[Infographie] Représentativité : la hiérarchie syndicale ne change pas mais…
09/04/2025
À l’issue du nouveau cycle de mesure de l’audience, la CFDT maintient sa première place dans le privé, devant la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, les cinq syndicats restant représentatifs. Mais derrière l’apparente stabilité, ce sont la CFE-CGC et l’Unsa qui engrangent la plus forte progression de voix. Côté patronat, le Medef demeure incontournable.
Commençons par une bonne nouvelle : le taux de participation aux élections des CSE progresse de 1,3 point pour atteindre 58,8 %, “un signal positif” pour la CFDT, surtout “dans une période où la confiance dans les institutions est trop souvent malmenée”.
On peut aussi y voir l’effet d’une forme de retour à la normale. Le précédent cycle avait été marqué par la crise sanitaire mais aussi par la mise en place du CSE, avec des problèmes d’organisation de certaines élections. Mais comme la mesure de la représentativité syndicale prend aussi en compte le scrutin des très petites entreprises (TPE) et des chambres d’agriculture, où l’abstention est très forte, la pondération moyenne donne un bien faible 36,5 % de taux de participation (*).
La CFDT maintient son écart
Venons-en maintenant aux résultats (pour le détail, voir ci-dessous notre infographie).
Disons-le tout de suite : par rapport à la photo de 2021, la hiérarchie syndicale n’est pas modifiée. Bien que perdant 44 000 voix par rapport au précédent cycle, la CFDT maintient sa première place, avec un poids relatif de 30,83 %, soit une petite érosion de – 0,8 point (voir ci-dessous sur la notion de poids relatif).
La seconde organisation, la CGT (25,76 %, soit – 0,8 point), accuse 66 000 voix de moins. FO (35 600 voix en moins) se maintient en troisième position (- 0,3 point, à 17,29 %) mais voit à ses portes débarquer la CFE-CGC, qui, en gagnant 36 000 suffrages, passe d’un poids relatif de 13,7 % à 15.02 %. Vient ensuite la CFTC, quasi-stable (11,10 %, soit +0,10). Derrière, en dépit de sa progression (+ 15 200 voix), l’Unsa n’est toujours pas représentative au niveau national interprofessionnel. Mais avec 6,45 %, elle se rapproche encore de la barre fatidique des 8 %, loin devant Solidaires (3,75 %).
Rappel : cette mesure de l’audience électorale sert de base à la reconnaissance de la représentativité syndicale depuis la loi de 2008. Elle conditionne donc la capacité ou non des organisations syndicales (OS) à signer : – un accord d’entreprise (un accord n’est valable que s’il rassemble la signature d’OS représentant plus de 50% des suffrages exprimés, sauf dans certains cas si un référendum valide un accord signé par des OS représentant au moins 30%); un accord de branche (30%) ou un Ani, – un accord national interprofessionnel (30%). Un syndicat est reconnu représentatif s’il obtient au moins 10% des suffrages dans l’entreprise et au moins 8% dans les branches et au niveau national. Au niveau des branches et au niveau national, les poids électoral qui est reconnu est appelé « poids relatif » : il s’obtient en recalculant les scores obtenus par les syndicats une fois exclues les organisations n’ayant pas obtenu au moins 8% (voir notre infographie ci-dessous). Ce poids est donc important puisqu’il contribue à creuser les écarts. Ces seuils permettent à un syndicat de signer des accords collectifs ou de s’y opposer, puisque des OS représentant plus de 50% des suffrages peuvent s’opposer à un accord de branche ou à un accord national interprofessionnel. |
Au vu de ces résultats, difficile de dire si le renouvellement des secrétaires généraux de plusieurs confédérations (Marylise Léon à la CFDT et Sophie Binet à la CGT) a joué, il est sans doute trop récent pour avoir déjà modifié les comportements électoraux. En revanche, le conflit des retraites, à l’origine d’un regain d’adhésions syndicales enregistré par les confédérations, a pu provoquer un surcroit de mobilisation électorale qui se traduit dans les chiffres de la participation aux élections CSE. Mais on reste frappé, au global, par l’érosion constante des scores des principales organisations : depuis 2013, la CGT a perdu 269 000 voix, FO 78 000, la CFDT 17 000, alors que la CFE-CGC en a gagné 155 000 et l’Unsa près de 100 000. Une évolution qui illustre sûrement la montée en puissance des cadres dans la population salariée.
Les réactions syndicales
► La CFDT se réjouit de voir les salariés la porter, “pour la troisième fois”, en tête de la mesure d’audience. Une place que le syndicat explique par son travail de proximité “dans tous les secteurs professionnels et tous les bassins d’emplois pour écouter, accompagner et défendre les salariés”.
► La CGT souligne sa place de 2e organisation et sa représentativité assurée dans 218 branches, “soit 9 branches sur 10”, tout en mettant en avant l’augmentation des cadres et des professions intermédiaires dans les grandes entreprises, une évolution qui ne lui est pas favorable, tout comme la baisse de l’emploi industriel et le recours à la sous-traitance.
Le syndicat s’inquiète des pertes de voix de la plupart des organisations, qu’elle attribue notamment “aux déserts syndicaux” et à l’abstention massive aux élections TPE. La confédération demande au ministère du travail l’ouverture d’une concertation. Avec au menu : “le point sur le nouveau mode de mesure (Ndlr : de l’audience syndicale) instauré en 2013”, “un bilan des ordonnances Macron”, “la discrimination syndicale”, “la représentativité sous les 50 salariés” ainsi que “l’organisation du scrutin sous forme électronique”.
► À FO, Karen Gournay déplore la très faible participation au scrutin TPE “qui a conduit à la baisse de l’audience des organisations syndicales”, mais elle note que FO sera présente dans 73 % des branches avec 13 braches supplémentaires.
► La CFTC insiste sur sa progression par rapport aux trois premiers cycles de mesure de l’audience. “La CFTC continuera à peser, durant les quatre prochaines années, dans toutes les négociations interprofessionnelles, qu’il s’agisse de l’assurance chômage ou des retraites”, indique la confédération dans un communiqué.
► La CFE-CGC, avec 21,75 % des suffrages dans son champ statutaire de l’encadrement, ne peut que se féliciter de sa progression : “En quatre ans, la CFE-CGC, quatrième organisation syndicale du pays, a progressé de plus de 36 000 voix. Elle conforte ainsi sa représentativité au niveau national interprofessionnel et donc sa capacité à négocier et signer des accords collectifs au plus haut niveau conventionnel”.
► L’Unsa, bien que non représentative, se félicite de sa progression (+0,46 point) : “Quand la majorité des autres organisations baissent ou stagnent, l’UNSA connaît la deuxième meilleure progression sur l’ensemble du champ des salariés du privé. Depuis 2008 pour les salariés du privé et 2010 pour les agents du public, l’UNSA est la seule organisation qui progresse à chaque scrutin. Elle conforte ainsi sa cinquième place au cumul des voix public et privé”.
► Solidaires dit avec satisfaction pouvoir décrocher sa représentativité dans 38 branches et progresser dans des secteurs comme l’animation. Mais “avec 183 440 voix et 3,75%”, Solidaires souligne aussi “le chemin qui reste à parcourir pour le développement de notre syndicalisme” puisque, sur le 3e cycle, “seulement 18% des salariés pouvaient voter pour une liste de Solidaires”.
Les résultats patronaux
Côté patronal, au grand dam de la CPME (qui revendique 243 700 entreprises adhérentes mais seulement 549 000 salariés), le Medef (149 000 entreprises adhérentes couvrant 10,8 millions de salariés) reste incontournable pour les négociations nationales interprofessionnelles. Avec un poids de plus de 63 %, le Medef peut s’opposer à tout accord signé contre sa volonté. L’U2P, l’organisation des artisans et des professions libérales, représente pour sa part 4,53 %. Rappelons que pour être représentative une organisation patronale doit représenter au moins 8 % de l’ensemble des entreprises qui adhérent à une organisation d’employeur, ou au moins 8 % des salariés employés par ces mêmes entreprises.
Les prochains arrêtés
Les arrêtés de représentativité devraient être publiés d’ici fin juin pour le niveau national interprofessionnel ainsi que pour les plus importantes branches professionnelles, les autres arrêtés de branche étant échelonnés de juin à décembre 2025.
(*) Ces résultats ont été présentés mardi 8 avril aux partenaires sociaux par la Direction générale du travail lors d’un Haut conseil du dialogue social. Les chiffres agrègent les résultats des élections CSE dans les entreprises d’au moins 11 salariés entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2024, du scrutin TPE de novembre et décembre 2024, et des élections des conseils d’administration des chambres d’agriculture de janvier 2025. Pour la première fois, les résultats de l’audience syndicale et de l’audience patronale étaient présentés ensemble. Contrairement aux cycles précédents, aucune conférence de presse n’avait été prévue pour la présentation de ces résultats, officialisés par un simple communiqué.
Bernard Domergue
Représentativité : et maintenant ?
10/04/2025
Après la publication par le Haut comité du dialogue social des estimations de l’audience syndicale, la Direction générale du travail (DGT) prépare les arrêtés de représentativité. En juin devraient être publiés les arrêtés de représentativité nationaux interprofessionnels ainsi que les arrêtés de 8 conventions collectives pour les organisations syndicales et de 15 pour les organisations patronales. Explications.
Après la première estimation de l’audience des organisations syndicales et patronales (lire notre article), la Direction générale du travail (DGT) travaille maintenant à la préparation des arrêtés fixant la représentativité des partenaire sociaux, au niveau national interprofessionnel mais aussi dans les branches.
Le processus prévu
► En juin devrait paraître l’arrêté de représentativité au niveau national interprofessionnel des organisations syndicales ainsi que leur poids relatif (a priori : la CFDT avec 30,83 %, la CGT avec 25,76 %, FO avec 17,29 %, la CFE-CGC avec 15,02 %, la CFTC avec 11,10%).
Cet arrêté nécessite pour l’administration d’établir la représentativité, et donc l’audience, des organisations syndicales dans quatre secteurs principaux : l’industrie, la construction, le commerce et les services (art. L. 2122-9 du code du travail). Pour ce faire, l’administration a choisi de prendre comme référence 8 grandes conventions collectives, qui verront donc la représentativité des organisations syndicales également fixée en juin, alors que les autres branches verront leurs arrêtés être publiés de juin à décembre, sachant que la DGT a communiqué les premières estimations des résultats de 250 branches aux membres du Haut conseil au dialogue social.
► Ces 8 conventions sont les suivantes :
- [Industrie] Industries alimentaires diverses (IDCC n° 3109) ;
- [Industrie] Industries textiles (n° 0018) ;
- [Construction] Travaux public cadre (n° 3212) ;
- [Construction] Travaux publics ETAM (n° 2614) ;
- [Commerce] Habillement, mercerie, chaussure, jouet, commerce de gros (n° 0500) ;
- [Commerce] Commerce détail et gros à prédominance alimentaire (n° 2216) ;
- [Services] Banque (n° 2120) ;
- [Services] Transports routiers (n° 0016).
► De la même façon, l’administration doit, pour établir la représentativité patronale en vue des arrêtés également prévus en juin, se fonder sur l’audience patronale établie dans 15 conventions collectives de 4 secteurs (art. L. 2152-4, 2 du code du travail). Celles-ci sont les suivantes :
- [Construction] : Travaux publics ;
- [Construction] : Bâtiment TP La Réunion ;
- [Industrie] : Dentaire Laboratoires Prothèses (n° 993) ;
- [Industrie] : Vin Cidre Jus Fruits Industrie commerce (n° 493) ;
- [Industrie] : Ameublement (n° 1411) ;
- [Industrie] : Cartonnage Industrie – Instruments à écrire (n° 489) ;
- [Services] : Couture région parisienne (n° 303) ;
- [Services] : Banques (n° 2120) ;
- [Services] : Activités de marchés financiers (n° 2931 ) ;
- [Services] : Expertises en automobiles (n° 1951) ;
- [Services] : Aéraulique Installation Réparation (n° 1412) ;
- [Commerce] : Confiserie Chocolaterie Biscuiterie détail (n° 1286) ;
- [Commerce] : Charcuterie commerce (n° 953) ;
- [Commerce] : Chaussure commerce détaillants (n° 733) ;
- [Commerce] : Horlogerie bijouterie commerce détail (n° 1487).
Elections CSE et scrutin TPE
Joint hier après-midi, Pierre Ramain, le Directeur général du travail, nous a par ailleurs expliqué ne pas disposer de chiffres précis sur le taux de participation des élections CSE d’au moins 50 salariés, mais la moyenne indiquée pour les élections dans les entreprises hors scrutin TPE et chambres d’agriculture (moyenne de 58,8 %, soit 1,3 point de mieux que le précédent cycle) concerne beaucoup de comités de cette taille, car les constats de carence sont très nombreux sous les 50 salariés pour le premier tour.
Interrogé sur les demandes de la CGT d’une révision de la mesure d’audience et notamment du scrutin TPE, le DGT renvoie, pour le premier point, à la latitude qu’ont les partenaires sociaux de revoir la position commune de 2008 qui a fondé la réforme de la représentativité syndicale. Sur le scrutin TPE, Pierre Ramain explique que le Haut conseil du dialogue social va étudier les retours d’expérience et réfléchir comment améliorer la participation à cette élection : “Est-ce que cela signifie faire évoluer les textes, les modes de campagne, l’organisation du scrutin ? Les membres du Haut conseil vont y travailler en 2025”.
Bernard Domergue
La CPME conteste toujours la méthode fixant l’audience des organisations patronales
10/04/2025
Lors du Haut conseil au dialogue social, mardi 8 avril, la Direction générale du travail a présenté ses calculs pour établir l’audience et donc la représentativité des organisations syndicales et patronales. Côté patronal, le Medef reste incontournable avec un poids de plus de 63,42 % (contre 66,3 % dans le cycle précédent) acquis du fait du nombre de salariés représentés par ses entreprises adhérentes (10,8 millions de salariés dans 149 000 entreprises) . Autrement dit, il pourra s’opposer à tout accord signé contre sa volonté.
Ce n’est pas le cas en revanche de la CPME, créditée d’un poids de 32,05 % (au lieu de 25,54 % dans le cycle précédent). L’organisation patronale des petites et moyennes entreprises estime que cette estimation ne reflète pas son poids réel dans la mesure où est seulement pris en compte l’audience résultant du nombre des salariés des entreprises adhérentes à une organisation patronale (548 000 salariés employés dans les 244 000 entreprises adhérentes à la CPME) . “Avec 243 709 entreprises adhérentes, la CPME fait la course en tête du nombre d’entreprises adhérentes, bien loin devant le Medef (148 914 entreprises)”, a réagi la confédération qui revendique la place de “première organisation patronale de France.
Source : actuel CSE