le salarié n’appartenant pas à l’établissement dans lequel il est désigné, cette désignation doit être annulée.

La Cour de cassation donne raison au tribunal

Le délai de contestation court à compter de chaque désignation successive

Pour le syndicat désignataire, la condition d’éligibilité fondée sur l’irrégularité de l’inscription sur une liste électorale est recevable lorsqu’elle est faite dans les 15 jours suivant l’élection. Elle est donc purgée de tout vice à l’expiration de ce délai de forclusion. Il en déduit que la contestation de la désignation du RS au CSEE sur ce motif est irrecevable.

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle explique qu’il résulte de l’article R. 2314-24 du code du travail que lorsque la contestation porte sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les 15 jours suivant cette désignation, et ce, quel que soit le motif fondant l’irrégularité invoquée.

► Remarque : à noter que le point de départ du délai de contestation correspond à la date de communication du nom du représentant syndical pour l’employeur soit par lettre remise contre récépissé, soit par lettre avec accusé de réception (LRAR), tandis que pour les autres syndicats ou les salariés, le délai ne court que du jour où le nom du représentant syndical a été porté à leur connaissance (notamment : par affichage sur les panneaux réservés aux communications syndicales (Cass. soc., 17 déc. 1984, n° 84-60.501), ou lors d’une réunion du comité, à laquelle assistait le nouveau représentant syndical (Cass. soc.,5 mars 1986, n° 85-60.492Cass. soc., 10 oct. 2012, n° 11-60.225).

La chambre sociale ajoute que le délai de contestation de la désignation du salarié en qualité de représentant syndical court à compter de chacune des deux désignations successives. Les requêtes ayant été introduites dans les 15 jours suivant la connaissance par l’employeur et le syndicat FO des désignations litigieuses, sont donc recevables (Ndlr : signalons au passage qu’on ne sait pas pourquoi le syndicat a réitéré sa désignation, alors qu’apparemment la première n’avait pas été annulée par le tribunal judiciaire).

Les conditions de validité de la désignation sont appréciées à la date de celle-ci

Le syndicat CFE-CGC conteste ensuite l’annulation de la désignation de son RS au CSE au motif que le salarié n’appartenait pas au personnel de l’établissement dans lequel il avait été nommé. Pour le syndicat des cadres, en vertu de l’article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative peut choisir son RS au CSE dans le personnel de l’entreprise, peu importe l’appartenance à l’établissement.

Mais la Cour de cassation donne raison au tribunal judiciaire. 

Elle explique tout d’abord que les conditions de validité de la désignation d’un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation.

Puis elle précise qu’à cette date, lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au CSE d’un établissement doit travailler dans cet établissement.

► Remarque : à noter que la Cour de cassation avait déjà décidé que dans le cas où l’établissement dans lequel travaille le salarié est rattaché à un autre pour les élections professionnelles, le salarié ne peut être désigné en qualité de représentant syndical qu’au comité de cet établissement (Cass. soc.,12 juill. 2016, n° 15-21.679). Précisons également que le délégué syndical ne peut lui aussi être désigné que dans l’établissement dans lequel il travaille (Cass. soc., 14 févr. 1980, n° 79-60.317Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-20.029).

Enfin, la Cour de cassation constate qu’à la date des désignations litigieuses, le lieu de travail du salarié était rattaché à l’établissement Siège/Stereau, et non à l’établissement Île-de-France/Hauts-de-France. Ces désignations doivent donc être annulées.

► Remarque :  on ne sait pas pourquoi le salarié a été inscrit sur les listes électorales de l’établissement Île-de-France/Hauts-de-France, et pas sur celles de l’établissement Siège/Stereau. Y a-t-il eu une erreur dès le départ ? Le salarié a-t-il été muté ? Dans tous les cas, le salarié ne peut pas être désigné comme RS au CSE d’un établissement dans lequel il ne travaille pas à la date de sa désignation. En revanche, on peut en déduire qu’il pourrait être désigné au CSE de l’établissement auquel il appartient selon le découpage adopté lors de la mise en place du CSE (ici géographique, mais peut être fonction du type d’activité par exemple), sous réserve que le syndicat y soit représentatif.

Séverine Baudouin